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17 novembre 2013 7 17 /11 /novembre /2013 12:55
photo  SCH P. Hilaire SIRPA Terre

photo SCH P. Hilaire SIRPA Terre

 

15/11/2013 Par le Général (2S) Robert Creuzé – LaTribune.fr

 

La loi de programmation militaire pourra être difficilement respectée. Un effort d'innovation, de réflexion sur l'équipement des armées, est plus que jamais nécessaire.

 

Aujourd'hui, dans le prolongement du Livre Blanc, de la LPM et du budget, chacun dans son rôle joue sa partition : le Ministre de la défense en assurant que tout va pour le mieux dans un contexte économique et budgétaire certes difficile, le Chef d'Etat major des armées en assurant que les capacités sont maintenues à un niveau conforme aux ambitions de la France et aux orientations du Livre Blanc, le Délégué général de l'armement en déclarant que la LPM « préserve globalement » les neufs grands secteurs industriels »…Tout ceci dans une symphonie bien organisée pour …ne pas faire de bruit ! Attention au premier industriel qui se livrera sans autorisation !

 

Un exercice de communication

 

Mais tous sont bien conscients que tout ceci relève d'un exercice de communication et que, comme les gouvernements et administrations précédentes depuis les années 80, le but est de cadrer avec les échéances électorales et de repousser au-delà les décisions qui s'imposent ! Mais la situation se dégrade avec le temps et une conjoncture économique et financière particulièrement difficile.

 

Le Livre Blanc ne répond pas aux vrais problèmes de demain. Il est empreint de l'actualité et est le reflet des différentes thèses qui se sont opposées pendant les travaux et qui ont été arbitrées autour d'un consensus « mou ». En quoi, par exemple, le Livre Blanc va faire progresser la réflexion sur le développement d'une Europe de la défense, en quoi le Livre Blanc propose des solutions pour une consolidation de l'industrie européenne d'aéronautique et de défense, condition « sine qua non » de la pérennité d'une Europe de la défense indépendante et souveraine ?

 

Les bases fragiles de la loi de programmation militaire

 

La Loi de programmation militaire repose sur des bases très fragiles qui mettent sa crédibilité en cause. Le financement est assuré par le recours à des « artifices » comme les ressources exceptionnelles, qui, comme leur nom l'indique et comme l'expérience l'a montré dans le passé, sont exceptionnelles et n'ont jamais été respectées : six milliards d'euros sur la période 2014-2019, dont la moitié dans la première partie d'exécution (niveau jamais atteint !), avec une hypothèse de ressources dégagées grâce à l'export du Rafale (les dernières informations en provenance de l'Inde ne poussent pas à un optimisme sur le calendrier !).

 

Des reports de charges insupportables

 

Sans parler du report de charges qui devient « insupportable » et représente plus de 30% des crédits d'équipement annuels du chapitre 146 ! La révision des engagements sur les contrats en cours (cible et calendrier de livraisons) va peser sur les ressources disponibles avec les pénalités qui vont se généraliser pour rupture de contrats vis à vis des industriels. Enfin, la LPM est bâtie sur des prévisions de ressources qui n'ont pas de crédibilité sur la durée : elle s'inscrit dans des prévisions de budget de l'Etat « glissantes »  sur trois ans, alors qu'elle est basée sur une période de cinq ans !

 

Alors, au-delà de ce constat plutôt pessimiste, à défaut d'être sans doute réaliste, quelques orientations pour l'avenir : respect de l'institution militaire, crédibilité et transparence, innovation et perspective, maintien de l'outil industriel.

 

Le respect de l'institution militaire

 

Elle repose sur un climat de confiance entre le « politique » et le « militaire ». Or cette confiance ne s'impose pas mais elle s'acquière. Lesrécentes réunions du conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), organisme de concertation dans les armées, ont confirmé le malaise existant. Comment motiver les personnels quand, d'un côté on leur demande de faire preuve de disponibilité pour représenter la France dans les opérations extérieures, parfois au risque de leur vie, souvent au détriment de leur vie familiale, et que, dans le même temps, ils voient les conditions de leur vie quotidienne se dégrader par manque de crédits ou du fait de restructurations qui répondent souvent davantage à des décisions « technocratiques » de recherches d'économies qu'à des besoins opérationnels ?

 

Comment justifier auprès de ces mêmes personnels que les primes pourraient être remises en cause, alors même qu'ils ne se sentent pas spécialement privilégiés, que les tableaux d'avancement vont être réduits…tout cela pour réduire la masse salariale, alors même que tout un chacun sait que les restructurations et déflations successives entraînent des surcoûts initiaux avant stabilisation ! Il est donc temps de redonner cette confiance indispensable en reconnaissant la spécificité de la fonction militaire et une priorité accordée aux exigences d'efficacité opérationnelle par rapport aux seuls aspects de rentabilité.

 

La crédibilité et la transparence

 

Ou deux ingrédients nécessaires au développement d'un climat de confiance.

 

D'un côté, les responsables militaires doivent être responsabilisés sur leurs gestions financières avec des outils de décision mis en place, et être aptes à rendre des comptes. Pour cela, revenons aux comptes analytiques, largement développés en particulier dans l'armée de l'air dans les années 85, seuls outils permettant de vraies bases de comparaison et de décision. Il sera alors possible de mettre en perspective les options entre maintien en service de matériels anciens et acquisition de nouveaux matériels et d'éviter des « non-décisions » qui se payent très cher quelques années plus tard.

 

D'un autre côté, les décideurs politiques doivent assumer leurs responsabilités en respectant les engagements financiers pris lors du vote de la loi. Comment comprendre qu'aujourd'hui que les crédits soient votés par le Parlement alors que les annulations (successives) ne font l'objet ni de débat ni de vote? Ce système est très pénalisant pour les opérationnels qui recherchent une cohérence opérationnelle et très pénalisant pour les industriels qui ont besoin d'une visibilité pour adapter leur outil de production, …sans parler des surcoûts occasionnés par les étalements de programmes ou réductions de cibles.

 

L'Innovation et la perspective

 

Dans un contexte financier plus contraint et face à des menaces plus diversifiées et souvent asymétriques, la pire des solutions serait de recopier le modèle existant et de ne pas faire preuve d'imagination pour préparer l'avenir. Les programmes de défense demandent du temps entre la définition des spécifications opérationnelles, les négociations de contrats, l'industrialisation et la livraison aux forces (souvent au compte-goutte pour des raisons financières).

 

Nous restons prisonniers des schémas présents

 

Or ces délais ne sont pas compatibles avec les échéances électorales ou les temps de commandement et les décideurs ne sont plus en fonction au moment de la mise en service des matériels. Cela n'incite pas à des efforts d'innovation, même si certains travaux sont menés dans ce sens. Culturellement, nous restons prisonniers des schémas présents : on remplace un char par un char, un avion par un avion, une frégate par une frégate…toujours avec des matériels plus coûteux à l'achat et en fonctionnement…avec des budgets en décroissance !

 

Réfléchir à notre force de dissuasion

 

Une réflexion a-t-elle été menée pour analyser les fonctions opérationnelles (indiscutables) apportées par les drones et les capacités actuelles auxquelles ils pourraient se substituer (à budget constant) ? Sur un sujet encore malheureusement tabou, a-t-on réfléchi et tiré les conséquences de l'existence de missiles de croisière et de l'arrivée prochaine d'un bouclier anti missile sur notre force de dissuasion (sans en préjuger des conclusions) ?

 

L'arrivée des BPC (bateau de projection et de commandement) a-t-elle généré une réflexion sur l'utilité du maintien d'un porte-avion dans la perspective des menaces développées dans le Livre Blanc ? De même, il est utile d'amorcer une réflexion complète en configuration pluridisciplinaire associant, EMA, DGA, DAS, industriels sur le combat du futur : guerre en réseau, combat urbain, armes non létales (qui auraient été bien utiles à Abidjan novembre 2004), …

 

Le maintien d'un outil industriel performant

 

Dépassons les réflexes purement nationalistes, en vogue malheureusement en période de crise et réfléchissons à une dimension européenne de l'industrie de défense pour pouvoir exister dans un monde industriel en pleine évolution avec l'arrivée des pays émergents. Pour cela il faut développer l'idée, auprès de nos partenaires, que faute d'une solide Industrie européenne de l'aéronautique, de l'espace et de la défense, il n'y aura pas ou plus, à terme, de Défense européenne.

 

 Créer une industrie européenne de la Défense

 

La mise en œuvre de cette Industrie européenne nécessite une approche mixte, à double gestion, entre les dirigeants de groupes industriels à centre de gravité européen et les responsables publics (civils et militaires, professionnels et politiques) de ces domaines (en notant combien leur nature et leur organisation sont diverses selon les pays).

 

Si les industriels peuvent et doivent être des moteurs de la coopération européenne, des initiatives politiques et administratives sont indispensables pour rendre possible ce projet. A l'heure actuelle, la logique budgétaire et comptable guide trop les choix industriels et administratifs et ne favorise guère les objectifs politiques et opérationnels définis, souhaitables et agréés, pour l'exemple français ceux du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale

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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 11:50
Défense : en finir avec le (dernier) tabou de la famille Europe

11/10/2013 Général Robert Creuzé– LaTribune.fr

 

L'Union Européenne ne sait pas sur quel pied danser avec sa politique de défense. Le Général Robert Creuzé appelle les pays membres à une vraie réflexion stratégique, faute de quoi l'avenir de l'industrie aéronautique et de défense serait mis en péril...

 

Fin de la période de la « guerre froide » et de l'utopie des « dividendes de la paix », retour aux réalités de la menace terroriste, des conflits aux portes de l'Europe, de la crise économique et financière : autant d'éléments qui auraient dû ou devraient conduire les responsables politiques à définir une vision commune de la Défense au service de l'Europe. Mais, alors que les différents sondages montrent que, globalement, les opinions publiques placent les questions de sécurité et de défense en première ligne et, souvent, devant les questions sociales ou sociétales, les pouvoirs publics sont en décalage croissant avec leurs peuples.

Les questions de défense au sein de l'UE sont un peu comme les questions de sexologie : on en parle entre mère et fille mais pas en famille. La défense est parfois au cœur de discutions bilatérales (cela n'engage à rien !), voire multilatérales comme dans l'enceinte de Weimar ou Weimar Plus, voire régionales comme dans le cas de la Coopération Nordique (Nordefco), mais pas au niveau de l'Europe !

 

L'opportunité du Conseil de décembre

Une opportunité s'ouvre avec la décision de consacrer un Conseil européen aux questions de défense en fin de cette année, répondant à une demande formulée depuis plusieurs années par de nombreuses instances, dont le Conseil économique de la défense dans ses travaux et ouvrages (1). Mais si l'intention est là, l'essai doit encore être transformé. Or depuis l'annonce de la réunion du Conseil, nous sommes passés d'un "Conseil consacré à la Défense", à un "Conseil principalement consacré à la défense". Ceci ouvre la porte à un "Conseil partiellement consacré à la défense" si l'actualité (terrorisme, économie, conflits…), comme cela est souvent le cas, vient à modifier l'ordre du jour préétabli.

Dans la préparation et le déroulement de ce Conseil, la France a un rôle important à jouer en raison de son poids historique, de son implication dans les questions de défense et de ses "leviers" au sein des instances européennes : Pierre Vimont, Secrétaire Général Exécutif du Service Européen pour l'Action Extérieure, Claude-France Arnould, chef exécutif de l'Agence européenne de défense, général Patrick de Rousiers, Président du Comité Militaire de l'Union européenne. Privilégions une approche pragmatique et réaliste, mais volontariste et ambitieuse et convaincre nos responsables que ce Conseil n'est pas une finalité mais le point de départ d'un long processus dans lequel les Chefs de Gouvernement devront s'impliquer et privilégier le long terme au court terme électoraliste. Cela nécessite que soit pérennisé le principe d'un Conseil/Défense chaque année.

 

Une réflexion stratégique est obligatoire

La première et fondamentale question à laquelle les chefs de Gouvernement doivent répondre est celle des responsabilités que les pays européens veulent assumer en matière de défense. Que doit faire l'Europe ? Se donner les moyens d'une autonomie de décision ou accepter une dépendance vis à vis de l'Otan et des Américains pour les opérations militaires ? L'Europe doit-elle se limiter aux opérations humanitaires ou civilo-militaires?

Les pays européens ne pourront pas faire l'économie d'une réflexion stratégique, voire à une révision de la stratégie de sécurité européenne de 2008, en liaison avec l'évolution du concept stratégique de l'Otan. Cette discussion permettrait au Service européen d'action extérieure de s'approprier officiellement les enjeux de défense et de sécurité et obligerait les États à clarifier et défendre leur position vis à vis d'une Europe de la défense. Cette réflexion doit être menée dans un esprit de coopération et de valorisation des spécificités de chacun et non dans un esprit de compétition. L'exemple de la coopération entre le Commandement suprême allié Transformation (Sac-T) et l'Agence européenne de défense (Aed) est un bon exemple.

 

Créer un Quartier Général européen

Pour être en mesure de prévenir et d'agir efficacement, une première décision devrait être adoptée en vue de la mise sur pied d'un centre de planification et de conduite permanent, réduit mais apte à être renforcé en cas d'opération menée par l'UE, sous la responsabilité d'une « Nation Cadre » par des modules pré-identifiés. En parallèle, il pourrait être acté le développement, en coopération, des capacités dans la fonction « anticipation- connaissance », en surmontant les questions de « souveraineté ».

Ce Quartier Général aurait vocation à supprimer les cinq Quartiers Généraux nationaux existant ((France, Royaume-Uni, Allemagne, Grèce, Italie) et donc à limiter les duplications, et à compléter la structure commune de la Psdc (Politique de Sécurité et de Défense Commune) à Bruxelles pour favoriser une approche globale.

Une étude de principe pourrait être confiée, sous autorité du SEAE, au Président du Comité militaire de l'UE, à charge pour le groupe de proposer des recommandations précises en termes de structure et de fonctionnement, recommandations qui seraient examinée lors d'un prochain Conseil consacré à la défense en 2014.

Améliorer la communication

Une seconde mesure mériterait d'être prise en considération : le développement d'une campagne de communication visant à mieux informer les opinions publiques sur les avancées en termes de défense et de sécurité : meilleure connaissance des institutions, des organismes en charge et des réalisations. L'exemple de l'opération « Atalante » dans la corne de l'Afrique est intéressant car il montre, en vraie grandeur, les capacités propres de l'Europe dans une approche globale à intégrer les volets militaires, sécuritaires, administratifs, juridiques…et à impliquer plusieurs services.

Cette opération, reconnue par nos principaux partenaires comme une réussite, reste, inexplicablement, peu mise en valeur au sein de l'Europe. Il convient de ne pas faire le lit des résolument pessimistes, les plus actifs !, mais de redonner confiance aux défenseurs d'une Europe forte et influente.

 

Quelques pistes pour dynamiser la/les coopérations

Dans le souci de rester pragmatique et réaliste, quelques pistes pourraient faire l'objet d'une étude de faisabilité et permettre de tester la volonté des pays.

- Constitution d'un embryon de flotte européenne de Surveillance maritime autour d'un noyau dur franco-britannique au moment où les pays s'équipent de drones et où, d'un côté, le Royaume-Uni réfléchit au remplacement des Nimrod et, de l'autre, la France prépare la modernisation des ATL2.

 - Constitution d'une unité européenne de Sar de Combat (C/Sar) pour la récupération des pilotes et équipages en territoire ennemi. Compte-tenu de ses capacités et de son expérience (valeur opérationnelle validée par les Américains dans les Balkans), la France pourrait proposer des recommandations politiques, opérationnelles et techniques en vue de la création d'une telle unité incluant quelques pays aptes et volontaires.

- Création d'un Easa (European Aviation Safety Agency) militaire dans le cadre du développement du projet de ciel unique européen « Sesar ». L'Agence européenne de défense a récemment permis la définition de standards de navigabilité. La méthode utilisée dans le cadre de ce projet pourrait être réutilisée pour définir des standards en matière de formation des équipages, des aérodromes…

 - Développement de centres de formation communs, création d'une filière drone, soutien commun pour l'A 400M…autant de sujets qui méritent étude et attention et qui démontrent qu'il y a encore « du pain sur la planche » !

 

Pragmatisme et réalisme mais ambition et volontarisme

Du bon déroulement de ce Conseil dépend l'avenir de la Défense, bras armé de la politique internationale et du poids de l'Europe dans le futur. Sans « bras armé » pas de crédibilité internationale et de possibilité d'influence sur le déroulement des grands enjeux de demain. Deux écueils sont à éviter : la généralisation avec le recours à des termes génériques comme la mutualisation ou l'externalisation (sans contenu précis) et la dispersion avec une liste trop détaillée de projets (sans priorités).

Sans défense solide et crédible, pas d'avenir pour l'industrie d'aéronautique et de défense, avec, à moyen terme, perte de compétences technologiques et de parts de marché dans un environnement de plus en plus concurrentiel. La responsabilité de nos dirigeants est directement engagée lors de ce Conseil sur l'avenir de l'Europe

 

 

______________________________

 (1) « Défendre la France et l'Europe » chez Perrin, mai 2007, « Eurodéfense, pour une relance d'une Europe de la défense » chez Unicomm, juin 2009, « Un monde sans Europe ?»  chez Fayard, juin 2011

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