29 juin Par Edouard Pflimlin, chercheur associé à l’IRIS - affaires-strategiques.info
A partir du 29 juin et jusqu’au 3 août, se tient au large d’Hawaï le plus grand exercice aéronaval de la planète. L’exercice multinational appelé « Rim of the Pacific » (RIMPAC, « ceinture du Pacifique ») vise à préparer les forces militaires des Etats-Unis et de leurs alliés à collaborer dans le cadre de toute une gamme de missions allant de l’aide humanitaire aux opérations de combat. S’il réunit de plus en plus d’acteurs, y compris, cette année, la Russie, l’UE y est malheureusement peu visible. La Chine, elle, se sent directement visée.
Commencé en 1971, le RIMPAC était initialement un exercice annuel, mais devient biannuel à partir de 1974. Il n’a cessé de monter en puissance depuis. Pour l’édition 2004, 40 navires, 100 aéronefs et 18 000 personnels issus de 7 nations étaient mobilisés. Huit ans plus tard, 42 navires, six sous-marins, plus de 200 avions et 25 000 hommes de 22 nations sont prévus !
L’exercice se déroule en trois étapes(2). La première consiste en des réunions de planification opérationnelle. Elle vise à établir des liens professionnels et personnels entre les individus et les pays participants ainsi qu’à permettre la tenue des derniers préparatifs avant les étapes en mer de l’exercice. L’étape véritablement opérationnelle s’organise autour d’une série d’activités variées, y compris des tirs de canons et missiles réels, des opérations d’interdiction maritime et des arraisonnements, des exercices de guerre de surface et de guerre sous-marine, des manœuvres maritimes, des exercices de défense aérienne, la neutralisation d’explosifs et de munitions, des opérations de plongée et de récupération, des opérations de déminage et un débarquement amphibie. Cette phase contribue à accroître la capacité de chaque unité à travailler dans un contexte multinational. Et donc de renforcer l’interopérabilité entre pays participants. La dernière étape est un exercice intensif permettant aux pays participants de renforcer leurs compétences et capacités maritimes tout en améliorant leur capacité de communiquer et de fonctionner dans des scénarios simulés hostiles. À la fin de l’exercice, les unités maritimes, aériennes et terrestres retournent à Pearl Harbor où les pays participants se rassemblent pour évaluer l’exercice et discuter de ce que chacun d’entre eux a accompli.
Les objectifs sont multiples et évolutifs
Cette année des objectifs spécifiques sont assignés(3). C’est la première fois que les navires américains seront alimentés en bio-carburants. La US Defence Logistics Agency a acheté 450 000 gallons de biocarburants, pour un coût de 12 millions de dollars. La finalité est de réaliser à terme des économies de fuel et de montrer que l’US Navy est plus respectueuse de l’environnement. Mais hormis cette « Grande flotte verte », telle qu’on l’a surnommée cette année, d’autres objectifs sont encore plus opérationnels. Il s’agit en 2012 de tester les capacités de communication des sous-marins déployés grâce aux technologies de communication du laser-bleu. Cette technologie permet d’améliorer sensiblement les échanges entre les sous-marins et la surface grâce aux qualités de pénétration en eau profonde du laser. Un troisième objectif particulier est d’effectuer une démonstration de force aéronavale à l’encontre de la Corée du Nord, où la disparition de Kim Jong-Il, remplacé par son fils Kim Jong-Un, et l’échec au printemps d’un tir de missile balistique, créent une situation de tensions aigües. La Corée du Sud, qui participe à RIMPAC depuis 1971, déploie cette année un peloton de fusiliers-marins afin d’améliorer ses capacités amphibies.
Renforcement de la coopération multilatérale
De façon plus générale, il s’agit d’assurer la stabilité de la région du Pacifique et d’adresser un message fort vis-à-vis des puissances déstabilisatrices. Il est clair que la Chine, même si ce n’est pas énoncé explicitement, est l’une des menaces sous-jacentes, notamment par l’intermédiaire de ses sous-marins(4). D’ailleurs la République populaire était invitée mais n’a pas répondu favorablement.
Assurer la paix se fait en développant la coopération multilatérale, selon la logique de RIMPAC. Ainsi, cette année est la première où des officiers non-américains commanderont des forces composantes de l’exercice. Le commodore Stuart Mayer de la marine australienne dirigera par exemple la composante maritime.
De plus en plus d’Etats participent, qu’ils soient acteurs directs, associés ou simplement observateurs. Pour l’édition 2012, la Russie prend part pour la première fois aux opérations avec 3 navires, dont un destroyer, le Bystry. Des Etats sont observateurs comme le Vietnam ou encore Brunei. Or ces pays, notamment le Vietnam, ont de lourds différends territoriaux maritimes avec Pékin et développent dans le même temps leur coopération militaire avec les Etats-Unis(5). On peut donc penser qu’ils pourraient participer directement aux prochains RIMPAC. Par ailleurs, RIMPAC renforce et complète la coopération militaire entre Etats-Unis, Corée du Sud et Japon, puisque quelques jours avant RIMPAC 2012 ont eu lieu des exercices navals communs entre les 3 nations(6).
Reste un point regrettable, l’intérêt pour le moins limité manifesté par l’Union européenne (UE) pour RIMPAC, malgré l’importance des enjeux maritimes pour l’Europe en Asie. Une attitude qui s’explique mal, si ce n’est par les fortes contraintes pesant sur les budgets de défense des pays membres. La France, qui a un vaste domaine maritime dans le Pacifique, a toutefois envoyé un navire, le seul d’Europe de l’Ouest. Il s’agit du Prairial, une frégate de la classe Floréal(7), qui embarque quelque 100 marins et officiers. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas se contentent, eux, d’envoyer quelques unités mais pas de vaisseaux.
Il serait souhaitable qu’à l’avenir, l’Europe s’associe davantage à RIMPAC, peut-être dans le cadre d’une mission navale au titre de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), ce qui marquerait plus fortement une UE dont le rôle et la visibilité à l’échelle mondiale tardent à s’affirmer.
(1) Il s’agit de l’Australie, du Canada, du Chili, de la Colombie, des États-Unis, de la France, de l’Inde, de l’Indonésie, du Japon, de la Malaisie, du Mexique, des Pays-Bas, de la Nouvelle-Zélande, de la Norvège, du Pérou, des Philippines, de la République de Corée, du Royaume-Uni, de la Russie, de Singapour, de la Thaïlande et des Tonga.
(2) « L’exercie Rimpac 2012 », RP Defense, 3 juin 2012, http://rpdefense.over-blog.com/arti... (3) Liam Stoker, « RIMPAC 2012 : Great Green Fleet, communications and Yellow Sea security », http://www.naval-technology.com/fea..., Naval Technology.com, http://www.naval-technology.com/fea...
(4) Kerry Lynn Nankivell, « The View from the West : RIMPAC, an Exercise in Politics », volume 4, Number 1 (Spring 2008), Canadian Naval Review, http://naval.review.cfps.dal.ca/arc...
(5) Aymeric Janier, « Etats-Unis-Vietnam : d’ennemis intimes à alliés utiles » Le Monde.fr, 27 avril 2012, http://www.lemonde.fr/asie-pacifiqu...
(6) « Japan, South Korea, U.S. must consolidate security cooperation », The Yomiuri Shimbun, 24 juin 2012 http://www.yomiuri.co.jp/dy/editori...
(7) http://www.naval-technology.com/pro...