10/12/2013 Par Adrien Jaulmes – LeFigaro.fr
Deux soldats français sont morts dans la nuit de lundi à mardi à Bangui. Dès ce matin, nombre de patrouilles françaises ont été suspendues dans la capitale de Centrafrique, où est attendu le président Hollande.
La situation évolue très vite à Bangui. Après la mort dans la nuit de deux soldats français du 8ème RPIMa, les patrouilles françaises ont quasiment cessé en ville, mardi depuis le début de la matinée. Les hélicoptères français survolent Bangui, mais dans les rues, on croise surtout les camionnettes camouflées des ex-Séléka chargées de combattants, qui sont ressortis des casernes où ils étaient cantonnés. Souvent assez agressifs, très critiques envers la France, ils interviennent dans les quartiers où la population non-musulmane avait commencé à profiter de leur absence pour se livrer à du pillage et à des attaques contre des mosquées.
Dans le quartier ‘Combattants', qui commence juste à la sortie de l'aéroport M'Poko, la foule a pillé les boutiques musulmanes du marché, avant d'être dispersés par les ex-Séléka.
Les opérations de désarmement débutées lundi par les soldats français dans les rues semblent avoir cessé. Ces actions avaient eu pour conséquence de donner le signal de la revanche aux foules de non-Musulmans, qui suivaient les soldats français pour se livrer à des exactions contre les Musulmans, une fois ceux-ci désarmés.
Tireurs d'élites à l'aéroport
François Hollande a annoncé lundi matin une escale surprise en Centrafrique, à son retour d'Afrique du Sud. Le président français atterrira au beau milieu d'une situation qui se détériore à grande vitesse. L'aéroport de M'Poko, base militaire, camp de réfugiés et dernier lien de Bangui avec le monde extérieur, offre un bon résumé du casse-tête que la France doit tenter de résoudre en RCA.
Le terminal et le camp militaire voisin abritent les troupes françaises et les contingents africains de la FOMAC, soit environ 3000 hommes en tout, retranchés derrière des barbelés. Des tireurs d'élite français et des postes de tir de missiles Milan font le guet sur le toit de l'aéroport.
Dans les hangars de l'aéroclub, dans les herbes qui entourent la piste, et jusque sur une partie du tarmac, M'Poko est aussi devenu un vaste camp de réfugiés. Plus de 10.000 habitants de divers quartiers de Bangui, terrorisés par les exactions de l'ex-Séléka, sont venus se réfugier à proximité des positions françaises. La situation sanitaire se détériore très rapidement, en l'absence de latrines, d'eau potable et de logement. Les gens, hommes, femmes et enfants, dorment sous les avions dans les hangars, dans l'herbe, à même le sol, ou dans des abris fait d'herbes tressées.
Pour corser le tout, se trouvent parmi ces réfugiés de nombreux jeunes hommes, souvent ex-FACA (Forces Armées Centrafricaines), qui brûlent de se venger sur les ex-Séléka, dès que ces derniers auront été désarmés par les Français. Et, pour faire bonne mesure, sur n'importe quel musulman. Les ex-Séléka accusent évidemment la France de se faire complice d'assassins en puissance.
La position ambiguë de Djotodia
Si François Hollande sort du périmètre de M'Poko, passe le panneau Bienvenue à Bangui, il entrera directement dans le quartier ‘Combattants', où ont eu lieu les plus violents combats entre paras français et éléments de l'ex-Séléka, et aussi des pillages et lynchages contre les Musulmans. Ailleurs dans Bangui, rumeurs de violences interconfessionnelles, mosquées brûlées et pillages divers, alimentent le cycle de la peur et de la violence.
On ignore si le président de transition centrafricain, Michel Djotodia, rencontrera ou non François Hollande. Le président français avait annoncé au sommet de l'Élysée, la semaine dernière, qu'on ne pouvait «pas laisser en place» «un président qui n'a rien pu faire, qui a laissé faire». Depuis, Laurent Fabius et l'ambassadeur de France en Centrafrique ont rassuré Djotodia, en lui garantissant qu'il restera jusqu'à la fin de la période de transition.
La position de Djotodia est ambiguë. Il a été porté au pouvoir par les mêmes milices qu'on lui demande aujourd'hui de désarmer. Ces milices de l'ex-Séléka se sont, par leur brutalité et leurs exactions, aliénées la majorité non-musulmane de Bangui. Mais elles constituent pour Djotodia le dernier rempart de son pouvoir, voire même de sa sécurité personnelle, puisqu'il vit sous leur protection (et sous leur influence) dans l'enceinte du camp de Roux.