Le président russe Valdimir Poutine en conférence de presse avant son départ du sommet du G20 à Brisbane, en Australie, le 15 novembre 2014 (Service de presse du Kremlin)
16 novembre 2014 par Jacques N. Godbout – 45eNord.ca
Le départ anticipé du sommet du G20 à Brisbane de Vladimir Poutine, vilipendé par les puissances occidentales, tout particulièrement les pays anglo-saxons, le premier-ministre canadien allant jusqu’à l’attaquer frontalement, laisse présager un durcissement des positions de Moscou, estiment des experts.
Dès l’ouverture du sommet vendredi, les puissances occidentales avaient largement attaqué la Russie, qualifiée de «menace pour le monde», accusée de chercher à «restaurer la gloire perdue du tsarisme» et, se référant à l’Ukraine, d’«agresser» des pays plus petits.
En outre, la «main froide» du premier ministre Stephen Harper au président russe au premier jour du sommet a ajouté à l’humiliation du maître du Kremlin.
Rencontrant le président russe au premier jour du sommet, le premier ministre canadien a en effet laissé entendre qu’il n’avait pas tellement le choix de lui serrer la main, mais il en a profité pour lui intimer, sur un ton «reaganien», de «retirer les troupes russes de l’Ukraine».
Finalement, après deux journées de discussions marquées par des attaques de plusieurs dirigeants occidentaux fustigeant «l’agression» de la Russie en Ukraine, le chef du Kremlin a quitté le sommet de Brisbane bien avant ses homologues et avant la publication du communiqué final, l’Iliouchine présidentiel décollant dimanche de Brisbane aux alentours de 14h15, heure locale.
Saluant diplomatiquement une atmosphère et des discussions «constructives» lors de ce sommet, même si «certains points de vue» de la Russie «ne coïncident pas» avec ceux d’autres pays du G20, le président russes est parti en affichant ce sourire qui lui est propre.
Humiliation
«Au sommet du G20, les hôtes australiens ont tenté d’humilier Vladimir Poutine de toutes les manières imaginables», a réagi le magazine russe Expert.
Et le magazine pro-gouvernemental russe de rappeler que Poutine était prêt à faire des compromis, mais pas à abandonner les russophones de l’Est ukrainien. À son tour, Moscou et au sommet, et après il a souligné qu’il est prêt à faire des compromis. «Poutine a une fois de plus clairement défini les lignes rouges russes dans le Donbass», écrit Expert.
«Ainsi, Moscou a clairement indiqué que non seulement continueront à envoyer dans la région des convois humanitaires ([la septième, est déjà sur le territoire du Donbass), mais aussi de les protéger [les citoyens de l'Est ukrainien, ndlr] contre l’agression de l’armée ukrainienne.», poursuit le magazine pro-Kremlin.
Le président russe a répété à Brisbane qu’il est encore un partisan du projet d’une Ukraine fédérale. «Pour la Russie, il est important que les intérêts des personnes vivant dans toute l’Ukraine, y compris dans le sud-est soient respectés, qu’ils jouissent des mêmes droits», a redit Vladimir Poutine.
Mais, après l’échec du dialogue à Brisbane, le point de rupture risque d’être atteint et, «Si à Bruxelles ou au moins à Berlin et à Paris, on est pas prêt à négocier avec Moscou dans ces termes pour que le conflit soit résolu, alors tant pis, non seulement pour la Russie mais aussi pour l’Europe», écrit le magazine russe très proche du pouvoir à Moscou.
Le président russe a aussi condamné le blocus économique imposé par le président ukrainien Porochenko à l’Est ukrainien.
«J’ appris par les médias que le président ukrainien a rendu une ordonnance qui revient essentiellement à un blocus économique de Lougansk et Donetsk. Je pense que cela est une grosse erreur car, de cette façon, ils se coupent de ces régions de leurs propres mains», a déclaré le chef du Kremlin.
Quant à savoir combien de temps se prolongeront les perturbations actuelles, avant de quitter le sommet dimanche, Poutine a redit clairement en conférence de presse en réponse à un journaliste que la balle était dans le camp occidental: «Mais si les gens continuent à faire des tentatives pour régler toutes les questions dans leurs seuls intérêts et à faire de leurs intérêts géopolitiques leur seul point de référence, il est difficile de dire combien de temps cette situation pourrait se poursuivre».
Et maintenant, la radicalisation
Et maintenant? Pour l’expert Fiodor Loukianov, président du Conseil pour la politique étrangère et de défense, cité aujourd’hui par l’Agence-France-Presse, il faut s’attendre, en réaction, à un durcissement de la position russe.
«Nous assistons à une radicalisation des positions de certains pays occidentaux, avant tout de l’Amérique du Nord et de l’Australie, hôte du sommet», a estimé l’expert interrogé à la radio russe.
«Il n’y a aucune volonté de leur part d’adoucir leurs positions, et cela déborde dans la sphère publique. En conséquence, la réaction de la Russie est prévisible: elle va également durcir sa position», assure-t-il.
Un avis partagé par l’analyste Stanislav Belkovski, de l’Institut de la stratégie nationale, cité lui aussi par l’agence française. «Si M. Poutine quitte le sommet irrité, nous pouvons sans doute nous attendre à une intensification des combats en Ukraine», estime-t-il.
Le départ anticipé de Vladimir Poutine peut aussi être lu comme un message destiné à son opinion publique.
«Tous ses gestes sont destinés à ses soutiens en Russie» qui, selon l’analyste russe Konstantin Kalachev, approuveront son attitude à Brisbane, en se demandant: «Pourquoi le dirigeant national de la Russie doit-il parler à cet Occident décadent?».
La Russie: pas si isolée
De plus, la Russie n’est pas si isolée que cela, tant s’en faut, et, avec la confrontation entre Moscou et l’Occident, on pourrait bien assister au retour des «blocs» comme à l’époque de la guerre froide.
Tout cela n’a pas empêché le président russe Vladimir Poutine, vilipendé par l’Occident, particulièrement les pays anglo-saxons, de prendre une part active à une réunion des chefs d’État et de gouvernement du BRICS avant le début des travaux du sommet du G20.
BRICS est l’acronyme anglais du groupe des quatre grandes puissantes émergentes, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, plus l’Afrique du Sud qui s’est joint au groupe en 2011.
Prenaient part à la réunion du BRICS, outre le le président russe, la présidente du Brésil Dilma Rousseff, le président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, le Premier ministre de l’Inde Narendra Modi et le président de la République d’Afrique du Sud Jacob Zuma.
«Permettez-moi de mentionner aussi la réunion du groupe BRICS qui a eu lieu», a souligné Vladimir Poutine à sa conférence de presse avant son départ de Brisbane. «Ces réunions en marge des sommets du G20 sont devenus partie intégrante de nos contacts réguliers. Nous coordonnons nos positions préliminaires avant la rencontre avec nos autres collègues du G20. Ce sont des échanges de vues fructueux que nous concentrer sur nos intérêts mutuels», a déclaré le président russe, ajoutant «Ce fut le cas cette fois encore, et nous allons continuer cette pratique. Le prochain sommet du BRICS, comme vous le savez, aura lieu en Russie, à Ufa au Bachkortostan les 8 et 9 juillet 2015.
Retour à la guerre froide et à la formation de «blocs», situation explosive. L’Ukraine valait-elle tout cela?