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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 07:20
Défense antimissile. (Archives/US Navy)

Défense antimissile. (Archives/US Navy)

 

2 juin 2014 par Benoît Maraval – 45e Nord.ca

 

Le lieutenant-général Alain Parent, commandant adjoint du NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord) était auditionné lundi 2 juin par les sénateurs membres du comité permanent sur la sécurité nationale et la défense.

 

Le NORAD réalise en ce moment une évaluation stratégique complète, de l’analyse opérationnelle relative aux capacités du NORAD, à la réflexion sur son rôle et ses missions futurs ainsi qu’à l’évolution de sa structure de commandement, notamment dans le cadre de la défense antimissile balistique.

C’est justement sur la question du rôle du NORAD que l’attention des sénateurs s’est principalement focalisée : quelle place tient le Canada aujourd’hui dans cette structure en cas d’attaque par missile balistique et quelles seraient les conséquences d’une adhésion d’Ottawa au programme de bouclier antimissile américain ?

 

Ni «Star Wars» ni réel «bouclier»

Avant d’aller plus loin, il n’est sans doute pas inutile de repréciser ici que le programme antimissile balistique américain n’est ni la réalisation de « la guerre des étoiles » (au grand dam de certains fans), ni la mise en place d’un «bouclier» contre lequel viendraient se heurter les missiles assaillants. Contrairement à certaines inquiétudes, le programme ne porte pas en lui les germes d’une militarisation accrue de l’espace puisqu’il ne s’agit pas d’armer des satellites. Et ce que l’on entend par «bouclier» est le lancement d’un missile intercepteur qui, pour neutraliser le missile balistique ennemi, va déployer un «véhicule d’interception exoatmosphérique» qui entrera en collision avec le missile. La neutralisation résulte en réalité de la vitesse de la collision entre ces deux objets.

 

«Ca s’en va et ça revient»

Si les auditions des semaines précédentes avaient notamment permis au major-général Michael Day de souligner la vulnérabilité du Canada, le lieutenant-général Parent s’est attaché à préciser le fonctionnement séquentiel du NORAD et son articulation avec le Commandement Nord des États-Unis, le NORTHCOM.

Créée il y a 56 ans, NORAD est l’organisation bilatérale Canado-américaine qui surveille et protège l’espace aérien nord-américain. Dans le cas d’une attaque par missile balistique, la responsabilité en matière de commandement et de contrôle (C2) incombe tantôt au NORAD, tantôt au NORTHCOM, selon l’emplacement du missile à un moment donné de sa course.

Par définition, un missile balistique suit une trajectoire elliptique qui l’amène à traverser l’espace avant de retomber vers sa cible. Durant cette phase de vol balistique où le missile est au faîte de sa trajectoire, les prérogatives en matière de C2 sont transférées du NORAD (bilatéral) au NORTHCOM (États-Unis seulement). Il appartient dès lors aux autorités américaines, et à elles seules, de décider et d’engager une éventuelle procédure d’interception du missile. NORAD ne récupère le commandement qu’au moment où le missile pénètre à nouveau dans l’atmosphère et poursuit sa course descendante vers son objectif.

En pratique, ce va-et-vient en matière de commandement limite la participation du Canada à la prise de décision selon le lieutenant-général Parent. Il est vrai que cette participation permettrait selon lui une structure de « commandement et de contrôle totalement intégrée, de la phase de détection à celle d’interception ».

Il a par ailleurs ajouté que « cette participation [lui] permettrait d’être impliqué dans la prise de décision d’intercepter un missile balistique de la même manière que lorsqu’il s’agit d’un missile de croisière [pour lequel le NORAD est seul responsable] » avant de conclure, ironique, «Je n’aurais alors pas à quitter la pièce pendant la phase d’interception». S’il n’aurait pas physiquement à quitter la salle de commandement, le général serait effectivement réduit au rôle d’observateur silencieux au moment où pourrait être prise la décision américaine d’intercepter, ou non, un missile se dirigeant vers le territoire canadien…

Visiblement conquis par les récentes auditions de deux anciens ministres de la défense canadiens – Bill Graham et Dave Pratt – en faveur d’une adhésion canadienne, certains sénateurs ont mis en exergue ce qu’ils considèrent comme une relation déséquilibrée dans laquelle le Canada est actif au sein du NORAD dans la détection et l’identification d’un missile balistique (potentiellement porteur d’une charge nucléaire) mais est mis de côté dès lors qu’il s’agit d’intercepter le missile.

 

Au-delà de la technique, la politique

De nombreuses questions restent cependant en suspens et devront être abordées avec Washington si le gouvernement canadien décide de prendre part au programme.

  • La couverture géographique du programme: par définition le programme étant destiné à la protection du territoire des Etats-Unis (Alaska compris), le Canada n’est a priori pas protégé, même si, «certaines portions du territoire canadien sont couvertes» selon le lieutenant-général Parent, grâce à la définition d’une «zone tampon» par les autorités américaines. Les détails de cette zone tampon ne sont évidemment pas du domaine public…
  • L’emplacement des intercepteurs : où disposer les intercepteurs pour assurer une couverture totale des deux territoires ? «C’est simplement de la géométrie» assure le lieutenant-général Parent. Et pourtant, tant que les négociations n’ont pas encore débuté, les Etats-Unis n’ont aucune raison de préférer des installations qui assureraient une couverture géographique du territoire canadien dans son ensemble. À cet égard, l’indécision d’Ottawa pourrait coûter cher s’il fallait par la suite construire de nouvelles infrastructures.
  • Le mécanisme précis de prise de décision : comment garantir l’efficacité et la rapidité d’une décision politique d’intercepter ou non un missile pendant sa course exoatmosphérique ?
  • Les plans civils d’urgence à concevoir et harmoniser afin de gérer les conséquences d’une interception (chutes de débris).
  • L’évaluation de la menace: si, a priori, le Canada et les États-Unis partagent la même analyse de la menace, celle-ci devra être identique à l’avenir afin de garantir la cohérence du système.

Par bien des aspects, ces questions sont similaires à celles sur lesquelles tentent de s’entendre les 28 Etats membres de l’OTAN (et 28+1 avec la Russie) dans le cadre du développement des capacités de l’Alliance en matière de défense antimissile (un sujet sur lequel 45eNord.ca aura l’occasion de revenir prochainement).

Cette audition s’inscrivait dans le cadre d’une étude sur la situation des relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense. Les sénateurs doivent rendre leur rapport avant le 31 décembre 2014.

En tout état de cause, si le gouvernement fédéral revenait sur sa décision de 2005, une longue négociation devrait s’engager avec les États-Unis afin de garantir une relation d’égal à égal dans un programme dont on ne parle finalement «que» depuis une bonne cinquantaine d’années.

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