Inquiétude et doute. Le climat n'est pas serein autour de la future loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, dont le texte doit être voté au cours de la session d'automne par les députés. Au-delà de tout clivage politique, les parlementaires montent au créneau afin que le gouvernement respecte ses engagements budgétaires en faveur de la défense. La nouvelle LPM prévoit une enveloppe de 179,2 milliards d'euros sur six ans.
«La pression qu'on avait mise pour les arbitrages du président de la République, on va la maintenir», a déclaré mardi Patricia Adam, présidente PS de la commission défense de l'Assemblée nationale. Les parlementaires veulent des garanties car ils sont échaudés: aucune LPM n'a jamais été exécutée à 100 %. «À chaque LPM, on perd une année budgétaire», résume Patricia Adam. Or, aux yeux des parlementaires, plusieurs volets de la LPM 2014-2019 sont aléatoires et, au premier chef, le montant des recettes exceptionnelles chiffrées à 6,1 milliards d'euros. Pour Jean-Louis Carrère, président de la commission défense du Sénat, il faut «obtenir une sécurisation de ces recettes exceptionnelles», car, sans elles, le gouvernement ne peut réussir la LPM 2014-2019. Or la vente des fréquences (bandes des 700 mégahertz) serait déjà décalée à 2016, en raison notamment de la durée des appels d'offres, selon la Lettre A.
Avertissement à Bercy
Également inquiets, les sept grands patrons de la défense français ont décidé de parler d'une seule voix en publiant une tribune commune dans Le Monde le week-end dernier. Ils alertent le gouvernement sur les conséquences d'un non-respect des engagements de la LPM, en particulier un «décrochage irréversible» de la France, de son armée et de son industrie. Cela, assorti de lourdes conséquences sur l'emploi. L'équipement des armées, qui représente 16 milliards d'euros par an, est vital pour les 165.000 salariés de la filière armement et plus de 4000 PME. «C'est un avertissement lancé à Bercy plus qu'au ministre de la Défense», souligne-t-on.
Jean-Yves Le Drian était très attendu à l'université d'été de la Défense qui s'est achevée mardi à Pau. «Je veux sortir du déni de réalité (…) par le choix de ressources adaptées et raisonnables (…) et les différents mécanismes de sauvegarde qui viennent garantir la sincérité de cette programmation», a-t-il déclaré. Le ministre a en effet inscrit une clause de révision de la LPM fin 2015. Il s'agit de faire un point d'étape sur son exécution, notamment en termes de contrats export et de recettes exceptionnelles.
Malgré cette mise au point, les industriels restent circonspects. Ils redoutent aussi les conséquences des réductions de cibles et des décalages de livraisons qui affecteront tous les programmes. «Nous devrons ralentir le rythme de production en tâchant de préserver notre outil industriel et nos emplois. Les premiers à en faire les frais seront nos sous-traitants. Idem pour les bureaux d'études», lâche un industriel. «Ce sera difficile dans certains bassins d'emplois», ajoute-t-on. Certaines négociations avec la Direction générale de l'armement (DGA) arrivent à leur terme. Chez DCNS par exemple, on s'attend à ce que le décalage de quelques mois de la livraison du premier des six sous-marins Barracuda (programme signé en 2007), prévue en 2017 à l'origine, entraîne un glissement de la construction de chaque bâtiment à Cherbourg et donc un écart de livraison plus important en bout de programme.