14 janvier 2015 par Jacques N. Godbout – 45eNord.ca
Les délais et le manque de capacité conduisent à des niveaux jamais vus de fonds d’acquisition non dépensés et menacent les capacités militaires, affirme David Perry, analyste principal de l’Institut de la Conférence des associations de la défense.
«Il est irréaliste de s’attendre à ce que le processus d’acquisition de la défense du Canada puisse être ‘réparé’», va même jusqu’à dire David Perry dans le 21e numéro des Cahiers Vimy de l’Institut intitulé «Remettre le mot ‘armé’ dans les Forces armées canadiennes: améliorer l’acquisition de l’équipement de défense au Canada».
Les compressions budgétaires qui ont commencé en 1989 ont mené à une décennie d’approvisionnements de défense limités, rappelle le rapport.
En février 2014, le gouvernement du Canada a annoncé une Stratégie d’approvisionnement en matière de défense du Canada (SAMD) conçue pour réformer la façon dont le Canada s’approvisionne en équipement militaire.
Le système canadien a connu des problèmes particuliers dans le passé et la situation restera probablement la même, alors que le temps de faire l’acquisition d’équipement militaire en est rendu à des «niveaux records», souligne-t-il.
«Bien que la SAMD soit une initiative louable, elle ne va pas régler d’elle-même les problèmes actuels», conclut David Perry.
Il note que que le ministère de la Défense fait face à une difficulté sans précédent à dépenser l’argent alloué aux approvisionnements. Depuis 2007/2008, une moyenne de 23% de l’argent disponible, soit un total de 7,2 milliards $, n’a pas été dépensée, écrit l’analyse.
La stratégie de défense Le Canada d’abord promettait le programme de recapitalisation le plus important depuis la Guerre de Corée, mais cette recapitalisation est gravement retardée, ce qui cause une érosion du pouvoir d’achat du programme d’immobilisation du ministère de la Défense, note le chercheur.
Des projets sont réduits ou annulés à cause de délais ou de la perte de pouvoir d’achat et la capacité et les ressources actuelles sont impuissantes à répondre aux demandes accrues, observe-t-il.
«Notre système d’approvisionnement n’est tout simplement pas assez robuste pour réussir», déclare David Perry. «D’ici à ce que soit articulée une nouvelle politique de défense, que les achats soient organisés en un système de priorités, et que des ressources adéquates soient appliquées, les militaires vont continuer à perdre de leur capacité», prévient-il.
Les recommandations
Tout en affirmant qu’il ne sera pas facile de «réparer» le système d’approvisionnement système auquel il colle l’étiquette de «cassé», le chercheur y va de 10 recommandations qui devraient permettre d’atteindre le but dont parlent constamment les militaires: fournir le bon équipement aux forces de combat en temps opportun.
- Terminer l’examen de la Stratégie de défense Le Canada d’abord et, dans le cadre de cet examen:
– mettre en place priorités géostratégiques qui peuvent orienter les acquisitions futures;
– résoudre l’inadéquation entre le financement et les capacités;
– prioriser des acquisitions de défense prévus; - Augmenter la taille du personnel travaillant aux acquisitions
- Accroître les compétences du personnel travaillant aux acquisition en améliorant l’accès à la formation, en réduisant le cycle d’affectation des fonctionnaires et des militaires affectés aux acquisitions, en reliant les rotations de personnel aux étapes clés des projets; et en créant un «cheminement de carrière» pour les spécialistes des achats militaires.
- Accroître les récents efforts déployés par la Défense nationale pour familiariser les autres agences et fonctionnaires avec le programme de la défense;
- Continuer à impliquer l’industrie dans le processus;
- Améliorer la communication sur les marchés de la défense, à la fois au sein du gouvernement et entre le gouvernement et le public. Accroître l’utilisation des séances d’information technique sur les fichiers-clés;
- Développer une base commune pour le cycle de vie des coûts qui est basée sur les meilleures pratiques et l’instituer au sein du gouvernement. Cela devrait inclure l’attribution de contingences de projet appropriées à la nature de chaque projet et au système d’approvisionnement canadien et veiller à ce les budgets des projets comprennent une protection contre la perte de pouvoir d’achat;
- Renforcer la flexibilité dans le plan d’investissement du ministère de la Défense pour tenir compte de l’escalade des coûts, des délais et des nouvelles priorités;
- Tenir compte des changements dans les budgets des projets actuels et futurs des coûts d’approvisionnement créés par la Stratégie de défense de l’approvisionnement
- Et, finalement, mettre en œuvre les changements de stratégie de défense de l’approvisionnement comme un ensemble complet, plutôt que des initiatives individuelles, et produire des rapports d’étape annuels sur la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie.
En octobre 2014, du côté de la Marine royale canadienne le Chef – Service d’examen lançait lui-même un cri d’alarme.
Son rapport d’évaluation révélait que, bien qu’elle ait toujours, jusqu’ici, répondu aux attentes et aux demandes du gouvernement du Canada et du ministère de la Défense en ce qui a trait à la conduite des opérations, la Marine royale canadienne éprouvait «des difficultés à satisfaire certaines de ses exigences relatives à l’état de préparation».
Force était de constater alors qu’il devient de plus en plus difficile à la Marine royale canadienne d’être «là, toujours prête» à défendre les intérêts du Canada à l’échelle nationale et internationale.
Mais aujourd’hui, à moins de réparer rapidement le système d’approvisionnement militaire «cassé», c’est toute l’armée qui risque d’être «Forte, Fière, mais pas Prête»…
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