Réagissant aux polémiques qui ont entouré les commémorations du vingtième anniversaire du génocide au Rwanda, dont la France a été absente, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a adressé jeudi soir, via la messagerie interne des armées, une lettre aux personnels militaires dont Le Figaroa eu copie. L'objectif principal de ce «message aux armées» est de défendre «l'honneur de la France et de ses armées» en «assumant pleinement» le rôle tenu par les forces françaises durant «l'horreur du génocide» qui fit quelque 800.000 morts, Tutsis et Hutus modérés, en 1994. «Le respect que nous devons au Rwanda et aux indicibles souffrances que ce pays a traversées, souligne-t-il, c'est aussi celui de la vérité.»
Jean-Yves Le Drian dénonce ainsi «certaines accusations (qui) ne peuvent rester sans réponse», sans toutefois les préciser ni les réfuter en détail. Il fait à l'évidence référence aux propos du président rwandais, Paul Kagame, selon lequel les militaires français auraient «participé activement»à l'un des pires drames humains du XXe siècle. En 2008, une commission d'enquête rwandaise avait déjà accusé la France d'avoir formé les milices interahamwe (extrémistes hutus), fer de lance du génocide.
«Des dizaines de milliers de vies sauvées»
Pour le ministre de la Défense, ce débat a été clos en 1998 par la mission d'information parlementaire française présidée par Paul Quilès, qui a «questionné sans tabou les motivations et la réalité de l'engagement français» au pays des Mille-Collines. Ses conclusions «ne laissent aucune place aux accusations inacceptables proférées ces derniers jours», tranche-t-il. La mission Quilès avait alors reconnu «des erreurs d'appréciation» et un soutien au régime hutu du président Juvénal Habyarimana «à la limite de l'engagement direct».
Tout au contraire, estime M. Le Drian, le fait que la France ait «réagi, avant d'autres, au drame qui se déroulait sous le regard d'une communauté internationale paralysée», et le «défi, que beaucoup jugeaient impossible», posé à l'opération Turquoise de «sauver un maximum de vies sans prendre parti», sont à porter «au crédit de la France». Il fait valoir que l'armée française a «incarné le sursaut» en installant à la frontière de l'ancien Zaïre «une zone humanitaire sûre qui allait permettre de sauver des dizaines de milliers de vies humaines». Pour lui, «tel était l'ordre d'opération», conforme au «mandat des Nations unies», et «telle fut la mission exécutée».
Le ministre de la Défense ajoute que Paris «ne s'est pas dérobé à son devoir d'introspection critique», ce qui lui permet «d'assumer pleinement cette Histoire». Et il conclut: «Notre devoir de mémoire trouve aujourd'hui ses prolongements dans l'action» menée au Mali et en Centrafrique, «face au risque que l'Histoire se répète.»