Contrairement à une réputation brossée à la hâte et au rôle boursouflé que certains experts ont bien voulu lui prêter, Naamen Meziche ne semble en rien un cadre, encore moins un quelconque «pivot» d'al-Qaida. En revanche, les longues tribulations de ce djihadiste franço-algérien lui ont permis de côtoyer le gotha de la nébuleuse terroriste. En cela, elles en font un client de premier choix pour les policiers français et les magistrats spécialisés de la galerie Saint-Éloi.
Expulsé mardi dernier du Pakistan, où il était retenu depuis dix-sept mois, aux mains des services secrets, cet islamiste de 43 ans a été pris en charge à sa descente d'avion par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Recruteur présumé d'apprentis djihadistes dans les années 2000, Naamen Meziche a été écroué dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en mars dernier pour association de malfaiteurs avec une entreprise terroriste. Il serait impliqué dans des projets d'attentats en Europe et en Australie, calqués, selon des sources américaines, sur les attaques de Bombay qui avaient fait 166 morts en novembre 2008.
Gendre du prédicateur al-Fizazi
Mutique dans les geôles pakistanaises, Meziche n'a reconnu aucune activité criminelle. Il a concédé s'être rendu au Pakistan pour faire sa «hijra», le retour en terre d'islam pour un fidèle établi dans un pays non musulman. Pendant 96 heures de garde à vue, les policiers ont eu le temps d'explorer la trajectoire de ce combattant d'Allah.
Né à Paris, Naamen Meziche embrasse vite les thèses radicales et part se former au début des années 1990 en Afghanistan. Aguerri, il rejoint l'Allemagne en 1993 et gravite dans le sillage de la «cellule» de Hambourg, où il fréquente la mosquée al-Qods au même titre que Mohammed Atta, l'un des pirates du 11 Septembre. Meziche épouse la fille du prédicateur Mohammed al-Fizazi, dont les sermons enflamment les mosquées de Hambourg avant qu'il soit écroué au Maroc pour son implication dans les attentats kamikazes de Casablanca de mai 2003 (41 morts et un centaine de blessés).
En 2010, Meziche est donné comme mort après un tir de drone de la CIA contre un immeuble résidentiel du Waziristan du Nord, dans lequel sont alors éliminés plusieurs djihadistes et membres d'al-Qaida. Ayant survécu à la frappe, l'islamiste est aperçu avec plusieurs de ses comparses en Iran, d'où il essaie de retourner en Europe.
Un épais carnet d'adresses
Mais sa course s'achève au Pakistan en mai 2012, quand il est capturé lors d'une opération menée par l'armée dans la région de Quetta, au Baloutchistan, non loin des frontières avec l'Iran et l'Afghanistan. Naamen Meziche y est alors surpris en compagnie de trois Français. Originaires de la région d'Orléans et jusqu'alors inconnus des services, ils ont été expulsés vers la France dans la plus grande discrétion au printemps dernier.
L'arrestation de Meziche, qui pourrait être interrogé dans les prochaines semaines sur sa présence en zone tribale et sur ses trois compagnons de route, est intervenue quelques mois après celle d'une de ses connaissances, Younis al-Mauritani, «gros poisson» d'al-Qaida capturé le 5 septembre 2011. C'est d'ailleurs grâce aux informations fournies par ce dernier que Meziche a pu être localisé.
Fidèle lieutenant d'Oussama Ben Laden, al-Mauritani avait été chargé par le chef d'al-Qaida en personne d'organiser des attentats aux États-Unis, en Australie et en Europe. En raison de son épais carnet d'adresses, dans lequel auraient pu figurer Abou Yahya al-Libi, défunt théoricien du Groupe islamique combattant libyen, mais aussi le tueur de Toulouse et Montauban Mohamed Merah, Naamen Meziche risque d'être extrait à plusieurs reprises de sa cellule. Jusqu'à présent, il n'a jamais été condamné pour de quelconques faits terroristes.