Dernière ligne droite pour Falcon Eye, le contrat de fourniture de deux satellites espions aux Émirats arabes unis. Remporté par Airbus Defence & Space (DS) et Thales Alenia Space (TAS), cette commande de plus de 800 millions d'euros avait été signée en juillet 2013. Un obstacle subsistait: l'obtention des licences ITAR (international traffic in arms regulations) auprès des États-Unis. «Le contrat Falcon Eye sera mis en œuvre dans quelques jours, ces licences ayant été obtenues», a déclaré François Auque, PDG d'Airbus DS France lors du séminaire Perspectives spatiales organisé par le cabinet Euroconsult à Paris, jeudi 13 février. «Le contrat n'aura pas besoin d'être renégocié», souligne-t-on au ministère de la Défense. Le dossier s'est débloqué lors de la visite d'état de François Hollande aux États-Unis. Il a été au menu des discussions avec Barack Obama.
L'industrie européenne des satellites - mais pas seulement elle - utilisent des composants américains. Elle doit passer par la procédure ITAR d'autorisation d'exportation de matériels comportant des composants jugés sensibles par les États-Unis. Falcon Eye a du attendre plus de six mois pour obtenir le précieux sésame. Il faut dire que ce contrat a été gagné au détriment de l'américain Lockheed Martin….
ITAR, un outil dans la guerre commerciale
Avec Falcon Eye, la France a signé le premier grand contrat du quinquennat dans le militaire. Airbus DS et TAS, co-maîtres d'œuvre, doivent livrer deux satellites de renseignement de très haute résolution de type Hélios et une station terrestre à l'armée émirienne. Le contrat est assorti d'un accord stratégique entre les deux États impliquant notamment une coopération des services et le partage de données. Jamais la France n'avait accepté d'accorder une aussi haute résolution en vendant des satellites militaires.
Certains ont soupçonné les États-Unis de faire traîner sciemment les choses, en guise d'avertissement… «Pour nous, c'est business as usual», relativise François Auque. «Ce sont les États-Unis qui définissent le périmètre ITAR. Même si nous options pour des composants non classés ITAR, les Américains pourraient les y mettre. De toute façon, nous n'exporterions pas dans des pays considérés comme inamicaux par Washington», poursuit-il. Ce pragmatisme ne fait pas l'unanimité.
Les États-Unis ont en effet refusé, puis donné leur feu vert puis ont fait volte-face avant d'accorder l'autorisation in extremis après l'expiration fin janvier de la validité du contrat. «Pourtant les composants concernés sont des composants simples»., souligne Jean-Loïc Galle, PDG de TAS. Nous ne sommes pas face à un problème de sécurité nationale américaine mais dans une guerre commerciale», poursuit-t-il.
Impossible de vendre des satellites civils en Chine
«Les Américains changent les composants de catégorie avec effet rétro-actif, du coup, nous sommes coincés», souligne un autre observateur. C'est ce qui est arrivé sur le marché des télécoms civils chinois. Entre 1984 et 2010, TAS a vendu 7 satellites «ITAR-Free» (sans composants ITAR) - China Sat et APStar - à deux opérateurs chinois. Mais depuis plusieurs années, il n'est plus possible d'en vendre d'autres en Chine, les États-Unis «utilisant» la procédure ITAR pour interdire de facto tout nouveau contrat avec la Chine. «Les États-Unis nous ont obligé à arrêter notre activité télécom en Chine. Trois mois plus tard, Washinton a déclaré qu'il serait bien de discuter avec Pékin coopération en matière spatiale», note le PDG de TAS. Il prend les paris: «d'ici à deux ans, il y aura un satellite de télécom civil américain vendu à la Chine».