21/11/2013 par Michel Cabirol – LaTribune.fr
Pour le ministre de la Défense, il est hors de question de réduire le budget de 750 millions d’euros alloué à la recherche amont car il est nécessaire au maintien des compétences dans tous les domaines: nucléaire, aéronautique, naval, spatial. Quant à la rallonge de 500 millions d’euros obtenue auprès de Bercy, elle permettra de lancer des programmes d’équipements, afin de conforter l’activité des industriels.
LA TRIBUNE - Quand vous avez lancé votre plan pour les PME de la défense, pas mal d'observateurs étaient dubitatifs. Quel est le bilan un an après ?
JEAN-YVES LE DRIAN - Je constate que le Pacte Défense PME fonctionne bien. Il existe une dynamique entre les grands groupes et les PME. Culturellement, nous sommes en train de changer à la fois au sein du ministère de la Défense et dans les grands groupes pour mieux prendre en compte les PME.
Par exemple ?
Les acheteurs du ministère de la Défense et des grands groupes ont par exemple l'obligation de faire une place aux PME pour les marchés de moins de 15.000 euros qu'ils lancent. Nous demandons chaque fois que cela est possible de découper certains marchés en plusieurs lots de façon à favoriser les PME. Le ministère a également mis en place les pôles régionaux d'économie de défense (Pred), destinés à être le point d'entrée unique au niveau régional pour les acteurs institutionnels et les PME sans connaissance de la défense. Et nous avons aussi beaucoup simplifié les procédures administratives.
Les grands groupes jouent-ils le jeu ?
Nous avons déjà signé avec les grands groupes six conventions bilatérales de soutien aux PME dans le cadre du Pacte Défense PME. En janvier, nous en signerons deux autres avec Dassault Aviation et Renault Trucks Défense. Ces accords permettent un changement dans les relations entre PME et les grands groupes.
Les PME de défense sont-elles moins isolées pour l'exportation ?
Il y a des séminaires de mobilisation au niveau des Pred. J'ai également aidé financièrement le Gifas à faire venir cette semaine 19 PME sur le salon aéronautique de Dubai. Nous allons poursuivre l'accompagnement des PME à l'export.
Justement, les exportations d'armements seront-elles en 2013 meilleures qu'en 2012 ?
Les chiffres 2013 vont être singulièrement supérieurs à ceux de 2012. La France a engrangé des commandes significatives cette année à l'image du contrat LEX avec l'Arabie saoudite. Ce succès repose sur la qualité des équipements et des technologies proposés par les industriels. C'est pour moi une grande source de satisfaction.
Mais sans accompagnement politique, les industriels ont souvent peu de chance de gagner…
L'accompagnement politique a effectivement du sens. Mais dès les premières rencontres, chacun doit bien jouer sa partition dans son domaine. Ce n'est pas au ministre de la Défense d'arriver dans un pays avec le catalogue de produits des industriels. En revanche, je m'attache à créer une relation politique de confiance entre la France et les pays intéressés par les équipements français à travers un partenariat stratégique. Enfin, je facilite si nécessaire la mise en place d'une coopération industrielle pour réunir le maximum de chances d'aboutir à une décision favorable pour la France.
C'est quoi la méthode Le Drian pour réussir à l'exportation ?
Je fais le job, en tant que ministre de la Défense. Je considère que ma première mission est d'assurer la sécurité de mon pays. Parmi les autres missions, je défends aussi l'autonomie stratégique de la France. Ce qui veut dire que je soutiens les capacités, le savoir-faire et les emplois des industries de défense. Mon action à l'étranger a pour objectif d'obtenir des prises de commandes suffisantes à l'exportation. Je suis quelqu'un de très déterminé, voire obstiné sans être têtu. Pour moi, c'est une qualité. Par exemple, j'ai réalisé dimanche dernier mon sixième voyage aux Émirats arabes unis depuis mon arrivée à la tête de ce ministère.
L'ensemble des industriels salue souvent votre capacité à « mouiller la chemise » à l'exportation. Quelle est votre influence ?
Pour réussir à obtenir des commandes, il faut créer une bonne complicité avec les industriels. Si je l'ai acquise, tant mieux pour la France et pour nous.
L'innovation est-elle également une priorité de votre action ?
Parallèlement à mon action en faveur de l'exportation, je fais en sorte de préserver de manière suffisante la préparation de l'avenir. Je le dis et je le répète : nous avons sanctuarisé le budget annuel de la recherche amont à 750 millions d'euros. Ce budget ne bougera pas. La cyberdéfense est l'une des inflexions nouvelles que j'ai souhaité privilégier dans le cadre de la loi de programmation militaire. Pas question de laisser sur la route certaines de nos compétences. Aussi, il est important d'en maintenir sur l'ensemble du spectre, que ce soit dans le nucléaire, l'aéronautique, le naval et le spatial.
Êtes-vous satisfait du dispositif Rapid ?
Nous allons renforcer le dispositif Rapid, qui soutient des projets de recherche industrielle ou de développement expérimental dual, civil et militaire, à fort potentiel technologique des PME de moins de 250 personnes. Il fonctionne bien. Nous allons augmenter son budget de 25%.
Pouvez-vous clarifier la fin de gestion du budget 2013 ?
Nous avons obtenu plusieurs éléments positifs dans la fin de gestion du budget 2013. Nous avons décidé que le budget de l'État prendrait à sa charge les 578 millions de surcoûts générés notamment par l'intervention au Mali. C'est acquis. Sur les 720 millions d'euros de gel, qui a touché le ministère de la Défense au titre de la rigueur budgétaire, ces crédits sont bien annulés. Mais à l'issue d'une discussion avec Bercy, nous avons obtenu 500 millions d'euros de ressources exceptionnelles, sécurisant notamment le financement des équipements en fin d'année. Dans ces conditions, je peux lancer plusieurs programmes, qui conforteront l'activité des industriels. La commande de défense est intégralement maintenue.
Quels sont les programmes que vous souhaitez lancer d'ici à la fin de l'année ?
Le standard F3R du Rafale (qui intègrera notamment une nacelle de désignation laser de nouvelle génération, ndlr) et le missile MMP notamment.
La loi de programmation militaire repose sur plusieurs paris, dont l'obtention des ressources exceptionnelles. Est-ce réaliste ?
La LPM repose sur certains paris. Ce qui veut dire que nous allons être extrêmement vigilants. Cette LPM est exigeante mais équilibrée à condition que tous les crédits affectés à cette programmation soient exécutés. Si une brique est absente, à ce moment-là, c'est l'ensemble de l'édifice qui tombe.
Y a-t-il un lien entre la cession d'une partie du capital de Safran et les ressources exceptionnelles ?
Il n'y a aucun lien. Ce sont deux opérations différentes. Bercy a opportunément décidé de la vente de cessions d'actifs du groupe Safran. Par ailleurs, nous devons financer les ressources exceptionnelles dans le cadre de la LPM. Nous avons déjà identifié l'origine des 1,8 milliard d'euros de ressources exceptionnelles pour 2014 (programme d'investissements d'avenir, cessions d'actifs, cessions immobilières…). Je n'ai aucune inquiétude sur ce dossier.
Donc les reports de charge vont augmenter ?
Oui, à 3,6 milliards d'euros, mais c'est transitoire. Nous limiterons leur croissance, en cas de besoin, avec 500 millions de ressources exceptionnelles supplémentaires.
La crédibilité et l'exécution de la LPM repose principalement sur votre personnalité. Allez-vous rester ?
La question ne se pose pas. Mais je ne crois pas que la LPM en cours d'examen repose sur ma personne. Avec ou sans moi, l'ensemble du dispositif est solide. Blindé !