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13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 18:55
CAESAR firing in Afghanistan photo US Army

CAESAR firing in Afghanistan photo US Army

13 juin 2013 par Julien Derouetteau - ActuDéfense

 

Dans les esprits, l’artillerie est avant tout l’arme de la destruction d’objectifs : infanterie, chars, aéronefs, fortitifations. L’évolution des approches stratégiques amène pourtant à la montée en puissance d’un autre rôle de celle-ci : dissuader l’adversaire d’entreprendre certaines manoeuvres.

 

 

A l’heure où certains mettent en concurrence les appuis sol-sol et air-sol, il est nécessaire de ne pas limiter l’emploi de l’artillerie aux seules destructions sur le champ de bataille. Cette question est d’autant plus prégnante que les engagements contemporains sont fondés sur la limitation des dommages à l’environnement en vue de préparer le processus de normalisation. Le rôle dissuasif de l’artillerie dans la prise de l’ascendant psychologique sur le commandement adverse et les populations hostiles ou indécises constitue donc une piste de réflexion essentielle pour optimiser son emploi sur les théâtres d’opérations actuels.

 

Il convient donc de s’interroger sur les moyens et les méthodes dont dispose l’artillerie pour influer sur la volonté de combattre de l’adversaire et influencer sa perception de la puissance amie, tout en limitant le recours aux feux classiques et les destructions.

 

Par définition arme des appuis par les feux indirects, l’artillerie peut accroître ses effets immatériels par une manœuvre moins conventionnelle, portant au plus loin une menace diffuse, et par une protection accrue de la force en facilitant l’utilisation de la 3e dimension par le chef interarmes.

 

En effet, le déploiement de certains capteurs et « effecteurs » de l’artillerie peut avoir un réel effet dissuasif pour l’adversaire. Si la confrontation ne peut toutefois pas être évitée, une mise en œuvre originale des moyens classiques et l’emploi de nouvelles capacités peuvent alors imposer des contraintes supplémentaires à l’ennemi et offrir une liberté d’action supérieure à la force.

 

Etre plus dissuasif

 

Le feu pour interdire : si l'artillerie peut détruire, alors elle peut dissuader de déployer des moyens ou de les déplacer dans certaines zones. ©Sirpa terre / Jean-Baptiste Tabone.

Le feu pour interdire : si l’artillerie peut détruire, alors elle peut dissuader de déployer des moyens ou de les déplacer dans certaines zones. ©Sirpa terre / Jean-Baptiste Tabone.

 

L’artillerie est au cœur de la guerre des perceptions qui caractérise les conflits limités actuels. Dès lors, le déploiement de moyens dédiés à la protection tend à créer une « forteresse technologique », dont l’effet dissuasif vient s’ajouter à la possibilité de réaliser des manœuvres de feux à caractère préventif.

 

L’effet dissuasif de l’artillerie au niveau stratégique n’est pas uniquement créé par la puissance de feu déployée. En particulier, l’engagement de moyens de défense sol-air, même limités, sur un théâtre d’opérations est un signe politique fort, notamment dans le cadre des opérations d’interposition. Dans ce contexte, outre la capacité d’interception des vecteurs aériens ennemis, la mise en œuvre de centres MARTHA (Maillage des radars tactiques pour la lutte contre les hélicoptères et les aéronefs à voilure fixe) est significative par la «maîtrise» offerte de la 3e dimension dans la zone de responsabilité.

 

Pour autant, cette capacité est menacée par ce que le général Desportes appelle la « stratégisation » de la tactique. L’absence de délégation dans l’ouverture du feu jusqu’au plus petit niveau tactique rend inopérant ce dispositif puisque la liberté d’action des parties concernées n’est pas entravée. Ainsi, du fait de l’absence de réponse cinétique aux provocations sur le dispositif sol-air de l’opération Daman en novembre 2006, l’aviation israélienne a acquis un sentiment d’impunité qui lui permet de violer régulièrement l’espace aérien libanais. La crédibilité du déploiement tient donc à la nature des moyens et à la capacité « juridique » à répondre avec force, sans forcément détruire le vecteur, à d’éventuelles manœuvres d’intimidation.

 

Face aux attaques indirectes, la force de dissuasion peut également se décliner au niveau tactique par la réalisation de forteresses grâce aux capteurs et « effecteurs » de l’artillerie. En premier lieu, cet effet repose sur l’inutilité des attaques indirectes par la construction de « remparts technologiques » grâce au déploiement des moyens CRAM (système d’alerte et d’interception de roquettes et tirs mortiers) tels que le PHALANX américain.

 

Le concept de forteresse trouve une nouvelle pertinence en abandonnant le caractère passif du « rempart traditionnel » exposé dans « Artillerie et fortification » au profit d’une logique d’action pour affaiblir la volonté ennemie d’attaquer. En second lieu, il s’agit de disposer d’une capacité d’agression sur les « effecteurs » adverse grâce à une supériorité technologique. A cette fin, le déploiement de radar COBRA constitue un message sans équivoque adressé à l’adversaire qui sera donc moins enclin à risquer ces « effecteurs » de premier rang dans les zones couvertes par ce radar. Il en résultera l’utilisation de lanceurs plus rudimentaires et donc moins efficaces. Dès lors, ces attaques auront un poids médiatique insuffisant pour être exploité par des mouvements de rébellion. Cette réponse technologique affectera également le moral des combattants adverses par la disproportion entre les risques assumés et les résultats minimes obtenus.

 

Par ailleurs, l’artillerie peut dissuader l’ennemi d’engager certaines forces par des manœuvres de feux destinées à frapper plutôt la tête que le corps de la troupe. Dans ce procédé à caractère plus offensif, l’objectif recherché est d’annihiler toute velléité de l’adversaire de renforcer une unité sur le point d’être engagée par une force terrestre. Ceci suppose de démontrer à l’ennemi que la force amie dispose d’une capacité à frapper les avenues d’approche qu’emprunteraient les renforts  : l’attrition portée sur ces unités les rendrait alors incapables de faire basculer le rapport de force local. Si les obus explosifs peuvent être utilisés pour ces tirs « préventifs », les munitions fumigènes et éclairantes seront à privilégier pour agir sur la psychologie de cet adversaire tout en préservant une population dont il faut « gagner les cœurs ». De plus, cet effet dissuasif s’étend au-delà de la seule zone battue par les feux car la réalisation des tirs révèle également la présence d’un dispositif d’observation dont l’ennemi ne pourra pas estimer les capacités exactes. Si ce procédé n’engendre pas d’attrition chez l’adversaire, il permet de concilier l’objectif d’isoler une zone de terrain ou un adversaire sans causer de destruction, dans une logique de dislocation de l’ennemi plutôt que d’annihilation.

 

L’artillerie dispose donc d’une réelle capacité à dissuader l’adversaire en actualisant le concept de fortification autours de la complémentarité entre protection et agression. Pour autant, ces capacités techniques atteignent leur pleine efficacité à condition d’être illustrées par une communication opérationnelle atteignant vers le commandement et la troupe adverses.

 

Cet article a été initialement publié dans la revue Doctrine tactique du CDEF. La seconde partie sera publiée demain sur ActuDéfense.

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