07/11/2013 Par Florentin Collomp – LeFigaro.fr
Les patrons du MI5, du MI6 et du GCHQ, interrogés pour la première fois en public par une commission parlementaire, jugent « très dommageables » les révélations de l'ex-agent américain Edward Snowden et justifient leurs méthodes.
Depuis les révélations d'Edward Snowden sur l'espionnage à grande échelle par les services secrets américains et britanniques, al-Qaida est «enchantée» et «nos adversaires se frottent les mains de joie», affirme le patron du MI6, John Sawers.
Son homologue du service de renseignement électronique GCHQ (Government Communications Headquarters) dit même avoir entendu des terroristes, au Moyen-Orient et en Afghanistan, discuter de ces fuites et de nouvelles méthodes pour échapper à la surveillance occidentale. «La couverture médiatique de ces fuites a rendu notre travail beaucoup plus difficile», s'alarme son directeur, Iain Lobban.
L'audition jeudi après-midi des trois chefs du renseignement britannique par une commission parlementaire était historique par nature. Elle était retransmise à la télévision avec un décalage de deux minutes, au cas où une information confidentielle leur aurait échappé. Précaution inutile, tant les maîtres espions avaient rodé leurs arguments. Au lieu d'un interrogatoire en règle sur la surveillance généralisée des citoyens, la séance d'une heure et demie s'est transformée en plate-forme leur permettant de contre-attaquer pour défendre le bien-fondé de leur action. Aidés, il est vrai, par les questions complaisantes des membres de la commission du renseignement, dont la légitimité est elle-même contestée puisqu'ils ont été nommés par le premier ministre.
Andrew Parker, patron du MI5, l'a martelé à plusieurs reprises: «Nous travaillons dans le cadre de la loi.» Les trois directeurs ont souligné combien leur convenait le cadre légal actuel, pourtant jugé obsolète car datant, pour l'essentiel, du XXe siècle. «C'est aux politiciens d'en décider. Si le Parlement veut changer la loi, très bien», affirme Iain Lobban, tout en admettant être «inquiet» de la réflexion entamée en la matière par les États-Unis. «Si on diminue notre capacité d'utiliser les technologies, on va réduire notre avantage», plaide John Sawers, du MI6.
Le patron du très secret GCHQ tente de justifier la généralisation des interceptions électroniques à l'aide d'une métaphore: «Quand on cherche une aiguille dans une botte de foin, on doit ramasser énormément de foin, mais on met de côté tout le foin qui n'est pas nécessaire», promet Lobban. Autrement dit, «si vous êtes un terroriste ou un délinquant, il y a des chances que vos conversations soient écoutées, mais si vous ne l'êtes pas ou n'êtes pas en contact avec eux, vous n'êtes pas écoutés».
Les patrons du renseignement balayent les critiques sur leurs échecs à anticiper les attentats ou le printemps arabe. Selon le directeur du MI5, depuis les attentats de 2005, 34 complots terroristes au Royaume-Uni, «dont un ou deux majeurs chaque année» ont été déjoués. Pour le MI5 et le MI6, la menace ne cesse d'augmenter et de se diversifier. Leurs chefs soulignent notamment leur inquiétude face aux «centaines» de Britanniques qui combattent en ce moment en Syrie.