Facialement, le budget de la défense, tel qu'il est prévu dans le cadre du projet de loi de finance 2015, reste stable par rapport à 2014, avec 31,4 milliards d'euros de crédits (36,9 milliards avec les pensions). Ces ressources, deuxième anuitée de la Loi de programmation militaire (LPM) concrétise la transition vers le nouveau modèle d'armée, plus efficace car mieux adapté aux formes nouvelles de crises», assure Jean-Yves Le Drian, le ministre de la défense. Et, insiste l'hôtel de Brienne, les crédits prévus sur la période 2015-2017 permettent de garantir la trajectoire financière de la LPM (2014-2019).
Pour autant, la réalisation de cet objectif repose sur des rentrées aléatoires: les fameuses recettes exceptionnelles qu'aucun gouvernement n'a jusqu'ici réussi à réaliser dans leur intégralité. En 2015, elles atteignent 2,3 milliards d'euros (et 6 milliards d'euros sur l'ensemble de la LPM). Mais Jean-Yves Le Drian est réaliste. Il propose «une solution innovante»: la création de «sociétés de projet» dont le capital serait mixte, privé et publique, et dont la vocation serait de louer du matériel aux armées.
Bercy est contre le recours au leasing
Ces sociétés de projet interviendraient en amont, en achetant au ministère de la défense des équipements encore en production, avant qu'ils ne soient livrés. L'État partagerait ainsi le coût de l'acquisition avec ces partenaires privés au sein de ces sociétés de projet. De même, les deux partenaires loueraient ensuite ces matériels au ministère de la défense. Selon Jean-Yves Le Drian, ce système permettra de mobiliser jusqu'à 5,5 milliards d'euros, palliant l'absence de recettes exceptionnelles.
Cette forme de leasing a été combattu pied à pied par Bercy qui continue à mettre la pression sur le 3ème budget de l'État. Mais l'hôtel de Brienne estime que c'est une bonne formule en ces temps de contrainte budgétaire car, selon lui, elle permet d'alléger la dépense publique, de poursuivre la modernisation des armées, de maintenir les cadences de production dans les usines, et d'assurer le chiffre d'affaires des entreprises de défense.
Sous-évaluation chronique des «OPEX»
Cela d'autant que le ministère de la défense traîne un report de charge de 3,5 milliards d'euros c'est-à-dire des impayés que la LPM ne permet pas de résorber et qui pèsent sur les programmes d'armement. Jean-Yves Le Drian ne veut pas renoncer aux équipements critiques tels que les avions ravitailleurs, les blindés du programme Scorpion de modernisation de l'armée de terre. Ainsi, les crédits d'équipement progressent de 300 millions d'euros à 16,7 milliards d'euros en 2015. De même, les investissements d'avenir tels que la cyberdéfense, le renseignement, les satellites restent prioritaires. La recherche et la technologie se voient attribuer une enveloppe de 3,6 milliards d'euros et 740 millions pour les études amont.
Autre difficulté, la sous-évaluation chronique du coût des opérations extérieures (Opex) alors que les armées françaises n'ont jamais autant été déployées sur les théâtres d'opération. Quelque 7 800 militaires français sont aujourd'hui engagés sur le terrain, du Kosovo à l'Irak en passant par le Mali, l'Afghanistan ou encore la Cote d'Ivoire et la Centrafrique (RCA). 2015 ne déroge pas à la règle avec 450 millions d'euros budgétés, soit autant qu'en 2014, alors que les dépenses Opex franchissent régulièrement le milliard d'euros. Une fois encore, la défense s'appuiera sur la solidarité interministérielle.
Saignée dans les effectifs
En terme d'effectifs, les armées sont appelées à un nouvel effort qui va se traduire sur une nouvelle saignée avec 7 500 suppressions d'emplois - sur un total de 11 879 prévues dans tous les ministères pour 2015! - programmées cette année après 7 881 en 2014 et 7 234 en 2013. Au total, la LPM prévoit 34 500 suppressions de postes soit près de 80 000 en dix ans.