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29 décembre 2015 2 29 /12 /décembre /2015 12:55
"Pour une défense cohérente, il faut revoir les engagements budgétaires"

 

28/12/2015 par Sihem Souid Le Point.fr

 

INTERVIEW. Les responsables du Centre d'étude et de prospective stratégique (CEPS) évoquent la politique de défense de la France.

 

Loïc Tribot La Spière, délégué général du Centre d'étude et de prospective stratégique (CEPS) & Hélène Pichon, directrice des relations avec les institutions du CEPS, think tank dédié à l’analyse et à la mise en perspective des facteurs d’évolution technologiques, économiques, politiques et sociaux, évoquent la politique de défense de la France.

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24 décembre 2015 4 24 /12 /décembre /2015 12:55
Képi blanc N° 738 (2011)

Képi blanc N° 738 (2011)

 

22 décembre 2015 par Général Bruno DARY, ancien commandant de la Légion étrangère, ancien Gouverneur militaire de Paris

 

Noël est la fête légionnaire par excellence. Très vite après sa création en 1831, la Légion étrangère adopta Noël. Elle le fit avec d’autant plus de facilité qu’elle était composée essentiellement d’hommes venus de toute l’Europe et pour qui, même lorsqu’on était un « paria », Noël constituait une fête traditionnelle, à défaut d’être religieuse.

 

Voici comment, à Fez, le 2e étranger fêtait Noël en 1912 : « La veillée de Noël se passait autour d’une crèche vivante, comme c’était alors la tradition. Les draps, les chèches, les ceintures bleues constituaient l’essentiel des déguisements de la sainte Famille et des bergers ; une poupée représentait l’enfant Jésus et parfois un bourricot ajoutait au réalisme du tableau. À minuit, les officiers venaient dans les chambres et la veillée commençait alors autour de la crèche avec ses chants, ses chœurs allemands, russes, espagnols. » Depuis lors, le déroulement de la fête a peu évolué.
Au cours de la Grande Guerre, une dimension supplémentaire fut ajoutée avec la réalisation de spectacles, de jeux ou de sketches. Peu à peu, les crèches vivantes laissèrent la place à des crèches confectionnées par les légionnaires. Après la guerre d’Algérie apparaîtra le concours de crèches avec attribution de prix par un jury.

 

La fête de l’enfance, la fête de la famille et celle de l’espérance 

Si la Légion s’est appropriée Noël, si cette fête s’est inscrite rapidement et naturellement dans ses traditions, c’est parce que l’on retrouve des fondements religieux, historiques ou culturels, communs à la fois à Noël et à la Légion étrangère : la nativité n’est-elle pas en effet la fête de l’enfance, la fête de la famille et celle de l’espérance ?

 

Pour la tradition chrétienne, Noël marque la venue au monde d’un enfant, promis et attendu pour sauver les hommes et en qui les chrétiens voient Dieu incarné. Le nouveau-né, comme l’enfant, est donc naturellement placé au cœur de cette fête. Au sein de la Légion : même principe. Les légionnaires sont au cœur de la fête, surtout les plus jeunes et les nouveaux arrivants. Ce sont eux qui reçoivent les cadeaux, ce sont eux qui conçoivent et réalisent la crèche, ce sont eux, encore, qui montent les sketches. C’est pour eux que les cadres restent toute la nuit, si bien que durant ces festivités, il n’y a plus ni cadres, ni légionnaires, mais seulement des compagnons d’armes.

 

Le monde entier a retenu de Noël l’image de la sainte Famille. Noël, dans la tradition chrétienne, est devenu ainsi la fête de la famille. Cette fête de la famille a largement dépassé la chrétienté, puisque toute famille, de par le monde, a le souci de se réunir à cette occasion. La Légion se présentant comme un refuge et une famille d’accueil pour tous ses hommes venus du monde entier, il paraissait naturel qu’elle intégrât cette fête à son patrimoine. Le légionnaire a fui ou quitté un métier, une patrie, des amis, une fiancée, et seule la chaleur d’une famille peut remplacer un tel vide dans le cœur et l’esprit d’un homme, surtout la nuit de Noël.

Enfin, cet enfant, né d’une vierge, était annoncé et attendu comme le sauveur du peuple d’Israël ; il devait apporter le salut aux hommes de bonne volonté, il était donc un signe d’espérance. Là encore, ce symbole d’espérance a trouvé naturellement sa place au sein de la communauté légionnaire, car la plupart des candidats arrivent en situation d’échec professionnel, affectif ou psychologique ; ils viennent chercher, consciemment ou non, quelque chose d’autre, qu’ils ont souvent du mal à exprimer. La Légion, où ils s’engagent généreusement, incarne à leurs yeux une nouvelle chance, un rayon d’espoir, voire une espérance.

Noël dans le cœur des hommes de bonne volonté. Noël, au cœur de la Légion étrangère.

 

 

 

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18 décembre 2015 5 18 /12 /décembre /2015 17:50
The EU neighbours 1995-2015: shades of grey

 

This Chaillot Paper charts the changes that have taken place in the countries and regions adjacent to the EU over the past two decades, and analyses how the upheavals of recent years have altered the EU’s relationship with and approach to its eastern and southern neighbours.  

Coming at a time when the new EU leadership has launched what amounts to a complete ‘reboot’ of the European Neighbourhood Policy as well as a wider review of the EU’s foreign and security policy priorities, it shows that the Union still as an important role to play in these regions, albeit a less exclusive and possibly less ‘magnetic’ one than assumed a decade ago.

 

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17 décembre 2015 4 17 /12 /décembre /2015 08:55
Général Desportes : “Les bons sentiments ne suffisent pas à notre protection”

 

15 Décembre 2015 par Frederic Pons – V.A.

 

L'Incorrect. Parti de l’armée après avoir été sanctionné pour son franc-parler, le général Vincent Desportes enseigne à Sciences Po et à HEC et vient de publier un livre prémonitoire: “la Dernière Bataille de France”. Il dénonce le délitement de la Défense française et appelle à un sursaut.

 

Avez-vous été surpris par les attaques du 13 novembre ?

Les attentats n’ont surpris que ceux, hélas majoritaires, qui refusaient de voir la réalité du monde et de comprendre que la guerre resserrait son étreinte autour de l’Europe. Les bons sentiments ne suffisent pas à notre protection. La guerre n’est pas un phénomène “hors-sol”, réservé aux autres : elle vient frapper tous ceux qui refusent de la regarder en face. La sécurité n’existe que pour qui s’en donne les moyens : en ce sens, le désarmement militaire, policier et moral de la France devait immanquablement se traduire, un jour, par une catastrophe sécuritaire. Quelle pitié qu’il ait fallu le bain de sang du Bataclan pour sortir de l’innocence. Que de temps perdu, par illusion, démissions politiciennes successives et dilution du sens de l’intérêt supérieur de la nation.

 

Qu’espérez-vous ?

Que l’après-Bataclan ne soit pas raté comme l’après-Charlie et l’après-Merah !

 

La France est-elle vraiment, comme l’affirme le chef de l’État, “en guerre” ?

Bien sûr. Nous sommes en guerre parce qu’une entité politique, le soi-disant État islamique, entend étendre son empire — le califat — par la destruction et la mort. Parce qu’il veut détruire nos croyances, nos valeurs, nos façons de vivre, notre liberté d’aller et venir, notre liberté d’être ce que nous voulons être. Nous sommes plus que dans une guerre : dans une guerre absolue qui verra la destruction absolue de l’une ou l’autre des parties. Puisque nous sommes en guerre, il faut consentir à l’effort de guerre, s’en donner résolument les moyens, afficher des priorités et s’y tenir. Ce vocable guerrier, on l’entend depuis longtemps sans que rien ne change hors la gestuelle des discours. Il est temps de passer aux actes.

 

Que voulez-vous dire ?

Les Français ont d’abord besoin du courage politique. Il faut à la France un langage de vérité et de responsabilité. La sécurité n’est pas un acquis social : tout ne viendra pas de l’État. Nous sommes entrés dans un temps long de risque et de douleur, un temps de sacrifices individuels envers la communauté. En termes de liberté, à court terme, si les Français veulent, un jour, retrouver leur totale capacité à vivre debout. En termes de commodités de vie aussi.

 

Au détriment de nos habitudes de confort ?

Depuis des décennies, l’État providence dévore l’État régalien, qui n’a plus les moyens des missions qui constituent sa raison d’être : défense, sécurité, justice et diplomatie. Les budgets consacrés à ces fonctions se sont réduits jusqu’à ne plus représenter que 2,8 % du PIB quand la dépense publique en dévore 57 % ! Ce sont, chaque année, 30 milliards d’euros de moins qu’il y a vingt-cinq ans. Des transferts budgétaires doivent être décidés. Les Français sont prêts à entendre un discours fort.

 

Comme celui de François Hollande à Versailles, après les attentats ?

Les mesures réactives étaient nécessaires, mais elles sont très insuffisantes. La communication ne suffit pas : l’État doit se fixer des objectifs à la hauteur des manquements et des défis, puis construire la stratégie volontariste qui permettra de les atteindre dans la persévérance et la durée. Les files d’attente devant les postes de recrutement nous montrent qu’il existe encore des Français pour se lever et défendre la France. Ils semblent en avance sur leurs politiques.

 

Que faut-il dire aux jeunes générations ?

Il faut les mettre devant leurs responsabilités. Par le sacrifice et l’effort, la génération de leurs grands-parents est venue à bout de la barbarie hitlérienne. Celle de leurs parents a vaincu l’obscurantisme soviétique. Cette génération a un défi immense à relever par l’engagement et l’effort : vaincre et éliminer la barbarie terroriste et djihadiste. Nos jeunes y parviendront parce qu’ils sont les fils d’une grande nation, une nation combattante.

 

Suite de l'entretien

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 08:50
credit European Union

credit European Union

 

06.12.2015 par Henri Weill - Ainsi va le monde !
 

Ancien directeur des études de l’Ecole royale militaire de Bruxelles, le colonel Marsia (e.r ) plaide pour une défense européenne "passant par la création des Etats-Unis d’Europe". Proposition développée dans une thèse présentée, en septembre dernier, à l’Université libre de Bruxelles qui sera publiée, très prochainement, dans un ouvrage. Cet  ancien conseiller militaire du Premier ministre Elio Di Rupo, fait ici part de ses convictions.

 

Vous n’en démordez pas, l’Europe de la défense que vous appelez de vos vœux passe par la création des Etats-Unis d’Europe. Jean Marsia, n’est-ce pas idéaliste ?

Ce qui est irréaliste, c'est vouloir faire, comme Jean-Claude Juncker ou Guy Verhofstadt, l’Europe de la défense sans passer par la création des Etats-Unis d’Europe. Le 7 janvier 1951, Charles de Gaulle a récusé la Communauté européenne de défense (CED), "car une armée se bat avant tout pour son pays, sous l'autorité de son gouvernement et sous les ordres de ses chefs". Le 25 février 1953, il insistait pour qu'il y ait "l'armée européenne, c'est-à-dire l'armée de l'Europe, il faut d'abord que l'Europe existe, en tant qu'entité politique, économique, financière, administrative et, par-dessus tout, morale, que cette entité soit assez vivante, établie, reconnue, pour obtenir le loyalisme congénital de ses sujets, pour avoir une politique qui lui soit propre". La défense, le renseignement sont au cœur de la souveraineté. Tocqueville l'a montré dans De la démocratie en Amérique ; l'exemple à suivre, ce sont les USA. C'est pourquoi l'appel récent du Premier ministre belge Charles Michel, à créer une agence européenne de renseignement, ne rencontre pas vraiment d'enthousiasme comme l'a mentionné votre confrère Nicolas Gros-Verheyde dans son blog Bruxelles2 (1).

 

Suite de l'entretien

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 19:50
source EEAS

source EEAS

 

Par Jean Quatremer 

 

L’eurodéputé (LR) spécialiste des questions de sécurité plaide plutôt pour une «plateforme d’échange d’informations et de profils aussi exhaustive que possible» et estime qu’il faut harmoniser les critères de «dangerosité» au sein de l’Europe.

 

Député européen depuis 2009, Arnaud Danjean (Les Républicains) est un ancien agent de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et spécialiste des questions de défense et de sécurité. Il plaide pour une meilleure coopération européenne dans l’échange du renseignement et le contrôle des frontières extérieures, mais rappelle que l’UE n’a aucune compétence en matière de sécurité intérieure.

 

Dès le lendemain des attentats de Paris, certains ont pointé la responsabilité de l’UE. A-t-elle failli ?

L’examen des échecs, des failles, devra être très rigoureux, l’enquête sur les faits étant elle-même loin d’être terminée. L’Union européenne ne peut être responsable que dans les domaines relevant de ses responsabilités. Or la sécurité intérieure, l’antiterrorisme et le renseignement restent des prérogatives quasi exclusivement nationales et intergouvernementales. Ce qui devrait inciter les Etats à un peu plus d’humilité avant d’incriminer une Europe dont ils ne souhaitent pas qu’elle se mêle de ces sujets sensibles ! Mais il faut aussi reconnaître que l’Union a failli dans la gestion des frontières. Schengen, qui prévoit pourtant des dispositifs sécuritaires - contrôles, fichiers… - a été, idéologiquement et fonctionnellement, promu comme un simple espace de libre circulation. C’est une faute, car il est aussi un espace de sécurité.

 

suite de l'interview

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20 novembre 2015 5 20 /11 /novembre /2015 18:55
Bernard Squarcini : “Nous sommes entrés dans la terreur et le terrorisme de masse”

Pour l'ancien patron de la DCRI, devenue DGSI, "rien n'a été fait" pour coordonner les services de renseignements.

 

 

Bernard Squarcini. Directeur central du renseignement intérieur de 2008 à 2012, l’ancien préfet se livre sur l’état actuel de la menace terroriste. Pour lui, des décisions immédiates doivent être prises après les attentats.

 

Les services de renseignements français étaient-ils prêts ?

Clairement, oui. Il était prévu depuis les attentats de Bombay, en 2008, que de telles actions coordonnées et déterminées se produisent sur le territoire français et que la menace s’installe dans la durée. Nous savions que nous allions devoir monter en puissance pour faire face à ce type d’attentat. Il n’y a eu aucune surprise. En revanche, les services français paient les conséquences de certaines décisions politiques. Comme M. Hollande traite Bachar al-Assad de tous les adjectifs, les services syriens ne veulent plus coopérer avec les services français.

 

Comment travaillent nos services, alors ?

Nous sommes contraints de faire appel à des partenaires étrangers qui nous donnent les informations qu’ils souhaitent. Sans ces errements idéologiques, peut-être pourrions-nous éviter que des drames se produisent.

 

Vous avez proposé à votre ancien service il y a deux ans de lui transmettre une liste des Français qui combattent en Syrie. Pourquoi a-t-il refusé ?

Il y a déjà deux ans, les services syriens m’avaient effectivement proposé une liste des Français combattant en Syrie. J’en avais parlé à mon ancien service qui en a rendu compte à Manuel Valls. La condition des Syriens était que la France accepte de coopérer à nouveau avec leurs services de renseignements. On m’a opposé un refus pour des raisons idéologiques. C’est dommage car la proposition était une bonne amorce pour renouer nos relations et surtout, pour connaître, identifier et surveiller tous ces Français qui transitent entre notre pays et la Syrie. Résultat : on ne sait rien d’eux et on perd beaucoup de temps en demandant des informations aux agences allemandes, qui sont toujours restées sur place, mais aussi jordaniennes, russes, américaines et turques. On n’est absolument plus dans le concret.

 

Vous considérez que nous venons d’en payer les conséquences ?

Conscients de ces erreurs politiques et diplomatiques, les islamistes de Dae’ch ont commis un attentat remarquable. Parce qu’il se passe à Paris dans une région ultraprotégée, juste avant la Cop21, avec des cibles travaillées et à l’occasion du concert d’un groupe américain qui revient tout juste d’Israël. Les djihadistes ont frappé monsieur Tout-le-monde. Face à de telles attaques et compte tenu des prises de position du gouvernement, il est difficile pour les services de renseignements d’anticiper de manière précise le passage à l’acte. Des attentats sont déjoués. Mais qui sait si les commanditaires souhaitaient véritablement passer à l’acte ?

 

Lors des attentats de Paris, n’y a-t-il pas eu des dysfonctionnements entre la DGSI et la DGSE ?

L’enquête révèle qu’on est bien sur la piste d’une filière francobelge, connectée à la Syrie, qui a frappé méthodiquement la France. Pour la DGSI, que je connais bien pour en avoir été le directeur central, je sais qu’entre les renseignements intérieurs français et belge, les relations sont étroites. Mais je m’interroge : quel a été le travail de la DGSE sur les filières syriennes composées de Français en Europe ? Certains acteurs français du renseignement ne l’ont pas encore compris : il n’y a plus de différence aujourd’hui entre la menace intérieure et celle qui vient de l’extérieur. Il faut impérativement renforcer la coopération entre ces deux services. Il y a plusieurs mois, nous avions identifié le formateur de Mohamed Merah qui avait séjourné en Belgique. Nous savions qu’il formait tous les commandos européens et avions demandé à la DGSE de le “neutraliser” mais rien n’a été fait… Heureusement, il a finalement été “droné” par les Américains, mais bien après.

 

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20 novembre 2015 5 20 /11 /novembre /2015 08:55
photo Marine Nationale Armée de Terre ECPAD

photo Marine Nationale Armée de Terre ECPAD

 

nov 19, 2015 notes-geopolitiques.com

 

Les enjeux géopolitiques d’une sanglante attaque

 

Le carnage du 13 novembre 2015 dans les rues de Paris, aux abords du Stade de France et dans une salle de spectacle, est une première, par son ampleur, dans l’histoire de notre pays. C’est la première fois en effet qu’une attaque terroriste de cette nature et de cette envergure – à la fois rustique et visiblement très bien organisée – provoque de tels dommages sur le territoire national. Le bilan est extrêmement lourd, cruel. Il a conduit le chef de l’État à décréter l’état d’urgence et la situation politique n’est pas à « l’union nationale » observée après les attentats du mois de janvier.

Le climat aussi est lourd, notamment parce que tous les spécialistes avaient annoncé le risque d’une telle action, et prédisent que ce n’est sans doute pas la dernière. Loin d’être strictement « sécuritaire », le problème est de nature géopolitique. Les réponses devront donc l’être également.

« Nous sommes en guerre, a déclaré le Premier ministre à la télévision le lendemain des attentats. Annonçant vouloir répliquer « coup pour coup pour anéantir Daesh »: « Nous frapperons cet ennemi pour le détruire, bien sûr en France mais aussi en Syrie et en Irak. Et nous répondrons au même niveau que cette attaque. [...] Et nous gagnerons cette guerre. »

L’intensification des frappes françaises en Syrie constitue l’une des premières conséquences de cette attaque terroriste sur le sol national. Mais l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin met en garde : « Ces attentats sont en grande partie liés à un processus historique qui s’est accru avec les interventions en Afghanistan, en Irak, en Libye, et ailleurs et qui ont toutes rajouté de l’huile sur le feu. [...] Depuis 10 ans, les choses n’ont jamais cessé de s’aggraver et nous n’avons jamais gagné aucune de ces guerres. Cette approche-là, de guerre contre le terrorisme, n’est pas la bonne approche » (Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI, 15/11/2015).

Derrière l’expression d’une opinion, il y a un fait : « déclarer la guerre » à l’État islamique exige de savoir qui il est, et ce que nous voulons. Sachant que le « front » est également intérieur: comme l’a rappelé l’islamologue Gilles Kepel (France 2, 14/11/2015), la France est « le plus gros fournisseur » de jeunes candidats au djihad, le pouvoir n’ayant pas vu ou anticipé l’émergence de ces terroristes « de 3e génération ».

 

Aux racines du mal : un « pourrissement » local et international

« L’État islamique est la résurgence d’un rêve médiéval qui va bouleverser durablement le Moyen Orient », écrivaient Olivier Hanne et Thomas Flichy de la Neuville dans l’édition revue et augmentée de leur ouvrage L’État islamique, primé par le Festival de géopolitique de Grenoble au début de l’année 2015.

Des causes immédiates sont à l’origine de son apparition, puis de son développement. L’invasion américaine de 2003, bien sûr, qui a directement provoqué une résistance armée « du faible au fort », matrice du terrorisme, tout en aggravant les failles ethno-religieuses de la société irakienne.

Mais aussi la compétition énergétique, les erreurs politiques du Premier ministre chiite Nûri al-Maliki (2006-2014), l’embrasement de la Syrie voisine à partir de 2011, ou encore l’opportunisme des clans et tribus sunnites, aux allégeances fragiles. L’avènement du Califat islamique répond aussi à des causes plus profondes, souterraines, de nature identitaire.

« Une grande partie du succès de l’EI tient en effet à sa référence à un passé glorieux, lorsque Damas (avec la suprématie de la dynastie des Omeyyades,VIIe-VIIIe siècles) puis Bagdad (califat abbasside,VIIIe-XIIIe siècles) étaient capitales de l’Oumma » (note CLES n°163, « L’État islamique, laboratoire du siècle ? », 11/06/2015).

C’est ce qui explique, au-delà de moyens de propagande redoutablement efficaces, son attractivité au sein de communautés en voie de réislamisation – notamment en Europe. L’EI ne propose pas seulement « un sunnisme débarrassé du laïcisme et du baassisme » : il entend imposer territorialement un islam « pur », rigoriste, capable de « concurrencer les chiites irakiens pour le scrupule religieux ».

Et ce, dans une région où « la présence des mosquées, de l’histoire et des symboles musulmans imprègne la population et suscite le rappel du culte, même auprès des croyants tièdes voire éloignés ».

Le renforcement de Daesh, et désormais son expansion hors de ses bases territoriales, doivent beaucoup à la dégradation de la situation en Syrie. Il convient ici de souligner la part de responsabilité qui incombe aux chancelleries occidentales – et en particulier française.

Par le choix de soutenir et armer, dans le cadre d’une guerre civile, des rebelles « islamistes modérés » qui ont été naturellement, et rapidement, subjugués par plus radicaux qu’eux (État islamique mais aussi bon nombre d’autres factions islamistes telles que le Front al-Nosra, soit la branche syrienne d’Al Qaida, ou les djihadistes d’Ahrar Cham).

Par l’illisibilité de certains choix diplomatiques aussi, américains puis français, Paris persistant à faire du départ d’Assad le préalable à toute solution politique, tout en se résignant à une « adaptation stratégique » au mois de septembre 2015, en décidant de frappes aériennes en Syrie.

Mais si la France est aujourd’hui directement visée, c’est aussi parce qu’elle symbolise, au-delà de ses choix diplomatiques et de ses engagements militaires (y compris au Sahel), la quintessence du pays « impie », en raison de sa civilisation et en particulier de la revendication de sa laïcité.

Car « le terme de laïcité renvoie pour beaucoup de musulmans aux heures sombres des répressions antireligieuses d’Ataturk abolissant le Califat, de Nasser emprisonnant les Frères musulmans, de Hafez el Assad les massacrant en Syrie ou de Saddam Hussein » (Pierre Conessa, rapport pour la Fondation d’aide aux victimes du terrorisme, décembre 2014, Diploweb.com).

 

S’il y a « guerre », qui est « l’ennemi » ?

L’État islamique est aujourd’hui une puissance politico-militaire, comptant sans doute plus de 10 000 combattants, dont l’ossature est fournie par d’anciens officiers de Saddam et des milices armées. C’est pourquoi il ne peut être vaincu par une simple campagne de frappes aériennes, même appuyée par des opérations spéciales. Seule une armée de puissance au moins comparable serait à même d’en venir à bout.

C’est la conclusion à laquelle sont arrivés récemment les Russes. Mais c’est aussi le calcul des puissances occidentales et de leurs alliés, qui ont choisi depuis plusieurs mois de renforcer les moyens et la formation des peshmergas kurdes et de l’armée irakienne, en charge des combats au sol.

Car ce qui fait la force de l’État islamique, son emprise territoriale, est également une faiblesse face à un adversaire déterminé, qui sait dès lors où frapper. Mais, comme le rappelle Dominique Moïsi dans Les Echos (16/11/2015), « il nous faut comprendre sa stratégie et pour cela le reconnaître pour ce qu’il est, c’est-à-dire un adversaire intelligent et à sa manière parfaitement rationnel. »

A l’instar d’Al Qaida dont il est pour partie issu, et conformément aux préceptes de l’islam, l’EI entend assurer l’avènement d’un califat mondial. Mais en s’assurant au préalable le contrôle d’une base territoriale sûre.

Ce qui fait dire à Alain Bauer, par comparaison avec le communisme, que l’EI suit « la voie stalinienne » de la révolution mondiale. « Outre un dispositif structuré et internationalisé, l’EI semble avoir pris comme modèle une synthèse entre le Hezbollah, le Baas et le parti bolchevik. Organisation véritable et pyramidale, faisant régner la terreur en interne et en externe, rassemblant des brigades aguerries (Libyens, tchétchènes, occidentaux,…), la structure est surtout connue pour sa brutalité, notamment contre ses ennemis les plus proches, les militants restés fidèles au dernier carré de dirigeants de ce qui reste d’Al Qaida » (« Les enfants de Zarqaoui », www.huffingtonpost.fr, 13/06/2014).

 

L’arme terroriste

Dans ce contexte, le terrorisme n’est pas une différence de nature, mais de degré avec les autres actions de l’État islamique, qui utilise déjà la terreur et l’effroi en Syrie, en Irak ou en Libye.

Sa particularité est de viser un effet médiatique davantage qu’opérationnel: c’est une « action de groupes clandestins non étatiques commettant des attentats dans un but idéologique sur des cibles symboliques », rappelle le chercheur François-Bernard Huyghe (Terrorisme, violence et propagande, Gallimard, 2011).

Les objectifs, comme les solutions d’ailleurs, une fois le rapport de force rétabli favorablement par l’État visé, sont toujours politiques, sur le long terme. Le problème ici est que l’objectif est le Jihad puis l’application de la Charia sur le continent européen, ce que les gouvernements ne peuvent accepter.

D’où la perspective d’un long et douloureux conflit, où le renseignement est primordial. Comme le rappelle le juge antiterroriste Marc Trévidic (Le Dauphiné, 16/11/2015) : « Nous avons besoin de bras, dans le renseignement, la justice, la police. [...] Quand vous avez un tel potentiel de personnes radicalisées, il faut se mettre à niveau ».

Il est désormais attesté que l’État islamique avait donné pour instruction aux candidats jihadistes français et européens de ne plus venir en Irak ou en Syrie, mais d’agir en France et en Europe. L’EI a également menacé d’infiltrer des combattants parmi les nombreux migrants atteignant les côtes européennes.

Depuis le mois de janvier 2015, « les autorités françaises n’ont eu de cesse de déjouer des projets à visée terroriste plus ou moins aboutis » (Le Monde, 14/11/2015) – certains n’échouant « que par miracle » quand d’autres n’ont atteint qu’une partie de leurs objectifs, comme à Saint-Quentin-Fallavier le 26 juin avec l’assassinat et la décapitation de l’entrepreneur Hervé Cornara.

« J’ai acquis la conviction que les hommes de Daesh ont l’ambition et les moyens de nous atteindre beaucoup plus durement en organisant des actions d’ampleur, incomparables à celles menées jusqu’ici, annonçait de façon prémonitoire Marc Trévidic dans un entretien à Paris Match (30/09/2015). Les jours les plus sombres sont devant nous ». Nous y sommes.

 

Télécharger Attentats de Paris et « guerre à Daesh »

 

Pour aller plus loin:

  • L’État islamique.Anatomie du nouveau Califat, par Olivier Hanne et Thomas Flichy de la Neuville, Bernard Giovanangeli Editeur, 191 p., 15 € ;
  • « Terrorisme: l’Irak, l’origine de tout. Le laboratoire du siècle », supplément au n°5 de la revue Conflits dirigé par Xavier Raufer, 27 p., avril-mai-juin 2015 ;
  • Géopolitiques des terrorismes, sous la direction de Pierre Verluise, Diploweb.com, 24/01/2015.
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19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 17:30
crédits ISW

crédits ISW

 

19.11.2015 par Laurent Marchand - tout un Monde

 

Entretien avec Camille Grand, Directeur de la Fondation pour la Recherche Stratégique.

 

Moscou et Paris coopèrent et se déclarent résolus contre Daech. C’est un tournant diplomatique ?

Nous venons d’assister à une sorte de rapprochement dans les derniers jours, qui avait commencé avant les attentats de Paris puisque le processus de Vienne était déjà là. On voit, notamment sur le point d’opposition central qu’est l’avenir de Bachar el Assad, des positions se rapprocher sans se superposer. On a des Russes qui parlent d’un processus politique qui peut conduire à son départ sous 18 mois, qui acceptent que ce soit la Jordanie qui dresse la liste des organisations qualifiées comme terroristes en Syrie, la Jordanie étant proche des occidentaux. Et on a d’un autre côté, un François Hollande qui appelle à une large et unique coalition, qui dit qu’il veut parler à tout le monde et le met en pratique, en appelant Rohani et en allant à Washington et Moscou. Donc on a un vrai effort. Dans ce contexte, ce qui est clair, c’est que les événements terroristes majeurs viennent de faire bouger les lignes au plan diplomatique. On voit que les Russes, victimes eux-mêmes de l’attentat du Sinaï, qui voient sans doute aussi les limites de leur propre stratégie en Syrie puisque leur intervention n’a pas changé radicalement les termes du conflit, sont tentés de faire mouvement aussi. Il y a une sorte de rapprochement des positions des uns et des autres. Autour d’une idée claire : la priorité accordée à la lutte contre Daech. Est-ce que pour autant cela veut dire qu’on est d’accord sur tout, ce n’est évidemment pas le cas. Et notamment la question du positionnement de Bachar el Assad et des troupes du régime dans tout ce dispositif, restent très problématiques.

 

Suite de l'entretien

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19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 17:30
photo Ministère de la Défense

photo Ministère de la Défense

 

Nov 16, 2015 - Harleen Gambhir

 

ISW’s Counter-terrorism Analyst Harleen Gambhir makes the case that  "Europe and the United States must accept the reality that protracted sectarian warfare in the Middle East is a clear and present danger to their safety and security at home" arguing that these attacks "are yet more proof that we cannot live in peace at home while millions of people are engulfed in war." Read her full op-ed in the Washington Post.

 

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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 08:55
Carte des opérations (21 Sept 2015) - Crédits EMA

Carte des opérations (21 Sept 2015) - Crédits EMA

 

11 novembre 2015 Xavier FRÈRE ledauphine.com

 

Ce 11-Novembre sera aussi l’occasion d’honorer les soldats déployés au Mali, Centrafrique, Syrie-Irak. Les opérations extérieures se sont multipliées depuis le début du quinquennat de François Hollande, propulsé chef de guerre.

 

Barkhane au Sahel (après Serval), Sangaris en Centrafrique, Chammal au Moyen-Orient… La France « est en guerre », selon les termes du président Hollande. Contre un ennemi nommé terrorisme. Douze mille hommes sont déployés : 7 000 à l’étranger, 5 000 en France dans le cadre de la protection antiterroriste, un record depuis la guerre d’Algérie.

L’inauguration d’un « Pentagone » à la française, la commémoration de l’armistice du 11-novembre aujourd’hui en hommage aux morts pour la France de 1914-1918 mais aussi de tous les conflits interviennent dans ce contexte d’engagement militaire multiple, « de niveau élevé » voulu par le chef de l’État. « Notre sécurité se joue aussi à l’extérieur de nos frontières », expliquait François Hollande en août aux ambassadeurs.

L’ancien lieutenant du 71e régiment du génie, près de Rouen, qu’il a été, a renoué avec la chose militaire depuis son arrivée à l’Élysée. Avec succès ? Au Mali, après Serval qui a mis fin à l’avancée djihadiste, il avait été accueilli aux cris de « papa Hollande », mais l’intervention, programmée pour quelques mois, s’éternise et pourrait même, selon les experts militaires, durer vingt ans.

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 17:55
Quelles implications pour la politique de défense ? - Ecole militaire, 14 octobre 2015


10/11/2015 Sources : État-major des armées

 

Ecole militaire, 14 octobre 2015

 

Merci madame la Présidente,

Mesdames et messieurs les ministres,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Mesdames et messieurs les officiers généraux,

Mesdames et messieurs,

Je suis particulièrement heureux de participer à cette table ronde. C’est une chance et un honneur de pouvoir m’exprimer devant un auditoire aussi prestigieux et il est important que les militaires, bras armés d’une stratégie politique, puissent s’exprimer sur ce sujet essentiel qu’est l’écologie pour l’avenir du monde et pour témoigner qu’ils sont « climato-conscients ».

Quelles implications du changement climatique pour la politique de défense ?

Pour ma part, en tant que chef militaire, je voudrais en quelques minutes – de façon très synthétique et donc imparfaite – partager avec vous une conviction forte : le facteur environnemental et climatique doit être pris en compte, à sa juste mesure,pour l’emploi et l’efficacité de notre outil militaire. Je m’exprimerai en vérité, avec sincérité, car je crois que les enjeux exigent que nous sortions des convenances, des postures et de la langue de bois.

Pour étayer cette conviction, je procéderai en deux temps, avec : d’abord, un tour d’horizon des différents impacts du changement climatique pour nos armées ; puis, dans un deuxième temps, en partageant avec vous quelques réflexions qui permettront, je l’espère, de nourrir notre débat.

***

 

Pour commencer donc : quelles sont les conséquences, potentielles ou avérées, directes ou indirectes, du dérèglement climatique sur nos armées ?

En réalité, nous les observons déjà et, pour le montrer, je veux me placer à deux niveaux : d’abord celui de nos missions, puis celui de notre capacité d’action.

Nos missions : lorsqu’on les passe en revue, on constate que la question climatique est parfois prégnante, souvent sous-jacente, toujours présente.

Elle est prégnantedans nos missions de secours et d’assistance aux populations.Lors des tempêtes, canicules, inondations ou feux de forêt, nos armées s’engagent et agissent en appui ou en complément des forces de sécurité civile : la canicule en 2003, Draguignan et La faute-sur-mer en 2010, les inondations dans le Var en 2014, et plus récemment le drame dans la région cannoise, enfouie sous les eaux.

Pour ces missions, nos concitoyens savent compter sur la réactivité, la compétence des armées, sur leur équipement et leur capacité à mobiliser du personnel en nombre, organisé, enthousiaste et discipliné. Pour ce type de missions, le dérèglement climatique se traduira très probablement par une inflation de l’engagement des armées du fait de la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes. Le tout est que les armées agissant dans l’urgence, passent ensuite la main dans la durée aux organisations étatiques responsables des différents domaines.

La question climatique, elle est sous-jacentedans nos missions de prévention. Vous le savez, nous sommes engagés dans la mission Harpie en Guyane de lutte contre l’orpaillage clandestin ; dans la mission Héphaïstos de surveillance des feux de forêt ; ou encore dans la surveillance de notre zone économique exclusive, la lutte contre la pollution volontaire en mer, ou enfin la police des pêches.

Dans ces missions, nous contribuons à veiller et à surveiller les phénomènes climatiques et leurs effets sur les populations et sur l’environnement.

Il y a enfin les missions d’intervention dans des crises sécuritairesdans lesquelles la question environnementale et climatique, si elle n’est pas première, peut être présente,en constituer une cause ou un facteur aggravant.

La compétition pour les ressources naturelles ou les tensions sur l’approvisionnement énergétique peuvent être cause de conflits ; cela a été évoqué ce matin. De même, les migrations climatiques, la montée des eaux et ses conséquences que sont la perte de territoires ou les litiges frontaliers peuvent également générer des crises. Quoi qu’il en soit, d’un point de vue général, et à court terme, le dérèglement climatique constitue un multiplicateur croissant de menaces à surveiller. D’ailleurs, dans notre méthode de raisonnement tactique, un des premiers facteurs déterminant une opération est constitué par les conditions climatiques, essentielles pour les armées que ce soit dans le ciel, en mer, ou à terre.

Et enfin, le terreau du terrorisme, c’est la pauvreté qui est souvent la résultante directe ou indirecte du changement climatique, notamment par le déplacement des populations.

***

 

Après l’impact sur nos missions,je voudrais maintenant vous livrer trois réflexions d’ordre général.

 

Première réflexion : le responsable militaire partage avec celui qui milite pour un développement durable la même attention au temps long et monsieur Hulot, vous avez eu raison de le mentionner dans votre propos introductif ce matin.

Le militaire sait d’expérience la nécessité d’inscrire son action dans la durée : la résolution des crises demande en moyenne 15 années d’endurance, de constance et de persévérance ; le développement de beaucoup de nos systèmes d’armes s’inscrit dans une échelle de temps encore plus grande, d’ailleurs souvent avec des modules de recherche duale civilo-militaire écoresponsables. Aujourd’hui, la pression pour une réponse immédiate s’applique partout et à tous. Le zapping permanent, au gré de l’émotion populaire, s’oppose à la bonne mise en œuvre de toute stratégie de long terme.

C’est ce même phénomène, cette même vision courtermiste, qui est à l’origine de l’épuisement des ressources naturelles : on ne peut s’intéresser au développement durable sans cette attention au temps long et sans la conscience que les conséquences de nos actions ne sont pas toutes mesurables à l’échelle d’une vie, ou à l’échelle d’un poste ou d’une responsabilité.

Pour l’action militaire, pour la construction de notre outil de défense, comme pour la préservation des ressources naturelles, ne laissons pas l’écume de l’immédiateté se substituer aux actions de fond.

 

Deuxième réflexion : par son métier, le militaire est naturellement sensibilisé aux problèmes environnementaux.

Le militaire entretient en effet des liens privilégié avec la nature et les éléments naturels ; il vit – et combat – dans son milieu naturel. A l’image des marins pêcheurs ou des agriculteurs, nos marins et soldats sont confrontés aux éléments naturels ; ils aiment profondément la nature et c’est tout naturellement qu’ils la respectent. C’est un lien très direct, empreint d’humilité, quasi charnel. Le respect de la nature, c’est l’ADN du soldat. Dans notre monde urbanisé, nous ne sommes plus si nombreux à vivre aussi proche de la nature.

 

Troisième et dernière réflexion : les populations ne peuvent adopter un comportement écoresponsable que lorsque leurs besoins de sécurité sont satisfaits.

Au Sahel, au Levant ou en République Centrafricaine, nos armées, par leur engagement, œuvrent pour faire progresser la paix. Sans ce prérequis d’un environnement stable, il n’y a malheureusement pas de place pour le développement durable.

D’ailleurs, pour gagner la paix, si l’action militaire est nécessaire, elle est rarement suffisante. Seule une approche globale le permet, j’en suis un ardent défenseur. Cette approche consiste à prendre en compte tous les aspects d’une crise ; elle vise à agir sur l’ensemble des racines de la violence qui s’ancrent souvent dans des problématiques de culture, d’éducation, de justice, de pauvreté, d’accès aux ressources. Ce sera d’autant plus vrai pour les crises à venir causées ou accentuées par le réchauffement climatique.

 

***

Pour conclure, je dirai tout d’abord, qu’il faut désormais considérer la problématique du réchauffement climatique comme un risque croissant pour nos intérêts, du fait de son pouvoir déstabilisateur. Mais j’ajouterai que, dans la durée, très concrètement, les effets du dérèglement climatique risquent d’accroître encore un peu plus le volume des missions confiées aux armées. C’est aussi probablement à prendre en compte dans les projections budgétaires à venir : à missions nouvelles, moyens nouveaux.

Pour bien prendre en compte les problématiques climatiques et de défense dans leur ensemble et dans leur complexité, nous devons inscrire notre réflexion dans le temps long. Sachons garder la bonne focale pour construire « la défense durable » !

J’ai bien conscience que ce très court propos ne permet ni d’épuiser le sujet, ni d’en aborder tous les aspects, j’espère en tout cas qu’il permettra de nourrir nos débats. J’espère aussi que vous serez persuadés de la loyauté et du dévouement de nos soldats dont l’unique mission est bien la protection de la France et des Français, sous toutes ses formes, au service de la paix dans le monde.

Je vous remercie.

 

151014_CAB_CEMA_TR conséquences changement climatique (format pdf, 30 kB).

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 17:55
La sécurité au XXIesiècle : quels leaders et quels défis ? (CEMA - 2 Nov 2015)

photo AECP Centraliens

 

10/11/2015 Sources : État-major des armées

 

Allocution du général d’armée Pierre de Villiers devant l’association des centraliens à Paris, 2 novembre 2015.

 

Mesdames et messieurs,

Je voudrais tout d’abord adresser mes plus vifs remerciements à l’association des Centraliens et à son président, monsieur Jean-Georges Malcor, pour son invitation : c’est un privilège et un plaisir de pouvoir m’exprimer devant vous à l’occasion de ce petit déjeuner organisé à un horaire militaire sur le thème : « la sécurité au 21èmesiècle : quels leaders et quels défis ? ».

La sécurité et la défense de notre pays est un sujet qui nous concerne tous, que nous soyons militaires ou dans l’entreprise. Sans sécurité, il n’y a pas de développement économique possible.

Les armées françaises, directement aux ordres du chef des armées, le Président de la République, ont une raison d’être, celle de contribuer à assurer la sécurité de la Nation ; elles ont une vocation, celle de protéger la France et les Français. Je suis heureux de l’occasion qui m’est offerte d’exprimer devant vous quelques-uns des défis de l’armée de la Nation. Ce sont les défis de votre armée ; ceux de notre sécurité collective. Voilà pourquoi je suis heureux d’être là ce matin avec vous.

Le maintien dans la durée de la bonne adéquation entre les missions de nos armées et les moyens dont elles disposent pour les remplir est, vous l’imaginez, au cœur des préoccupations du chef d’état-major des armées. Parmi ces « moyens » au sens large, la ressource humaine tient une place à part. La qualité humaine est en effet la vraie force de nos armées ; elle au cœur de ce que nous sommes et de notre efficacité opérationnelle. Recruter, former et faire grandir les leaders, les chefs militaires de demain, est pour moi un sujet d’importance stratégique.

Vous l’avez compris, le thème que vous avez choisi renvoie à l’une de mes principales préoccupations : préparer les armées, et plus particulièrement ses chefs, à affronter l’avenir incertain.

Ce matin, je voudrais vous livrer un témoignage de chef militaire et pour aborder ces différentes facettes de la problématique de votre sujet, je vous propose un exposé en trois parties :

  • dans la première partie, je voudrais vous parler des principaux enjeux sécuritaires auxquels nous sommes confrontés. C’est le contexte dans lequel s’inscrivent nos missions ; ce sont les défis que nous devons relever, ceux que nous devons anticiper ;
  • dans la deuxième partie de mon exposé, je vous décrirai les grandes lignes de notre stratégie d’action pour maintenir l’efficacité de nos armées et les préparer à affronter l’avenir ;
  • enfin, dans une dernière partie, je vous livrerai ma vision du chef militaire que je préconise et en particulier des qualités qu’il doit développer. Vous y retrouverez sûrement de grandes similitudes avec ce que vous attendez d’un manager dans l’entreprise. Gardez néanmoins à l’esprit que le métier militaire n’est pas un métier comme un autre : un militaire peut être amené à donner et à recevoir la mort. Mourir au combat n’est pas un accident du travail, c’est un sacrifice librement consenti, lorsque la mission l’exige.

***

Première partie donc, quels sont les défis sécuritaires auxquels nous devons faire face ?

Vous le suivez à travers l’actualité : les risques augmentent. A l’extérieur de notre pays, nous observons chaque jour des menaces qui se durcissent et se rapprochent de nos frontières et de celles de l’Europe. La Syrie et l’Irak avec Daech ; l’ensemble de la bande sahélo-saharienne avec ses groupes armés terroristes ; le Nigeria et les pays riverains du lac Tchad avec Boko-Haram ; s’y ajoutent d’autres menaces de déstabilisation que sont la piraterie maritime, le risque Cyber et les attaques dans les champs de la perception et de l’information. Toutes ces menaces affectent, directement ou indirectement, les grands échanges entre les Nations. Elles affectent notre pays et nos concitoyens.

Les attentats et actes de violence survenus depuis le mois de janvier sur notre propre sol sont une expression dramatique, au cœur même de notre territoire national, de la profonde dégradation de la sécurité du monde. Chaque nouvelle menace s’ajoute aux précédentes.

Pour bien comprendre les ressorts de cette violence, je voudrais commencer par vous donner les quatre lignes de forces qui sont à mes yeux la toile de fond des crises et qui mettent au défi l’efficacité de notre défense.

1èreligne de force : le lien de plus en plus étroit entre sécurité extérieure et sécurité intérieure.

Les connexions matérielles et immatérielles, à l’échelle régionale et mondiale, augmentent la difficulté de circonscrire une crise à un théâtre limité.

Les crises extérieures ont des répercussions directes sur le territoire national et sur l’espace européen : le retour de combattants étrangers et – dans un autre registre – l’ampleur du phénomène des migrants en sont les deux illustrations les plus criantes.

Dans tous les cas, les menaces, les défis, sont transfrontaliers.Je constate qu’aujourd’hui, certains Etats se comportent parfois comme des bandes armées et des bandes armées se prétendent et agissent comme des Etats, à l’image du phénomène Daech.

Il y a donc un lien très fort entre la défense de l’avant – ce que nous faisons en opérations extérieures – et la sécurité de l’arrière : la protection de nos concitoyens sur le théâtre national. En agissant au Sahel ou au Levant, en y combattant les groupes terroristes, en y recueillant des renseignements sur les intentions hostiles des ennemis de notre société, nos forces armées contribuent directement à la défense de la France et des Français.

Deuxième ligne de force : le phénomène du terrorisme international.

Ce phénomène, incarné par Al Qaida, Daech et leurs affiliés, renvoie à la radicalisation djihadiste et répond à une stratégie délibérée : la recherche de la rupture par une surenchère de terreur. Sa propagande, véhiculée par les réseaux sociaux est offensive et de grande « qualité » technique ; elle est au bilan efficace et, ne nous leurrons pas, elle opère une attractivité certaine sur une partie de notre propre population, notamment les jeunes. En cela, elle menace notre société et place la violence au cœur de notre démocratie. La menace est sérieuse ; il suffit de regarder les faits pour s’en convaincre :

  • 2 700 comptes twitter en langue française relaient la propagande djihadiste, avec globalement, quotidiennement, 40 000 tweets pro-Daesh ;
  • environ 20% des combattants étrangers présents aujourd’hui même en Syrie sont francophones et parmi eux on dénombre environ 500 Français.

Troisième ligne de force : l’avance technologique, qui nous donnait d’office l’ascendant, se réduit sous l’effet des modes d’action qui visent à la contourner.

Ces modes d’action limitent les avantages liés à la technologie ; ilssont redoutablement variés :ce sont les cyber-attaques, les engins explosifs improvisés, les snipers, les attaques suicides, les actions dans les champs de l’influence et de la perception. Ces capacités sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont peu coûteuses, aisément accessibles, et qu’elles se combinent facilement à l’idéal de mort de ceux qui nous combattent.

Nous les avons affrontés en Afghanistan, au Mali ; maintenant c’est au Levant ; qui peut dire qu’ils ne viendront pas demain jusqu’à nous ? C’est déjà partiellement le cas. Et il nous faut réfléchir pour trouver les parades pour conserver notre supériorité.

Quatrième et dernière ligne de force : la contradiction de plus en plus flagrante entre la gestion du temps court et la nécessité d’inscrire l’action dans le temps long.

Avec l’information instantanée et continue, la pression pour une réponse immédiate s’applique partout et à tous, alors que l’histoire nous montre que la résolution d’une crise demande en moyenne 15 années d’endurance, de constance et de persévérance.

A réagir sous le coup de l’émotion à un événement circonstanciel, nous courrons le risque de la précipitation et du micro-management qui peuvent provoquer des réponses inappropriées au regard des enjeux réels, au regard de nos objectifs stratégiques.

Nous ne devons pas baisser la garde. Nous ne devons pas non plus adapter notre outil de défense aux seuls combats d’aujourd’hui. Gardons le juste recul pour appréhender l’avenir incertainet « penser l’impensable ». L’histoire est parfois cruelle sur ce plan.

Ces quatre lignes de force constituent autant de défis pour nos armées. Leur addition ou leur combinaison a pour conséquence de modifier profondément la physionomie des crises, dont l’intensité et la simultanéité conduisent déjà à un engagement important de nos soldats qui garantissent la sécurité du territoire national et de ses approches, aussi bien en métropole qu’outre-mer, dans les 3 milieux historiques - terre, air, mer - auxquels il faut désormais ajouter le cyberespace et le spatial.

Au total, ce sont actuellement environ 30 000 soldats des 3 armées qui sont déployés 24h sur 24 à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. Ils arment les forces de présence – c’est-à-dire nos forces prépositionnées à l’étranger – et de souveraineté, c’est-à-dire nos forces dans les DOM-COM ; ils assurent les missions permanentes de sécurité ; ils conduisent les opérations extérieures comme les missions intérieures.

A l’heure où je vous parle, nos armées sont engagées dans 25 opérations extérieures et 7 000 soldats arment la seule opération Sentinelle sur le territoire national. Elles luttent contre le terrorisme maritime, contre les trafics, protègent notre zone économique exclusive et notre espace aérien. Elles tiennent enfin la posture permanente de dissuasion nucléaire, qui sanctuarise nos intérêts vitaux.

Vous le voyez : une situation sécuritaire qui se dégrade, une violence en mutation et en augmentation, tel est le contexte dans lequel nos armées doivent agir. Ce sont autant de défis et nous n’avons pas le droit de faillir, car c’est la protection de notre pays et de nos concitoyens qui est en jeu !

Face à la montée des menaces et à la complexité des situations, il faut fixer des principes suffisamment généraux pour être expliqués, compris et assimilés, et suffisamment précis et adaptables pour servir de lignes directrices.

***

Pour ma part, je crois que les leviers de l’action résident toujours dans la conjonction et la combinaison de troiséléments : la volonté, les moyens et l’engagement. J’aborde là ma deuxième partie : vouloir – pouvoir – agir, trois dimensions que je souhaite détailler devant vous ; elles forment la matrice de notre stratégie militaire générale pour être au rendez-vous de nos missions.

1erdimension : la volonté. C’est le « vouloir » de l’engagement militaire.

La capacité de vouloir suppose que soient réunis trois impératifs :

  • le premier est la nécessité d’une capacité autonome d’appréciation de situation, au niveau stratégique et tactique, afin de rester dans le club très fermé des armées qui disposent de cette capacité. En clair, il s’agit d’abord de savoir et de comprendre. C’est la vocation de notre Direction du renseignement militaire, de nos capteurs de renseignement, de nos satellites, mais aussi des efforts consentis pour améliorer nos capacités dans le domaine cyber et, plus généralement, dans les champs immatériels ;
  • deuxième impératif : préserver un modèle d’armée complet, est nécessaire pour défendre notre pays. Parce que les menaces sont multiples ; parce qu’elles se présentent chaque jour sous une forme différente ; parce que nous ne savons jamais vraiment de quoi demain sera fait, il nous faut une palette de moyens à « large spectre». Il faut s’adapter à la menace, au plus près comme au plus loin, dans toutes ses dimensions capacitaires.
  • le troisième impératif du « vouloir » est l’aptitude de nos armées à « entrer en premier », c’est-à-dire à planifier et à conduire une opération nationale, en y intégrant, et très vite, des soutiens fournis par d’autres nations. Cette aptitude s’appuie, là encore, sur des capacités souveraines de renseignement et de commandement, mais aussi sur une palette d’équipements capables de faire la différence sur le terrain. Ces capacités doivent être pérennisées : sans elles, rien n’aurait été possible au Mali ou en République Centrafricaine, car, au départ, nous ne pouvions guère compter sur d’autres partenaires.

2èmedimension, après la volonté : ce sont les moyens en tant que tels, c’est-à-dire « pouvoir ».

Ces moyens, ces ressources, elles se conçoivent ; elles se préparent ; elles se façonnent. Un modèle d’armée, cela part de la prospective pour aller jusqu’aux hommes ; cela passe par les aptitudes, les capacités, les équipements, le fonctionnement et le budget. Cette cohérence et cette globalité de modèle, c’est ce que j’ai sans cesse à l’esprit. C’est ce qui guide la transformation de nos armées que nous menons actuellement.

Nous transformons en effet nos armées, car la réalité est que nous sommes confrontés à un vrai challenge. Avec des moyens en constante diminution, depuis une dizaines d’années, tout en menant des opérations exigeantes, il faut faire des choix, mais en gardant le cap de la cohérence globale de notre modèle. Le mot « cohérence » est essentiel, car l’histoire nous enseigne que l’on perd la guerre souvent à cause d’un grain de sable, à cause du maillon faible !

La réforme, cette transformation, nous la mettons donc en œuvre résolument, mais elle n’est pas un but en soi. Elle est un moyen pour préserver au mieux notre outil de défense et le façonner sur les défis de demain.

La transformation, c’est en réalité pour les armées plus qu’un état de fait, c’est un état d’esprit !

Transformer, c’est concilier les contraintes budgétaires avec le maintien de notre excellence opérationnelle ; c’est donner à notre pays l’outil de ses ambitions et de ses besoins. Tout au long de cette manœuvre, alors que les lignes bougent, et tout en continuant à gagner en opérations, nous devons conserver cette essentielle cohérence de nos armées. Pour cela, nous nous sommes organisés avec soin :

  • un plan stratégique a été construit. Il s’appuie sur une cartographie des risques et sur une analyse fonctionnelle. Je pense que vous êtes parfaitement familiers de ces notions ;
  • un projet, que nous avons nommé CAP 2020, a été bâti. Il traduit le plan stratégique en actions à conduire. Nos trois armées et nos six directions et services ont, à leur tour, construit et rédigé leur projet pour leurs propres entités. Chacun d’eux s’inscrit dans le plan d’ensemble de CAP 2020, qui est un projet global, parfaitement cohérent avec la Loi de programmation militaire qui vient d’être actualisée. Cette loi fixe, année après année jusqu’en 2019, les moyens financiers qui sont alloués aux armées. C’était tout l’enjeu de l’actualisation de cette PLM 2014-2019, votée en juillet dernier avec la décision prise par le Président de la République de redresser le budget de la défense au regard du niveau des menaces. C’était l’objectif de notre combat dernière notre ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian ;
  • trente et un chantiers transverses ont été lancés : ils portent par exemple sur les Etats-majors, la formation, le modèle RH, l’organisation logistique,…

Voilà pour la 2èmedimension, le « vouloir ».

3èmeet dernière dimension, après les moyens : l’engagement ; c’est la capacité à « agir ».

Dans les affrontements, qui sont toujours une confrontation entre deux volontés, il faut prendre l’ascendant sur l’adversaire. Là encore, il faut pour cela une philosophie de l’action qui fixe des principes et des impératifs comme conditions de notre efficacité militaire.

Vous connaissez sûrement les principes de la guerre édictés, il y a un siècle, par le maréchal Foch : « l’économie des moyens », « la concentration des efforts » et « la liberté d’action ». A ces principes, toujours vivants, je suis convaincu qu’il faut désormais ajouter « la surprise ». Non celle que l’on subit, mais celle que l’on impose. Dans les affrontements armés d’aujourd’hui, c’est cette surprise, cette incertitude, cette « foudroyance », qu’il faut rechercher à imposer, car l’adversaire fuira toujours le combat, sauf s’il est acculé.

Cela suppose de disposer d’une mobilité suffisante, d’une allonge pour projeter notre puissance et frapper l’adversaire dans la profondeur avant qu’il ne vienne jusqu’à nous.

Cette capacité à agir est permise par de nombreux moyens et équipements militaires, mais elle s’exprime surtout à travers les hommes qui les mettent en œuvre, ce qui m’amène naturellement à vous parler de la richesse humaine de nos armées. J’aborde ici ma troisième et dernière partie.

***

 

Je vous l’ai dit, j’apporte une attention toute particulière à la sélection et à la formation des hommes et des femmes de nos armées et en particulier à celle des chefs militaires : ils doivent être capables de commander en opérations avec agilité et leadership.

Dans le brouillard de la guerre, l’intelligence ne suffit pas : il faut du caractère. Dans la fatigue, le danger, le stress des combats, le chef doit être à même de faire face et de dominer l’imprévu ! Il doit agir en homme de pensée et penser en homme d’action.

L’art du commandement militaire rejoint sur ce plan celui du management civil dans la capacité à entraîner en vue d’un objectif commun, dans la capacité à remplir la mission. Le « leader », le chef, est celui qui définit la mission, qui la répartit et qui en assure la responsabilité. Cette mission engage ses subordonnés et, avec eux, il est personnellement engagé : le chef « co-mande ». Ce qui suppose que sa première qualité soit bien sa capacité à entraîner, à expliquer, à écouter. Pour commander, il ordonne : il donne des ordres, il met de l’ordre. C’est vers lui que l’on se tourne pour y voir plus clair. Le chef compose avec l’incertitude. Il assume le risque de se tromper dans ses évaluations et dans ses décisions.

Mais, in fine, sur le champ de bataille, pour le chef militaire, c’est toujours de vies humaines dont il s’agit. Il peut ordonner de donner la mort et en assumer la contrepartie, celle de perdre la vie, la sienne comme celle de ses hommes : c’est cela, fondamentalement, qui distingue le leader militaire du manager d’une équipe ou d’une entreprise civile.

Pour moi, trois chosessont nécessaires pour faire un chef militaire de cette trempe.

Premièrement : l’envie de commander, c’est-à-dire le sens et le goût des responsabilités. C’est une évidence : pour être un chef, il faut être habité par le profond désir et la volonté de le devenir. C’est un choix qui doit être renouvelé tout au long de la carrière militaire ; ce choix doit s’exprimer par la combativité, l’ardeur à servir, l’esprit d’initiative. « Malheur aux gens tièdes, qu’ils rentrent dans leurs familles ! », disait le prince de Ligne.

Deuxième chose : le caractère, un caractère bien trempé fait de volonté, d’énergie, de pugnacité, d’exemplarité et de maîtrise de soi. Il faut être sérieux, sans se prendre au sérieux. Je crois en effet que le chef doit avoir de l’humour. C’est même pour moi une qualité indispensable lorsqu’il n’est pas dérision systématique, car il fait partie des défenses immunitaires essentielles, contre la simplification à l’excès, l’arrivisme ou la prétention. Il donne en plus une certaine distance par rapport aux évènements de la vie quotidienne.

Troisième chose, l’esprit d’équipe. C’est la conscience d’être membre d’un groupe au sein duquel chacun est indispensable à la mission. C’est ce que l’on nomme chez nous l’esprit d’équipage ou l’esprit de corps ; quelque chose comme l’équivalent de « l’esprit d’entreprise ». Je suis persuadé que le chef n’est rien sans ses subordonnés. Il ne vaut qu’avec eux. Toute autorité est un service !

S’il fallait compléter ces trois éléments par quelques qualités à développer pour faire un grand chef militaire, j’en citerais quatre :

  • le courage, physique et intellectuel, qui permet d’affronter la peur. Il donne l’autorité ; il autorise la persévérance. Il est bien la marque des chefs, car il permet d’avoir confiance en soi et, surtout, il donne confiance autour de soi. « Absorbeur de stress », « diffuseur de confiance », voilà le chef militaire ;
  • le discernement qui s’ancre dans le travail personnel, la lecture, la réflexion, la culture générale. Il permet de décider seul dans l’urgence des situations opérationnelles ;
  • le goût de l’effort, qui incite au dépassement de soi et au travail. « S’élever par l’effort », quelle belle devise !
  • l’abnégation, qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime, au service de la mission qui est sacrée.

 

Je crois enfin que tout cela ne relève pas que de l’inné, de l’intuition ou des circonstances : les grands chefs ont toujours été de grands travailleurs, y compris les plus géniaux. Ils ont toujours cherché à cultiver trois domaines.

Premièrement, la compétence technique, autrement dit la connaissance du métier. C’est l’un des premiers critères sur lequel le leader est évalué, par ses supérieurs, ses pairs et aussi ses subordonnés. Sans compétence, pas de crédibilité.

Deuxièmement : l’ouverture d’esprit. C’est pour nous l’ouverture sur le monde en général, et sur la société civile en particulier. « Celui qui n’est que militaire est un mauvais militaire », disait Lyautey. Je ne doute pas que vous ayez cette même attention, y compris en direction du monde militaire. Je vois en tout cas ma présence ici comme une preuve de cela !

Troisième domaine, enfin : l’expérience, la sienne et celle des autres. Quand on a 20 ans et l’avenir devant soi, on est impatient de voler de ses propres ailes ; rien ne remplace l’expérience personnelle, mais celle des autres fait gagner du temps ! La lecture de l’histoire, de la vie des grands chefs, des décideurs politiques, des capitaines d’industrie : tous ont des choses précieuses à nous apprendre sur le leadership et sur le charisme du chef. La plupart de mes idées nouvelles, je les prends chez les autres, en les écoutant.

Voilà ce que je voulais partager avec vous sur les qualités du chef. La richesse humaine de nos armées est notre principal capital et nous nous attachons à la faire fructifier. Elle forge les forces morales qui permettent, dans les moments d’exception, d’être au rendez-vous de l’histoire et de surmonter les difficultés, sans esprit de recul.

 

***

Voilà pour les quelques éléments que je souhaitais développer devant vous pour répondre à la question que vous m’avez posée : « quels leaders et quels défis ?». Pour conclure, je dirai que les défis qui sont devant nous, ceux d’un contexte sécuritaire qui se dégrade, nous invitent à ne pas baisser la garde ; ils soulignent l’importance de nos capacités militaires, de notre budget, de notre ressource humaine. Ce n’est pas un discours corporatiste, c’est celui d’un chef militaire soucieux de l’outil militaire dont il a la charge, conscient d’une mission exercée pour l’intérêt supérieur de la Nation. C’est le discours d’un citoyen qui a conscience des enjeux sécuritaires de notre pays.

Vous pouvez compter sur les hommes et les femmes de nos armées, sur leur courage, sur leur sens du service, sur leur dévouement. Comme ils le démontrent tous les jours sur les théâtres d’opérations extérieures et à l’intérieur même de nos frontières ; c’est avec leur enthousiasme qu’ils s’engagent pour vous, pour leur pays, pour le succès des armes de la France.

Je vous remercie et je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

 

 

151102_CAB_CEMA_association des centraliens (format pdf, 66 kB).

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 12:45
La professionnalisation des armées arabes face à un nouveau contexte stratégique régional: les cas de l’Algérie, de la Tunisie et de l’Égypte


06/11/2015  Flavien BOURRAT - IRSEM


"La professionnalisation des armées arabes face à un nouveau contexte stratégique régional : les cas de l’Algérie, de la Tunisie et de l’Égypte"
 

Un nouveau contexte stratégique caractérise le monde arabe, posant avec une acuité particulière la question des capacités des forces armées locales à affronter des défis vis-à-vis desquels elles n’ont pas été préparées. Ce contexte est désormais marqué par la montée en puissance d’un jihadisme armé et territorialisé ...

 

Numéro 24 - 2015 (pdf - 694 ko)

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9 novembre 2015 1 09 /11 /novembre /2015 08:55
Les États-Unis ont toujours aidé la dissuasion française

 

07/11/2015 Par Jean Guisnel Le Point.fr

 

La bombe française, pur produit des cerveaux et de l'industrie nationale, est un mythe. Des chercheurs rappellent l'apport décisif des Américains.

 

C'est une question aussi ancienne que la dissuasion nucléaire française : quand, comment et dans quelles conditions les États-Unis ont-ils, ou pas, aidé les Français à construire leur force de frappe atomique, appelée ensuite force de dissuasion ? Quand on pose la question aux ingénieurs et militaires français qui ont travaillé sur ces sujets depuis la fin des années 1950, la réponse est généralement la suivante, en substance : « Les Américains ne nous ont pas aidés directement, mais nous ont parfois fait savoir que nous allions dans le bon sens, ou l'inverse. »

C'est pour répondre plus précisément aux interrogations sur ce sujet que deux chercheurs fins connaisseurs des questions nucléaires, le Français Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et l'Américain Jeffrey Lewis, du Center for Non Proliferation Studies, se sont penchés sur ce sujet.  Ils font un point aussi précis que possible de la question, dans un texte que vient de publier la FRS, en anglais : US-France Nuclear Cooperation : its past, present and future (pdf). Ils y répondent sans hésiter par l'affirmative : oui, les États-Unis ont aidé la dissuasion nucléaire française et pas qu'un peu !

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5 novembre 2015 4 05 /11 /novembre /2015 17:30
Daech, al-Nosra, Armée de l'Islam : les sept familles du djihad en Syrie

 

04/11/2015 Par Eléonore de Vulpillières – LeFigaro.fr

 

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Des vidéos circulent montrant des terroristes syriens utilisant des civils loyalistes du régime comme bouclier humain. Qui sont-ils ? Quelle est leur stratégie ? Alain Rodier fait le point sur les multiples groupes djihadistes en présence.

 

Spécialiste du terrorisme et de la criminalité organisée, ancien officier au sein des services de renseignement français, Alain Rodier est directeur de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

 

LE FIGARO. - Selon l'ONG Human Rights Watch (HRW), des groupes de rebelles syriens auraient utilisé des otages civils (alaouites loyalistes au régime) dans la région de la Ghouta, près de Damas, comme boucliers humains en vue de dissuader le régime d'effectuer des raids aériens. Ils n'appartiendraient ni à Daech ni à al-Nosra, mais à l'Armée de l'Islam («Jaich al-Islam»). Quelle est l'importance de cette organisation?

 

Alain RODIER. - Jaich al-Islam (l'Armée de l'islam) est un mouvement salafiste nationaliste, c'est-à-dire qu'il inscrit son combat dans une perspective syrienne et pas internationaliste comme Al-Qaida «canal historique» ou Daech. Il est dirigé par Mohammad Zahran Allouche qui, un temps, dépendait de l'Armée Syrienne Libre (ASL). C'est le groupe rebelle le plus important dans la banlieue de Damas et en particulier dans le quartier de la Ghouta. Le nombre de ses combattants est estimé à 10 000, un certain nombre ayant été libérés des geôles syriennes en 2011 quand Bachar el-Assad a tenté une ouverture vers l'opposition. Jaich al-Islam est soutenu par l'Arabie saoudite et le Qatar. Il a refusé de rejoindre une nouvelle coalition qui s'est formée en octobre 2015 à Damas baptisée Jund al Malahim (les Soldats de l'aventure). Elle regroupe le Front al-Nosra, la branche armée d'Al-Qaida «canal historique» en Syrie, le Ahrar al-Sham (les Hommes libres du Levant) et le Ajnad al-Sham (les soldats du Levant). Lors de sa création, la nouvelle coalition a affirmé que la Oumma (la communauté des croyants) a subi une «attaque féroce» au Levant et partout ailleurs. Les «Russes ont rejoint cette attaque mettant les pieds dans les pas des apostats [les chiites], des croisés et de leurs alliés». Le refus de Jaish al-Islam peut s'expliquer par son souhait d'apparaître comme «modéré» en n'entretenant pas de relations avec le Front al-Nosra.

Parallèlement, Jaich al-Islam appartient au Front Islamique (FI) patronné par Riyad qui unit sept mouvements salafistes dont le Ahrar al-Sham qui lui, dépend aussi du Jund al Malahim et qui a donc des relations avec le Front al-Nosra! Allouche est le chef militaire du FI et Hassan Aboud, l'émir d'Ahrar al-Sham le chef politique…

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5 novembre 2015 4 05 /11 /novembre /2015 17:20
« Canada is back! »

 

 

Le potentiel insoupçonné de « quelques arpents de neige »…

 

La victoire du Parti libéral aux dernières élections législatives ne sonne pas seulement le glas de dix ans de pouvoir conservateur à Ottawa. Elle annonce le « retour » du Canada sur la scène internationale, et un changement de cap sur un certain nombre de dossiers (arrêt des frappes aériennes contre l’Etat islamique, participation à la COP21 et plus généralement meilleure prise en compte des enjeux environnementaux…).

« Le Canada est de retour » a ainsi lancé le vainqueur, Justin Trudeau, dès le lendemain du scrutin, aux « amis (du Canada) à travers le monde » qui « se sont inquiétés du fait que le Canada avait perdu sa compassion et sa voix constructive dans le monde au cours des dix dernières années ».

Un réalignement sur la politique « internationaliste » que menait l’ancien Premier ministre Pierre-Eliott Trudeau, père de Justin Trudeau, est donc à prévoir. La situation incite à s’intéresser de nouveau au Canada, une puissance moyenne mais aux fondamentaux solides et à l’influence croissante.

La campagne électorale a semblé un temps se focaliser, via l’islam, la menace terroriste et surtout la question de l’accueil des réfugiés syriens, sur les problèmes du « multiculturalisme » qui caractérise à la fois la société et l’organisation politique canadiennes.

Mais il semble que le choix se soit opéré pour l’essentiel sur l’économie, socle sur lequel le premier ministre sortant a voulu capitaliser.

« Avec une récession sur les six premiers mois de l’année, en raison de la chute des prix du pétrole, Justin Trudeau a promis au prix de trois prochaines années en déficit budgétaire, de relancer l’activité avec un programme d’infrastructures et des emplois à la clé », relève Le Figaro (20/10/2015).

La production pétrolière ayant largement redéfini l’économie canadienne au cours des quinze dernières années, la baisse des cours de l’or noir a eu des effets directs sur la croissance, et finalement sur le moral du corps électoral.

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4 novembre 2015 3 04 /11 /novembre /2015 19:55
Existe-t-il un droit de la cyberguerre ?

 

03.11.2015 Par Pierre ALONSO - Liberation.fr

 

Alors que les Etats recourent de plus en plus aux cyberattaques, l'encadrement de cette guerre électronique demeure flou, malgré des tentatives répétées pour le clarifier.

 

 

Le ministère de la Défense récuse l’avoir organisé en urgence, mais ce colloque tombe à pic. Lundi et mardi, le nouveau site de Balard, «l’Hexagone», accueille une série de conférences sur le thème «Droit et Opex» (opérations extérieures, la guerre donc), autour de deux thèmes clés : la judiciarisation croissante des conflits et l’adaptation du droit aux nouvelles menaces, aux «zones grises». A l’instar des bombardements français en Syrie dont la légalité a soulevé de nombreuses questions.

Ces bombardements se sont accompagnés d’actions d’un nouveau genre. Selon Le Monde, «une opération informatique du cybercommandement de l’état-major» a permis de «remonter jusqu’au groupe» visé. Soit une nouvelle application de la doctrine française en matière de «lutte informatique offensive», dans un cadre légal encore flottant.

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3 novembre 2015 2 03 /11 /novembre /2015 17:55
La dernière bataille de France (éd. Gallimard)

La dernière bataille de France (éd. Gallimard)

 

0311.2015 par Michel Goya – La Voie de l’Epée

 

Dans 50 ou 100 ans, des historiens se demanderont comment les gouvernements successifs de la France ont pu accepter de mettre le pays dans un tel état de vulnérabilité quelques années seulement après la fin de la guerre froide. La lecture d’un (vieux) manuel d’histoire suffisait pourtant à apprendre qu’à long terme des menaces majeures finissent toujours par apparaître et convaincre du caractère suicidaire d’une telle politique, si tant est que cette longue suite de lâchetés et d’abandons puisse être considérée comme une politique.

Ces historiens découvriront aussi rapidement que ce désarmement était sous les yeux de tous, à condition bien sûr de s’extraire des discours officiels sur la « juste suffisance », la « sanctuarisation », le format « plus réduit pour être plus réactif » ou des déclarations de généraux annonçant  fièrement devant l’IHEDN que « la France disposait de tous les moyens pour faire aux enjeux internationaux », toutes déclarations, au mieux myopes et au pire hypocrites.

Ces historiens découvriront qu'il suffisait de lire, hors du cercle des « responsables », quelques citoyens intéressés par la défense de leur pays et stigmatisés officiellement comme « pseudo-expert auto-proclamés » (expression utilisée la première fois à la fin de 2013 pour disqualifier ceux qui estimaient que l’opération Sangaris, toujours en cours en Centrafrique, durerait certainement plus longtemps que les six mois annoncés officiellement).

Pour comprendre ce plan incliné de la défaite, il suffisait en fait simplement de lire le livre du général Desportes justement titré La dernière bataille de France. Tout y est, expliqué, démontré et démonté, le plus clair et le plus implacable éclairage sur ce désarmement rampant, cet affaiblissement accepté des défenses immunitaires de la France. Cette « obsolescence programmée » de LPM en LPM qui est ainsi décrite est d’autant folle que l’outil militaire français, tellement facile à utiliser pour ceux qui veulent se donner une posture d’hommes d’Etat, est actuellement le plus employé au monde. Elle est d’autant plus stupide que ce désarmement, à but d'économies budgétaires, a également des conséquences désastreuses pour notre industrie (et donc aussi en retour pour les recettes budgétaires).

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3 novembre 2015 2 03 /11 /novembre /2015 17:55
R2P: "une obligation de comportement" selon la belle formule de JB Jeangène Vilmer

03.11.2015 par Philippe Chapleau - Lignes de Défense

 

Alors que se tient jusqu'à ce mardi midi un colloque consacré à "Droit et opérations extérieures", j'en profite pour signaler la sortie d'un "Que sais-je" rédigé par le juriste Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (titulaire de la chaire d'études sur la guerre au Collège d'Etudes mondiales).

Il a reçu le Prix du maréchal-Foch de l'Académie française 2013 pour La Guerre au nom de l'humanité. Tuer ou laisser mourir (préface d'Hubert Védrine, PUF, 2012).

Ce "Que sais-je" est consacré à la R2P, la responsabilité de protéger, un concept apparu en 2001, reconnu par l'Onu en 2005 (voir aussi la résolution 1894 de 2009), par lequel les Etats s'engagent à protéger les populations non combattantes des atrocités de masse.

C'est, comme le dit bien l'auteur, "une obligation de comportement, pas de résultats" (p. 119).

Ce petit ouvrage a le mérite de clarifier l'histoire, les défis, le potentiel et les faiblesses de ce qui n'est pas une norme mais "un engagement moral et politique d'importance".

 La responsabilité de protéger, de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, puf, coll. Que sais-je, 128 pages, 9 €.

 

Note RP Defense : lire La responsabilité de protéger et le débat sur la qualification de génocide au Darfour

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 12:55
Artillerie et instruction militaire opérationnelle : le renouveau.

 

23 octobre 2015 L’écho du champ de bataille

 

Les théâtres d’opérations contemporains soulignent la nécessité de mettre en œuvre des missions d’assistance militaire opérationnelle (c’est-à-dire l’aide technique et l’expertise auprès d’armées étrangères) rénovées et en adéquation avec le besoin dans les conflits du moment. En outre, ces déploiements interviennent, dans un contexte multinational voire international en Coalition (Irak), auprès de partenaires régionaux (Afrique) ou à proximité d’autres armées (Syrie et Russie).

Ainsi, les principaux acteurs observés engagent, aux côtés de leurs équipes de « conseillers », des capacités nationales de feux indirects. Complémentaires de l’appui air-sol et des hélicoptères, ces moyens issus de l’artillerie, déployés en permanence, participent à la sécurité et à la liberté d’action de détachements (de conseil ou de mentoring pour utiliser le terme anglo-saxon) souvent légers et parfois isolés.

 

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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 17:55
Le général Vincent Desportes. - photo Catherine Hélie /Gallimard

Le général Vincent Desportes. - photo Catherine Hélie /Gallimard

 

26.10.2015 Propos recueillis par Anne Bauer et Jacques Hubert-Rodier - lesechos.fr

 

Vincent Desportes lance un cri d’alarme sur la réduction des moyens militaires dans un ouvrage intitulé « La dernière bataille de France » (Le Débat-Gallimard).

 

Ancien élève de Saint-Cyr et général de division de l’Armée de Terre, le général Vincent Desportes s’est fait le grand défenseur de son corps d’armée dans les opérations extérieures de la France. Ses critiques de la stratégie américaine – donc française – en Afghanistan lui avaient valu d’être débarqué en 2010 du commandement du Collège interarmées de défense.

 

L’armée française a-t-elle aujourd’hui les moyens de faire face aux menaces ?

Nous sommes dans une situation extrêmement critique. D’un côté, les menaces s’accroissent, le feu a pris tout autour de l’Europe, de l’Ukraine au Sahel en passant par le Moyen-Orient. De l’autre, les capacités de notre défense sont constamment réduites : moins 25 % sous Nicolas Sarkozy et à peu près la même chose sous François Hollande, selon l’actuelle loi de programmation militaire, même après la légère rectification décidée par le Président. Vérifiez vous-même. Si cette pente vertigineuse n’est pas sérieusement redressée, les armées françaises vont tout simplement disparaître : le dernier soldat français défilera sur les Champs-Elysées le 14 juillet 2040.

Ce qui est terrible, c’est que l’institution militaire, silencieuse par nature, est incapable de se défendre elle-même, comme peuvent le faire d’autres corps sociaux, médecins, architectes, avocats disposant « d’Ordres » dont c’est la mission. Des voix citoyennes doivent s’élever, au nom de la Nation. Mon devoir était de pousser un cri d’alarme. C’est l’objet de cet ouvrage, hélas plus réaliste que pessimiste.

 

Pourquoi ce grand écart entre missions et moyens ?

L’Europe a tué l’idée de guerre dans l’esprit des citoyens européens. Ils ont cru que le « soft power » pourrait remplacer le « hard power ». Nous avons intellectuellement « quitté l’histoire » en imaginant être parvenus dans un monde post-moderne qui avait définitivement éliminé la guerre et la barbarie.

Si la guerre a disparu, pourquoi conserver des armées ? Les citoyens se sont désintéressés de la défense dont les investissements sont devenus peu à peu illégitimes. En aval, on a pu, sans coût politique, rogner sur les budgets de défense pour redistribuer aux corps sociaux qui, eux, descendent dans la rue.

 

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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 12:50
Vitrail de l’église de Trédaniel (22) – 1919, Ch Champignolle, Paris

Vitrail de l’église de Trédaniel (22) – 1919, Ch Champignolle, Paris

 

26/10/2015 Radio Vatican

 

Comme chrétiens nous devons nous engager pour « l’abolition de la guerre », pour la construction de ponts et non de murs. C’est l’exhortation exprimée par le Pape François lors de l’audience aux aumôniers militaires, réunis à Rome pour un cours de droit international humanitaire organisé par le Conseil pontifical Justice et Paix. Le souverain pontife a donné un encouragement à prendre soin des militaires qui reviennent de la terrible expérience de la guerre, où ils ont assistés à des crimes atroces.

La guerre « défigure les liens entre frères, entre nations » et « défigure aussi ceux qui sont témoins de telles atrocités ». Le Pape François a confié que souvent il a pu écouter, dans les récits de nombreux évêques, les blessures indélébiles avec lesquelles reviennent les soldats partis faire la guerre.

 

Guérir les blessures spirituelles des soldats en guerre

Il a donc exhorté les aumôniers militaires à être proches des soldats et de leurs familles. « Il est nécessaire de s’interroger sur les modalités adéquates pour soigner les blessures spirituelles des militaires qui, ayant vécu l’expérience de la guerre, ont assisté à des crimes atroces. Ces personnes et leurs familles requièrent une attention pastorale spécifique, une sollicitude qui leur fasse sentir la proximité maternelle de l’Église. »

Le rôle des aumôniers militaires, a-t-il souligné, est donc de « les accompagner et de les soutenir dans leur chemin, en apportant pour tous une présence consolatrice et fraternelle ». Le droit humanitaire « se propose de sauvegarder les principes essentiels d’humanité dans un contexte de la guerre, qui est en lui-même. Dans le même temps, un tel droit tend à interdire les armes qui infligent des souffrances atroces tellement inutiles pour les combattants, ainsi que des dommages particulièrement graves pour l’environnement naturel et culturel ».

 

Abolir la guerre

Le droit humanitaire, a-t-il poursuivi, « mérite d’être diffusé et promu parmi tous les militaires et les forces armées, incluant les forces non étatiques, comme parmi les personnel de sécurité et de police ».

Mais, a-t-il averti, il ne faut pas s’habituer à l’idée que la guerre soit inévitable : « Comme chrétiens, nous restons profondément convaincus que l’objectif ultime, le plus digne de la personne et de la communauté humaine, est l’abolition de la guerre. Pour cela, nous devons toujours plus nous engager à construire des ponts qui unissent et non des murs qui séparent ; nous devons toujours aider à chercher une spirale pour la médiation et la réconciliation ; nous ne devons jamais céder à la tentation de considérer l’autre seulement comme un ennemi à détruire, mais plutôt comme une personne, dotée d’une dignité intrinsèque, créée par Dieu à son image. »

 

L’homme est toujours sacré, même au milieu de la guerre

Aussi au milieu de la « lacération de la guerre », a-t-il martelé, « nous ne devons pas nous fatiguer de rappeler que chacun est immensément sacré ». En ce moment, a-t-il rappelé, dans lequel nous sommes en train de vivre « une troisième guerre mondiale par morceaux », les aumôniers militaires sont appelés à alimenter dans les soldats et dans leurs familles « la dimension spirituelle et éthique, qui puisse les aider à affronter les difficultés et les interrogations souvent déchirantes inscrites dans ce service caractéristique à la Patrie et à l’humanité ».

Il a donc exhorté les aumôniers militaires à prier : « sans prière, a-t-il répété en sortant de son texte, on ne peut pas faire tout ce que l’humanité, l’Église et Dieu nous demandent en ce moment ».

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14 octobre 2015 3 14 /10 /octobre /2015 07:30
photo EMA

photo EMA

Nous y voici donc. Le piège sémantique s’est refermé. En août 2008, au lendemain des combats de la vallée d’Uzbin en Afghanistan et alors que dix de nos soldats et peut-être soixante-dix ennemis étaient tombés, un journaliste demandait au ministre de la défense si cela signifiait que nous étions en guerre. Hervé Morin, refusant l’évidence, répondit que ce n’était pas le cas et il se trouvait ensuite bien ennuyé pour qualifier les événements. Le politique refusant de prendre ses responsabilités, c’est donc au juge que certaines familles demandèrent d’expliquer pourquoi leurs fils étaient tombés.

Lorsque nous avons commencé à effectuer des frappes en Syrie contre l’Etat islamique, ce qui n’était que la continuité de la guerre que nous menions depuis un an en Irak, nous avons invoqué, pour la première fois semble-t-il (ce fut peut-être le cas lors de la guerre contre la Tunisie en 1961) l’article 51 de la Charte des Nations-Unies, qui autorise la légitime défense. Il n’y avait pas de résolution des Nations-Unies (la Chine et surtout la Russie s’y opposant, même contre Daesh, rappelons-le) autorisant une intervention en Syrie et il n’était pas question, comme en Irak, de se fonder sur l’appel d’un gouvernement avec qui nous n’entretenions plus de relations diplomatiques. Restait donc l’article 51.

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12 octobre 2015 1 12 /10 /octobre /2015 20:55
Un VBL (Véhicule Blindé Léger) et un char ERC-90 Sagaie du 1e RHP au cœur du Sahara au cours d’une opération bipartite au nord du Niger avec l’armée nigérienne - photo Thomas Goisque

Un VBL (Véhicule Blindé Léger) et un char ERC-90 Sagaie du 1e RHP au cœur du Sahara au cours d’une opération bipartite au nord du Niger avec l’armée nigérienne - photo Thomas Goisque

 

Paris le 12 octobre 2015 - Général de corps d'armée (2s) Dominique Delort

 

Lettre à un jeune camarade

Nombreux d’entre nous ont en souvenir les thèmes du « Désert des Tartares » de Dino Buzzati et de « Servitude et Grandeur militaires » d’Alfred de Vigny avec in fine cette interrogation sur le sens profond d’un engagement, d’une mission, du sens du devoir mais aussi de l’ennui, de la monotonie avec en arrière- fond l’humilité et l’abnégation dans le service. 

En 2015 les jeunes camarades servent alternativement sur les théâtres d’opérations extérieures et sur le théâtre intérieur. Quelques-uns d’entre eux vivent mal ce relatif nouvel état de choses. Les préparations opérationnelles et les départs au Mali, au Tchad, au Centrafrique, entre autres, sont des moments où l’action rejoint la vocation telle que nous l’avons tous eue. Que surviennent des accrochages d’une guerre et le flot d’adrénaline rend indélébile des moments où le jeune chef est aussi un jeune guerrier. Mais la situation a évolué en cours d’année, la menace terroriste s’est faite plus forte en métropole et plus de 10000 hommes ont été déployés dans l’urgence et maintiennent, à hauteur de 7000, une vigilance permanente et .. durable.

A rencontrer de jeunes officiers il n’est pas difficile de ressentir que la mission sur le territoire national, telle qu’elle est exercée en ce moment, ne les motive pas beaucoup et parfois c’est peu de le dire. Les comprenant j’ai aussi constaté le désir de certains d'envisager leur reconversion. Ils sont toujours bien accueillis à la Saint-Cyrienne et ici je veux apporter plus au débat mes réflexions qu’émettre un jugement, ainsi va le rôle de l’ancien.

Le Guerrier doit savoir être une Sentinelle et c’est sans doute pour cela qu’il est un Soldat. Appartenant à une génération où 90% des camarades étaient « orientés » face aux armées du Pacte de Varsovie et ceci pendant des dizaines d’années j’ai une profonde estime pour ceux qui ont servi avec efficacité dans des régiments voués à une guerre hypothétique. Ils ont su aussi être heureux et enthousiastes. Les autres, dont moi-même, ont vécu des instants en Afrique ou au Moyen-Orient qu’espère tout jeune cyrard avant de retrouver aussi des rôles et des tâches forcément moins exaltants. Un jeune lieutenant qui quitte l’ESM doit savoir qu’il peut aller d’une mission à l’autre et qu’il ne les choisit pas. Sens de la mission et discipline, force des armées, sont des fondamentaux et donc des pivots de la réflexion des officiers.

Il est à espérer que la Sentinelle sera plus mobile, qu’elle procédera d’une unité répondant à une manœuvre. D’aucuns y travaillent et je souhaite vivement qu’ils y parviennent car il s’agit là de l’intérêt général. Le Guerrier ne pourra survivre que si le pays « tient »aux plans politique, économique et sécuritaire. Que le jeune officier rêve de le devenir, quoi de plus normal mais il doit aussi accepter de faire – do the job – toutes les missions car les sous-officiers et les hommes ont besoin de chefs dynamiques, courageux et intelligents à l’instar de ceux qui sortent actuellement de l’ESM.

La vie d’un officier a rarement été un long fleuve tranquille et les remises en cause sont naturelles mais in fine il choisit la place à laisser à la notion de « Servir » qui constitue la grandeur de son engagement initial. Mais quoique vous décidiez en fin de compte vous serez toujours bien accueillis à la Saint-Cyrienne qui a fait de l’entraide, dans la camaraderie, son objectif premier.

«L’Abnégation du Guerrier est une croix plus lourde que celle du Martyr. Il faut l’avoir portée longtemps pour en savoir la grandeur et le poids. » (Alfred de Vigny)

 
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