23 Février 2015 par Yossi Melman - i24news.tv
Israël a enfin créé une autorité chargée de superviser et réguler la guerre numérique défensive et offensive
Dimanche dernier, lors de sa réunion hebdomadaire, le gouvernement a enfin approuvé la création d’un organe gouvernemental des plus nécessaires, la National Cyber Authority (NCA). Sa principale responsabilité sera de coordonner et de gérer, sous un même toit, les différentes unités de la cyber-défense, qui opérent déjà dans un trop grand nombre d’organismes gouvernementaux, dont l'armée, les services de sécurité et le secteur privé.
Créer la NCA n’a pas été facile. Dans les coulisses et occasionnellement dans l'espace public, une affreuse guerre de territoire a eu lieu. Le Shin Bet s’est opposé à la création du nouvel organe. Le service de sécurité intérieure a toujours eu la responsabilité globale de tous les aspects de la sécurité - ses formes anciennes comme nouvelles - en Israël. Il voulait garder son monopole. Mais le bureau du Premier ministre, en charge du Shin Bet, a réalisé - et surtout l'Agence nationale de sécurité - que le maintien de l'autorité suprême dans les mains d'une agence d'espionnage peut créer des problèmes. Les institutions civiles, telles que les banques, les hôpitaux ou les sociétés, n’apprécient pas toujours de recevoir des instructions du Shin Bet quant à la manière de protéger leurs ordinateurs et leurs réseaux, craignant que leurs secrets commerciaux ou leurs données personnelles soient violés.
Pourtant, même après la mise en place de la nouvelle autorité, des experts et des groupes de défense des droits civils pensent que trop de pouvoirs ont été délégués à la NCA. "Il faut mieux équiliber les besoins en termes de sécurité nationale et le respect de vie la privée", plaide l’avocat Haim Ravia, un des principaux experts en Israël des lois sur la propriété intellectuelle et la vie privée. "La façon dont la décision a été prise montre clairement que le gouvernement se préoccupe beaucoup plus des structures bureaucratiques intergouvernementales que des droits de l'homme".
Israël a été l'un des pionniers dans le monde dans le domaine de la cybernétique et dans ses différentes ramifications. Pas étonnant que le terme "Start Up Nation", qui est aussi le titre d'un livre, soit identifié à Israël. Beaucoup des hautes technologies et innovations pionnières sont issues de l'armée, particulièrement de l'unité 8200, l'agence du renseignement électromagnétique. En effet, on peut dire métaphoriquement que c’est l’unité qui a ouvert les vannes. Selon des rapports internationaux, l'unité a collaboré avec son homologue américain, la National Security Agency (NSA), pour développer en 2007 un virus informatique ("worm"), qui a été planté dans des ordinateurs iraniens pour endommager des centrifugeuses d'enrichissement d'uranium. Mille centrifugeuses, soit le tiers du nombre que possédait l'Iran à l'époque dans son usine d'enrichissement de Natanz, ont ainsi été mises hors d’usage. L'opération visait à ralentir le programme nucléaire de l'Iran. Huit ans plus tard, on peut dire avec du recul que l'Iran est désormais sur le seuil du nucléaire, mais le génie est sorti de sa lampe.
L'Iran a rejoint la tête de liste des pays dont la devise est: ce que vous pouvez me faire, je peux vous le faire. Œil pour œil. Ces États comprennent les États-Unis, la Chine, la Russie et Israël dans le rôle principal. La Chine est particulièrement connue pour voler les technologies militaires et civiles au moyen de cyber-attaques. Mais la Russie le fait aussi. Il y a quelques jours, on apprenait que certaines banques américaines ont été trompées par des cyber-attaques qui originaient probablement de Russie. Deux milliards de dollars ont ainsi été volés. Habituellement, un logiciel est développé pour permettre de planter des virus, comme des “worms” ou des “Trojan horses”, dans les ordinateurs ou les réseaux des ennemis ou des rivaux pour voler des secrets ou pour voler de l'argent.
Le New York Times a cependant rapporté mardi que les Etats-Unis auraient développé une méthode encore plus avancée. Ils auraient trouvé le moyen d'intégrer en permanence un système de surveillance en plantant les virus dans les ordinateurs eux-mêmes, ce qu’il l’empêhce d’être détecté et supprimé.
Tous ces pays et quelques dizaines d'autres nations du monde développé ont mis en place des programmes de cybersécurité très sophistiqués avec des capacités offensives et défensives entremêlées. On parle beaucoup de cyberdéfense, mais personne n’aime parler de leurs cyber-offensives, encore moins d’en admettre l’existence.
Pourtant, ce n’est pas un secret que les techniques de cyber-offensive qu’Israël maîtrise sont principalement affectées à l'unité 8200 et à son département de cybernétique.
Dans l'armée, le cybernétique est la "prochaine menace" à combattre. Dans les théories et doctrines classiques, les forces armées des nations sont divisées en trois domaines: terre, air et mer. Une quatrième dimension s’est maintenant ajoutée: la cybernétique.
La cybernétique a grand potentiel technologique pour l'humanité, mais elle constitue également un grand risque. Au niveau pratique, c’est encore une terra incognita, un monde inconnu qui doit être exploré et réglementé. La création en Israël de la NCA est un bon pas dans cette direction.
* Yossi Melman est commentateur sur les questions de renseignement et sécurité israéliennes et co-auteur de l'ouvrage “Spies Against Armageddon, inside Israel’s secret wars” (Des espions contre Armageddon, les guerres secrètes d'Israël)