Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 octobre 2016 4 27 /10 /octobre /2016 07:55
Le général d'armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale -  Photo Gendarmerie nationale

Le général d'armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale - Photo Gendarmerie nationale

 

18 octobre 2016 Commission de la défense nationale et des forces armées Compte rendu n° 11

 

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

 

La séance est ouverte à dix-sept heures.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de finances pour 2017. Général, c’est la première fois que vous venez devant notre commission puisque vous n’avez pris vos fonctions que le 1er septembre dernier. Le budget que vous allez nous présenter va dans le bon sens, avec des embauches et des crédits en progression. Vous nous parlerez certainement aussi de la réserve opérationnelle et de la garde nationale, qui ont été évoquées lors des précédentes auditions.

 

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. Je suis ravi d’être parmi vous pour un tour d’horizon qui portera d’abord sur le bilan de l’action engagée au cours des derniers mois et des dernières années, ensuite et surtout sur la manière dont j’envisage de faire évoluer la maison gendarmerie à l’avenir.

 

Je suis aujourd’hui à la tête d’une gendarmerie en mouvement et engagée. Engagée au quotidien, sur le terrain, par l’intermédiaire des brigades territoriales ; engagée dans tous les grands événements ; engagée aussi dans une profonde rénovation au titre de la feuille de route, qui va être prolongée car elle contribue à une démarche de modernisation et de simplification permanentes. La participation de la totalité des personnels à cette entreprise est essentielle : dans cette démarche bottom-up (ascendante), les propositions des personnels sont agrégées au niveau central, puis diffusées dans l’ensemble de la maison.

 

Cette gendarmerie, également dynamique, bénéficie depuis maintenant deux ans d’importants moyens dans le cadre du plan de lutte antiterroriste, du plan de lutte contre l’immigration clandestine et du pacte de sécurité. L’année 2016, en particulier, a été exceptionnelle à tous égards : les effectifs de la gendarmerie ont augmenté de plus de 2 300 postes ; cela a permis de créer un escadron de gendarmerie mobile à Rosny-sous-Bois, récemment inauguré par le ministre de l’Intérieur, ainsi qu’un cinquième peloton dans vingt-deux escadrons de gendarmerie mobile, ce qui accroît notre capacité opérationnelle.

 

En matière d’intervention, nous avons également créé trois antennes supplémentaires du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) en métropole, ce qui porte leur nombre à six, et une à Mayotte, ce qui en fait sept outre-mer.

 

En matière d’intervention intermédiaire, nous avons créé des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) renforcés, dits PSIG Sabre, dotés de moyens de protection supplémentaires – casques et boucliers balistiques –, d’un armement – le fusil HK G36 – qui développe leur capacité offensive, et d’une grande mobilité grâce aux véhicules Sharan.

 

Concernant les modes d’action, en coopération avec la police nationale, nous avons mis en place, sous la houlette du ministre de l’Intérieur, le schéma national d’intervention, qui marque une évolution majeure dans la conception de l’action des forces de sécurité : en cas d’attentat ou de tuerie de masse, c’est désormais l’unité la plus proche qui intervient. C’est une nouveauté : jusqu’à présent, la compétence territoriale l’emportait sur la proximité, et non l’inverse.

 

Une autre évolution s’est concrétisée par l’exercice Minerve que nous avons conduit avec l’armée de terre dans le cadre de l’opération Sentinelle. Il nous a permis de valider plusieurs coopérations et moyens de coordination. Nous sommes aujourd’hui parvenus à un bon équilibre avec nos camarades des armées, engagés dans des missions plus dynamiques qu’auparavant et qui contribuent, en lien avec nous, à la sécurité des Français.

 

L’adaptation de la gendarmerie concerne aussi les brigades territoriales. Celles-ci ont été étoffées par l’affectation de 583 personnels, notamment dans les zones frontalières ou dans celles par lesquelles passent d’importants flux de population. Ici aussi, le renforcement des moyens permet de gagner en dynamisme et en capacité opérationnelle.

 

S’agissant du renseignement, nous avons également accru nos capacités, en créant 25 antennes territoriales auxquelles d’autres s’ajouteront en 2017 – je vais y revenir. Elles dépendent du service central du renseignement territorial (SCRT) et sont constituées chacune d’un binôme de gendarmes installé dans une brigade de gendarmerie, mais qui a pour vocation de capter, dans les profondeurs du territoire, des signaux faibles qu’il est ensuite chargé d’analyser et d’exploiter avant de les transmettre aux services spécialisés.

 

Nous avons en outre créé 29 cellules d’observation et de surveillance, chargées de contribuer à la recherche du renseignement au quotidien et composées de personnels aguerris qui agissent en civil dans le cadre des enquêtes judiciaires ou administratives.

 

Dans ce domaine, la loi du 24 juillet 2015 nous a conféré plusieurs capacités nouvelles. Nous sommes désormais inscrits dans le deuxième cercle du renseignement. Dans ce cadre, nous pouvons effectuer des investigations grâce aux IMSI-catchers et à des moyens d’intrusion électroniques. Les nouvelles techniques du renseignement nous sont officiellement ouvertes. La sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO), qui fait partie des services prescripteurs, le GIGN et les sections de recherches contribuent à cette quête du renseignement.

 

D’une manière générale, en matière de renseignement, le décloisonnement des services a fait de grands progrès.

 

S’agissant du recrutement, nous avons ouvert en 2016 une nouvelle école à Dijon, sur l’emprise de l’ancienne base aérienne qui nous a été cédée à titre onéreux par le ministère de la Défense. La première compagnie d’élèves gendarmes, composée de 124 élèves, a intégré l’école hier. Il convient de noter l’excellente coopération entre l’armée de l’air, pour la défense, et la gendarmerie, pour l’intérieur, qui a permis la mise en œuvre en moins d’un an de la décision d’installation à Dijon.

 

En outre, en 2016, nous avons revu la formation pour absorber nos effectifs supplémentaires. Jusqu’en 2015, l’année de formation des élèves gendarmes se répartissait entre neuf mois de présence en école et trois mois de stage en unité. Cette année, pour accélérer la mise à l’emploi de nos personnels, nous avons réduit la formation en école à six mois pour les anciens militaires et huit mois pour les personnes venues du civil. Ce changement densifie la formation en école et devrait nous permettre d’atteindre le schéma d’emploi en fin d’année, avec la totalité des effectifs prévus : c’était un défi.

 

En matière de fonctionnement, grâce aux crédits qui nous ont été alloués, nous avons pu commander 3 000 véhicules cette année, ce qui correspond au renouvellement à terme de notre parc. C’est la première fois depuis six ans que nous atteignons ce chiffre. La tendance est la même pour 2017.

 

S’agissant de l’immobilier, élément important du fonctionnement de la gendarmerie nationale, le plan d’urgence lancé il y a deux ans nous a permis de consacrer 70 millions d’euros de crédits en autorisations d’engagement à des travaux destinés principalement à la mise aux normes des infrastructures immobilières, mais également à la réfection de logements – 5 000 en 2016, 4 000 prévus en 2017 – qui sont répartis sur l’ensemble du territoire : c’est un signe, envoyé au plus grand nombre possible d’unités, de l’effort que nous consentons pour les gendarmes et leurs familles.

 

L’année 2016 nous a ainsi permis de progresser dans de nombreux domaines. En 2017, nous pourrons aller encore plus loin grâce aux moyens qui nous sont alloués. Dans ce cadre, je vise trois objectifs principaux.

 

Premièrement, poursuivre l’adaptation de la gendarmerie aux évolutions de la menace ; c’est bien le moins. Deuxièmement, remettre l’accent sur les brigades territoriales, chevilles ouvrières de la maison gendarmerie, pour qu’elles puissent aller davantage à la rencontre de la population grâce à une proximité rénovée. Troisièmement, prolonger la modernisation de la gendarmerie dans le cadre ministériel, notamment à travers la feuille de route.

 

Sur le premier point, le budget 2017 est en hausse de 342 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 293 millions en crédits de paiement, ce qui va nous permettre de créer 255 postes supplémentaires, dont 200 au titre de l’engagement présidentiel du début du quinquennat, qui viendront renforcer les unités territoriales, pierre angulaire de la sécurité, et 55 qui seront affectés aux antennes du renseignement territorial (ART). En ce dernier domaine, nous poursuivons nos efforts, en lien avec le SCRT.

 

Les 144 effectifs supplémentaires qui apparaissent sur les différents documents budgétaires sont destinés à renforcer les PSPG (pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie) et sont financés par EDF. Leur mention ne correspond donc qu’à une régularisation : il y a bien 255 créations nettes de postes.

 

L’année 2017 sera également marquée par une montée en puissance de la réserve opérationnelle, qui est l’un des éléments de la garde nationale – vous y avez fait allusion, Madame la présidente. La garde nationale est un label et repose sur deux piliers : la défense et l’intérieur, puisqu’elle associe les réserves militaires et celles de la gendarmerie et de la police nationales. Le système, tel qu’il a été élaboré de manière conjointe, me paraît efficient, car il conserve à chaque pilier son efficacité propre : chaque élément peut poursuivre sa dynamique spécifique et, s’agissant des réserves de la gendarmerie, sa montée en puissance.

 

Nous avons aujourd’hui 28 500 réservistes ; l’objectif est de parvenir à 40 000 d’ici à 2019. Cela nécessitera un effort budgétaire, mais aussi et surtout une procédure de recrutement et de fidélisation des réservistes, afin de les engager durablement au service de la sécurité publique générale. Les candidats sont très nombreux : ils étaient plusieurs milliers cet été, ce qui nous a conduits à porter la limite d’âge de 30 à 40 ans à partir du mois de juillet ; nous recrutons également des personnes plus âgées, au cas par cas, en fonction de leurs compétences et de leur aptitude physique. Ces recrutements nous permettront, je l’espère, d’atteindre fin 2018 une empreinte au sol de 4 000 réservistes par jour, soit deux fois plus qu’il y a moins d’un an.

 

Cette montée en puissance de la réserve passe par une chaîne fonctionnelle rénovée : nous allons installer des cellules « réserve » dans chaque groupement, c’est-à-dire dans chaque département. Elles existent déjà en gestion ; nous allons les créer en organisation pour les reconnaître réellement. Nous allons également créer, dès le 1er novembre prochain, un commandement des réserves de la gendarmerie, par transformation de la délégation aux réserves, pour signifier que cette fonction fait partie intégrante de la capacité opérationnelle de la gendarmerie et joue un rôle déterminant dans son efficacité.

 

Le budget 2017 nous permettra également de reconnaître l’engagement des gendarmes dans le cadre des mesures dites catégorielles. Le protocole signé le 11 avril comporte plusieurs avancées : d’abord la transcription pour les gendarmes du PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations), mais aussi d’autres mesures qui concernent toutes les catégories de personnels, du gendarme adjoint volontaire au sous-officier et à l’officier. Ce plan de valorisation a été élaboré en lien avec les commissions de concertation ; il a fait l’objet d’une saisine de l’ensemble des commissions de participation, lesquelles ont émis un avis et formulé des propositions qui ont été étudiées au niveau central, traduites en propositions au Gouvernement et validées pour nombre d’entre elles. D’une manière générale, le dialogue social est un axe majeur au sein de la gendarmerie. J’y reviendrai. Ici comme dans d’autres domaines, on voit à l’œuvre une concertation qui fonctionne, qui s’appuie sur des représentants et des présidents de catégorie animés d’un esprit très constructif et qui apporte une contribution tout à fait positive à l’évolution de la maison.

 

S’agissant des crédits de fonctionnement, les crédits hors titre 2 sont d’abord alloués à la poursuite des actions entreprises dans le cadre du pacte de sécurité, pour 73,4 millions d’euros : ils permettront de continuer à mettre en œuvre les PSIG Sabre, à fournir les équipements des antennes du GIGN et ceux destinés à renforcer la protection des personnels. Mon objectif est de tous les doter d’un gilet pare-balles individuel, y compris l’ensemble des réservistes ; ce n’est pas encore fait, mais cela me paraît essentiel : il est de notre devoir de les protéger sur le terrain.

 

Les crédits hors titre 2 nous permettront ensuite de poursuivre la mise en œuvre du plan d’urgence immobilier : je l’ai dit, 4 000 logements seront refaits auxquels s’ajoutent d’autres infrastructures, notamment de sécurité.

 

Nous reconduisons aussi la commande de véhicules neufs – 3 000, je l’ai également indiqué, pour un total de 65 millions d’euros. C’est essentiel : le véhicule est l’élément clé de la capacité d’intervention d’une brigade, dont la surface est souvent équivalente, voire supérieure, à la superficie de Paris mais qui peut ne compter que six gendarmes.

 

Je m’attarde un instant sur les outre-mer, théâtre d’une violence endogène et croissante vis-à-vis des forces de l’ordre, qui se manifeste par des agressions de militaires de la gendarmerie, ainsi que de policiers. Les Antilles-Guyane, Mayotte et la Nouvelle-Calédonie suscitent particulièrement l’inquiétude. Le ministre a engagé un plan de renforcement des effectifs comme des moyens dont il importe qu’il soit mis en œuvre au cours des années à venir.

 

Mon deuxième objectif est de renforcer et rénover la relation de proximité, notamment à travers les brigades territoriales. La brigade territoriale est la brique de base : c’est le brigadier qui intervient au plus près de la population, qui a le premier contact avec elle. Il faut donc lui redonner les moyens – les moyens matériels que j’ai déjà évoqués –, mais aussi le temps de travailler. Nous avons déjà entrepris de moderniser et de simplifier son travail ; nous allons maintenant entamer une réflexion sur le contact. Les unités de six gendarmes ou moins, en particulier, ne peuvent plus agir sur la totalité du spectre, faute de temps et de personnels : nous allons donc revoir leur contrat opérationnel afin qu’elles se consacrent entièrement au contact. À l’avenir, elles ne s’occuperont plus ni d’écritures diverses, ni de soit-transmis du parquet, ni de police de la route dans le cadre d’opérations coordonnées, mais seront en permanence dehors, sur le terrain, au contact de la population et des élus. En 2017, je souhaite conceptualiser plus précisément ce changement et m’engager pour rendre présence et visibilité à la gendarmerie nationale, en particulier aux petites brigades. C’est essentiel, car nous avons pu perdre le contact ici ou là, à la faveur des évolutions successives et de la « rationalisation » auxquelles nous avons procédé. Je ne veux pas dire par là que celle-ci n’était pas une bonne chose, simplement que nous devons maintenant nous interroger sur l’évolution à venir.

 

Nous y sommes d’ailleurs contraints par l’obligation qui nous incombe de transposer la directive européenne sur le temps de travail. Nous sommes actuellement en phase de précontentieux, l’Union européenne nous ayant signifié que nous ne respections pas la directive. Nous avons donc entrepris la transposition, en lien avec la défense, dans le cadre d’une approche statutaire.

 

Depuis le 1er septembre, nous appliquons dans toutes les unités la modalité des onze heures de repos physiologique journalier par tranche de vingt-quatre heures. C’est, je ne vous le cache pas, d’une difficulté sans nom. Ainsi, on repart de zéro lorsque le temps de repos est interrompu, sauf au bout de neuf heures de repos, seuil qui requiert un nouveau calcul et un report ; de telles complexités administratives ne facilitent pas la tâche des commandants de brigade. Mais nous n’avons pas le choix. Il en résulte par ailleurs une baisse de notre capacité opérationnelle. Le changement est récent, mais nous évaluons la dégradation à 3 à 5 % de temps de service en moins. Ce n’est pas grand-chose, me direz-vous ; mais, pour 100 000 hommes, cela représente tout de même 3 000 à 5 000 équivalents temps plein (ETP).

 

Il s’agit là de dispositions transitoires : il nous reste à transposer définitivement la directive, toujours en lien avec la défense, en appliquant également les 48 heures maximales de travail hebdomadaire par agent. Cela nous pose un problème : cette mesure signifie que, quand on assure une garde à vue de 96 heures, on a quinze jours de repos ensuite ! Ce n’est pas ainsi que nous fonctionnons aujourd’hui. Nous allons donc devoir trouver un système adapté. Nous en discutons avec l’Union européenne.

 

Je tenais à appeler votre attention sur ce point, car cette directive est un peu à contre-courant au moment où nous devons tous nous mobiliser contre le terrorisme. Nous allons nous y plier – nous n’avons pas le choix –, mais ce ne sera pas sans quelques difficultés.

 

Pour en revenir à la brigade, l’idée est de redonner sens à son travail non seulement par le contact, mais aussi par la formation des personnels. S’il n’est ni candidat à l’avancement ni engagé dans un cursus de formation adapté, et s’il se sent bien dans sa brigade, un gendarme peut y passer la totalité de sa carrière sans jamais revenir en école. Or l’évolution actuelle du contexte, des textes réglementaires, la complexification juridique croissante rendent essentielle une formation continue régulière. Voilà pourquoi je souhaite créer un centre de formation à la sécurité publique qui permettrait à chaque gendarme de passer tous les cinq ans une semaine dans une structure d’école, non pour être évalué mais pour être formé et informé. Nous y travaillons. Les brigadiers pourraient ainsi confronter leurs expériences, ce qui devrait améliorer in fine la qualité du service.

 

Garantir la sécurité de nos concitoyens, c’est s’interroger sur la proximité non seulement physique, mais aussi numérique, compte tenu de la société dans laquelle nous vivons. Puisqu’une partie croissante de nos concitoyens effectuent leurs démarches sur les sites internet des divers services publics, notre idée est de nous placer sur le flux numérique qu’ils utilisent afin de leur permettre d’accéder à une brigade virtuelle. L’outil est conçu comme une plateforme d’échange permettant aux citoyens de s’adresser directement à un gendarme pour obtenir un renseignement, être guidé dans leurs démarches ou signaler tel ou tel fait. Nous pourrons certainement y intégrer la pré-plainte en ligne, qui existe déjà, mais aussi, plus généralement, y proposer un accès permanent à tous les services publics de sécurité de la gendarmerie nationale. Il s’agit d’un projet récent sur lequel nous aurons encore à travailler et qu’il me paraît important de développer.

 

À propos du numérique, nous avons instauré à titre expérimental, dans le Pas-de-Calais et en région Bourgogne, le dispositif NEOGEND : une tablette numérique, affectée à chaque gendarme, contient toute la documentation, les bases de données professionnelles, les bases métier, les fichiers, la messagerie interpersonnelle et plusieurs applications facilitant son travail, bref lui tient lieu de bureau portable. Cet outil permet de diviser par quatre le temps de contrôle des personnes. Par exemple, il devient possible de contrôler en moins de trois quarts d’heure un bus entier de quarante-cinq places, ou, en scannant la bande MRZ qui identifie une pièce d’identité, d’interroger automatiquement la totalité des fichiers ouverts. C’est une vraie facilité, une vraie modernisation, et les agents sont fiers de pouvoir utiliser ce matériel très efficace.

 

En 2017, le dispositif sera étendu à toute la gendarmerie départementale. Nous avons commandé 50 000 tablettes dans le cadre d’un marché commun à la police et à la gendarmerie. En effet, la police est engagée dans la même démarche : c’est le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (ST(SI)²), service commun, qui a conçu et développé le matériel.

 

C’est une autre étape importante de la modernisation de la maison. Elle devrait permettre de revoir les modes d’action, faciliter le travail du gendarme sur le terrain et lui faire gagner un temps qu’il pourra consacrer à discuter avec les personnes.

 

La modernisation en général est notre troisième objectif. Nous allons poursuivre la feuille de route, instaurée il y a trois ans par mon prédécesseur, le général Denis Favier. Dans ce cadre, l’ensemble des personnels de la gendarmerie a proposé plus de 3 900 mesures simples, quotidiennes, concrètes ; après les avoir analysées au niveau central, nous en avons sélectionné 360. Cette démarche innovante permet aux commandants et aux gendarmes de la brigade d’envoyer directement au niveau national, par l’intermédiaire d’une hotline dédiée, une proposition qui est ensuite analysée et qui, si elle est pertinente, est retenue puis généralisée.

 

Les résultats sont intéressants. Ainsi, le nombre d’états à fournir, auparavant très élevé – nous fournissions même en permanence des « états néant » –, a diminué de 70 %. Cela confirme qu’il y a dans notre administration, comme dans les autres, une grosse part d’autoconsommation, dont le meilleur juge est en définitive celui qui est en bas de l’échelle, celui qui, in fine, produit le travail. C’est donc à lui de formuler des propositions : c’est cela, l’esprit « feuille de route ».

 

La démarche de modernisation va aussi se poursuivre en lien avec la police nationale et nos structures communes. Ainsi, le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), après une période de rodage, est maintenant efficace : la totalité des marchés passés pour la police et la gendarmerie est partagé, ce qui nous permet d’échanger de bonnes pratiques dans différents domaines. Quant au ST(SI)², l’ensemble des logiciels et programmes informatiques sont désormais nativement partagés. Tout cela facilite le travail des gendarmes au quotidien.

 

À côté de notre flotte d’hélicoptères, nous avons développé – et nous continuons – une composante drones. Nous avons acquis un certain nombre d’appareils pour assurer différentes fonctions : police judiciaire, recherche du renseignement, constatations et prises de vue de l’institut de recherche criminelle lors d’accidents aériens, opérations de maintien de l’ordre grâce à la capacité d’observation en amont que les drones offrent à un escadron sur un terrain difficile ou dangereux.

 

Nous travaillons aussi sur la dimension prédictive en matière de délinquance, qui fait actuellement l’objet d’une expérimentation en Aquitaine. Il s’agit d’utiliser le big data pour agréger autant d’éléments que possible sur la délinquance, les données socio-économiques, etc., afin de déterminer à quel moment une zone risque plus ou moins d’être exposée à la délinquance – bref, de prévoir en quelque sorte la météo de la délinquance. Pas plus que la météo, ce n’est une science exacte, mais cela guide la réflexion de nos commandants d’unité, qui oriente à son tour les services. Nous en escomptons des résultats intéressants.

 

Cette modernisation est facilitée par la qualité de nos personnels, qui participent au projet d’entreprise commun. Mon ambition est de continuer à les valoriser et à les associer à la marche de la maison. J’ai déjà parlé de concertation ; les 75 membres de notre nouveau CFMG (conseil de la fonction militaire de la gendarmerie), élu il y a quinze jours, sont tous déjà des conseillers concertation locaux. Je les ai rencontrés la semaine dernière, et je puis vous assurer que la qualité de leur réflexion est impressionnante et leur esprit constructif remarquable. Nous devrions bien progresser grâce à cette structure, dont une partie prendra ensuite part, bien entendu, au CSFM (conseil supérieur de la fonction militaire) et à l’ensemble des travaux de concertation menés avec la défense.

 

Ce CFMG renouvelé voit arriver avec quelque inquiétude les APNM (associations professionnelles nationales de militaires), dont trois prétendent représenter les gendarmes. Nous n’en sommes qu’au début de l’histoire, et leurs responsables n’ont pas encore dépassé la phase de rébellion pour entrer dans une phase adulte de construction. Mais il est normal qu’ils aspirent à exister et à capter des adhérents. S’ils ont un peu de mal à « décoller », ils n’en représentent pas moins un élément essentiel qu’il faudra intégrer au dialogue social. Les uns et les autres ont simplement besoin d’un peu de temps avant de pouvoir discuter ensemble.

 

PSIG Sabre - photo Gendarmerie Nationale

PSIG Sabre - photo Gendarmerie Nationale

M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie nationale. Vous avez été très complet, Mon général, mais je ne doute pas que mes collègues auraient encore des centaines de questions à vous poser !

 

Avec ce budget, on a l’impression de respirer ; on ne pouvait pas en dire autant lors de la fin de gestion du budget 2013. Dans l’intervalle, la commission de la Défense avait œuvré pour vous, à vos côtés comme aux côtés de votre prédécesseur, le général Favier ; nous ne pouvons que nous féliciter du résultat. Aujourd’hui, la gendarmerie est sur les rails, elle se modernise et s’adapte ; c’est ce que nous attendions.

 

C’est donc un grand millésime, marqué par une hausse de 3,5 % des crédits, même s’il y a encore beaucoup à faire, notamment dans l’immobilier. Je ne doute pas que nos collègues de l’opposition soient prêts à poursuivre notre œuvre – à laquelle ils ont d’ailleurs participé, il faut le leur reconnaître. Quoi qu’il en soit, le travail remarquable accompli par la direction générale de la gendarmerie doit être souligné : quand les choses vont bien, nous devons aussi le dire !

 

En matière de dégel des crédits, beaucoup a été fait en 2014. Où en êtes-vous pour 2016 ? Le dégel est-il achevé, est-il en cours ? Que faut-il que nous fassions en cette matière ?

 

Le Gouvernement a décidé de conforter l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT), qui bénéficiera donc bien de l’exonération fiscale ; cela devrait vous satisfaire. Pourriez-vous nous en dire un mot ?

 

Quant au schéma national d’intervention, le plan PSIG Sabre est une excellente initiative, même si elle n’a pas encore été menée à son terme. Le primat donné à l’unité la plus proche est une très bonne idée, qui devrait souvent favoriser la gendarmerie, plus rapide que d’autres.

 

L’évolution de la protection balistique, tant individuelle que des véhicules, est bienvenue. Nous le savons pour nous être rendus à Saint-Astier. Il y a beaucoup à faire, et j’espère que vous aurez une bonne part de ce que vous demandez.

 

Où en est-on concernant les antennes du GIGN ? La montée en puissance de celles de Reims, de Nantes et de Tours est-elle achevée ? J’ai à cet instant une pensée particulière pour l’adjudant Alain Nicolas, gendarme du GIGN d’Orange tué il y a quelques mois par un forcené.

 

Qu’en est-il de la protection des centrales nucléaires ? EDF a-t-il vraiment joué le jeu ? Le constat en matière de protection des centrales est parfois préoccupant.

 

Outre-mer, qu’est-ce qui a changé avec la transformation des groupes de pelotons d’intervention en antennes du GIGN ?

 

Enfin, la question qui dérange : quels sont vos rapports avec la justice ? (Sourires.)

 

Général Richard Lizurey. S’agissant du dégel, la mise en réserve des crédits 2016 hors titre 2 était destinée aux loyers. Le ministre a souhaité qu’elle soit levée et que les crédits encore gelés – 112 millions d’euros en autorisations d’engagement, 99 millions en crédits de paiement – soient dégelés d’ici à la fin de l’année. S’ils ne le sont pas, nous ne serons plus en mesure de payer les loyers à partir de novembre, ce qui serait évidemment préjudiciable à nos bailleurs. Mais nous avons bon espoir que ce dégel ait lieu. L’affectation aux dépenses obligatoires des crédits mis en réserve nous a en tout cas permis de lancer dès le début de l’année des commandes de matériel, de sorte que nos unités voient arriver dès à présent des véhicules neufs.

 

La fiscalisation de l’IJAT a en effet été en question. Cette indemnité, qui fait l’objet d’un plan d’augmentation tous les six mois, a par ailleurs été revalorisée. Le Gouvernement s’est engagé à fonder sa défiscalisation sur une base légale, laquelle faisait jusqu’à présent défaut. Un texte de régularisation va donc être proposé, afin de sécuriser durablement l’IJAT.

 

Qu’est-ce qu’un PSIG Sabre ? C’est une unité qui inclut davantage de professionnels qu’un PSIG classique, soit environ deux tiers, pour un tiers de gendarmes adjoints volontaires ; qui bénéficie de formations adaptées sous l’égide d’un moniteur d’intervention professionnelle présent au sein de l’unité ; qui possède des moyens de déplacement également adaptés puisque nous avons acheté pour chaque unité, dans le cadre d’un marché public, des véhicules Volkswagen Sharan qui sont déjà en fonction ; qui est dotée de moyens de protection – casques et boucliers balistiques, à raison de six équipements par unité – et de moyens offensifs avec les HK G36, en sus des Flash-Ball ou des pistolets à impulsion électrique (PIE) utilisés par l’ensemble des PSIG.

 

Nous avons lancé un plan triennal de création de 150 PSIG Sabre, ce qui représente un tiers de la totalité des PSIG : nous en avons déjà créé 50 et nous allons en créer autant en 2017, puis à nouveau en 2018. À mon avis, la persistance de la menace et des violences exercées contre nos personnels nous conduira à poursuivre ce plan au-delà des 150 premières unités ; mais nous n’en sommes pas là.

 

Le schéma national d’intervention vise à permettre de réagir à des attentats. Dans le cadre normal, chacun intervient dans sa zone. En revanche, en cas de tuerie de masse, c’est l’unité la plus proche qui intervient. Ce peut être la police nationale en zone de gendarmerie, ou la gendarmerie en zone de police nationale. Ce schéma a été conçu au cours de l’année sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur ; il n’a pas encore été mis en œuvre dans la réalité. Il a toutefois été appliqué, pour ce qui concerne la diffusion de l’information, à la faveur de la fausse alerte des Halles, et a alors fait la preuve de son efficacité : j’ai été prévenu dans les cinq minutes par la préfecture de police, nous avons immédiatement mis en alerte le GIGN et le peloton d’intervention de la garde républicaine s’est transporté sur les lieux en renfort de la brigade de recherche et d’intervention (BRI). Le schéma national d’intervention est donc plus qu’un concept : c’est une réalité. Il s’agit d’une avancée majeure. Face à une menace qui va durer, nous devons nous organiser de manière à réagir le plus vite possible à toute agression.

 

Les antennes du GIGN s’inscrivent dans cette perspective. Nous avions trois PI2G (peloton d’intervention interrégional de gendarmerie) ; nous en avons créé trois autres. Ils sont aujourd’hui tous opérationnels. Nous avons recruté durant l’été des personnels complémentaires ; les unités ne sont pas encore toutes à l’effectif complet, mais elles bénéficient de la présence de personnels du GIGN « central » qui leur ont été affectés et ont été armées par des personnels d’active expérimentés, qui ont suivi des stages de recrutement et des tests de sélection. Les antennes interviennent d’ailleurs déjà dans le cadre d’opérations quotidiennes contre la délinquance.

 

Outre-mer, la transformation des groupes de pelotons d’intervention en antennes du GIGN modifie la conception du service : ces unités resteront engagées dans les opérations adaptées à leur territoire, mais seront désormais placées sous le contrôle opérationnel du GIGN, dont le personnel se rendra sur place pour s’efforcer de normaliser les équipements, contribuer à la formation là où le besoin s’en fait sentir et dégager une doctrine d’intervention partagée, aussi standardisée que possible. L’antenne du GIGN de Mayotte, elle, est nouvelle.

 

Cette évolution des antennes du GIGN est un élément important du dispositif opérationnel d’intervention.

 

Quant aux PSPG, ils sont consacrés à la sécurité des centrales nucléaires, non à leur sûreté. Ils sont armés et formés en vue de la lutte antiterroriste, ce qui a créé une asymétrie lorsqu’ils ont été confrontés à Greenpeace il y a quelques années : on ne va pas tirer sur un militant de Greenpeace qui s’introduit dans une centrale ! C’est un problème d’adaptation que nous n’avons pas résolu : aujourd’hui, lors d’intrusions à caractère non terroriste, on en revient au modèle habituel de maintien de l’ordre à l’aide de grenades lacrymogènes – nous en avons équipé nos personnels – et d’autres moyens classiques. Ce qui compte alors, c’est le renfort que peut apporter la gendarmerie départementale qui se trouve aux alentours de la centrale.

 

C’est dans ce contexte que nous avons récemment créé le commandement spécialisé pour la sécurité du nucléaire (COSSEN), chargé de procéder au criblage des personnes qui entrent dans les centrales, mais aussi de concevoir le dispositif de sécurité de celles-ci. Il y a encore du travail.

 

EDF joue le jeu, en prenant entièrement en charge les gendarmes mis à sa disposition. Nous allons certainement, en lien avec lui, adapter le contrat opérationnel de manière à pouvoir faire face aux différents types de menace, y compris celles de basse intensité.

 

La protection balistique est assurée par des équipements individuels. Nous travaillons actuellement, en lien avec le SAELSI, sur le véhicule de patrouille du futur : quel type de véhicule, et quelle protection ? Aujourd’hui, nous achetons des véhicules de la gamme commerciale, mais l’agression de nos camarades de la police nationale à Viry-Châtillon a montré qu’ils ne résistent pas à ce type de violences. Sans aller jusqu’à patrouiller en véhicule blindé comme en Nouvelle-Calédonie, nous devons mieux protéger nos véhicules pour assurer la sécurité de nos personnels.

 

Quant à nos rapports avec la justice, ils sont excellents, et méritent bien entendu d’être encore améliorés. (Sourires.)

 

Mme la présidente Patricia Adam. Vous êtes diplomate, général !

 

M. Jean-Michel Villaumé. Ma question concerne l’application de la directive européenne 2003/88 sur l’organisation du temps de travail. À l’origine, des dérogations étaient prévues pour la gendarmerie mais, à la suite d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, l’essentiel de ces dérogations a été supprimé et vous devez à présent appliquer la règle des vingt-quatre heures de poste et des onze heures de repos. Comment, avec toutes les difficultés que cela représente, appliquez-vous ces règles ?

 

M. Philippe Vitel. Je vous renouvelle, Mon général, mon admiration pour la gendarmerie, corps d’élite qui, dans les moments difficiles que nous traversons, a de nouveau apporté la preuve de ses grandes capacités.

 

Les moyens sont en augmentation mais comment pourraient-ils ne pas l’être, compte tenu d’un contexte qui ne fait que se dégrader, en termes d’insécurité, de délinquance, de terrorisme ? Ces moyens, même s’ils augmentent, sont-ils en adéquation avec l’explosion des menaces ?

 

Chaque année, je pose la question des véhicules. Des efforts énormes ont été déployés en termes d’immobilier et de logement ; j’ai le bonheur d’avoir dans ma circonscription la nouvelle direction départementale, à La Valette dans le Var, avec des logements très sympathiques, mais ce n’est pas le cas partout, et il faut poursuivre l’effort. Vous avez indiqué avoir pu acheter 3 000 véhicules, ce qui redescend l’espérance de vie des véhicules à dix ans. Votre prédécesseur me disait que les véhicules avaient en moyenne 150 000 kilomètres au compteur. Je pense que nous ne sommes pas en adéquation avec les risques avérés.

 

La même obsolescence est-elle constatée pour les hélicoptères ? Quel est le format des moyens en hélicoptères dont vous disposez, leur type, leur âge ? Avez-vous été fournis en appareils neufs ?

 

Combien d’hommes de la gendarmerie sont-ils positionnés en OPEX ?

 

Enfin, vous avez évoqué une mise en réserve sur les moyens dédiés aux loyers, alors que je croyais que les mises en réserve ne concernaient que des investissements en matériel – c’est d’ailleurs pourquoi votre prédécesseur nous avait indiqué, l’an dernier ou il y a deux ans, qu’il n’avait pu commander des véhicules que le 4 octobre, au moment de la levée de réserve. Comment se fait-il que soient mis en réserve des moyens en fonctionnement parfaitement prévisibles dès le premier jour de l’année ?

 

M. Michel Voisin. Vous procédez aujourd’hui à des regroupements de brigades au sein de communautés de brigades. Dans le monde rural, l’efficacité de ces dernières m’a été maintes fois démontrée par le commandant départemental mais les nouvelles distances laissent à penser aux populations qu’elles sont désavantagées. Ces regroupements ont-ils permis des économies d’échelle ?

 

Ma deuxième question, que je pose tous les ans, concerne les rapports avec les élus locaux. Ces relations semblent se resserrer un peu, après un relâchement. Le confirmez-vous ?

 

Enfin, la gendarmerie loue des véhicules, notamment pour des recherches et du renseignement. Avez-vous réfléchi à un système semblable à celui des services fiscaux, avec des véhicules propres à la gendarmerie et des plaques qui seraient changées à chaque intervention pour ne pas être repérées ?

 

Général Richard Lizurey. En ce qui concerne la directive « temps de travail », je n’ai pas connaissance de dérogations introduites au moment de la ratification du texte par la France, s’agissant de la gendarmerie ou de quelque autre service que ce soit. Cela dit, la directive ne nous posait pas problème dans la mesure où nous ne l’appliquions pas. Il se trouve qu’une instance a été introduite par l’un de nos personnels, qui a appelé l’attention de l’Union européenne sur la non-transposition de la directive en droit français, et nous sommes donc en phase de pré-contentieux.

 

Nous remplissons déjà certaines exigences de la directive. Alors qu’elle prévoit vingt-quatre jours de vacances par an, nous sommes à quarante-cinq jours de permission. Alors qu’elle prévoit vingt-quatre heures de repos par semaine, nous sommes à quarante-huit heures. En revanche, nous ne sommes pas en conformité sur les onze heures de repos physiologique journalier et les quarante-huit heures de travail maximal hebdomadaire.

 

Nous avons commencé par mettre en place les onze heures de repos physiologique journalier car, parallèlement à l’instance devant la Cour européenne, une association a introduit en janvier 2016 un recours devant le Conseil d’État attaquant notre précédente instruction sur le temps de travail. Nous avons demandé au Conseil d’État s’il était possible d’attendre la transposition définitive, en 2017, pour régler le problème. Il nous a expliqué qu’il serait obligé de nous condamner si nous maintenions notre texte, ce qui nous a contraints, en mars 2016, à retirer l’instruction et à engager un travail de concertation avec le CFMG pour rédiger un nouveau texte, lequel est entré en vigueur le 1er septembre.

 

Ce nouveau texte complexifie la manœuvre car chaque gendarme doit désormais avoir onze heures de repos journalier par tranche de vingt-quatre heures. À défaut, il a un droit à un temps de récupération, appelé repos physiologique compensateur, qui donne lieu à des calculs assez complexes. Si un gendarme est rappelé au bout de huit heures de repos, on lui doit les onze heures précédentes. Si, en revanche, il a passé la barre des neuf heures, on lui calcule la différence entre onze heures et le moment où il a été rappelé. Cette comptabilité se fait par le biais du logiciel Pulsar GD.

 

Les premiers retours des unités font état d’une dégradation du service. Nous ferons un premier RETEX avec les personnels fin novembre et un deuxième début 2017 afin de voir comment aménager ces dispositions, mais la mesure est en tout état de cause définitive. Nous travaillons parallèlement à la transposition complète de la directive, avec les quarante-huit heures maximales de travail hebdomadaire.

 

S’agissant des moyens, je serais tenté de dire qu’ils sont en adéquation avec la menace mais que, si nous en avions plus, ce serait encore mieux. Pour la première fois depuis longtemps, 3 000 véhicules neufs arrivent : c’est exceptionnel. Il faut que l’effort s’inscrive bien sûr dans la durée afin que nous puissions renouveler le parc de véhicules. Aujourd’hui, sur quelque 30 000 véhicules, 3 800 devraient normalement être réformés et sont maintenus en service faute de véhicules pour les remplacer. L’effort va se poursuivre en 2017 à hauteur de 65 millions d’euros, et je pense qu’une telle trajectoire nous permettra de résorber notre stock de véhicules en instance de réforme.

 

Notre flotte d’hélicoptères est de cinquante-six appareils – moins un à cause d’un accident survenu à Tarbes récemment : quatorze EC145, quinze EC135 et vingt-six Écureuils. Ces derniers sont des appareils anciens mais, complètement rétrofités, ils sont parfaitement adaptés à la mission. Une partie de ces moyens est mise à la disposition de la police nationale dans le cadre d’une convention : la police nationale a un droit de tirage de mille heures de vol, qu’elle paye.

 

La mise en réserve de crédits pour des dépenses obligatoires a été une surprise ; cela étant, c’est pour nous une vraie opportunité de réaliser les effectifs dans l’année. C’est un choix gouvernemental que je considère comme positif car cela nous permet de recevoir dans les unités en septembre des matériels commandés en début d’année.

 

Nous avons peu de personnel en OPEX aujourd’hui. La dernière grande opération a été l’Afghanistan, de même quelques gendarmes ont été engagés en Côte d’Ivoire. Sous le commandement opérationnel du CEMA, nous avons actuellement 109 personnels engagés sur onze théâtres – beaucoup de prévôts, quelques COMGEND. Nous sommes dans une phase extrêmement basse de participation aux OPEX.

 

En ce qui concerne les communautés de brigades, je partage, Monsieur Voisin, votre analyse sur l’éloignement du gendarme de la population. Le sentiment que les gens nous renvoient, c’est qu’ils ne voient plus le gendarme. C’est l’une des raisons qui me conduisent à réfléchir à la rénovation du travail de contact, avec peut-être la création de brigades de contact, c’est-à-dire de personnels dont la seule vocation serait d’aller à la rencontre de la population, d’être sur le terrain. Pour cela, il faut que je revoie leur contrat opérationnel. Aujourd’hui, n’importe quelle brigade a la totalité du spectre missionnel à effectuer. L’objectif est de confier pour seule mission à ces brigades d’aller à la rencontre de la population et des élus.

 

La relation avec les élus est en effet déterminante. Nous allons doter l’ensemble des gendarmes d’un téléphone de service individuel afin qu’ils puissent communiquer leur numéro aux élus et être joignables en permanence. Cela me paraît essentiel au renouvellement de cette relation de proximité.

 

Deux types de véhicules sortent de la flotte classique par achat : d’une part, ceux qui font l’objet d’un marché de location, essentiellement pour les unités de recherche, et, d’autre part, les véhicules banalisés, dont nous disposons dans la durée et qui ont une immatriculation militaire administrative mais des plaques civiles enregistrées dans le système d’immatriculation des véhicules (SIV). Ce dernier est ouvert à certains professionnels et il leur est donc possible, à la faveur d’une consultation du SIV, d’obtenir la liste des véhicules de l’administration. C’est là une faille ; nos véhicules banalisés ne sont pas toujours si banalisés que cela.

 

Nous disposons également de 663 véhicules récupérés par le biais de la saisie des avoirs criminels. C’est là une piste très intéressante. En moins d’un mois, il est désormais possible de saisir le véhicule et de l’affecter à une unité.

 

M. Philippe Nauche. S’agissant du renseignement, la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) a-t-elle bénéficié d’effectifs supplémentaires ? Où en est la mise en œuvre des apports techniques et des modalités administratives, avec notamment le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement (CNCTR), de la loi sur le renseignement ? Enfin, quelle est la part des gendarmes adjoints volontaires tant dans les recrutements classiques que dans la réserve ?

 

Mme Marie Récalde. L’instruction provisoire sur le temps de travail s’applique à la gendarmerie départementale, mais qu’en est-il de la gendarmerie mobile, qui n’a pas tout à fait le même mode opératoire ?

 

Je ne vois pas très bien ce que serait la différence des brigades de terrain avec les brigades existantes. L’idée de rapprocher les gendarmes de la population est louable, et c’est d’ailleurs quelque chose qui est demandé, mais cela signifie-t-il que vous souhaitez décharger ces brigades d’une partie du travail administratif – qui est énorme – et éventuellement externaliser ce travail ?

 

Enfin, où en êtes-vous de la lutte contre la cybercriminalité ?

 

M. Olivier Audibert Troin. Mes deux questions ont pour point commun le soleil car elles concernent l’une Mayotte et l’autre le Var.

 

Je rentre de Mayotte, où j’ai été accueilli pendant six jours en stage d’immersion au groupement de gendarmes commandé par le colonel Philippe Leclerc. J’ai visité notamment l’antenne du GIGN récemment établie et montant actuellement en puissance. La situation à Mayotte est particulièrement explosive. On parle beaucoup des migrants de l’île de Lampedusa : nous ferions bien de parler aussi des migrants sur l’île de Mayotte car nous compterons cette année quelque 22 000 reconduites aux grandes Comores, sans compter tous ceux qui passent à travers les mailles du filet. C’est ainsi qu’un département officiellement recensé à 212 000 habitants en compte en réalité 350 000, ce qui provoque des tensions extrêmement fortes.

 

Je sais que des renforts sont prévus, notamment des pelotons de gendarmes mobiles dans les jours à venir. Cependant, il existe un véritable problème avec l’équipement. Le seul hélicoptère de l’île, celui de la gendarmerie, sert à tout et, même s’il a été reconfiguré, l’appareil est très vieux. De même, sur les deux intercepteurs chargés de récupérer les migrants, un est aujourd’hui hors service : la brigade tourne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an, avec un seul intercepteur ! Est-il prévu, au budget 2017, de renouveler le second intercepteur ?

 

En ce qui concerne le Var, nous avons évoqué ici à de nombreuses reprises, concernant l’opération Sentinelle et la lutte contre le terrorisme, la nécessité d’un véritable maillage territorial et de la présence de nos forces armées sur la totalité du territoire national. Il semble que le maillon faible en matière de lutte contre l’insécurité et en particulier le terrorisme soit la ruralité. Comment pouvons-nous expliquer à nos populations qu’au nom des sacro-saintes économies de dépenses publiques et des mutualisations, on ferme régulièrement des brigades territoriales ? Cette politique est à rebours de l’aménagement du territoire tel qu’il devrait être pratiqué. Envisagez-vous, dès lors, un redéploiement de nos brigades territoriales ?

 

Général Richard Lizurey. La SDAO a reçu quatre effectifs supplémentaires dans le cadre du plan de renforcement. C’est un service qui compte soixante-sept personnels au total, dont une grande partie au centre de renseignement opérationnel. En tout et pour tout, vingt-six personnels sont dans la fonction de renseignement proprement dite. En comparaison, le service central du renseignement territorial compte 300 personnes.

 

Dans le cadre de la loi « renseignement », la SDAO est un service prescripteur pour les différentes techniques, intrusives ou de surveillance, à l’instar du GIGN et des sections de recherches. Le dispositif me paraît pour l’instant correspondre à nos besoins. Si demain avait lieu une explosion de signalements, nous serions sans doute conduits à revoir le nombre de lignes d’interceptions de sécurité.

 

Nous avons formé ceux de nos personnels qui ont connaissance de ces techniques dans les sections de recherches et au GIGN, de manière qu’ils s’inscrivent dans cette dynamique, contrôlée, vous l’avez dit, par la CNCTR. L’ensemble du dispositif d’autorisation remonte au niveau central, est traité par la SDAO et signé personnellement par le directeur général : je vois ainsi passer la totalité des demandes à la fois d’interceptions de sécurité et de techniques particulières avant qu’elles soient transmises au Premier ministre et à la CNCTR.

 

M. Philippe Nauche. Mon inquiétude porte sur la fluidité du système.

 

Général Richard Lizurey. C’est effectivement un peu procédurier mais je trouve que le dispositif est assez réactif. Nous pouvons monter une écoute en moins de vingt-quatre heures.

 

Environ 7 000 gendarmes adjoints volontaires sont recrutés. Parmi les sous-officiers recrutés 48,8 % sont des gendarmes adjoints volontaires, ce qui est une bonne chose puisque cela nous permet d’avoir des personnels qui, au moment où ils entrent en école, ont déjà une bonne base de formation, que nous avons pu tester. Quand ils quittent le service actif pour rejoindre la vie civile, nous leur proposons un contrat d’engagement dans la réserve ; je n’ai pas en tête la proportion d’entre eux qui signent un « engagement à servir dans la réserve », ESR, mais ils sont nombreux.

 

Le schéma normal d’une candidature à la gendarmerie est plutôt d’abord la réserve avant une candidature soit comme gendarme adjoint volontaire soit comme sous-officier. Si la personne ne peut devenir tout de suite sous-officier, elle peut passer par le statut de gendarme adjoint volontaire pour devenir sous-officier ensuite. Nous avons beaucoup de jeunes réservistes, y compris de moins de dix-huit ans : nous ne pouvons employer ces derniers mais nous les formons.

 

L’instruction provisoire sur le temps de travail s’applique aussi à la gendarmerie mobile. La directive européenne précise que, lorsque les personnels ne sont pas employés mais en alerte au cantonnement pendant onze heures, le contrat est rempli. Paradoxalement, donc, la GM respecte davantage la directive – à 95 % – que ne le fait la gendarmerie départementale. Les 5 % restants sont liés à des contextes particuliers de violences ou d’activité importante : les récupérations sont alors cumulées et données à la fin. Il existe un cas particulier pour les déplacements en outre-mer puisque le texte considère que dans l’avion les personnels ne sont pas en repos physiologique mais en temps de travail ; aussi, quand ils se rendent en Nouvelle-Calédonie, par exemple, nous leur donnons une journée de repos à leur arrivée, de même qu’à leur retour.

 

Une brigade classique aujourd’hui a la totalité du spectre missionnel : police de la route, police judiciaire, police administrative…, ainsi que toutes les charges administratives liées au fonctionnement d’une brigade. L’idée serait de retirer toutes ces missions, ou une grande partie, à certaines brigades pour leur donner du temps. Tout ce qui consomme du temps à la caserne a vocation soit à ne plus être fait soit à être fait par quelqu’un d’autre, une unité spécialisée comme une unité de recherche pour la PJ, une unité motorisée pour la sécurité routière… L’objectif est que les gendarmes de ces unités n’aient d’autre mission que le contact avec la population et les élus, sans travail de nuit qui implique des récupérations ni déplacements au chef-lieu de communauté qui prennent du temps. Nous expérimenterons le concept ici et là pour voir si c’est, tout d’abord, réalisable et, ensuite, efficace.

 

La cybercriminalité va se développer. Nous avons au pôle judiciaire de la gendarmerie nationale un centre de lutte contre la cybercriminalité travaillant en liaison avec la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité de la police nationale. En outre, des gendarmes sont présents au sein de la plateforme Pharos, une plateforme de signalement sur internet. Nous développons des capacités de surveillance, avec des cyberpatrouilles. Ce dispositif a été créé il y a de nombreuses années dans le cadre de la lutte contre la pédopornographie et se développe aujourd’hui dans d’autres domaines. Nous allons également créer cette année un nouveau dispositif de recueil des plaintes d’escroquerie sur internet au niveau national. La difficulté est de trouver le parquet compétent. Nous sommes en discussion avec la chancellerie pour qu’elle désigne celui-ci ; nous aimerions que ce soit Pontoise.

 

Dans chaque section de recherches a été mis en place un groupe dédié au contentieux de la cybercriminalité. Ce groupe s’appuie sur les enquêteurs NTECH, spécialistes des nouvelles technologies. L’objectif est d’établir une chaîne fonctionnelle qui permette de traiter le contentieux, local mais aussi national, en liaison soit avec les parquets locaux, soit avec les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS), soit au niveau national. Le dispositif évolue en parfaite synergie avec celui de la police nationale.

 

Je suis inquiet au sujet de Mayotte. Les événements qui se sont produits il y a trois ou quatre ans risquent malheureusement de se reproduire, et nous nous y préparons. C’est pourquoi nous avons injecté des renforts : l’antenne du GIGN mais aussi des gendarmes mobiles, voire territoriaux. Nous planifions même des renforts massifs en vue d’événements majeurs. Il n’y pas beaucoup d’équipements sur place pour stationner des unités sur le long terme ; à l’époque, certains escadrons étaient restés trois mois sur place et nourris avec des rations de combat. Mayotte est le premier département d’outre-mer que j’irai visiter car c’est là que le risque est maximal. L’immigration dans ce département est massive. Elle provoque des réactions parmi la population, notamment des « décasages », c’est-à-dire des opérations coordonnées de Mahorais en vue de déloger les migrants comoriens, avec force violences et agressions.

 

Un intercepteur coûte 300 000 euros. Je suis prêt à acheter une vedette à 70 000 ou 80 000 euros mais on m’explique qu’il faut que j’achète la même chose que les autres. La brigade nautique locale a une activité extrêmement forte, avec un taux d’interpellation d’étrangers en situation irrégulière très élevé. Ils travaillent de jour comme de nuit dans des conditions difficiles, et j’admire leur engagement. C’est, je pense, le département où le travail de la gendarmerie est le plus difficile, mais aussi le plus ingrat car on n’en entend pas parler. Nous n’avons pas les moyens d’acquérir un intercepteur pour l’instant mais nous sommes clairement dans une logique d’achat à court terme.

 

S’agissant du maillage territorial, nous réfléchissons à une évolution. En quinze ans, cinq cents brigades ont été dissoutes, leur nombre passant de 3 600 à 3 100. C’était une rationalisation nécessaire ; le rassemblement sur des emprises plus importantes offre des capacités supplémentaires d’intervention. Le temps d’intervention moyen est actuellement de douze minutes. Le problème, c’est que nous nous sommes éloignés de la population. C’est quelque chose que j’entends et sur lequel nous devons travailler.

 

Il faut que nous poursuivions cette action-là où c’est justifié. À mes yeux, les brigades se trouvant en zone de police nationale n’ont pas vocation à perdurer ; c’est le bon sens même que de ramener les gendarmes dans leur zone de compétence. J’envisage également de poursuivre la suppression des groupes de commandement des compagnies dont les effectifs sont inférieurs à cinquante, et nous poursuivrons, je pense, les dissolutions là où l’immobilier est vétuste et défaillant ; plutôt que de reconstruire et de mettre à contribution les collectivités locales, il me paraît plus intéressant de dissoudre la brigade et de la regrouper sous le chef-lieu de communauté de brigades. En revanche, partout ailleurs, l’idée est de développer des unités de contact ayant vocation à afficher la présence de l’État et à rechercher du renseignement dans la profondeur du territoire, car cela me paraît déterminant dans le contexte actuel. Ce n’est pas le moment de créer des déserts de sécurité.

 

M. David Comet. Accession au deuxième cercle du renseignement, nouveau schéma national d’intervention, création de PSIG Sabre supplémentaires, bon équilibre des missions Sentinelle en lien avec les militaires de l’armée de terre dans un sens plus dynamique, renforcement des personnels et commande de 3 000 véhicules : que pensez-vous qu’il faudrait faire de plus ou de mieux pour lutter plus efficacement contre le terrorisme, étant entendu que les victoires à venir dans nos OPEX risquent de créer les conditions du retour des djihadistes en France ?

 

La commission d’enquête Fenech-Pietrasanta de lutte contre le terrorisme préconise notamment d’augmenter – c’est la proposition numéro un – le nombre de cartouches tirées chaque année par les personnels des unités élémentaires de police et de gendarmerie dans le cadre des séances d’entraînement ; de détacher en permanence – proposition numéro treize – des officiers de gendarmerie au sein de la DGSI ; et de fusionner – proposition numéro quatorze – le SCRT et la SDAO dans une nouvelle direction du renseignement territorial rattachée directement au ministre de l’Intérieur. Que pensez-vous de ces propositions ?

 

M. Philippe Meunier. Vous nous avez appris une information importante : l’utilisation par la gendarmerie de véhicules saisis. Lors d’un stage d’immersion au GIGN, on m’avait expliqué que ce n’était pas possible pour des raisons d’entretien de ces véhicules. Pouvez-vous nous dire quels types de véhicules sont affectés dans vos services, dans quels services ils sont affectés, et comment vous avez résolu la question de l’entretien de ces véhicules hors gamme classique de dotation ?

 

Général Richard Lizurey. On peut toujours faire mieux en matière de renseignement. Pour cela, il faut aujourd’hui développer un état d’esprit particulier consistant à passer du besoin d’en connaître au devoir de partager. Je ne dis pas que tout doit être mis sur la table mais il faut changer de culture dans le renseignement : le service localement compétent doit savoir quelles menaces sont présentes chez lui, alors que ce n’est pas toujours le cas actuellement. Il arrive en effet que des services découvrent, après un événement ou une opération, que des personnes dangereuses étaient présentes dans leur secteur.

 

C’est aussi une affaire de moyens juridiques. Nous disposons d’un certain nombre de bases de données et de fichiers qui comportent beaucoup de renseignements. Face à la menace exceptionnelle, à cet état de guerre cité par le Premier ministre, il faut se poser la question de leur interconnexion. Il ne s’agit pas, bien sûr, de faire n’importe quoi ; le système doit être contrôlé, vérifié, pour ne pas être détourné de sa finalité, mais cela permettrait de faire progresser, à moyens constants, la lutte contre le terrorisme.

 

S’agissant du nombre de cartouches disponibles pour l’entraînement, nous avons tiré les enseignements de la commission d’enquête puisque nous avons multiplié ce nombre par deux, passant de trente à soixante dans le cadre des séances d’instruction. Nous travaillons aussi à la mise en place complémentaire de moyens de simulation en matière de tir ; des expérimentations ont été réalisées avec des industriels. Nous avons d’ailleurs augmenté la dotation de cartouches dans le service courant, passant de vingt-cinq à trente, nous alignant ainsi sur la police nationale. Nous travaillons également sur un suivi longitudinal des gendarmes, actuellement expérimenté au GIGN, avec un carnet de formation individuel.

 

Oui, il faut détacher des officiers de gendarmerie à la DGSI mais la question est de savoir pour quoi faire. Cela peut avoir du sens si les personnels ont une compétence qui apporte quelque chose à la DGSI. Nous candidaterons sur des profils de poste où c’est possible. Je pense que nous arrivons dans une période où ce sera accepté. C’est le début de l’histoire. Pour en avoir discuté avec Patrick Calvar, je sais qu’il a des besoins sur un certain nombre de compétences.

 

Comme je l’ai dit, le SCRT compte 300 personnels, contre vingt-six, pour la partie renseignement, à la SDAO. Je ne suis donc pas sûr qu’un regroupement des deux s’avère beaucoup plus efficace. En outre, le regroupement me poserait problème car, en tant que chef opérationnel, j’ai besoin d’une capacité de renseignement dans le cadre de mes propres opérations, à Notre-Dame-des-Landes et ailleurs, et ces vingt-six y suffisent à peine. Il faut tout de même noter que l’adjoint de la SDAO est un commissaire de police et qu’un adjoint du patron du SCRT est un gendarme. La vision intégratrice n’est pas toujours opérante ; en l’espèce, cela ne me paraît pas être le cas.

 

Au tout début, il fallait, pour l’emploi des véhicules saisis, une condamnation définitive. Dans un deuxième temps, permission a été accordée de les utiliser en cours d’instruction, mais une expertise était obligatoire ; il fallait que quelqu’un la paye, et nous ne le souhaitions pas. Tout cela a été réglé car il suffit désormais d’une évaluation par l’enquêteur lui-même. Nous conservons des véhicules dans la gamme classique, que nous pouvons entretenir dans nos ateliers autos. L’ensemble des unités est éligible à ce type de saisie. Ce n’est pas forcément l’unité qui saisit un véhicule qui s’en servira. Il s’agit de véhicules banalisés, de toutes marques.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Merci, général.

 

La séance est levée à dix-neuf heures.

 

*

* *

 

Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Patricia Adam, Mme Sylvie Andrieux, M. Olivier Audibert Troin, M. Daniel Boisserie, M. Guy Chambefort, M. Jean-David Ciot, M. David Comet, Mme Geneviève Fioraso, M. Philippe Folliot, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Gilbert Le Bris, Mme Lucette Lousteau, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Philippe Meunier, M. Philippe Nauche, Mme Marie Récalde, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

 

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, Mme Catherine Coutelle, M. Bernard Deflesselles, M. Guy Delcourt, Mme Carole Delga, M. Nicolas Dhuicq, M. Yves Foulon, M. Serge Grouard, M. Francis Hillmeyer, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Damien Meslot, M. François de Rugy

Partager cet article
Repost0
30 mars 2016 3 30 /03 /mars /2016 12:55
EXERCICE « CHOUCAS » : 300 réservistes de la 27e BIM mobilisés

 

source 27e BIM - Armée de Terre

 

L’opération Sentinelle est déployée par l’Armée française sur le territoire national au lendemain des attentats de janvier 2015 pour faire face à la menace terroriste et protéger les points sensibles. Elle est renforcée lors des attaques du 13 novembre 2015 en Île-de-France. 10 000 soldats par jour sont désormais mobilisés.

 

Pour maintenir cet objectif sans désengager l’Armée de ses missions actuelles, notamment sur le territoire extérieur, plusieurs dispositions ont été prises, parmi lesquelles la montée en puissance de la réserve opérationnelle.

 

Pour remplir cette mission et dans le cadre de sa préparation opérationnelle, la 27e brigade d’infanterie de montagne (BIM) organise un exercice d’envergure (« Choucas ») pour ses réservistes. Un volume inédit sera engagé : un état-major et trois compagnies de réservistes, soit un total de 300 personnes sur les 850 que compte la brigade déployées dans la vallée du Grésivaudan en Isère.

 

Le but de cette manœuvre : entraîner les unités de réserve et mettre en œuvre leur savoir-faire avant leur déploiement sur les missions Vigipirate. « Choucas » n’est pas seulement un exercice tactique de contrôle avant engagement. Il permet également de valider les circuits de décision entre les autorités civiles et militaires. Il comprend donc une coopération entre l’armée (27e BIM, Délégué militaire départemental de l’Isère (DMD 38), gendarmerie), la sécurité civile et la Préfecture de l’Isère.

Partager cet article
Repost0
21 janvier 2016 4 21 /01 /janvier /2016 11:50
photo EMA / Armée de Terre

photo EMA / Armée de Terre


 21/01/2016 Sources : État-major des armées

 

Du 30 décembre au 20 janvier 2016, 60 militaires français affectés au Corps de réaction rapide européen, mieux connu sous le nom d’ « Eurocorps », ont rejoint l’opération Sentinelle pour renforcer le dispositif déployé en Île-de-France.

 

Ce module a été projeté sur proposition du commandant du quartier général de l’Eurocorps, le général de corps d'Armée espagnol Alfredo Ramirez, en signe de la solidarité des nations de l’Eurocorps vis-à-vis de la France suite aux attentats du 13 novembre. Le 30 décembre, une unité de protection terrestre a ainsi rejoint le site de Fontainebleau afin d’être engagée le jour même dans des missions de surveillance mobile sur l’ensemble de la zone de défense Paris/Île-de-France.

Un second module français de l’Eurocorps sera déployé à compter du 10 février en Ile de France pour une durée de six semaines.

Depuis le 19 novembre 2015, la force Sentinelle est constituée de 10 000 soldats dont 6 500 en Île-de-France, 3 000 en province et 500 mobilisés. En appui des forces de sécurité intérieure, la force Sentinelle opère sur l’ensemble du territoire, sur les sept zones de défense. La force protège et surveille plus de 800 sites et lieux sur l’ensemble du territoire. La force patrouille à pied et en véhicule, de façon dynamique ou statique.

 

photo EMA / Armée de Terre

photo EMA / Armée de Terre

L’Eurocorps ou Corps de réaction rapide européen

 

Créé en 1992 et déclaré opérationnel en 1995, l’ Eurocorps est constitué de militaires provenant d’Allemagne, de Belgique, d’Espagne, de France et du Luxembourg.

Fort de 1 050 militaires, cet état-major multinational est né de la volonté de ces pays européens de doter l’Europe de la Défense d’un outil opérationnel pouvant être engagé au profit de l’Union européenne, de l’OTAN ou d’une coalition. Depuis sa création, le corps européen a été projeté au Kosovo et en Afghanistan au profit de l’OTAN et, à l’été dernier, au Mali dans le cadre de la mission européenne de formation des armées malienne, EUTM Mali.

Son quartier général est situé à Strasbourg. L’état-major de l’Eurocorps peut commander une force terrestre de près de 60 000 hommes.

Partager cet article
Repost0
15 janvier 2016 5 15 /01 /janvier /2016 17:55
Parmi les 40.000 réservistes que François Hollande souhaite voir mobilisés pour la protection des personnes sur le territoire, 1.000 devraient l'être en permanence. - photo Armée de Terre

Parmi les 40.000 réservistes que François Hollande souhaite voir mobilisés pour la protection des personnes sur le territoire, 1.000 devraient l'être en permanence. - photo Armée de Terre

 

14/01/2016 Par latribune.fr (avec AFP)

 

Lors de ses vœux aux armées, le président de la République a réitéré sa proposition, formulée au lendemain des attentats de Paris, de créer une "garde nationale" composée de réservistes. L'objectif serait d'atteindre un total de 1.000 réservistes mobilisés en permanence pour assurer la "protection de nos concitoyens".



 

L'idée d'une garde nationale, déjà évoquée par François Hollande lors de son discours du 16 novembre, au lendemain des attentats de Paris, se précise. François Hollande a annoncé jeudi, lors de ses vœux aux armées, qu'il avait demandé au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian de faire passer le nombre de réservistes de l'armée de 28.000 à 40.000.

"J'ai demandé à Jean-Yves Le Drian que le nombre de réservistes passe à 40.000, contre 28.000 aujourd'hui. L'objectif, c'est de déployer mille réservistes en permanence, pour la protection de nos concitoyens", a affirmé le président de la République lors de ses vœux aux armées prononcés devant les élèves des Ecoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan, à Guer (Morbihan).

Une réserve "au plus près de la population"?

"L'enjeu c'est d'améliorer le maillage territorial de la réserve pour qu'elle soit au plus près des populations et puisse devenir à terme une véritable Garde nationale", a ajouté le chef de l'Etat qui avait annoncé l'idée de cette Garde nationale le 16 novembre devant le Parlement réuni en Congrès, trois jours après la série d'attentats djihadistes à Paris et Saint-Denis.

Lire Pourquoi la France n'a plus de garde nationale

François Hollande a fait valoir "l'importance du rôle des réservistes" dans "le lien entre l'armée et la Nation", soulignant que cette "réserve opérationnelle assure des déploiements permanents et renforce l'armée d'active face aux menaces les plus fortes".

Partager cet article
Repost0
15 janvier 2016 5 15 /01 /janvier /2016 08:55
photo Armée de Terre

photo Armée de Terre

 

12/01/2016 Armée de Terre

 

Protéger, dissuader, rassurer. Les réservistes remplissent les mêmes missions que les militaires d’active et viennent renforcer leurs camarades, notamment en opérations intérieures.

 

Vivez 24h en immersion avec la 5e batterie de réserve du 61e régiment d'artillerie (61e RA) de Chaumont, déployée en mission SENTINELLE à Versailles durant les fêtes de fin d'année.Qu'ils soient étudiants, salariés ou autres, le même sens de l'engagement les anime : être au service de la France.

Partager cet article
Repost0
14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 20:55
François Hollande à Coëtquidan: entre voeux et vieux effets d'annonce


14.01.2016 par Philippe Chapleau - Lignes de Défense
 

J'ai dû manquer quelque chose... Pourtant la sono était bonne et j'étais bien réveillé dans le fond du gymnase des écoles de Coetquidan où avaient lieu, ce jeudi, les vœux aux armées.

Pourquoi mes excellents confrères des agences, des radios et même de l'encore plus excellent desk Internet d'Ouest-France ont-ils fait leurs choux gras de la phrase présidentielle suivante: "J'ai demandé à Jean-Yves Le Drian que le nombre de réservistes passe à 40 000, contre 28 000 aujourd'hui. L'objectif, c'est de déployer mille réservistes en permanence, pour la protection de nos concitoyens"?

On lit la même chose dans une déclaration de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur l'actualisation de la loi de programmation militaire, à l'Assemblée nationale le 4 juin 2015: "La loi fixe un objectif pour le nombre de réservistes, passant de 28 000 à 40 000, en favorisant un élargissement des recrutements vers la société civile. Cette ambition est forte, tout en demeurant réaliste. Elle en tout cas nécessaire aujourd'hui et les chefs d'état-major y sont résolus."

En fait, tout le discours présidentiel était à l'avenant. Rien de nouveau, pas d'annonce (certes, on ne peut pas faire du neuf, tous les jours, avec du vieux). Mais ça manquait singulièrement de coffre, ces vœux. Dommage...

Partager cet article
Repost0
12 janvier 2016 2 12 /01 /janvier /2016 17:55
Le numéro de décembre 2015 - janvier 2016 d'Armées d'aujourd'hui est en ligne


07/01/2016 source: DICOD

 

Comme tous les mois, retrouvez dès maintenant la revue du ministère en version numérique sur notre site.

 

Excellente année 2016 !

Ce mois-ci, dans le numéro 403 de décembre 2015 - janvier 2016 d'Armées d'Aujourd'hui, la rédaction vous propose de revenir dès les premières pages sur les attentats du 13 novembre 2015 avec les témoignages forts des sapeurs-pompiers de Paris et des équipes soignantes des hôpitaux d'instruction des armées d'Ile-de-France.

Plus loin, c'est en images que vous découvrirez seize pages consacrées à la rétrospective des opérations et des exercices incontournables de l'année 2015.

Qu'il se déroule dans les sables et les roches à plus de 50° C, en pleine jungle inhospitalière, dans une ville assiégée, sous l'eau ou encore en montagne, le combat demande une préparation, des schémas tactiques spécifiques, un entraînement et des équipements adaptés à chacun de ces milieux. L'occasion pour la rédaction de vous emmener, avec le dossier « Combattre en milieu hostile », dans les centres d’entraînements spécifiques créés au cours des cinquante dernières années et dont le but est de perpétuer les savoir-faire acquis des expériences passées et permettre au combattant projeté d'être prêt à agir et à survivre dans les milieux les plus hostiles.

Au fil de votre lecture, vous partirez à bord d'un sous-marin pour découvrir les moyens mis en place pour être indétectable et visionnerez la websérie consacrée à la furtivité ; suivrez le stage de préparation aux responsabilités opérationnelles de haut niveau dispensé par l’État-major interarmées de force et d’entraînement ; rencontrerez des délégués militaires départementaux ou encore Mariusz Nowakowski, le premier légionnaire devenu français « par le sang versé ».

Enfin, rappelez-vous Trafalgar, la marche manquée de l'épopée napoléonienne en 1805, et participez activement à la restauration des deux premiers chars de combat de l'armée française, le Schneider et le Saint-Chamond. Ils souffleront leur centième bougie en 2017 et prendront part aux commémorations du centenaire de la Grande Guerre.

Bonne lecture !

 

  >>> Lire le magazine

Partager cet article
Repost0
11 janvier 2016 1 11 /01 /janvier /2016 17:55
photo Armée de Terre

photo Armée de Terre

 

05/01/2016 Armée de Terre

 

Du 30 novembre au 14 décembre dernier, l’exercice MASSILIA a mobilisé 350 militaires d’active et de réserve. La manœuvre a pour objectif de familiariser les militaires de l’état-major de force n° 3 (EMF3) de Marseille avec les procédures d’engagement des troupes sur les différents théâtres d’opérations extérieures comme BARKHANE ou intérieures comme SENTINELLE.

 

Exercice de niveau de poste de commandant opérationnel, MASSILIA illustre la montée en puissance de l’EMF3 et de sa transformation imminente en 3e division, à savoir 25 000 hommes projetés et travaillant ensemble contre un ennemi commun. Cette transformation s’inscrit dans le nouveau modèle de l’armée de Terre « Au Contact » répondant ainsi à l’évolution des menaces dans le monde actuel.

Partager cet article
Repost0
4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 19:55
Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur les opérations en cours (1 Dec 2015)

 

01.12.2015 Commission de la défense nationale et des forces armées - Compte rendu n° 22

 

Note RP Defense: il a fallu plus d'un mois à l'Assemblée nationale pour publier ce compte-rendu.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Mes chers collègues, huit députés et sénateurs – MM. Francis Hillmeyer, Alain Marty, Gwendal Rouillard, Gilbert Le Bris, Jean-Marie Bockel, Jacques Gautier, Xavier Pintat, Daniel Reiner et moi-même – se rendront demain à Berlin pour rencontrer leurs homologues allemands dans le cadre de nos réunions bilatérales régulières. Cette entrevue s’annonce d’autant plus intéressante qu’elle interviendra le jour où le Bundestag aura à se prononcer sur la proposition de la chancelière, Mme Angela Merkel, de faire entrer l’Allemagne dans la coalition luttant contre Daech en Syrie.

 

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. L’opération intérieure (OPINT) Sentinelle mobilise aujourd’hui 10 000 hommes, dont 6 500 en Île-de-France ; nous disposons également, au sein de cet ensemble, d’une réserve de 500 hommes que l’on pourrait déployer en cas d’urgence, notre pays restant exposé à la survenue d’autres attentats. L’armée agit conjointement avec les forces de sécurité intérieures, le tout est placé sous l’autorité des préfets de zone et du préfet de police à Paris. On rénove en urgence des bâtiments et on dégage des financements supplémentaires pour l’hébergement et les installations sanitaires destinés à accueillir les 3 000 nouveaux militaires qui sont venus renforcer le contingent de 7 000 personnes déployées avant les attentats du 13 novembre dernier. Deux visites de terrain m’ont montré que le dispositif fonctionnait bien et qu’il comprenait désormais des patrouilles et non plus seulement des positionnements statiques, celles-là ne protégeant pas moins bien que ceux-ci. Les soldats garantissent également la sécurité de la 21e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP-21) sur terre et dans les airs – 500 aviateurs assurent ainsi la sécurisation du ciel parisien pendant la conférence, et notamment lors de la présence de chefs d’État et de gouvernement en Île-de-France.

 

Au Levant, nous frappons Daech depuis septembre 2014 et nous avons obtenu des résultats significatifs en Irak, notamment à Sinjar et à Baïji. Des massacres d’habitants yézidis ont été perpétrés par Daech au mont Sinjar il y a un an et demi, mais cette ville vient d’être reprise. La reconquête de Baïji s’est opérée alors qu’elle paraissait incertaine, et des combats se déroulent actuellement à Ramadi. Après avoir été bloqué, Daech recule maintenant en Irak, même si la coalition n’est pas encore en mesure de reprendre Mossoul. La France effectue des frappes en Irak et forme des peshmergas à Erbil et les forces d’élite de l’ICTS à Bagdad.

 

Nous avons intensifié nos frappes en Syrie, à la mesure de l’agression subie le 13 novembre dernier. Plus puissantes et plus fréquentes, nos frappes ont détruit un centre de fabrication d’engins explosifs improvisé à al-Qa’im, ville située à la frontière irako-syrienne. Depuis les attentats, nous avons mené treize raids, dont huit à Raqqa, et avons anéanti des centres de commandement, des camps d’entraînement et des centres logistiques.

 

Le porte-avions, actuellement en mer Méditerranée orientale, permet de tripler la capacité d’action. Seul porte-avions présent dans cette zone, il rejoindra dans quelques jours le golfe arabo-persique où il restera en mission jusqu’au mois de mars 2016. Nos avions au sol se trouvent actuellement positionnés en Jordanie et à al-Dhafra aux Émirats arabes unis.

 

Les États-Unis intervenaient jusqu’à présent beaucoup moins en Syrie qu’en Irak, mais ils ont assoupli les règles d’engagement et frappent de plus en plus en Syrie. Nos contacts se sont intensifiés et des instructions spéciales ont été signées pour que nous bénéficiions aujourd’hui d’une forme de « Five eyes » plus, c’est-à-dire de modalités d’échange de renseignements opérationnels plus fluides. J’ai des entretiens très fréquents avec mon homologue américain, M. Ashton Carter, le dernier ayant eu lieu hier soir.

 

Demain, la chambre des Communes britannique se prononcera sur la participation militaire du Royaume-Uni à la coalition contre Daech en Syrie. Il semble qu’un vote positif se dessine, ce qui constituerait une bonne nouvelle. J’ai publié une tribune dans le journal The Guardian dans laquelle je faisais part du désir de la France de voir le Royaume-Uni nous rejoindre. Par ailleurs, j’entretiens une relation très confiante avec le ministre de la Défense britannique, M. Michael Fallon.

 

La Russie et l’Iran ont participé à la dernière réunion du processus de Vienne, qui a eu lieu le 14 novembre dernier. Le communiqué publié à l’issue de la rencontre préconisait la tenue de négociations inter-syriennes, un cessez-le-feu généralisé, un calendrier de transition, et ne mentionnait pas le sort de Bachar el-Assad. Nous espérons que cette démarche aboutira à un cessez-le-feu et à un véritable dialogue, à l’issue de la phase de transition de six mois qui s’ouvre à partir du 1er janvier prochain. Dans le cadre du processus de Vienne, les groupes armés syriens non-terroristes et des opposants politiques au régime de Damas se réuniront dans quelques jours à Riyad, afin de préparer une rencontre avec des représentants du gouvernement de Bachar el-Assad. Nous nous trouvons donc peut-être au début d’un processus politique porteur. Il reviendra aux diplomates de définir ensuite les contours de la transition.

 

Avec le président de la République et le ministre des Affaires étrangères et du développement international, nous avons rencontré nos homologues russes à Moscou le 26 novembre dernier. Les commandants du groupe aéronaval français, positionnés en mer Méditerranée orientale, et du groupe naval russe, organisé autour du croiseur Moskva, se sont rencontrés pour harmoniser leur action et éviter les incidents en mer. Cela n’est pas négligeable, car cela faisait longtemps qu’une telle coordination n’avait pas été mise en œuvre. Par ailleurs, nous avons décidé de renforcer les échanges entre nos services de renseignement, afin notamment d’identifier des russophones interceptés par les Français et des francophones par les Russes. Comme vous le savez, toute coopération en matière de renseignement repose sur l’échange et ne peut être enclenchée que par une décision politique. C’est celle, logique, que nous amorçons aujourd’hui avec les Russes.

 

Nous avons demandé à la Russie d’intensifier ses frappes sur Daech, car nos services ont relevé que celles-ci se concentraient au nord-ouest et autour d’Alep, là où les forces de Bachar el-Assad affrontent l’insurrection, et visaient jusque-là très peu Daech. Il y a deux semaines, la Russie a augmenté un temps ses frappes contre Daech, mais ce rythme s’est ralenti depuis qu’un de ses appareils a été abattu par la Turquie ; en tout état de cause, l’inflexion constatée n’a pas entraîné la fin des frappes contre l’insurrection. Le président de la République et le président Vladimir Poutine ont demandé qu’on se mette d’accord sur l’identité de ceux sur lesquels il conviendrait de ne pas frapper. De notre côté, la situation est simple, puisque nous ne visons que Daech. Mon homologue russe et moi-même dresserons un bilan de ces engagements.

 

Malgré la pesanteur du dispositif et la nécessité d’aller plus vite, l’action en Irak commence à porter ses fruits et les forces kurdes et irakiennes tiennent le terrain reconquis. En Syrie, au-delà des frappes il conviendra de s’appuyer sur les forces locales, dont les unités de protection du peuple (YPG) kurdes et des groupes arabes sunnites armés par la coalition, pour reprendre et occuper les zones du territoire syrien contrôlées aujourd’hui par Daech. Cette entreprise demandera du temps.

 

La Jordanie et le Liban sont aujourd’hui fragiles ; la France utilise une base aérienne jordanienne, ce qui contribue à sanctuariser le territoire de ce pays. Au Liban, l’absence de gouvernement, la faiblesse de l’armée et l’afflux de réfugiés placent le pays dans une situation difficile. Nous comptons 900 hommes au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) et cette présence, appelée à durer, contribue, là aussi, à assurer l’intégrité de ce pays. Nous devons renforcer notre soutien à l’armée libanaise et tenter de poursuivre le partenariat avec l’Arabie saoudite visant à équiper les forces libanaises. Tous les objectifs du programme auront été atteints en 2015, et il faut s’atteler à le remettre en œuvre l’année prochaine.

 

J’ai déjà fait part à plusieurs reprises à la commission de ma préoccupation sur la situation libyenne, et mes inquiétudes ne font que croître. Je vous avais avertis que Daech allait s’implanter en Libye, et nous ne pouvons que constater son expansion dans ce pays. Les quelque 3 000 combattants de Daech progressent vers le sud à partir de Syrte en achetant des tribus et en obtenant l’allégeance de groupes qui trouvent là un projet et une organisation, dans le contexte de la division du pays entre les deux pouvoirs de Tobrouk et de Tripoli. Daech cherche à accaparer le pétrole du Sud de la Libye ; en outre, il pourrait opérer une jonction avec Boko Haram s’il pénétrait loin au Niger et au Nord du Tchad. Le président tchadien, M. Idriss Déby, partage mon inquiétude à ce sujet. La seule solution est de nature politique : les Égyptiens et les Algériens doivent trouver une solution de sortie de crise ; ces pays ne sont pas ennemis, mais les premiers privilégient excessivement l’option militaire quand les seconds se reposent trop sur la diplomatie. Le nouveau représentant du Secrétaire général des Nations unies pour la Libye, M. Martin Kobler devrait proposer un scénario permettant la mise en place d’un gouvernement d’union nationale de transition, dont il faudra assurer la sécurité, notamment via la formation d’une armée efficace. Les forces de l’opération de l’Union européenne (UE) Sophia, qui vise à contrôler les flux de migrants provenant de Libye et qui dispose de moyens importants, ont besoin de l’autorisation d’un gouvernement libyen reconnu pour pénétrer dans les eaux territoriales de la Libye et agir efficacement. La situation en Libye s’avère redoutablement complexe et risque de le devenir de plus en plus. M. León était presque parvenu à un règlement, mais son entreprise a échoué. Si l’on réunit les forces militaires de Tripoli et de Tobrouk, Daech ne pourra pas faire face.

 

Notre présence au Mali et au Niger s’inscrit dans la durée ; implantés dans des sites avancés comme Faya Largeau, Abéché, Tessalit et Madama, nous venons de renforcer notre positionnement dans cette dernière ville. Nous conduisons très régulièrement des opérations avec les forces nigériennes, maliennes voire tchadiennes. La dernière mission, Vignemale, a permis de découvrir des caches d’armes et de procéder à des neutralisations. Si l’on cessait ces actions régulières dans le cadre de l’opération Barkhane, les groupes djihadistes se reconstitueraient.

 

Au Mali, le processus vertueux se poursuit malgré l’attentat de Bamako le 20 novembre dernier. L’accord d’Alger entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la plateforme pro-gouvernementale se met en œuvre et des patrouilles communes sont même déployées. Il conviendra d’intégrer ce processus dans la mission d’entraînement de l’Union européenne, EUTM-Mali, afin que cette dernière gère le mouvement de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). J’ai fait part de ce projet de changement d’orientation de la mission EUTM-Mali à mes collègues européens, qui devraient l’accepter. Cela permettra de favoriser la formation de ceux qui veulent participer à la reconstitution de l’armée malienne.

 

Certains groupes armés terroristes – al-Mourabitoune, né de la fusion du MUJAO et des Signataires par le sang, et dirigé par Mokhtar Belmokhtar, l’auteur de la prise d’otages meurtrière d’In Amenas en Algérie, et Ansar Eddine de Iyad Ag Ghali – refusent cette logique d’apaisement et sont alliés à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Daech étant absente de cette région. La formation Ansar Eddine a permis la résurgence du Front de libération du Macina, groupe peul vivant de commerce et de brigandage et qui mène quelques actions terroristes. Les chefs de ces organisations souhaitent saboter le processus de paix. Al-Mourabitoune et Ansar Eddine ont tous deux revendiqué l’attentat de Bamako, mais il apparaît de plus en plus que c’est al-Mourabitoune qui l’a commis. Cet attentat fait suite à celui du 7 mars 2015, perpétré par le même groupe à Bamako ; nous devons donc continuer à nous battre pour éliminer ces groupes – peu nombreux mais difficiles à arrêter puisqu’ils utilisent des kamikazes –, mais la situation globale s’améliore tout de même.

 

La force multinationale mixte, animée par le Nigeria, le Tchad, le Niger et le Cameroun, a repris l’initiative face à Boko Haram et on peut faire preuve d’optimisme sur ce théâtre d’opérations. M. Déby m’a confirmé ce matin que cette force s’organisait sérieusement et allait bénéficier d’un véritable état-major associant les quatre pays. Il s’agit d’un progrès considérable, car seuls le Niger et le Tchad se parlaient il n’y a pas si longtemps ; le remplacement de M. Goodluck Jonathan par M. Muhammadu Buhari à la tête du Nigeria et la prise de conscience du président camerounais, M. Paul Biya, qui a compris qu’il ne pouvait pas se désintéresser de ce sujet favorisent cette évolution. Nous apportons à cette coalition un soutien logistique et technique, facilité par la localisation à N’Djamena des états-majors de cette force et de Barkhane. Boko Haram se trouve réduit à conduire des opérations terroristes contre lesquelles il faudra encore lutter. M. Déby évalue cette période à deux à trois ans, mais malgré la longueur nécessaire de l’effort, je suis assez optimiste sur la situation de ce front. Il n’existe pas encore de signes montrant un lien vraiment concret entre Boko Haram et Daech, même si le premier s’est officiellement rallié au second.

 

Nous nourrissions beaucoup d’inquiétudes pour la visite du pape en République centrafricaine (RCA), qui aurait pu être l’occasion de manifestations et d’échauffourées. Tout s’est finalement bien déroulé et cette journée marquera peut-être une étape dans la pacification du pays. Le référendum constitutionnel aura lieu le 13 décembre prochain et les premiers et seconds tours des élections présidentielle et législative se tiendront les 27 décembre et 31 janvier prochains. Les candidats se préparent et 90 % de la population sont inscrits sur les listes électorales. Je plaiderai auprès de nos partenaires européens pour transformer la mission d’assistance européenne EUMAM à l’état-major des forces armées centrafricaines (FACA) en mission de type EUTM-Mali – avec un périmètre plus modeste, le pays étant moins peuplé ; il me semble que je pourrai là aussi obtenir satisfaction. Certains pays se sont ainsi déjà manifestés pour entrer dans le dispositif et permettre au nouveau président ou à la nouvelle présidente de bénéficier d’un nouvel outil armé crédible. Les 900 hommes de la force Sangaris resteront en RCA jusqu’à la fin du processus électoral, puis nous engagerons le processus de réduction de nos effectifs, comme je l’ai déjà dit à la chef de l’État de transition, Mme Catherine Samba-Panza.

 

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Monsieur le ministre, l’Allemagne a annoncé il y a quelques jours qu’elle allait aider la France dans sa lutte contre Daech en déployant 1 200 militaires, soit son plus gros déploiement en cours à l’étranger. Quel rôle joueront les militaires allemands ? Renforceront-ils la coalition contre Daech ?

 

M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, l’une des réponses apportées aux attentats du 13 novembre réside dans l’augmentation des effectifs de la force opérationnelle terrestre (FOT) de 66 000 à 77 000 hommes. Les premiers recrutements auront lieu dans le cadre de l’exécution du budget pour l’année 2016 et auront besoin d’être formés. Ces soldats ne seront donc pas opérationnels avant la fin de l’année 2016 voire le premier trimestre 2017.

La radicalisation d’un certain nombre de personnels civils d’Aéroports de Paris et de la RATP suscite des inquiétudes sur le profil potentiel de nouvelles recrues de la FOT. Beaucoup de jeunes accourent dans les centres de recrutement : il s’agit d’une bonne nouvelle, mais il convient d’opérer un tri. La direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) est chargée de ce rôle, alors qu’elle a déjà fort à faire avec la sécurisation des emprises militaires. Qu’est-ce qui nous garantit que la DPSD se trouve armée pour effectuer cette sélection ? Ses effectifs ont-ils été augmentés ? Ses personnels sont-ils capables de distinguer les bonnes recrues des mauvaises ? Si tel n’était pas le cas, des services de renseignement comme la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) peuvent-ils participer à cette tâche de criblage ?

 

M. Jean-Jacques Candelier. Je vous remercie, monsieur le ministre de votre disponibilité et des informations que vous nous avez transmises. La France est-elle prête à revoir ses liens économiques avec les pétromonarchies comme l’Arabie saoudite et le Qatar, dont le rôle, dans la lutte contre Daech, s’avère ambigu ?

Notre pays se trouve engagé dans de nombreuses opérations extérieures (OPEX). Quel est leur coût en 2015 ?

La guerre contre Daech ne se gagnera pas uniquement par des bombardements : quels sont les moyens supplémentaires mis en place pour atteindre notre objectif ? Quel soutien comptons-nous apporter aux forces kurdes ?

Où en est-on de la constitution de la large coalition voulue par M. Hollande ? Celle-ci ne me semble pas être la panacée.

 

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, sans action rapide et énergique en Libye, Daech progressera comme en Irak et en Syrie. Vous avez souligné avec raison que la solution passait par l’engagement de l’Égypte et de l’Algérie. Nos relations historiques avec l’Algérie et présentes avec l’Égypte sont fortes : la France a donc un rôle particulier à jouer, et l’intérêt de l’UE à agir s’avère grand car la Libye se situe plus près de nos côtes que ne le sont la Syrie et l’Irak. L’UE, absente diplomatiquement jusqu’à présent, agit-elle, avec la France, pour éviter que la situation irakienne et syrienne ne se reproduise en Libye ?

 

M. Jean-Michel Villaumé. Le Premier ministre a indiqué ce matin que la Libye constituait le grand dossier à traiter dans les mois à venir. Monsieur le ministre, vous restez partisan d’une solution politique et diplomatique dans ce pays, mais le chef du gouvernement algérien a récemment affirmé dans Le Monde souhaiter une intervention militaire il y a une dizaine de jours. En outre, les Égyptiens ont fait part de leurs inquiétudes sur l’évolution du problème libyen.

 

M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le ministre, vous nous donnez des informations sur les moyens financiers de l’État islamique, mais il me semble que plusieurs pans de ses ressources et de ses soutiens nous restent inconnus. Êtes-vous d’accord pour qu’une commission d’enquête parlementaire étudie cette question ?

Disposons-nous de suffisamment de moyens financiers pour gagner la guerre dans laquelle nous sommes engagés ? À combien les évaluez-vous ?

 

M. le ministre. Madame Gosselin-Fleury, la participation allemande représente un acte politique très important, puisque mon homologue allemande, Mme Ursula von der Leyen, s’est beaucoup engagée dans ce dossier et propose d’envoyer 1 200 hommes, mobilisation que devra autoriser le Bundestag. Une frégate allemande rejoindra notre porte-avions, des missions de reconnaissance seront assurées par quatre à six Tornados allemands et des avions ravitailleurs seront mis en place au Levant. L’Allemagne contribuera également à la MINUSMA avec 650 hommes pour alléger notre tâche au Mali ; par ailleurs, elle renforcera ses actions de formation militaire à Erbil. La presse a eu raison de souligner le caractère exceptionnel de cet engagement.

 

Monsieur Lamour, la première vague de renforcement de la FOT a eu lieu dès cette année et se poursuivra l’année prochaine. Le chiffre des recrutements dans l’armée de terre en 2015 comprend les 5 000 nouveaux soldats qui n’étaient pas prévus dans la planification initiale. Il faudra former ces personnels, mais le processus est en cours. Nous avons décidé d’engager 200 personnes à la DPSD, afin notamment qu’elle ait les moyens de s’assurer de la qualité des personnes recrutées. Il y a lieu d’être vigilant, y compris pour les effectifs actuels, mais notre service de renseignement s’avère très performant.

 

Monsieur Candelier, les OPEX représentent un coût de 1,1 milliard d’euros pour l’année 2015 ; ce montant, à l’intérieur duquel les surcoûts s’élèvent à 650 millions d’euros, est totalement couvert par un financement interministériel, comme je m’y étais engagé. S’agissant des ambiguïtés des pétromonarchies, j’attends les preuves ! Si elles existent, qu’on me les fournisse ! Des doutes et des interrogations existent, mais l’Arabie saoudite et le Qatar sont engagés dans la coalition. Ils ne contrôlent peut-être pas l’action de l’ensemble de leurs ressortissants, mais, comme le président de la République, le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et du développement international et moi-même l’avons déjà dit, nous ne disposons pas d’éléments accréditant vos assertions. Si vous en avez, mettez-les sur la table, je serais le premier intéressé. Nous soutenons les forces kurdes, et celles-ci pourraient participer à la reconquête des territoires aujourd’hui contrôlés par Daech. Les États-Unis renforcent leur action et de nombreux pays rejoignent la coalition, qui s’agrandit de fait ; à part l’Espagne, qui se trouve en période électorale, et le Portugal, dont le nouveau gouvernement s’installe en ce moment, tous les pays de l’UE contribuent à l’effort commun. Même le Luxembourg participe et fournira des munitions et du transport tactique ; certains pays combattront au Levant et d’autres allégeront le poids de notre engagement en Afrique.

 

M. Jean-Jacques Candelier. Il n’y a que quatre pays qui effectuent des frappes !

 

M. le ministre. Oui, en Syrie, il n’y en a même en ce moment que deux, même si j’espère qu’il y en aura bientôt trois. Quant à la Russie, je vous ai indiqué l’état de nos relations, si bien qu’il me semble que la coalition se trouve en phase de cristallisation.

 

Messieurs Folliot et Villaumé, nous entretenons en effet de bonnes relations avec l’Égypte, qui ne cessent de s’approfondir. J’ai ainsi rencontré cinq fois M. Abdel Fattah al-Sissi, président de ce pays. L’Égypte a une approche plus militaire que l’Algérie du conflit libyen ; l’Histoire explique cette différence, et nous devons les convaincre de prendre des initiatives communes. La mission des Nations unies recommence avec la nomination de M. Kobler, et nous devons travailler à sa réussite. Les acteurs libyens sentent que s’ils ne trouvent pas de solution, Daech la trouvera pour eux. L’organisation terroriste sera peut-être l’élément fédérateur de la réconciliation libyenne. La Turquie, le Qatar, l’Égypte, l’Algérie et le Tchad peuvent avoir une influence sur certains acteurs libyens. Il faut consentir cet effort collectif, car il n’existe pas de solution alternative. Personne n’envisage en effet que des pays européens mènent une action militaire au sol en Libye.

 

Monsieur Moyne-Bressand, nous avons les moyens financiers de gagner la guerre. La loi de programmation militaire (LPM) actualisée intègre l’opération Chammal, et le financement interministériel des surcoûts des OPEX est assuré chaque année depuis que j’exerce mes fonctions. Cette opération ne mobilise encore qu’un petit millier d’hommes, stationnés à al-Dhafra, Erbil, Bagdad et sur notre base aérienne en Jordanie. La décision de créer une commission d’enquête sur le financement de Daech relève du Parlement.

 

Mme la présidente Patricia Adam. La conférence des présidents a ce matin décidé la création d’une mission d’information à ce sujet.

 

M. le ministre. La Turquie s’est montrée, à un moment donné, trop peu agressive dans le contrôle des ressources pouvant alimenter Daech ; je n’accuse pas le gouvernement turc, mais il est certain que Daech a pu vendre en abondance du pétrole au marché noir. Les contrôles se révèlent aujourd’hui plus stricts, mais la Turquie doit mieux surveiller les 200 kilomètres de sa frontière avec la Syrie qui ne sont pas tenus par les Kurdes. De nombreux trafics se déroulent dans cette zone très poreuse, même si la Turquie a opéré une reprise en main depuis qu’elle a été frappée par des attentats.

 

M. Eduardo Rihan Cypel. Mme Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne, a déjà publié un excellent rapport sur les financements de Daech au nom de l’assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).

Monsieur le ministre, le président de la République a affirmé lors de la réunion du congrès à Versailles, le 16 novembre dernier, que le pacte de sécurité l’emportait sur celui de stabilité. Hormis l’Allemagne, quel pays européen a accru son effort contre Daech ? L’UE a-t-elle augmenté son soutien financier aux pays luttant dans la coalition en Syrie et en Irak ? Il faudrait exclure les dépenses d’investissement dans la défense sortent du calcul du déficit budgétaire transmis à la Commission européenne. L’UE accepterait-elle cette évolution ?

 

M. Serge Grouard. Éradiquer Daech nécessite le déploiement de forces au sol – pas nécessairement les nôtres – car reprendre une ville comme Raqqa sera difficile. Quelle évaluation faites-vous des forces actuellement en présence sur le terrain ?

Monsieur le ministre, votre inquiétude sur la Libye s’avère largement partagée ; vous avez affirmé que Daech comptait sur 3 000 combattants en Libye, ce nombre étant compris entre 40 000 et 50 000 en Syrie et en Irak. Lorsque les Soviétiques se sont retirés d’Afghanistan, les combattants qui allaient former al-Qaïda ont également quitté le pays pour essaimer dans d’autres régions : craignez-vous le même phénomène ?

La constitution du fichier de données des passagers (PNR pour Passenger name record) européen accuse du retard. À la suite de la loi de programmation militaire, un décret de septembre 2014 a créé un traitement de données à caractère personnel dénommé « système API-PNR France » pour compenser le piétinement européen ; ce mécanisme devait se déployer en 2015 : où en est-on ?

 

M. Christophe Guilloteau. Le président des États-Unis, M. Barack Obama, a annoncé aujourd’hui l’envoi de forces spéciales américaines au sol. La France compte-t-elle faire de même ?

Le 27 novembre dernier, le gouverneur militaire de Lyon, le préfet du Rhône et le maire de Lyon ont organisé un spectacle médiatique en pleine période de réserve due à la campagne électorale. Ils sont allés à la rencontre des citoyens pour échanger sur les problèmes de sécurité. Monsieur le ministre, je vous remercie de rappeler au gouverneur militaire que, président du conseil départemental, je fais face aux mêmes problèmes de sécurité que le maire de Lyon. Le gouverneur militaire devrait nous informer et ne pas privilégier les caméras.

 

M. Michel Voisin. De l’Afghanistan à la Mauritanie, on retrouve de nombreuses forces djihadistes, et nous sommes engagés sur de nombreux fronts dans cette région. Nous allons nous essouffler et notre armée se trouve à bout de forces malgré le mérite de ceux qui la servent. Monsieur le ministre, les propos du Premier ministre critiquant les parlementaires se rendant sur place m’ont choqué. Effectuer ce type de déplacements fait partie de notre mission, et je n’ai d’ailleurs fait aucune déclaration à la presse à propos de notre récent déplacement en Syrie. Les parlementaires montrent beaucoup de courage lorsqu’ils décident d’étudier la situation à l’étranger et leur expérience peut s’avérer fort utile.

On évalue les troupes de l’État islamique en Syrie à 20 000 combattants, qui sont accompagnés de 20 000 autres personnes dont 1 400 à 2 000 Français. Comment peut-on éradiquer ce mouvement ? Nous appréhendons la situation pays par pays, alors que le problème du djihadisme est global. Je suis favorable à l’instauration de la commission d’enquête à laquelle M. Alain Moyne-Bressand a fait allusion, car les personnes auditionnées doivent y prêter serment contrairement à la mission d’information. Monsieur le ministre, croyez-vous que nous disposons des moyens suffisants pour suivre toutes les opérations dans lesquelles nos forces sont engagées ? Notre armée défend l’Europe et il conviendrait de répartir le financement de ces opérations entre l’ensemble des pays de l’UE. Nous pourrions ainsi éviter l’épuisement de nos forces militaires.

 

M. Charles de la Verpillière. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que les Kurdes du PYD et d’autres troupes arabes sunnites pourraient constituer les forces luttant au sol contre Daech en Syrie ; vous en excluez donc beaucoup de monde : les Américains, les Européens, les Russes, les Iraniens, les Turcs, les troupes de Bachar el-Assad et, en raisonnant in abstracto, et les Israéliens ! Il ne reste donc plus beaucoup de combattants à envoyer sur le terrain. Pouvez-vous nous préciser votre pensée ?

L’incident aérien entre les Turcs et les Russes est intervenu exactement au moment où l’on cherche à former une coalition internationale pour combattre en Syrie. Il a été provoqué car il sert à la fois les Russes et les Turcs. Qu’en pensez-vous ?

 

M. Francis Hillmeyer. L’opération Sentinelle vise à rassurer la population, mais ne peut pas empêcher la commission d’attentats comme ceux du 13 novembre. Vous avez évoqué la création d’une garde nationale constituée de réservistes. Pourrait-on augmenter le nombre de jours de disponibilité des réservistes afin de rendre le dispositif plus opérationnel ? Comment lever le frein mis par les employeurs à la mobilisation des réservistes ?

 

M. le ministre. Monsieur Rihan Cypel, tous les pays de l’UE, hormis l’Espagne, le Portugal et la Pologne qui vient de changer de gouvernement, contribuent à l’effort. Ainsi, la Belgique a mobilisé une frégate appuyant le porte-avions, la Roumanie a déployé des forces au sein de Barkhane. La République tchèque, la Slovénie, la Slovaquie, la Suède, le Danemark et les Pays-Bas s’interrogent sur de possibles frappes en Syrie. Je ne reviens pas sur l’engagement allemand et sur le vote de demain à la chambre des Communes à Londres, mais l’ensemble constitue un effort significatif et supérieur à celui auquel je m’attendais. Depuis quinze jours, je n’ai pas reposé la question du financement des OPEX par l’UE, mais je la soulèverai à nouveau dès que l’opportunité se présentera.

 

Monsieur Grouard, nous évaluons à 35 000 le nombre de combattants de Daech en Irak et en Syrie. Parmi eux, 10 000 à 12 000 sont étrangers ; ils ne se trouvent pas tous à Raqqa et constituent la force principale de Daech. L’intensification des frappes désorganisera cette organisation en Syrie et, pour la première fois, elle essuie des désertions qui ont entraîné des exécutions.

 

Monsieur de la Verpillière, l’action au sol est indispensable pour reprendre les zones contrôlées par Daech, et l’on travaille sur l’hypothèse de troupes kurdes et arabes sunnites pour accomplir cette mission, une fois que les frappes auront profondément déstabilisé Daech. Il convient de ne pas répéter des erreurs passées : Raqqa est sunnite et doit donc être reconquise par des forces sunnites, afin que la population les accepte et soutienne moins Daech. Les unités réunies sous le sigle de l’armée syrienne libre (ASL) subsistent et leur résilience a même surpris les Russes. Ceux-ci effectuent des frappes depuis huit semaines, qui visent majoritairement les insurgés combattant Bachar el-Assad. L’armée gouvernementale s’est avérée moins forte que prévu – elle n’a ainsi pas reconquis de zone importante au cours de ces deux derniers mois – et l’ASL parvient à opposer une résistance significative au nord-ouest et dans la région d’Alep. L’armée officielle de la Syrie luttera peut-être un jour contre Daech, mais ce ne sera alors plus celle de Bachar el-Assad qui n’a jamais effectué le moindre raid contre le groupe terroriste.

 

Les succès de la lutte contre Daech au Levant aboutiront sans doute – on le constate déjà – à des transferts de combattants djihadistes vers la Libye. Une partie des combattants étrangers de Daech à Syrte viennent ainsi de Syrie.

 

Le projet pilote avance pour la mise en œuvre du PNR français, mais la société bénéficiaire du marché accuse un retard.

 

Monsieur Guilloteau, je ne parle jamais des forces spéciales. J’ai bien noté vos remarques sur la rencontre de Lyon.

 

Monsieur Voisin, nous nous engageons dans des opérations, mais nous nous retirons également de certaines d’entre elles : nous ne sommes plus au Kosovo, ni dans l’opération européenne Atalante, et nous espérons mettre fin à l’opération Sangaris prochainement. La qualité de nos armées nous permet de faire face aux défis et aux menaces que nous devons affronter.

 

L’incident entre la Turquie et la Russie résulte d’un conflit d’intérêts et de l’antagonisme sur les points de fond, chacun pousse l’autre à sa limite. Le pilote russe est tombé côté syrien.

 

M. Charles de la Verpillière. Le jour n’a-t-il pas été choisi ?

 

M. le ministre. Je n’en suis pas sûr. La position de la France, comme celle de l’OTAN, est d’inviter les deux parties à éviter toute escalade.

 

Monsieur Hillmeyer, l’actualisation de la LPM prévoit une augmentation de 28 000 à 40 000 du nombre des réservistes et de 75 millions d’euros de crédits supplémentaires. Le nombre de jours et la durée de la mise à disposition devront augmenter, et nous en discuterons avec le Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

 

Mme la présidente Patricia Adam. Et avec les collectivités territoriales également !

 

M. le ministre. Bien entendu, avec tous les employeurs, de manière générale.

 

Le président de la République a annoncé lors de la réunion du Congrès à Versailles qu’il faudra renforcer les réserves et leur conférer une dimension territoriale afin de constituer une garde nationale. Je dois mettre en œuvre cette feuille de route et nous avancerons bientôt des propositions à votre commission pour que nous travaillions ensemble sur ce sujet. J’ai déposé un amendement au projet de loi de finances (PLF) pour 2016, adopté par le Sénat le 27 novembre, qui prévoit d’affecter une partie des 100 millions d’euros supplémentaires à ce projet favorisant à terme la garde nationale, afin qu’il commence à être mis en œuvre dès l’année prochaine. Nous avons aussi inscrit en tout 173 millions d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires dans le PLF.

 

M. Michel Voisin. J’ai assisté le week-end dernier à deux assemblées générales d’officiers et de sous-officiers de réserve, qui soutenaient très largement le rétablissement du service national, tout comme 80 % des Français, si l’on en croit un sondage récent. Je leur ai répondu que des questions matérielles et de patrimoine local rendaient cette perspective très improbable.

 

M. le ministre. Oui, et le choix de l’armée professionnelle était le bon. J’y étais favorable depuis longtemps et j’avais écrit un article avec M. François Fillon sur ce sujet en 1995. Les défis que l’on doit relever, y compris la protection des sites sensibles dans notre pays, nécessitent une armée professionnelle.

 

*

* *

 

Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Olivier Audibert Troin, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Isabelle Bruneau, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, M. David Comet, Mme Geneviève Fioraso, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Serge Grouard, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Laurent Kalinowski, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Christophe Léonard, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Jean-Claude Perez, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Jean-Michel Villaumé, M. Michel Voisin

 

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-David Ciot, Mme Catherine Coutelle, Mme Carole Delga, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Alain Rousset, M. Stéphane Saint-André

 

Assistaient également à la réunion. - M. Gérard Bapt, M. Jean-François Lamour

 

Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur les opérations en cours (1 Dec 2015)

Partager cet article
Repost0
31 décembre 2015 4 31 /12 /décembre /2015 11:55
photo Ministère de la Défense

photo Ministère de la Défense

 

30/12/2015 GMP

 

Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a rendu visite mercredi 30 décembre 2015 aux militaires déployés dans le cadre de l’opération Sentinelle, sur Paris et en Île-de-France.

 

Après un point de situation sur le dispositif global présenté par le chef de l’Etat-major tactique de Paris, le LCL « Maxime » du 1er régiment de Spahis, le ministre a accompagné diverses patrouilles d’abord sur les Champs-Elysées, puis à Notre-Dame de Paris, à la place de la Bourse et enfin au sein de la station RER Auber.

 

Le ministre a conclu cette visite en saluant l’engagement des soldats et leur a témoigné de son soutien en les félicitant plus particulièrement pendant cette période de fêtes de fin d’année.

photo Ministère de la Défense

photo Ministère de la Défense

Partager cet article
Repost0
30 décembre 2015 3 30 /12 /décembre /2015 12:55
En cas d'urgence, le 1er régiment de Tirailleurs est prêt. La preuve...


29/12/2015 Armée de Terre

 

Dès les attentats, le 1er régiment de Tirailleurs, comme la majorité de l'armée de Terre, a participé au renfort de l'opération Sentinelle à Paris

 

Pour ce faire, le régiment peut s'appuyer sur sa forte expérience opérationnelle (12 projections ces 15 dernières années) et sur ces équipements (le régiment est doté du FELIN et de VBCI depuis 2010).

Le régiment revient d'ailleurs tout juste de République centrafricaine, Mali et Côte d'Ivoire ; les militaires étaient donc parfaitement aguerris avant leur déploiement parisien, efficacité permise également par son instruction au quotidien dans les Vosges (3 champs de tir à proximité, 3 terrains de manoeuvre, 1 camp d'entraînement, etc.).

Outre Sentinelle, prochain fait marquant pour le régiment, cette fois-ci prévisible : dans le cadre du nouveau modèle de l'armée de Terre "Au Contact", le régiment se verra renforcer d'une 5e compagnie à l'été 2016.

Partager cet article
Repost0
28 décembre 2015 1 28 /12 /décembre /2015 16:55
Sentinelle - photo Marine Nationale Armée de Terre ECPAD

Sentinelle - photo Marine Nationale Armée de Terre ECPAD


28.12.2015 par Philippe Chapleau - Lignes de Défense

Lu sur l'agenda de Jean-Yves Le Drian:

 

Mercredi 30 décembre 2015 12h: entretien avec M. François Hollande, Président de la République. Palais de l’Élysée.
Déplacement Sentinelle, à Paris

 

Du jeudi 31 décembre 2015 au dimanche 3 janvier 2016 inclus; déplacement de fin d’année auprès des forces françaises déployées au Proche-Orient dans le cadre de l’opération Chammal.

 

photo Marine Nationale

photo Marine Nationale

Les forces françaises de l'opération Chammal comprennent deux détachements de l'armée de l'air, l'un en Jordanie, l'autre aux EAU, le groupe aéronaval Charles-de-Gaulle qui croise dans le golfe avant une escale très prochaine, et des formateurs en Irak et au Kurdistan.

L'an dernier, le ministre de la Défense s'était rendu dans la BSS pour y rencontrer les troupes françaises du Tchad (soirée du 31 décembre à N'Djamena), du Niger et du Mali.

Partager cet article
Repost0
28 décembre 2015 1 28 /12 /décembre /2015 12:55
SENTINELLE : Un étudiant sous les armes

 

23/12/2015 Armée de Terre 2015

 

Vianney a 19 ans. Étudiant en droit à la faculté de Nantes, il est aussi sergent dans la réserve au 3ème régiment d’infanterie de Marine. Pour la deuxième fois cette année, il vient d’être projeté dans le cadre de l’opération « Sentinelle ». Il nous raconte son parcours…

 

Dans ma famille ? Aucun lien avec l’armée !

« Je ne suis pas du tout issu d’une famille de militaires. Mon père a fait son service dans la Marine… fin de l’histoire ! En fait, j’ai découvert la réserve grâce à un copain  du 2ème régiment de Dragon de Fontevraud. Il m’a raconté sa vie de réserviste et m’a mis l’eau à la bouche ! Par la suite, j’ai participé à une journée découverte organisée par les réservistes de Nantes. J’avais 18 ans. J’ai fait acte de candidature pour servir au 3ème régiment d’infanterie de Marine de Vannes. Tout est allé très vite. »

 

On ne nous a pas formés comme des amateurs !

« Pendant deux semaines, j’ai été pris en main au sein de mon régiment. Maniement d’armes, tir, combat, sport etc. Une sacrée injection ! Par la suite, j’ai suivi plusieurs modules de formation complémentaires d’une semaine : techniques d’intervention opérationnelle rapprochée (en français courant, combat à mains nues), secourisme etc. Très… très intéressant ! Je me suis vite rendu compte que l’armée de terre n’avait pas pour ambition d’entretenir des militaires amateurs mais une véritable force d’appoint formée avec professionnalisme. Il faut être cohérent ! »

 

Janvier 2015 : ma première mission à Paris. J’ai trouvé ça gratifiant.

«  Je ne pensais pas être projeté aussi rapidement Mais voilà… en janvier 2015, j’étais d’alerte. Après l’attaque de Charlie Hebdo et du supermarché Kasher, j’ai été appelé chez moi à 13h00. Je devais me présenter au régiment le lendemain à 06h00. Nous avons retrouvé nos instructeurs qui ont procédé à une remise à jour de nos connaissances et nous avons effectué plusieurs tirs d’entraînement. Le 17 janvier, nous étions à Paris en protection de plusieurs sites sensibles : synagogues et écoles confessionnelles. J’ai vraiment été touché par l’accueil de la population… un accueil « gastronomique » que nous avait concocté les mères juives… des regards sympas, des sourires, beaucoup d’échanges… J’ai trouvé ça gratifiant. Je me suis vraiment senti utile, connu et reconnu. »

 

Les partiels, c’est en janvier !

 « Je n’ai pas fait mystère de mon engagement comme réserviste auprès de mes professeurs de la faculté de droit. Certains m’ont félicité. Concrètement, Il me suffit de leur montrer ma convocation et mes épreuves sont décalées. Aujourd’hui, je suis sur Rennes, toujours en protection de sites sensibles et patrouilles. Je serai relevé sur place le 21 décembre par d’autres réservistes qui célébreront Noël en protégeant les rennais. Quant à moi, je bûcherai sérieusement mes cours, parce que, mine de rien, les partiels,  c’est en Janvier ! ».

Partager cet article
Repost0
23 décembre 2015 3 23 /12 /décembre /2015 13:55
Des tensions ont eu lieu récemment aux abords de la « jungle » entre migrants et CRS. Photo Jean-Pierre Brunet

Des tensions ont eu lieu récemment aux abords de la « jungle » entre migrants et CRS. Photo Jean-Pierre Brunet

 

22/12/2015 La Voix du Nord

 

Peu de temps après la victoire de sa liste aux élections régionales, Xavier Bertrand, le nouveau président LR de la région Nord – Pas-de-Calais – Picardie, a manifesté son souhait de demander la présence de l’armée à Calais, pour y « ramener la sécurité ». Une idée déjà évoquée par la maire Natacha Bouchart, mais que le ministère de la Défense juge inenvisageable.

Suite de l’article

Partager cet article
Repost0
21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 12:55
Visite du Cemat à l'Etat Major Zone de Defense de Lyon

21 déc. 2015 Armée de Terre

L’armée de Terre participe à la protection des Français sur tout le territoire national.

C’est afin de souligner le travail de nos soldats déployés en zone de défense lyonnaise que le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Bosser, s’est déplacé dans le sud-est début décembre.

En déplacement à l’état-major de zone de défense de Lyon, le CEMAT étudie l’emploi des forces terrestres dans la région. « La protection des français va bien au delà de l’Île-de-France, Lyon est un exemple type », explique le général. En effet, 10 000 militaires de l’armée de Terre sont en permanence déployés sur l'ensemble du territoire national.

Rassurer, protéger et intervenir, telles sont les missions de la force terrienne.

Partager cet article
Repost0
18 décembre 2015 5 18 /12 /décembre /2015 12:56
SENTINELLE : une intervention dissuasive du 1e RHP

 

18/12/2015 Armée de Terre

 

Déployé dans le cadre de l’opération SENTINELLE, le 1er régiment de hussards parachutistes (1er RHP) de Tarbes patrouillait le samedi 12 décembre en Seine et Marne (77) au centre commercial « Val d’Europe ».

 

En fin d’après-midi, les quatre membres de l’équipe du régiment de cavalerie sont témoins d’une rixe opposant deux groupes d’environ 6 personnes, âgés de 16 à 18 ans.

Le brigadier-chef Jérôme, responsable de l’équipe, décide d’intervenir et commande immédiatement de s’interposer entre les deux bandes rivales. Analysant la situation et le danger, il fait déployer le bâton de défense. Son aspect dissuasif l’emporte et nos soldats n'auront pas besoin de s'en servir. Toutefois, face à l’agressivité de certains individus, un des militaires recourt à l’emploi de la bombe lacrymogène d’auto-protection.

Un des bagarreurs est également neutralisé par une clé de bras inculquée lors des séances de "technique d’intervention opérationnelle rapprochée" (TIOR). Cette action déterminante met aussitôt fin à l’altercation et les autres individus prennent la fuite. Le jeune homme immobilisé a été remis aux forces de police appelées par les agents de sécurité du centre commercial.

L’intervention efficace et rapide de la patrouille de l’armée de Terre a permis de sécuriser la zone afin qu’aucune personne ne soit blessée et que la bagarre ne dégénère pas.

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2015 4 17 /12 /décembre /2015 11:55
Splendeurs et misères des réserves: pour les OPINT, deux treillis à rendre propres


17.12.2015 par Philippe Chapleau - Lignes de Défense


La Commission consultative des réservistes opérationnels de l’armée de Terre (CCROAT) s'est réuni le vendredi 4 décembre. La synthèse des questions est à lire ici.

 

Extraits:

 

On y lit ce rappel: "Le statut du réserviste est adapté aux situations d’emploi. Militaire à temps partiel, il est apte à remplacer et/ou renforcer son camarade d’active. Lorsqu’il est convoqué, il est un militaire à part entière." A part entière mais hors normes, comme en convainc la lecture de ce texte...

 

24 000 réservistes pour l'AT en 2019: "Maquette réserves Terre 2019 marque l’effort sur les unités constituées : 101 UER avec une cible effectifs qui passe de 11600 à 16000. Dans le même temps, la maquette des compléments individuels passe de 10600 à 8000". Actuellement et péniblement, 15 000 réservistes opérationnels sur le papier avec un taux de dénonciation des contrats de près de 50%!

 

Pas de tenue de combat "FELIN" ou TNG (tenues nouvelle génération) avant "le second semestre 2016":
"La distribution des équipements combat de nouvelle génération est une opération financière, industrielle et logistique lourde et compliquée que les OPEX de ces 4 dernières années sont venues perturber. Les effets de nouvelle génération ne peuvent donc être mis en service simultanément auprès de tous. Le plan de montée en gamme (PMG) qui prévoit une mise en place par phases successives devrait être terminé depuis de nombreux mois. A ce jour, le bilan est le suivant :
- le personnel d’active de la force opérationnel terrestre est équipé depuis la fin du printemps 2015 ;
- les cadres et les élèves des écoles depuis la rentrée scolaire de 2015 ;
- le personnel du socle est en cours d’équipement depuis le 1er septembre et jusqu’au 31 décembre par e-DPC.
Au premier semestre 2016, c’est le personnel d’active d’outre-mer et de l’étranger qui sera équipé. Enfin, il sera temps de doter le personnel de réserve au cours du second semestre 2016 selon des dates et des modalités qui seront communiquées prochainement. A noter toutefois qu’il a été prévu des dispositions particulières pour que le personnel de réserve engagé en OPEX ou en OPINT puisse percevoir des effets de nouvelle génération auprès de leur GSBDD de rattachement à titre de prêt."

 

Deux treillis propres. Pour les OPINT (Vigipirates, Sentinelle), "la dotation est de deux treillis complétée de brodequin, gants, genouillère, coudière, lampe frontale". Mais il faut les rendre "propres: "Les effets prêtés et réintégrés doivent être propres".

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2015 4 17 /12 /décembre /2015 08:55
photo Armée de Terre

photo Armée de Terre

 

16/12/2015 Armée de Terre

 

L’ex-international de rugby, consultant, animateur-radio et comédien Vincent Moscato est #FierdeNosSoldats. Parrain du 12e régiment de cuirassiers, il a tenu à rencontrer et à apporter son soutien aux militaires engagés actuellement dans l’opération SENTINELLE en Ile-de-France.

 

Depuis plus d’un an, Vincent Moscato participe activement à la vie du régiment du Loiret, comme en témoigne un spectacle joué en mai dernier, dont les bénéfices ont été versés au profit des blessés de l’armée de Terre. Lundi 14 décembre, son engagement a pris une nouvelle tournure : il a tenu à rencontrer la section du 12e RC déployée sur SENTINELLE à l’aérogare d’Orly pour assurer la surveillance et la sécurité du site. C’est autour d’un café que l’artiste a pu échanger avec les militaires sur leurs impressions et leur mission. En toute simplicité et convivialité, rires et anecdotes ont ponctué cet échange chaleureux et décontracté au cours duquel Vincent Moscato avouera même « avoir eu l’intention dans son jeune temps de s’engager dans l’armée de Terre » ! A l’image du 12e RC, durant ces fêtes de fin d’année, près de 10 000 soldats de l’armée de Terre sont déployés #AuContact de la population pour assurer leur mission de sécurisation du territoire national. Pour les soutenir, vous aussi postez vos messages/photos sur les réseaux sociaux avec le hashtag #FierDeNosSoldats .

Partager cet article
Repost0
2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 19:55
photo EMA / Ministère de la Défense

photo EMA / Ministère de la Défense

 

25.11.2015 Commission de la défense nationale et des forces armées Compte rendu n° 21

 

Note RP Defense: mise en gras du texte par mes soins.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Nous accueillons aujourd’hui le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, que je remercie d’être parmi nous, malgré un emploi du temps très chargé. La dernière fois que vous êtes venu devant nous, général, le 15 octobre dernier, vous avez dit que nous étions dans une phase de rupture stratégique. Malheureusement, les événements ne vous ont pas démenti.

 

Général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées. Dans les circonstances difficiles auxquelles notre pays fait face, vous avez souhaité m’entendre sur la participation des armées à la protection du territoire national et les actions militaires menées au Levant contre Daech.

 

Je vais essayer de vous répondre le plus clairement possible et sans langue de bois. Je vous parlerai en chef militaire : en partant de l’analyse de la menace, puis, en vous disant comment la stratégie militaire générale répond et s’adapte à cette situation sécuritaire. Enfin, je terminerai avec mes points d’attention.

 

Pour commencer, donc : quelle est la menace ?

 

Lors de son intervention du 16 novembre devant le Congrès rassemblé à Versailles, le président de la République a clairement désigné notre ennemi : Daech.

 

Qui est-il ? C’est un réseau d’individus sectaires, djihadistes islamistes radicaux, qui poursuit un projet global de subversion politique et religieuse. Ce projet est parfaitement raisonné ; il a été théorisé depuis les années 2004-2005 dans un texte d’Abu Bakr Naji qui a été traduit en français en 2007 sous un titre parfaitement clair : « Gestion de la sauvagerie ».

 

Il cherche l’implosion des sociétés, l’installation d’un chaos propice à l’émergence d’un néocalifat. Voilà son but ! Le terrorisme n’est pour lui qu’un moyen parmi d’autres d’arriver à ses fins. Nous ne faisons pas la guerre à un procédé, ni à un terrorisme désincarné, mais à ces groupes djihadistes.

 

Quelle est leur stratégie ? Elle passe d’abord par un enracinement territorial, qui ignore totalement les frontières des États. Mais les territoires que contrôle Daech au Levant lui procurent soutiens et ressources à une échelle qui n’a pas de précédent : finances, mais aussi exécutants. Je rappelle qu’environ 10 millions de personnes vivent sous son contrôle direct.

 

Cette assise territoriale est son centre de gravité. C’est à partir de ce fief qu’il planifie, prépare, télécommande ses attaques, et à partir de ses bases qu’il embrigade, fanatise, entraîne ses candidats au djihad.

 

Mais ne nous leurrons pas : si Daech tire sa puissance de ce pseudo « état islamique », plus ou moins géographiquement circonscrit, sa stratégie est bien une stratégie d’expansion et de subversion qui utilise les moyens modernes de communication et de transport pour s’affranchir des frontières. Il essaime dans la bande sahélo-saharienne, au Sinaï, au Yémen, en Libye. Le djihadisme islamiste vise une connexion opérationnelle, voire géographique, de différents groupes au Moyen Orient, au Sahel et dans la corne de l’Afrique.

 

Peu importe l’étiquette ou le nom revendiqué – Daech, AQMI, AQPA, al-Nosra, qui ne sont que des masques –, ils possèdent tous la même matrice. N’oublions pas qu’Al-Qaïda avait trouvé une base chez les talibans en Afghanistan, qu’au Sahel, AQMI voulait installer un califat et que Boko Haram et les Shebab prétendent eux aussi administrer des territoires.

 

C’est pourquoi je voudrais vous livrer trois éléments caractéristiques de ces groupes.

 

Premier élément : le pouvoir d’attraction. La force de Daech ne réside pas uniquement dans le nombre de ses recrues et ses capacités de financement tirées du pétrole, des trafics et des razzias ; elle tient surtout à l’attraction, voire à la fascination qu’elle exerce.

Daech met en avant une caricature religieuse et spirituelle qui donne de l’épaisseur à la motivation de ses recrues. C’est parce qu’il fournit une identité de substitution, à travers l’évocation d’un passé idéalisé et d’un futur fantasmé, que cet idéal dévoyé a une résonance chez certains – plutôt jeunes – désespérés, exclus, affamés, humiliés – réels ou estimés.

Pour autant, il n’y a pas de déterminisme simple du candidat au djihad. Il n’y a pas de profil type, aisément identifiable, ce qui rend notre ennemi protéiforme et insaisissable.

 

Deuxième élément : les modes d’action utilisés. Ils visent à contourner la puissance des pays occidentaux. Ils sont redoutablement variés : ce sont les cyberattaques, les engins explosifs improvisés, les snipers, les attaques suicides. Ces capacités sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont peu coûteuses, aisément accessibles, et qu’elles se combinent facilement à l’idéal de mort et au fanatisme des djihadistes.

L’emploi de ce mode d’action au cœur de Paris est une rupture, non seulement d’échelle, mais aussi de nature. Ce sont des actes de guerre. Ils révèlent, dans l’horreur, le lien étroit qui existe entre la sécurité extérieure et la sécurité intérieure. Je vous en ai parlé à de nombreuses reprises : cette fois-ci, nous y sommes !

À ces modes d’actions, il faut ajouter les attaques continues et efficaces dans le champ de l’influence et des perceptions. Elles véhiculent, par internet et les réseaux sociaux, une propagande agressive, réactive et de grande qualité technique, qui cherche à discréditer nos valeurs et notre modèle de société.

Cette propagande, cette idéologie incarnée par une théâtralisation de l’horreur, nourrit la violence en lui donnant une résonance sans précédent. Elle est au bilan efficace : elle crée un appel d’air de candidats djihadistes et agit sur une partie de notre propre population. Ils utilisent parfaitement l’ambivalence de nos moyens de communication et de notre société de l’information immédiate et continue, ainsi que la mondialisation et le rétrécissement de l’espace. En cela, cette propagande menace notre société et fait surgir la violence au cœur de nos démocraties.

 

Cela me conduit naturellement au troisième élément, que je veux détailler : le jusqu’au-boutisme. Il s’exprime dans les modes d’action que je viens de décrire, mais je veux l’évoquer en tant que tel, car il conditionne la dimension psychologique du combat que nous engageons. Dans sa fuite en avant, Daech recherche la rupture par une surenchère de la terreur. Il s’appuie en cela sur le mépris de la mort de ses djihadistes. Cette terreur, mise en scène, vise un effet de sidération chez la victime et alimente les forces, que j’appellerai « immorales », des terroristes. Aujourd’hui, parmi les membres des katibas – quel que soit l’âge de ces hommes ou de ces femmes –, la seule compétition qui soit est souvent celle du martyre. Les exactions d’une cruauté sans nom commises en Syrie, en Irak ou en Libye sont la cause d’une totale désinhibition de la violence chez les djihadistes : viols, décapitations, tortures les plus abjectes, crucifixions publiques, esclavage des femmes. Tout cela à moins de quatre heures de vol de Paris.

Face à cet adversaire, à cette idéologie et à cette situation sécuritaire, nous devons inscrire nos actions dans le temps long. Vaincre demandera des années d’endurance, de constance et de persévérance.

Mais, pour vaincre ce phénomène, nous devons le comprendre et lutter contre toutes ses dimensions. Je vous propose maintenant de vous dire quelle est la part de la réponse militaire. Face aux groupes armés terroristes, quelle stratégie militaire ?

 

Vis-à-vis de cette violence, la force est indispensable. Pour la mettre en mouvement, les leviers résident toujours dans la conjonction et la combinaison de trois éléments : la volonté, les moyens et l’engagement. Vouloir, pouvoir, agir : trois dimensions qui structurent ma stratégie militaire générale. Je voudrais détailler successivement comment ces trois dimensions permettent de répondre militairement à la situation sécuritaire que nous affrontons.

 

Première dimension : la volonté. C’est le « vouloir » de l’engagement militaire. Cette volonté est d’abord politique : c’est celle du président de la République, chef des armées, sur proposition du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Elle s’exprime à travers la chaîne de commandement de notre pays, qui est extrêmement efficace et permet que les décisions prises au sommet de l’État produisent des effets sur le terrain en quelques heures. Les actions que j’ai proposées immédiatement après les derniers attentats l’ont montré : elles ont été mises en œuvre sans délai.

Le dispositif Sentinelle a été renforcé : plus 1 500 soldats dans la nuit même du vendredi 13 au samedi 14 novembre ; 1 000 hommes supplémentaires dès le dimanche soir, puis 2 000 autres dans les deux jours qui ont suivi. Au total, ce sont donc à nouveau 10 000 soldats qui arment la seule opération Sentinelle moins de quatre jours après les attentats – je rappelle que le contrat fixé en janvier dernier prévoyait un délai de sept jours.

Pour la défense de l’avant, notre aviation de combat a détruit six objectifs importants de Daech : pour l’essentiel, des centres de commandement et des centres d’entraînement terroristes situés à Raqqa en Syrie. Des actions terroristes étaient planifiées et préparées à partir de chacun de ces centres. Ces six raids massifs, dont le premier a eu lieu dans la nuit du 15 au 16 novembre, ont donné lieu à des frappes robustes – entre 15 et 20 bombes chaque soir – et permis d’obtenir des résultats probants. On leur a fait mal – cela n’est pas une simple formule.

Notre porte-avions a appareillé mercredi matin 18 novembre de Toulon. Il nous procure en Méditerranée orientale, puis, le moment venu, dans le golfe arabo-persique, une capacité supplémentaire de frappe et une plateforme de renseignement totalement interopérable avec nos alliés américains. Nous avons mené avant-hier nos premières frappes en Irak et en Syrie. J’étais sur le porte-avions et je suis fier du groupe aéronaval, qui fait honneur à la France.

Je souligne le fait que toutes ces actions ont été menées en maintenant, au prix d’un véritable effort, toutes nos autres missions : dissuasion nucléaire, protection des approches maritimes et aériennes du territoire, opérations extérieures (OPEX).

Vous le voyez : par l’action des armées, la réactivité et le professionnalisme de nos soldats, marins, aviateurs, la volonté s’ancre dans l’action ; elle se concrétise sur le terrain. Cette remarquable capacité de réaction, en moins de cinq jours, a été possible parce que notre modèle d’armée a conservé des capacités militaires robustes et polyvalentes. Soyez-en remerciés, car je sais l’action déterminante que vous avez menée pour ce faire. Il faut le dire, à temps et à contre temps, notamment pour préparer l’avenir.

 

Deuxième dimension : les moyens en tant que tels, c’est-à-dire « pouvoir ». La capacité de « pouvoir », si je puis m’exprimer ainsi, suppose que soient réunis trois impératifs. Le premier est la nécessité d’une capacité autonome d’appréciation de situation, au niveau stratégique et tactique. Il s’agit dans le cas présent de connaître et de comprendre le fonctionnement de Daech et celui des filières des combattants étrangers.

 

Le deuxième impératif est l’aptitude de nos armées à agir en « autonome ». C’est-à-dire à planifier et à conduire une opération dans l’urgence, sur le territoire national comme au loin, dans des situations dégradées ou de chaos.

 

Le troisième impératif est l’aptitude à garder l’initiative. Cela suppose de pouvoir frapper notre adversaire au plus loin, de lui imposer notre rythme. Dans les affrontements armés d’aujourd’hui, c’est cette surprise, cette incertitude, cette « foudroyance », cette reprise de l’initiative tactique qu’il faut rechercher.

 

Ces trois impératifs n’en forment en réalité qu’un seul : préserver un modèle d’armée complet. Parce que les menaces sont multiples, qu’elles ne peuvent hélas se réduire à Daech et qu’elles se présentent chaque jour sous une forme différente, nous devons entretenir une palette de moyens à « large spectre ». Il faut, pour défendre notre pays, s’adapter à la menace, au plus près comme au plus loin, dans toutes ses dimensions capacitaires. C’était tout l’enjeu de l’actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) : maintien du modèle complet d’armée, qui procure aux armées françaises des moyens à la hauteur des ambitions affichées. C’est aussi la traduction concrète du triptyque menaces-missions-moyens, qui doit en permanence être cohérent pour éviter le grain de sable.

 

Troisième dimension : l’engagement ; c’est la capacité à « agir ». La volonté et les moyens n’ont de sens que s’ils sont employés au service de l’action.

Face à une multiplicité des lignes de front, il faut une défense dans la profondeur, toujours plus efficace qu’une défense linéaire.

Cette défense passe d’abord par la dissuasion nucléaire, qui garantit la survie de la Nation en sanctuarisant ses intérêts vitaux. C’est la première de nos missions et notre ultime assurance. Gardons-nous des effets de mode !

Au plus loin, ce sont ensuite les OPEX. Seules les armées ont l’organisation, les capacités et les savoir-faire pour mener les opérations de guerre de nos actuels théâtres d’opérations extérieures.

En périphérie de notre territoire, c’est la protection des approches de notre pays, avec la posture permanente de sûreté et ses composantes aérienne et maritime. Là encore, les armées sont aux avant-postes de la sécurité des Français.

Au plus près, enfin, sur le sol national, les armées agissent en appui des forces de sécurité intérieure. Leur emploi sur le territoire national n’est pas nouveau, mais cette mission de lutte contre le terrorisme est d’une nature nouvelle : Sentinelle ne doit pas être l’excroissance de Vigipirate ! Autre contexte, autre ennemi, autre doctrine, autre dispositif.

 

Parce que nos moyens sont comptés, ils doivent être valorisés au mieux. Au vu du besoin de protection de nos concitoyens – que je ressens et qui s’inscrit dans le temps long –, nous ne pouvons pas nous permettre de sous-employer ni de « surconsommer » nos soldats. Notre déploiement actuel de 10 000 hommes – qui est considérable, sans compter les 3 000 pour la défense aérienne et la protection des côtes – doit être exploité au mieux. Ne pas le faire, c’est nous affaiblir face à un adversaire qui cherche justement à réduire nos capacités de réaction et à nous rendre prévisibles dans des dispositifs statiques et visibles. Il faut reprendre l’initiative tactique, dissuader les adversaires et rassurer les Français.

 

Les attaques commises sur notre sol, d’une immense violence, perpétrées par des kamikazes, montrent de façon dramatique et odieuse que les terroristes du Stade de France, du Bataclan ou de Saint Denis sont semblables à ceux que nous avons combattus en Afghanistan. Ce sont les mêmes que nous combattons en ce moment au Mali. Nos armées ont une expérience à proposer, acquise sur ces théâtres d’opération. Elles possèdent des savoir-faire et des moyens d’observation, de surveillance, de contrôle de zone, ou d’intervention qu’elles sont parfois les seules à mettre en œuvre et, par l’expérience en OPEX, à maîtriser.

 

En d’autres termes, les forces armées n’ont pas vocation à agir « à la place », mais bien en complémentarité des forces de sécurité intérieure. Face à des groupes armés qui utilisent des modes d’action guerriers, mettons à profit nos capacités militaires en termes de planification, d’autonomie, de réactivité, au service de la sécurité des Français, sous la responsabilité, bien sûr, du ministère de l’Intérieur, responsable de la sécurité intérieure. Le dialogue excellent entre les préfets et les officiers généraux de zone de défense mérite d’ailleurs d’être souligné.

 

Opérations extérieures, missions intérieures, surveillance et contrôle de l’espace aérien et des approches maritimes, renseignement, cyberdéfense : ce sont toutes ces actions que nous devons combiner pour agir dans la profondeur de l’adversaire.

 

En définitive, je crois que nous avons dans ces trois dimensions l’ensemble des facteurs de succès pour réussir. À la condition d’être attentifs à différents éléments importants.

 

Mes points d’attention sont au nombre de quatre.

 

Premier point : pour répondre aux menaces, l’adéquation entre les moyens qui sont donnés aux armées et les missions qui leur sont confiées. C’est en quelque sorte l’effort de guerre à consentir. La volonté de combattre l’adversaire doit prendre corps dans les moyens d’action ; elle doit se traduire par un effort financier, qui doit lui aussi s’inscrire dans le temps et être à la hauteur des enjeux.

D’abord, le temps court, qui est celui du projet de loi de finances (PLF) 2016, qui devra intégrer les dernières décisions du chef de l’État. L’adéquation missions-moyens, qui a présidé à l’actualisation de la LPM, doit continuer à guider ce nouveau PLF, en intégrant notamment les dépenses supplémentaires liées à cette guerre. Les discussions sont en cours et l’arbitrage est imminent au sommet de l’État.

Puis le temps long, qui est celui de l’objectif, rappelé lors du sommet de Newport, des 2 % du PIB consacrés à notre défense à horizon de 2025, contre 1,7 % aujourd’hui. Je rappelle que les Français dépensent plus de 45 milliards d’euros chaque année pour leurs assurances – ce qui est presque 50 % de plus que le budget de la Défense, qui est pourtant la meilleure assurance de la Nation.

 

Deuxième point d’attention : l’approche globale. Vous ne serez pas surpris : j’évoque ce point à chacune de mes auditions. Gagner la guerre ne suffit pas, il faut gagner la paix ; seule une telle approche le permet. La force seule n’est pas en soi une solution ; elle est un levier, un moyen au service de la défense et de la sécurité collective. Gagner la paix nécessite aussi des succès sur les plans de la justice, de l’éducation, de la gouvernance et du développement. Avant tout engagement militaire, il faut une stratégie et des objectifs clairs. Si la complexité des racines du terrorisme rend souvent difficile l’établissement d’une stratégie globale, il faut nécessairement penser au-delà des seuls effets militaires. D’autant qu’il n’y a pas de victoire militaire possible à court terme au Levant.

 

Troisième point d’attention : le respect du droit et de l’éthique. Face au terrorisme, plus que jamais, nous devons brandir la force pour nous opposer à la violence, la violence la plus extrême. Mais nous devons nous garder de tomber dans un mimétisme où nous perdrions notre légitimité. Céder à la violence, à la discrimination, à la non-distinction des moyens, c’est l’échec de la mission. Plus encore, c’est l’échec de la conscience collective. N’oublions pas que les terroristes savent très bien se nourrir de ce qu’ils présentent comme une répression aveugle. Une victime innocente crée mécaniquement plusieurs nouveaux combattants avec la rage au ventre.

Cette responsabilité est en particulier celle du chef militaire et de la chaîne de commandement, qui est le ciment de nos armées. De sa solidité et de son épaisseur, technique, tactique, mais surtout éthique, dépend la véritable efficacité de la force. C’est pourquoi j’attache la plus grande importance à la formation éthique des hommes et des femmes de nos armées. Cette formation est continue tout au long du service sous l’uniforme ; elle s’ancre dans l’exemple de notre style de commandement, qui place en son centre la dimension humaine. L’éthique est le pendant de la détermination.

 

Quatrième point d’attention : l’esprit de défense. L’armée est l’émanation de la Nation ; elle en est son bras armé. L’esprit de défense est une valeur collective – je peux vous dire, à l’aune des témoignages que j’ai reçus ces derniers jours, qu’il est bien vivant. La Nation entière est derrière son armée et ses forces de sécurité intérieure, auxquelles je veux d’ailleurs – devant vous – rendre un hommage appuyé.

Cet esprit de défense me rend confiant et renforce ma détermination à accélérer la rénovation de notre système de réserve. Les réserves font partie intégrante de notre modèle d’armée professionnelle. Vivier de multiples compétences, professionnels à temps partiel, pivot du lien armée-Nation, les réservistes peuvent davantage aider à la protection du territoire national. Qui connaît mieux son canton, sa ville, son département, que celui qui y vit et y travaille ?

Je crois que la situation actuelle doit aider à faire sauter certaines réticences des entreprises ou de la fonction publique et à faire disparaître les barrières administratives qui contraignent actuellement l’emploi des réserves. Qui oserait dire le contraire ?

Cet esprit de défense, source d’espérance, s’appuie sur les valeurs qui ont fait notre pays. Face au discours de haine de nos adversaires qui veut diviser les Français, je crois que l’exemple de nos armées peut apporter un « contre narratif », comme on dit aujourd’hui, solide et concret.

En tant que chef militaire, praticien de la jeunesse, qui la côtoie au quotidien sur les théâtres d’opérations, dans les casernes, les ports ou les bases aériennes, je peux vous garantir que nous avons une belle jeunesse. Elle est généreuse, a le goût de l’effort et du dépassement de soi et fait preuve de courage, qui peut aller jusqu’à l’héroïsme. Nos jeunes militaires, qui sont issus de la société civile dans toute sa diversité, nous le prouvent au quotidien, au service de la Nation.

Nos militaires défendent avec foi les valeurs de la France : la liberté, ils combattent pour elle ; l’égalité, ils la vivent sous l’uniforme ; la fraternité, qui est leur quotidien.

 

En conclusion, le niveau de menace est inédit et durable. Le choc profond, auquel nous assistons, remet en cause, d’une manière qui semble imparable, l’un des traits fondamentaux de l’ordre westphalien, la sécurité des sociétés à l’intérieur des frontières étatiques. C’est une rupture stratégique.

 

Haussons la garde à la hauteur de l’adversaire. Avec calme et détermination, restons debout et fiers des valeurs que nous défendons. Restons vigilants quant aux moyens qui sont donnés à nos armées. Restons unis derrière les hommes et les femmes qui risquent leur vie, sous l’uniforme, pour défendre la France et les Français.

Vous pouvez compter sur ma totale loyauté et mon engagement sans faille et je sais compter sur votre plein soutien.

 

(Applaudissements de la commission)

 

Mme la présidente Patricia Adam. Général, je vous remercie au nom de la commission pour votre témoignage, qui est important. Vous avez cité plusieurs propositions, notamment sur le budget, vos moyens et la question des réservistes, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé.

Nous rendons évidemment un hommage appuyé à tous vos soldats. Nous connaissons le travail qu’ils effectuent aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, leur professionnalisme, leur engagement – en particulier de notre jeunesse qui, avec le sentiment d’appartenance à la Nation et à la défense qui l’anime, est capable d’aller très loin. Comme vous le savez, nous les accompagnons tous les jours en leur rendant visite.

 

M. Jean-Jacques Candelier. Je salue le courage et le professionnalisme de nos militaires.

Notre matériel vieillit et est soumis à rude épreuve : quel est son état et sa disponibilité opérationnelle, notamment celui restant dans les unités ? Quel est son âge moyen et qu’en est-il du taux de renouvellement de celui arrivant en fin de vie ?

Est-il exact que les drones achetés aux Américains ne nous permettent pas d’accéder à toutes les données de fonctionnement et d’exploitation ?

S’agissant des frappes, la France a-t-elle ses propres moyens de reconnaissance et de renseignement pour établir des cibles en Syrie ?

 

M. Damien Meslot. Je m’associe à mes collègues pour remercier nos forces armées pour ce qu’elles font à l’intérieur de notre territoire comme à l’extérieur.

S’agissant de Sentinelle, le chef d’état-major de l’armée de terre nous disait son souhait d’avoir davantage d’équipes mobiles : avez-vous l’intention de faire évoluer le dispositif dans ce sens ?

Pouvez-vous nous faire le point de l’évolution des positions de Daech en Syrie et en Irak après les bombardements que nous avons effectués, certaines informations dans la presse nous laissant penser que cette organisation reculerait ?

 

M. Daniel Boisserie. J’ai rarement vu un invité être applaudi comme vous l’avez été ce matin – je crois que c’est la première fois !

Certains pays européens sont enfin en train de se soucier de la sécurité et peut-être de s’engager sur certains théâtres d’opérations, comme l’Irlande : qu’en pensez-vous ?

S’agissant de la réserve, comment comptez-vous l’organiser, territorialement notamment ?

Enfin, vous avez ouvert un compte Twitter : pouvez-vous nous en parler ?

 

M. François de Rugy. Je souhaiterais saluer votre intervention et, à travers vous, l’engagement des soldats français.

Concernant Sentinelle, qui est sans doute une opération durable, qu’en est-il de la doctrine retenue ?

Enfin, quelles précisions pouvez-vous nous apporter s’agissant de l’intervention en Syrie ? L’engagement de troupes au sol est-il envisagé et envisageable au regard de nos engagements dans d’autres opérations extérieures ?

 

Général Pierre de Villiers. Concernant l’âge des équipements, nos ravitailleurs ont plus de cinquante ans, nos véhicules de l’avant blindés (VAB) trente ans en moyenne et certains de nos bateaux vingt-cinq à trente ans. Il est temps de les renouveler : c’est tout l’enjeu de la LPM et de son actualisation. Je souhaiterais bien sûr que cela aille plus vite, surtout compte tenu de la dureté de nos engagements. Mais les dernières décisions budgétaires que vous avez votées constituent un effort important : budgétisation de l’ensemble des ressources exceptionnelles ; non-déflation de 18 750 effectifs (à laquelle s’ajoute la récente décision du président de la République). Ce qui m’importe, plutôt qu’un débat stérile sur la demande de moyens supplémentaires, est d’avoir les moyens permettant d’accomplir les missions qui me sont confiées. La débrouillardise à la française a en effet atteint ses limites. Si on me donne une mission supplémentaire, je demande les moyens correspondants ou bien j’en annule une autre.

 

S’agissant des cibles en Syrie, nous avons bien nos propres moyens de renseignement, satellites et vols de reconnaissance ISR – Intelligence Surveillance and Reconnaissance. C’était en effet l’objectif de la décision du président de la République en septembre d’effectuer ces vols au-dessus de ce pays pour pouvoir préparer de manière autonome des dossiers d’objectifs, ce que nous avons fait au bon moment. Nous avons par ailleurs pu travailler de manière accélérée avec les Américains depuis le 13 novembre. Cette capacité autonome est fondamentale.

 

Quant à Sentinelle, elle donne lieu à une rupture stratégique. On peut discuter de l’emploi des armées sur le territoire national, mais non de ce qui constitue un postulat : les Français veulent être protégés, là où ils se trouvent, et il est de la mission des militaires d’y contribuer.

Par ailleurs, raisonner avec un dispositif ancien dans une situation nouvelle est une erreur. Sentinelle ne doit pas être conçue par rapport à Vigipirate, constitué en fonction d’un certain type de terrorisme. Nous avons ce débat interministériel depuis janvier ; le Président de la République a décidé le 29 avril de pérenniser les 7 000 personnels de Sentinelle sur le territoire national et demandé une réflexion doctrinale interministérielle pour passer de « Vigipirate-Sentinelle » à quelque chose d’autre, en complément du dispositif des forces de sécurité intérieure. La nécessité de ce débat est d’autant plus vive après les récents attentats et le passage à 10 000 hommes à nouveau déployés sur le territoire national. Je tiens une nouvelle fois à souligner la qualité du dialogue entre les préfets et les officiers généraux de zone de défense, notamment sur les effets recherchés – à partir desquels nous, experts militaires, déterminons les modes d’action et les moyens, en liaison avec les forces de police et de gendarmerie. Nous avons une expérience récente à grande échelle en la matière, grâce notamment au réseau Acropol. La synergie existe : il nous faut donc arbitrer une doctrine, sans oublier le volet juridique, puisque nous ne sommes pas dans le droit de la guerre, mais dans le cadre de la légitime défense sur le sol national. Je crois que nous sommes sur la bonne voie.

Ce que nous pouvons apporter, c’est de la mobilité, du contrôle et de la surveillance de zones, du renseignement par nos patrouilles habituées à observer des phénomènes anormaux, retransmis immédiatement par Acropol aux forces de sécurité intérieure. Nous pouvons apporter en outre nos moyens d’opérations nocturnes, nos équipements et, surtout, le fait que nous soyons régulièrement confrontés à des modes d’action de guerre, dont je crains qu’ils ne se renouvellent. La singularité de notre situation est que ceux qui nous attaquent sur notre propre sol sont ceux qui le font aussi à l’extérieur.

 

L’opération Barkhane est un succès car nous avons inversé l’effet de surprise. Avant, nous étions surpris en permanence depuis des années au Nord Mali par de petits groupes terroristes, très mobiles, qui nous attaquaient toujours là où on n’avait pas prévu. Mais, selon l’expression utilisée en rugby, « les mouches ont changé d’âne ». Pour gagner la guerre, il faut reprendre l’initiative tactique. Cela est aussi valable pour Sentinelle.

 

S’agissant de l’Irak, les choses ont bougé ces dernières semaines de façon très claire : Daech n’est pas vaincu, mais commence à reculer. Baïji, qui est le verrou vers Mossoul, a été repris, et Ramadi est en passe de l’être. Les Kurdes viennent de reprendre Sinjar et l’axe de ravitaillement fondamental pour Daech entre la « capitale » politique, Mossoul, et la capitale logistique et militaire, Raqqa, a été coupé. Notre stratégie est de bombarder Daech là où il se trouve, avec des objectifs ciblés ou des bombardements tactiques en appui de la progression au sol des forces locales irakiennes, réunissant si possible sunnites et chiites, et les forces kurdes, les Peshmergas.

 

Concernant la Syrie, la situation s’est également améliorée. Daech est sous pression. L’arrivée des Russes, il y a quelques semaines, a accru la capacité de bombardement. Je rappelle qu’en dehors de la Russie, il n’y a en ce moment que trois pays qui bombardent en Syrie : les États-Unis, la France et la Turquie. Daech n’a plus d’initiative tactique : dès que ses combattants sortent du bois, ils sont immédiatement frappés. Cela explique d’ailleurs peut-être la rafale d’attentats de cette organisation dans le monde entier, avec ses frappes hier encore en Égypte et en Tunisie. Quand Daech va commencer à reculer, il y a un risque de reflux de ses combattants et d’être frappés par ceux-ci dans les régions où ils sont. Nous sommes entrés depuis quelques jours dans la deuxième phase de la stratégie de la coalition, qui est celle du démantèlement.

 

Au sujet de l’Europe, j’espère que l’appel de la France relatif à l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne sera entendu de deux manières : d’une part, au travers d’une prise de conscience de la gravité de la situation au plan stratégique et de l’accroissement des budgets de défense des pays européens ou, en tout cas, de l’arrêt de leur décroissance ; d’autre part, grâce à l’aide des pays européens, que ce soit sous forme de chasseurs supplémentaires, d’une assistance au profit de l’armée irakienne ou de l’opposition syrienne libre en formations ou en moyens, de flottes stratégiques ou tactiques, d’ISR, de drones, d’avions, de meilleur échange du renseignement au plan européen ou encore de financement. J’espère aussi l’exonération, dans le calcul des déficits publics, des dépenses d’investissement de défense, considérant qu’au travers de la défense de l’avant, nous contribuons grandement à la sécurité de l’Europe. J’ai cru comprendre que les lignes commençaient à bouger sur ce point, ce dont je me réjouis. Car j’ai sincèrement le sentiment que les armées françaises portent une partie de la sécurité de l’Europe.

 

S’agissant des réserves, vous savez combien j’y suis attaché. Nous n’avons pas fait la réforme structurelle nécessaire lorsque nous avons professionnalisé nos armées en 1996. L’objectif du projet Réserves 2019 est de porter le nombre de réservistes opérationnels de 30 000 à 40 000, d’accroître leur réactivité – en réduisant le délai entre le moment où ils sont convoqués et celui auquel ils arrivent – ainsi que notre organisation et leur emploi dans des missions attractives, sans oublier la territorialisation et la connaissance du territoire : remailler la France dans ses points sensibles, en particulier grâce à l’apport de ces personnels. Ce projet doit être conçu en complément des forces d’active. Par ailleurs, cela ne supprime pas les réservistes citoyens. Le projet est inscrit dans la LPM actualisée : il faut le mettre en œuvre avec ce volet un peu particulier de la défense du territoire.

 

Pour ce qui est de l’engagement au sol en Syrie, on ne gagnera la guerre que par une action au sol appuyée par des bombardements aériens. Mais envoyer des soldats français ou occidentaux serait une fausse bonne idée. Ce travail doit être mené par les forces locales ou régionales, ne serait-ce qu’en raison de la complexité du pays. Pour l’illustrer : on compte 1 500 katibats, avec des alliances, des ruptures et des recompositions continuelles.

 

Enfin, mon compte Twitter, qui a été ouvert par un très heureux hasard le premier jour des frappes du porte-avions, est justifié par l’idée que la bataille des perceptions est fondamentale, ce que Daech a, pour sa part, parfaitement compris. Cette bataille est très importante à l’égard des jeunes. J’ai d’ailleurs dit l’autre jour, à la réunion des chefs d’état-major à Madrid, que la coalition pourrait communiquer encore plus pour ne pas perdre le combat du « contre narratif ».

 

M. Philippe Nauche. Avons-nous des objectifs à moyen ou long terme en Libye ? Y a-t-il une analyse partagée avec les autres forces de la coalition concernant le risque éventuel d’une intervention à partir du sol libyen ?

Au sujet de l’incident aérien d’hier entre la Turquie et la Russie, quelle est votre analyse de cet imbroglio, qui semble compliquer les choses ?

 

M. Marc Laffineur. Je m’associe aussi aux louanges adressées à l’armée et à nos militaires.

S’agissant de Sentinelle, les militaires seraient, selon certains réseaux sociaux, armés mais sans munitions : qu’en est-il ?

Concernant la descente de l’avion russe par l’armée turque hier, les pilotes sont tombés en Syrie. Que sont-ils devenus ? S’ils ont été tués, par qui ?

Au sujet de l’Europe, y a-t-il une prise de conscience de la nécessité d’un effort collectif ?

Enfin, comment aider avec nos alliés les forces au sol sur place ?

 

M. Charles de La Verpillière. Je m’associe aux louanges adressées à nos armées et vous félicite pour la qualité de votre exposé.

Y a-t-il dans les écoles d’officiers une formation particulière aux opérations intérieures, sur le plan tactique et stratégique ?

Par ailleurs, s’il faut constituer une grande coalition, la difficulté vient de ce que, en dehors de Daech, personne n’a le même ennemi. Pour la Turquie, par exemple, l’ennemi principal restera toujours les Kurdes. Comment cette coalition peut-elle s’organiser sur le plan militaire, en intégrant la Russie, voire d’autre États de la région ?

 

Mme Édith Gueugneau. Je m’associe également aux louanges adressées à nos armées.

Les formes nouvelles de la menace conduisent à mener une réflexion pour opérer une rupture stratégique. Sans empiéter sur le travail qui sera rendu par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui la pilote, pouvez-vous en donner les principaux axes ?

Du point de vue des moyens, combien de temps pensez-vous que l’on puisse tenir dans la configuration actuelle, sachant que ce qui est demandé à nos soldats ne correspond pas à leurs missions premières et que le contexte de grande tension les sollicite aussi psychologiquement et nerveusement ?

 

M. Philippe Folliot. C’est dans les situations difficiles qu’on reconnaît la qualité d’une institution. On ne peut que s’associer à vos propos sur la façon dont nos soldats se sont comportés.

S’agissant des opérations aériennes en Syrie et en Irak, en cas de difficultés, nous avons des commandos formés pour récupérer les pilotes. Ces éléments sont-ils mutualisés entre l’ensemble des forces de la coalition ou chaque pays récupère-t-il ses propres hommes ?

Par ailleurs, comment se passe le rassemblement des services à Balard ? Apporte-t-il un véritable plus en termes de communication, d’échange et d’interarmisation ?

 

Général Pierre de Villiers. Chaque question nécessiterait des développements compte tenu de leur complexité.

 

La Libye est le hub du terrorisme, comme l’a dit le ministre de la Défense. Daech s’est implanté en Libye de manière solide puisqu’il y a au moins 2 500 combattants autour de la région de Syrte, qui se livrent à des crucifixions publiques régulières. Il y a donc maintenant quatre Libye : la Tripolitaine, la Cyrénaïque, le Fezzan et le « Daechland ». Par ailleurs, il y a une absence de coordination des différentes démarches : la démarche contre-terroriste américaine, la démarche onusienne, la démarche européenne, avec l’opération maritime EUNAVFORMED Sophia, et d’autres démarches, à connotation plus nationale.

La France bénéficie de sa capacité autonome de renseignement pour comprendre ce qui se passe et éviter d’être surprise. Par exemple par des mouvements de Daech vers le Sud, jusqu’au nord du Niger, là où nous avons notre base avancée de Madama. Nous pensons que le temps politique et diplomatique doit aujourd’hui prévaloir sur le temps militaire. J’espère que la communauté internationale trouvera une solution permettant de mettre autour de la table la Tripolitaine et la Cyrénaïque afin d’obtenir un point d’accord pour pacifier le pays, gouverner ensemble et lutter contre Daech. Il faut observer cela avec la plus grande attention, car le reflux des « foreign fighters » pourrait passer par la Libye, le nombre de combattants de Daech dans ce pays étant en augmentation.

 

Quant à l’avion russe abattu hier par la Turquie, cela illustre ce que vous disiez sur la coalition, qui est diverse. Il semble que le chasseur russe ait pénétré quelques secondes dans une « dent » de terrain turc à l’intérieur du territoire syrien. J’espère qu’on évitera toute escalade : ce n’est l’intérêt de personne alors que nous avons un ennemi commun, qui est Daech. Il faut rassembler tous les pays autour d’une volonté commune et urgente : celle de la lutte contre cette organisation. C’est le discours que j’ai tenu à mon homologue russe. Les Russes ont aussi des « foreign fighters », et ils ont, comme nous, été attaqués et perdu plus de 200 personnes lors de l’attentat contre un avion civil dans le Sinaï. Cela suffit à rassembler. Toutes les énergies doivent être déployées contre Daech. Cet incident ne doit pas nous amener à vouloir résoudre immédiatement les différences d’approches structurelles, historiques, géographiques et politiques. Il faut capitaliser sur ce qui rassemble. Je suis, pour ma part, plutôt dans l’union et l’unité et contribuerai à prôner la désescalade auprès de mes homologues.

 

Sur le territoire national, nos soldats sont tous armés : leur chargeur est approvisionné, et il y a un témoin d’obturateur de chambre permettant d’éviter les risques de mauvaise manipulation. Cela permet de riposter, comme en OPEX. J’estime donc que nous avons adopté les bonnes mesures.

 

S’agissant de l’Europe, je souhaite que ses pays fournissent à la coalition, ou dans la bande sahélo-saharienne, ou au sein des missions de l’ONU, une participation à l’effort de guerre que nous menons. La France seule n’a pas vocation à être responsable de la sécurité du monde ou de l’Europe. J’espère des moyens concrets sur le terrain. Mais il faut pour cela une volonté politique : c’est le sens de l’appel du ministre de la Défense au titre de l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne.

 

La richesse de nos armées repose sur la qualité de la formation du personnel, notamment la formation initiale, toutes catégories confondues. Je rappelle qu’en dépit de cette forme de sinistrose propre à notre pays, nous sommes admirés à l’étranger et servons de modèle à bien des armées étrangères. Nous avons d’ailleurs de nombreuses demandes de formation de pays étrangers dans nos différentes écoles, mais aussi à l’École de guerre ou au Centre des hautes études militaires. Dès que la nouvelle doctrine d’emploi sur le territoire national sera clairement établie, nous organiserons de nouveaux modules. Dans toutes nos écoles, nous insistons sur l’éthique du soldat. C’est fondamental.

 

Au sujet du territoire national, nous devons, au-delà du principe de complémentarité que j’ai évoqué, avoir une stratégie globale de défense, dans toutes ses dimensions : protection des côtes, lutte contre les trafics, action de l’État en mer, défense aérienne, cyberdéfense, espace et action au sol avec l’opération Sentinelle, qui va évoluer. J’ajoute une dimension : celle de la protection des installations de défense.

 

Je pense que nous pouvons tenir dans la durée avec les nouveaux moyens que nous avons demandés. On pourrait même aller plus loin dans certains cas, mais pour certaines durées et certains types d’engagement. Cette notion de durée est centrale dans l’analyse. Il faut faire attention à cet égard à l’expérience de nos amis britanniques, qui se sont « mis dans le rouge » avec l’Irak et l’Afghanistan et continuent d’en payer le prix. C’est ma responsabilité d’y veiller, de même que la responsabilité politique est de ne pas me demander de faire des choses que je ne peux pas faire, sauf à entamer le capital en matière de maintien en condition opérationnelle et d’entretien programmé des matériels.

 

Nous sommes effectivement sous tension et confrontés au fait que si les moyens que vous avez votés dans la LPM, humains notamment, arrivent – nous avons quasiment recruté tous les 5 500 personnels de l’armée de terre, en améliorant même la qualité de recrutement –, il faut les former pendant six mois avant de les engager. Nous sommes dans la phase la plus difficile, entre le printemps dernier, où ont été prises les décisions, et le printemps ou l’été prochain, où nous aurons fini de former les 6 000 à 7 000 nouveaux soldats.

 

S’agissant de la capacité d’aller secourir les pilotes au-delà des lignes adverses s’ils venaient à s’éjecter, elle est assurée dans le cadre de la coalition par les Américains. Le porte-avions bénéficie aujourd’hui d’une équipe prévue à cet effet, de l’escadron Pyrénées de l’armée de l’air. Je souligne à cet égard la très bonne coopération entre la marine et l’armée de l’air, coopération à laquelle je tiens beaucoup. Nous avons ainsi mené une frappe avant-hier soir, dans laquelle les deux Mirage 2000 qui ont décollé de Jordanie ont rejoint les quatre Rafale et les avions de reconnaissance venus du porte-avions. Je veille donc à ce qu’un pilote français qui décolle ait la certitude d’être récupéré n’importe où si nécessaire, de la même manière qu’un soldat français engagé au sol doit avoir la certitude qu’en cas de blessure, il sera récupéré n’importe où et soigné dans les meilleures conditions au monde.

 

Au sujet du regroupement des services à Balard, j’en ai senti le bénéfice tout de suite pour commander les opérations. Par exemple, lors de la prise d’otages dans un hôtel de Bamako vendredi dernier, il m’a suffi de prendre l’ascenseur qui est dans mon bureau pour rejoindre une salle au sous-sol, très bien équipée et permettant de visualiser l’ensemble des données concourant à la décision, où on m’a présenté la situation de la prise d’otages avec l’image du drone en direct sur grand écran – ce que je n’avais pas boulevard Saint-Germain. Cela constitue une véritable plus-value pour la gestion des crises.

Reste que je ne mesure pas encore totalement celle d’être ensemble dans un même lieu : j’y crois beaucoup, mais cela prendra du temps. Je rappelle que nous sommes les seuls au monde, avec les Américains, à avoir cette organisation. Depuis que je reçois sur place mes homologues étrangers, ils rêvent tous d’avoir un tel dispositif à leur main – ayant des problèmes sans nom pour coordonner leurs états-majors. Ce que nous avons fait est exceptionnel, même si on a pour l’instant parfois du mal à s’orienter. (Sourires). Quand je décide de tenir une réunion de crise sur tel ou tel point, la plupart de mes collaborateurs sont là immédiatement, ce qui est beaucoup plus facile qu’avant, et il n’est pas de jour où je ne voie un chef d’état-major d’armée. Au-delà de ces améliorations, il faudra sans doute plusieurs années pour tirer tout le parti potentiel du dispositif.

 

M. Éduardo Rihan Cypel. L’ambassadeur de Russie à Paris a dit ce matin que son pays était favorable à un état-major commun, incluant non seulement les États-Unis, la Russie et la France, mais aussi la Turquie : avez-vous déjà été saisi sur ce point ?

Vos centres de recrutement voient un afflux sans précédent de jeunes, ce qui montre leur volonté de s’engager : pouvez-vous nous en dire un mot ?

Enfin, je vous félicite pour votre compte Twitter. N’hésitez pas à vous exprimer sur d’autres médias si vous êtes autorisé, car votre voix est très importante pour la France en ce moment.

 

M. Nicolas Dhuicq. La France paie le prix du sang, à la différence de l’Allemagne, pour des raisons historiques. Avez-vous des contacts avec vos homologues germaniques au sujet d’une évolution de la constitution allemande à terme ?

Par ailleurs, la politique américaine depuis trente ans cherche à redessiner la carte du Proche et Moyen-Orient sur des fondements ethnico-religieux. J’ai peur d’une partition de la Syrie à terme quand je vois la situation à Jobar ou, plus généralement, à Damas.

Que pensez-vous enfin de l’hélicoptère abattu après le Soukhoï 24 ? Est-ce le fait de l’armée syrienne libre soi-disant laïque ?

 

M. Michel Voisin. Le contrat d’un militaire du rang prévoit que lorsque celui-ci le termine, il est affecté pendant cinq ans dans la réserve, dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler la R02. Environ 80 000 personnes seraient dans ce cas. Peut-on les mobiliser ?

D’autre part, je rappelle qu’un récent sondage démontre que l’opinion publique demanderait à plus de 70 % le rétablissement du service militaire, ce qui ne serait pas évidemment sans difficulté ni coût important.

 

M. Philippe Meunier. La carte des belligérants se dessine : certains pays soutiennent directement ou indirectement les islamistes et d’autres les combattent. La Turquie a confirmé hier sa politique étrangère et la France est rentrée dans le conflit en Syrie aux côtés des Russes. Puisque nous frappons avec ceux-ci les cibles ennemies, sont-ils informés de la localisation de nos frappes et nous informent-ils de leurs propres objectifs ?

Par ailleurs, une vidéo a été diffusée hier, montrant la destruction d’un hélicoptère qui serait russe avec un missile de fabrication américaine – les agresseurs islamistes ont lancé des cris de victoire. Pouvez-vous nous renseigner sur les différents types de matériels tombés entre les mains de l’ennemi et me dire si ces matériels livrés par les États opposées à Bachar el-Assad représentent aujourd’hui un danger pour nos troupes ?

 

M. Christophe Léonard. J’ai l’impression de retrouver l’esprit du début de la guerre de 1914-1918, selon lequel on va gagner très vite, alors que j’ai le sentiment qu’on s’inscrit dans une ère nouvelle depuis le 13 novembre dernier, à la fois sur notre sol et à l’extérieur.

Une des sources premières du financement de Daech est le pétrole, qui est raffiné de façon illégale en Turquie, pour l’essentiel. Que pensez-vous de l’idée consistant à fermer la frontière entre ce pays et les zones occupées par Daech, afin de tarir ses ressources – ce qui pourrait être plus efficace que les bombardements ou les actions au sol ?

 

Général Pierre de Villiers. S’agissant de la relation avec les Russes, il faut procéder par étapes et se mettre d’accord pour combattre ensemble notre ennemi commun. Une fois ce point politique réglé, nous pourrons organiser une coordination militaire. Aujourd’hui, nous n’en sommes pas là : nous avons un excellent état-major à CENTCOM, qui fonctionne bien, ainsi que des états-majors spécifiques pour les opérations navales et aériennes. Mais la Russie n’est pas intégrée à ce processus. Et s’il y a un mémorandum entre la Russie et les États-Unis permettant une déconfliction pour éviter que les avions en vol ne se télescopent, il n’y a pas à ce stade de coordination sur les cibles. Pour ma part, j’ai abordé avec mon homologue russe un point de coordination technique pour éviter que nos groupes navals et nos aéronefs ne se heurtent en Méditerranée orientale. Il y a des échanges avec les Russes depuis que le Charles-de-Gaulle est arrivé dans la zone et il y aura même des échanges croisés d’équipes sur les bateaux des deux pays de façon à se coordonner techniquement.

 

Sur le recrutement, je ne peux que me réjouir de ce qui se passe. Notre jeunesse attend un supplément d’âme, un cadre, une espérance, qui est en l’occurrence le service de la France. Les récents événements ont ravivé le sentiment patriotique. Pour les armées, rien n’a changé : nous n’avons jamais cessé d’avoir les couleurs du drapeau français dans chaque régiment, base aérienne ou sur les bateaux. Il est important pour nous de voir se lever ce drapeau et nous ne sommes pas dans l’effet de mode. Reste qu’il faut réfléchir au fait de savoir pourquoi des jeunes viennent chez nous et pourquoi d’autres partent chez Daech.

 

Ma parole est assez rare dans les médias, car c’est avant tout la parole politique qui doit porter. Mon temps est principalement consacré à l’action et ma responsabilité est de fédérer les armées derrière la mission qui m’est confiée. Cela suppose un gros travail en interne, pour que les gens comprennent qu’il faut une véritable obéissance active, dans laquelle l’adhésion l’emporte sur la contrainte – ce qui nécessite un engagement plein et entier des chefs et de moi-même.

 

De fait, la loi fondamentale de l’Allemagne doit être prise en compte dès lors qu’il s’agit de coopérer avec ce pays, en tout cas pour les opérations. J’espère que l’appel au titre de l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne sera suivi d’effets en termes de moyens. En tout cas, les militaires coopèrent entre eux et je suis très proche de mon homologue allemand. Il demeure qu’il faut une volonté politique pour avancer.

 

Monsieur Meunier, je n’ai pas d’éléments suffisamment précis pour vous dire ce qui s’est passé avec l’hélicoptère russe. Je comprends qu’il s’agissait d’hélicoptères destinés à récupérer les pilotes, mais je ne sais pas qui a tiré, quels sont les dégâts et ce qui s’est passé. Cela illustre mon propos sur la complexité – on ne dispose pas d’informations précises sur les gens qui étaient au sol à cet endroit-là – et doit inciter à la prudence.

 

Quant à la réserve RO2 dont vous parlez, monsieur Voisin, on y réfléchit dans le cadre du projet Réserves 2019. Le délai de cinq ans me paraît déraisonnable : je milite plutôt pour un délai de deux ans. Et je voudrais que la territorialisation des réserves soit un des principes majeurs de la nouvelle doctrine sur le territoire national. Le service national avait quelque chose d’exceptionnel : il était un lien avec la Nation et un creuset national. La territorialisation est un moyen de recréer ce lien.

 

Je suis bien placé pour savoir combien beaucoup veulent le rétablissement du service national. Partout où je vais, c’est pratiquement le premier sujet abordé. Cela étant, il s’agit d’un projet politique.

 

Enfin, une des ressources financières principales de Daech est en effet le pétrole. Il faut bien évidemment bombarder les sources d’approvisionnement de cette organisation mais ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Pour des raisons écologiques et éthiques, il n’est pas question de bombarder n’importe quoi n’importe comment. Je ne veux pas de dégâts collatéraux. En outre, il ne faut pas détruire l’infrastructure du pays – ce qui nous a coûté cher dans d’autres situations. La coalition a commencé à agir dans ce domaine. Il faut bien sûr couper les racines financières de Daech, qui reposent aussi sur l’impôt, lequel dépend de la confiance de la population. Cette confiance sera un des enjeux majeurs des semaines à venir : il faut que la population comprenne qu’elle doit basculer dans le camp de la coalition et de la communauté internationale. Je pense que petit à petit nous tarirons les ressources financières et humaines de Daech. Je n’ai pas de doute sur notre victoire militaire, mais elle ne sera pas à court terme, car chaque mètre doit être gagné et, tous les cent mètres, il y a des pièges à déminer, ce qui est très long, comme l’illustrent les opérations menées à Ramadi.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie.

 

*

* *

 

Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Patricia Adam, Mme Sylvie Andrieux, M. Nicolas Bays, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, Mme Nathalie Chabanne, M. Guy Chambefort, M. David Comet, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Nicolas Dhuicq, Mme Marianne Dubois, Mme Geneviève Fioraso, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, Mme Edith Gueugneau, M. Christophe Guilloteau, M. Laurent Kalinowski, M. Patrick Labaune, M. Marc Laffineur, M. Jacques Lamblin, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Frédéric Lefebvre, M. Christophe Léonard, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Paul Molac, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Nathalie Nieson, M. Jean-Claude Perez, M. Edouard Philippe, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Stéphane Saint-André, M. Jean-Michel Villaumé, M. Michel Voisin

 

Excusés. - M. Claude Bartolone, M. Malek Boutih, M. Philippe Briand, Mme Catherine Coutelle, Mme Carole Delga, M. Serge Grouard, M. Francis Hillmeyer, M. Éric Jalton, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy

 

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Lellouche, M. François de Rugy

 

Audition du général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées (25 Nov. 2015)

Partager cet article
Repost0
24 novembre 2015 2 24 /11 /novembre /2015 12:55
Audition du général Arnaud Sainte-Claire Deville, commandant les forces terrestres
 

Mme la présidente Patricia Adam.  Nous sommes heureux de recevoir le général Arnaud Sainte-Claire Deville qui succède au général Bertrand Clément-Bollé à la tête du commandement des forces terrestres, basé à Lille.

Nous avions prévu de vous auditionner, général, avant les tragiques événements de vendredi dernier afin de faire le point, avec vous, sur l’opération Sentinelle et sur son impact sur l’armée de terre. À la suite des décisions prises par le président de la République, nous auditionnerons demain, avec la commission des Affaires étrangères, le ministre de la Défense.

Vous écouter nous permettra d’être informés sur la montée en puissance de l’opération Sentinelle, sur le déploiement de l’armée de terre sur le territoire national et de nourrir le débat sur l’opportunité de l’intervention de l’armée de terre sur le sol national. Le chef de l’État a annoncé l’éventuelle création d’une garde nationale. Une mission d’information confiée à MM. Christophe Léonard et Olivier Audibert Troin a prévu de nombreuses auditions sur le sujet de l’emploi des forces sur le territoire national ainsi que des déplacements.

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville, commandant des forces terrestres. Il me semble que c’est une première pour un commandant des forces terrestres d’être entendu par la commission de la Défense de l’Assemblée. Je mesure par conséquent l’honneur qui m’est fait de m’exprimer devant la représentation nationale et vous remercie pour cette invitation.

Sans préjuger de nouvelles orientations consécutives à la tragédie de vendredi dernier, mon propos se concentrera sur l’impact de l’opération Sentinelle sur les forces terrestres, notamment depuis la décision du président de la République d’engager dans la durée 7 000 hommes sur le territoire national.

Après vous avoir présenté mes responsabilités, je m’attacherai plus précisément à définir ce que recouvre la préparation opérationnelle des forces terrestres. Puis, évoquant les conséquences de l’opération Sentinelle sur l’entraînement, je vous présenterai les mesures d’adaptation de notre système de préparation opérationnelle prises dans l’urgence pour répondre à cette situation. À l’aune de la remontée en puissance des forces terrestres, décidée en avril dernier, j’aborderai ensuite les actions à conduire pour retrouver à moyen terme un niveau acceptable en matière de préparation opérationnelle. Enfin, avant de conclure, je partagerai avec vous quelques réflexions sur un emploi rénové des forces terrestres sur le territoire national.

Le commandant des forces terrestres doit permettre au chef d’état-major de l’armée de terre d’engager, à tout moment et dans la durée, des unités organisées, équipées et prêtes pour réaliser avec succès les missions confiées par le chef d’état-major des armées. Je suis par conséquent chargé d’entraîner et de préparer aux différents types d’engagements opérationnels les 66 000 hommes et femmes qui me sont aujourd’hui subordonnés. Mon champ d’action est particulièrement vaste parce qu’il se situe sur plusieurs niveaux et s’étend de la formation individuelle du combattant jusqu’aux structures de commandement, en passant par la préparation des unités au combat.

Pour vous permettre de bien percevoir toutes les implications du déploiement massif des forces terrestres sur le territoire national, je vais vous décrire préalablement notre système de préparation opérationnelle.

L’acquisition et le maintien des savoir-faire liés aux différentes spécialités, spécifiques à chaque fonction opérationnelle, en constituent le socle. Allant de la formation individuelle à l’entraînement du niveau section, elle est appelée « Préparation opérationnelle métier ». Elle se conduit en garnison et de façon décentralisée parce qu’elle est du ressort des régiments.

Sur ces fondations se construit l’entraînement au combat interarmes qui consiste à combiner, à partir du niveau de la compagnie et au-delà, les effets des différentes fonctions opérationnelles. Cet entraînement vise à obtenir la maîtrise de la manœuvre interarmes, combinaison du feu et du mouvement, indispensable au succès des opérations aéroterrestres. Ce niveau d’entraînement, conduit dans les pôles d’excellence que beaucoup d’entre vous connaissent, que sont nos centres spécialisés de Mailly et de Sissonne, est appelé « Préparation opérationnelle interarmes ».

Le dernier niveau est la « Mise en condition avant projection ». Cette préparation spécifique permet d’adapter l’entraînement aux opérations planifiées pour que les postes de commandement, les groupements et les sous-groupements tactiques interarmes soient tout particulièrement préparés aux conditions spécifiques des théâtres d’opérations sur lesquels ils seront déployés. La préparation opérationnelle interarmes et la mise en condition avant projection, à la différence de la préparation opérationnelle métier, sont conduites de façon centralisée parce qu’elles nécessitent la mobilisation de moyens importants et une coordination avec les services et les autres armées.

Pour illustrer l’importance que revêt l’entraînement centralisé, je prendrai l’image d’un orchestre. Aujourd’hui, les pupitres, les différentes fonctions opérationnelles, maintiennent leurs compétences et jouent de façon harmonieuse chacun dans leur registre. Cependant, le niveau acquis par chaque pupitre ne suffit pas à obtenir un bon orchestre. Il faut répéter, non pas seulement avec les chefs de pupitres mais avec l’ensemble des musiciens. Le combat interarmes et le commandement interarmes imposent aussi cette pratique des répétitions nombreuses, avec la totalité des moyens, avant d’être mis en œuvre dans un théâtre particulier qui est celui des opérations extérieures. Cette exigence découle de la nature même des opérations aéroterrestres qui se déroulent toujours dans un milieu complexe, marqué par son hétérogénéité et souvent parmi les populations.

J’arrêterai là ma comparaison – la guerre n’est pas un spectacle. Cet entraînement garantit l’efficacité de nos unités et constitue la première assurance vie et la meilleure protection des combattants. Un entraînement moindre affaiblit les automatismes et met en danger les soldats. Le niveau d’entraînement est donc la résultante du produit de l’investissement consenti dans chacun de ces trois facteurs clés que sont la préparation opérationnelle métier, la préparation opérationnelle interarmes et la mise en condition avant projection.

Venons-en au sujet pour lequel vous m’avez demandé d’intervenir : l’opération Sentinelle et ses implications pour les forces terrestres, en particulier sur le plan de l’entraînement et de la préparation opérationnelle. Permettez-moi tout d’abord d’insister sur le fait que la protection constitue depuis toujours la priorité d’une armée de terre – par essence l’armée du territoire.

Les tragiques événements de vendredi dernier viennent renforcer ma conviction que nos forces terrestres doivent plus que jamais contribuer à la protection de nos concitoyens sur notre sol. Cet engagement n’est pas nouveau, il répond aux attentes des Français comme en témoignent de nombreuses enquêtes d’opinion : l’armée de terre est déjà engagée sur le territoire national depuis 1995 dans le cadre du plan Vigipirate et elle réalise des opérations spécifiquement militaires depuis 2008 au sein de l’opération Harpie en Guyane. Le déploiement de l’armée de terre sur le sol national dans le cadre de l’opération Sentinelle au mois de janvier dernier correspond à l’application d’un contrat opérationnel clairement stipulé dans le Livre blanc : « L’engagement des armées en renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile en cas de crise majeure pourra impliquer jusqu’à 10 000 hommes des forces terrestres. » Ce rôle de l’armée de terre s’inscrit alors pleinement dans l’offre globale de sécurité que la représentation nationale a validée à travers les Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et 2013.

Nous sommes confrontés, aujourd’hui en France, à une guerre irrégulière dont le principe est qu’elle n’a pas de front. La menace terroriste est omnidirectionnelle, plastique et très évolutive. Cependant, nous pouvons faire la distinction, dans le cadre de nos engagements, entre une défense de l’avant – au plus loin – en opération extérieure, et une défense de l’arrière – au plus près – sur le sol national. Sentinelle, est une opération de défense et de protection de l’arrière, de nos arrières, « au dedans » où se concentrent un très grand nombre de nos intérêts vitaux, au premier rang desquels la vie de nos concitoyens. Il y a aujourd’hui, et c’est peut-être une rupture, une continuité des menaces.

Vous le savez, les forces terrestres ont réussi à déployer, en janvier, 10 000 hommes en trois jours et, depuis lors, nous avons engagé plus de 58 000 soldats – dont 36 000 à Paris – sans incident majeur dans cette opération. Nous sommes actuellement en train de réitérer la même mobilisation qui relève d’une véritable performance opérationnelle et humaine. Ces montées en puissance n’ont été possibles que par la culture de projection et par la combinaison de plusieurs facteurs propres à une armée de terre ayant acquis une véritable maturité professionnelle.

Ainsi, l’expérience opérationnelle acquise par la confrontation à des situations de combat sur de nombreux théâtres d’engagement a conféré à nos soldats une grande maîtrise d’eux-mêmes. Qu’ils soient dans la bande sahélo-saharienne, en Centrafrique ou à Paris, ils agissent avec la même conscience professionnelle, la même rigueur et restituent ce qu’ils ont répété à l’entraînement et qu’ils ont mis en pratique en opérations.

Ensuite, ils font preuve de discernement et n’utilisent leurs armes qu’à bon escient. J’en veux pour preuve les différentes agressions auxquels ils ont fait face. À chaque fois, dans le RER de la Défense ou à Nice, la riposte a été proportionnée et l’agresseur maîtrisé avec efficacité et une grande mesure, preuve, s’il en fallait, de leur professionnalisme. J’étais à Bangui la semaine dernière où j’ai pu aussi constater cette très grande maîtrise du feu avec des soldats violemment pris à partie au milieu des populations et qui ne ripostent pas tant qu’ils n’ont pas identifié leur agresseur avec certitude.

Enfin, vos soldats manifestent une endurance remarquable. Je suis là pour porter la parole du terrain, aussi vais-je illustrer ce propos par quelques chiffres montrant concrètement ce que signifie l’opération Sentinelle pour un soldat : des journées avec des amplitudes horaires de travail de cinq heures à vingt-trois heures ; entre quinze et vingt kilomètres de patrouille à pied par jour ; pour certains, ce sera en 2015 plus de 200 jours d’absence avec entre quatre et six rotations effectuées depuis le 7 janvier sur l’opération Sentinelle, ce qui, à l’évidence, semble être un seuil de rupture qu’il ne faut pas franchir.

Cette situation nouvelle a nécessité de revoir les équilibres entre préparation opérationnelle et engagement ainsi qu’entre projection extérieure et projection intérieure. Depuis le déclenchement de l’opération Sentinelle, les forces terrestres se trouvent dans une phase de sur-sollicitation opérationnelle qui ne correspond pas aux contrats opérationnels initialement définis. Il a fallu par conséquent trouver des solutions pour parer l’urgence en adaptant nos dispositifs, tout en préservant pour nos soldats le nécessaire équilibre du temps passé en garnison avec celui passé hors de la garnison.

Tout d’abord, pour faire face à ce déploiement massif dans la durée, nous avons dû nous résoudre à des renoncements dans notre dispositif outre-mer, faute d’effectifs suffisant pour faire face à toutes les missions. Sur un an et de façon cumulée, ce sont 18 compagnies, soit 3 000 hommes, qui n’ont pas été déployées dans les territoires ultramarins.

L’entraînement a bien sûr été touché par cette mission d’importance. La préparation opérationnelle métier, réalisée normalement en garnison, a été maintenue à un bon niveau car la capacité d’adaptation des chefs de corps et l’ingéniosité des cadres ont compensé une programmation profondément bouleversée. Pour pallier l’absence importante hors garnison et le temps qui y est consacré à l’entraînement, les unités utilisent aussi les phases de moindre intensité au cours des déploiements Sentinelle pour continuer l’instruction et la formation de leurs soldats.

La préparation opérationnelle interarmes conduite dans les centres d’entraînement spécialisés a particulièrement pâti de cette nouvelle donne. De janvier à octobre de cette année, la quasi-totalité des rotations consacrées à la préparation opérationnelle interarmes dans nos centres a été annulée. Depuis le 7 janvier, la capacité à la manœuvre interarmes des unités des forces terrestres décroît donc inexorablement. Cela signifie qu’aujourd’hui nous ne serions pas en mesure de renouveler une opération comme Serval dans les mêmes conditions de déclenchement et qu’il serait très difficile d’engager dans l’urgence les forces terrestres sur un nouveau théâtre d’opérations extérieures. S’engager sur court préavis dans une opération non planifiée nécessite en effet de disposer d’un bon niveau d’entraînement interarmes que seule permet une préparation opérationnelle interarmes de qualité.

La mise en condition avant projection a été préservée mais uniquement au profit des unités destinées à être engagées sur les théâtres d’opérations les plus exigeants. Très clairement, notre priorité en termes de préparation opérationnelle demeure les opérations dures. Aussi l’accent est-il mis sur les unités engagées dans les opérations Barkhane et Sangaris. Les autres projections font l’objet d’une mise en condition avant projection réduite à l’essentiel.

Pour résumer mon propos, le niveau d’entraînement de mes forces est affecté. L’érosion de notre capital opérationnel doit tout de même être pondérée par la solide expérience acquise par nos régiments en opérations extérieures depuis ces vingt dernières années.

Renouvelant environ 20 % à 30 % de nos effectifs annuellement, nous pouvons raisonnablement estimer que, d’ici à trois ou cinq ans, sans le renfort des 11 000 recrues accordées aux forces terrestres en avril dernier, nous aurions eu, à partir de 2018, une armée de terre uniquement apte à mener à bien l’opération Sentinelle et incapable d’assumer l’opération Serval. Cette remontée en puissance est par conséquent indispensable pour nous permettre, compte tenu du niveau d’engagement intérieur et extérieur des forces terrestres, de préserver une excellence opérationnelle durement acquise et la condition des hommes et des femmes mobilisés.

Je me réjouis donc de cette décision parce qu’elle va permettre aux forces terrestres de retrouver un équilibre dans le nouveau modèle d’armée de terre – « Au contact » – et dans un nouveau cycle d’activités incluant une rénovation de la préparation opérationnelle. Actuellement, nous faisons d’abord face au défi du recrutement auquel tous les chefs de corps ont été associés par le biais d’un contrat d’objectif personnalisé mais, vous le savez, la gestion des ressources humaines est un domaine où le temps s’impose à nous. On ne manœuvre pas le paquebot des ressources humaines comme un voilier dont on peut exiger virements de bord et empannage rapides. Il en est de même pour la remontée en puissance des forces terrestres car il faut du temps pour former un soldat apte à l’engagement opérationnel. Quoi qu’il en soit, nous ne reviendrons pas aux mêmes possibilités d’entraînement qu’auparavant. C’est la raison pour laquelle nous mettrons en place, à compter d’octobre 2016, une préparation opérationnelle rénovée tenant compte de la maturité professionnelle et de l’expérience de nos unités en décentralisant davantage de processus vers les futurs commandants des deux divisions et en donnant plus d’initiative aux chefs de corps dans la construction de la programmation de leur préparation opérationnelle.

Ainsi, les entraînements en garnison et dans nos centres spécialisés nous permettront de préparer les régiments à leurs missions, la répartition entre les opérations extérieures et les opérations intérieures étant désormais inversée. Avant le 7 janvier, un soldat passait 15 % de son temps en opérations extérieures et 5 % en missions intérieures. Depuis, il passe toujours 15 % de son temps en projection hors métropole mais 40 à 50 % en opération intérieure. Lorsque nous aurons recruté, instruit, formé et entraîné nos 11 000 recrues, le soldat passera toujours 15 % de son temps en OPEX mais 20 % à 25 % en mission de protection de ses concitoyens sur le sol national. Le temps dégagé grâce à ces effectifs supplémentaires sera alors réinvesti au profit de la préparation opérationnelle interarmes et permettra par ailleurs de préserver au soldat une vie sociale minimale par un meilleur équilibre entre le temps passé en et hors garnison. L’augmentation des effectifs qui nous a été accordée en avril, nous permettra à moyen terme de retrouver à l’horizon de l’été 2017 un niveau d’entraînement acceptable pour une armée professionnelle de premier rang.

La question qui se pose aujourd’hui n’est pas de savoir s’il faut engager l’armée de terre sur le sol national mais de savoir comment l’employer.

Les forces terrestres doivent intervenir en complément des unités de police et de gendarmerie dans un cadre interministériel. Agissant aux côtés de ces forces de sécurité intérieure, il importe que nos unités soient utilisées de manière efficiente en optimisant la mise en œuvre de leurs savoir-faire spécifiques, qui restent bien évidemment adaptées à des conditions d’engagement particulières. Notre engagement en Guyane est un bon exemple de l’emploi de capacités spécifiques des forces terrestres sur le territoire national.

Les forces terrestres ont pour vocation première non pas d’agir « à la place de » mais bien en complémentarité des forces de sécurité intérieure. Or cette complémentarité s’enrichirait par la mise en œuvre de modes d’action militaire pour une meilleure efficacité globale. Le but est bien de prendre en compte ce que nous pouvons apporter de plus ou de différent par rapport à ce que font déjà les forces de sécurité intérieure. L’application de certains modes d’action éprouvés en opérations extérieures serait ainsi de nature à valoriser l’engagement des forces terrestres dans l’opération Sentinelle, au profit, in fine, d’une meilleure protection de nos concitoyens.

En avril dernier, je me suis rendu en Irlande du Nord à l’invitation de mon homologue britannique et j’ai noté que, face à une menace toujours prégnante, la coopération étroite entre police et forces armées était une des clefs de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme nord-irlandais. J’y ai constaté une unicité de direction, une coordination et une entente remarquables entre armées, police et services en exploitant par ailleurs la plus-value de la chaîne hiérarchique militaire. Le déploiement de la Royal Army complète l’éventail capacitaire sur le terrain et participe pleinement à l’acquisition du renseignement. Cet emploi conforme aux savoir-faire militaires est par ailleurs accompagné, au titre de la protection des forces, du bannissement total des gardes statiques sur la voie publique.

L’armée de terre est aujourd’hui pleinement associée aux travaux gouvernementaux en cours et notamment au rapport du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) au Premier ministre sur l’emploi des forces armées sur le territoire national. La formalisation de la posture de protection terrestre évoquée le 5 novembre dernier par le président de la République lors de l’inauguration du site de Balard devrait permettre d’apporter des réponses concrètes.

Pour répondre aux missions qui leur sont confiées, les forces terrestres se sont inscrites dans une perspective de long terme.

L’armée de terre, qui pouvait apparaître comme étant conçue d’abord comme un outil de projection pour n’intervenir que sur les théâtres d’opérations extérieures, est bien indissociable de la protection du territoire dans une offre globale de sécurité, en complément des forces de police et de gendarmerie. Elle a recouvré sa mission originelle, première et régalienne, celle de protéger le territoire national et les citoyens français. Nous l’avons d’ores et déjà intégré à notre organisation nouvelle aussi bien pour l’entraînement et la préparation opérationnelle que pour la répartition des missions entre opérations extérieures et opérations intérieures.

La réflexion en cours sur la posture de protection terrestre (PPT), avec les modes d’action qui en découleraient pour les forces terrestres, prend encore plus d’acuité et de pertinence après la tragédie du 13 novembre.

Chaque jour, des soldats veillent sur leurs concitoyens, les mêmes soldats qui, demain, partiront combattre au Mali, au Tchad, en République Centrafricaine. Leur préparation opérationnelle n’est pas négociable, à moins de les mettre en danger de mort. Les forces terrestres travaillent avec une discrétion et une abnégation qui les honorent. Elles méritent votre reconnaissance et votre attention ; elles méritent aussi de disposer des moyens matériels et humains de remplir leurs missions dans des conditions acceptables.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Sachez, général, que l’ensemble de la commission vous soutient et sait quel est votre travail et celui de vos hommes sur le territoire national comme en opération extérieure.

 

M. Christophe Léonard. Le président de la République a décidé que les effectifs militaires resteraient stables jusqu’en 2019. Trois axes d’efforts sont prévus : forces opérationnelles, cyberdéfense et renseignement. Combien faudrait-il affecter de militaires aux forces opérationnelles terrestres pour répondre à vos besoins ?

Ensuite, j’ai cru comprendre qu’au regard des axes de formation, recruter 11 000 soldats supplémentaires vous permettrait de « dégager des marges » en 2017. En cas de maintien des effectifs, le chiffre de 11 000 militaires à former jusqu’en 2017 est-il un maximum ?

Par ailleurs, en ce qui concerne l’efficacité du dispositif Sentinelle, on peut se demander s’il faut choisir entre une défense statique ou une défense mobile. Une protection mobile permettrait-elle d’engager moins de soldats sur le terrain – et êtes-vous en mesure de nous donner des chiffres en la matière ?

Enfin, vous êtes revenu, à l’occasion de l’évocation de votre déplacement en Irlande du Nord, sur la nécessaire complémentarité entre les forces intérieures et les militaires de l’opération Sentinelle. Je présume qu’une telle complémentarité suppose des outils, une doctrine d’entraînement – les avons-nous ?

 

M. Olivier Audibert Troin. Je salue votre franchise, mon général. Vos propos, forts, doivent nous faire réfléchir, notamment lorsque vous affirmez que nous n’aurions plus pu lancer une opération de type Serval sans la décision de recruter 11 000 hommes, mais aussi quand vous soulignez que la baisse de l’entraînement de nos forces est des plus préoccupantes – les membres de la commission, quelle que soit leur appartenance politique, ont du reste souvent donné l’alerte en la matière.

Vous partez d’un postulat : la question n’est pas de savoir s’il faut ou non engager l’armée sur le territoire national, mais de savoir comment. Lorsque vous évoquez la complémentarité avec les forces de sécurité intérieure, nous aimerions savoir dans quel cadre et sous quel commandement vous l’envisagez. En outre, les soldats participant à l’opération Sentinelle ne devraient-ils pas suivre un entraînement spécifique ? Vous avez apprécié le sang-froid de nos hommes participant à la force d’interposition, à Bangui, en Centrafrique où règne la guerre civile. Or, la mission des militaires sur le territoire national étant totalement différente, pensez-vous que ces hommes, malgré leur professionnalisme et leur sang-froid, sont suffisamment entraînés ? Les fêtes de Noël approchant, en effet, la situation à Paris va être un peu différente de celle de Bangui.

Ensuite, que manque-t-il à nos armées d’un point de vue juridique ? Elles n’ont par exemple pas le droit de contrôler l’identité des individus.

En ce qui concerne le recrutement des 11 000 hommes, quand sera-t-il terminé ? Éprouvez-vous des difficultés à recruter des soldats ? Les candidats vous posent-ils la question de savoir s’ils seront exclusivement affectés à l’opération Sentinelle ou s’ils seront recrutés pour tout type d’opération ?

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. L’opération Sentinelle représente un volume de 7 000 hommes dont 6 000 appartiennent aux forces terrestres. Comment est-on parvenu au chiffre de 11 000 hommes supplémentaires pour la force opérationnelle terrestre – laquelle compte 66 000 hommes ? Compte tenu de notre dispositif outre-mer, des opérations extérieures et du principe ternaire selon lequel un soldat se prépare, s’engage et se remet en condition, reste un volume disponible pour l’armée de terre de 10 000 hommes – chiffre qui correspond au contrat « Hypothèse d’engagement en urgence dans le domaine de la protection, territoire national ». Seulement, nous sommes capables de mobiliser ces 10 000 hommes pour une durée limitée.

En février, le président de la République a décidé d’installer l’opération Sentinelle dans la durée avec un volume de 7 000 hommes, ce qui a porté la contribution des forces terrestres à l’ensemble des opérations intérieures à 7 000 hommes. Si l’on applique le principe ternaire évoqué, le dispositif nécessite 21 000 hommes. Si l’on ôte à ce chiffre les 10 000 hommes que je viens de mentionner, il reste les 11 000 hommes qu’il a été décidé d’allouer à la force terrestre en avril.

Si, demain, dans le domaine de la protection du territoire national, l’hypothèse d’engagement d’urgence est portée à 10 000 hommes dans la durée – déjà nous avons déployé 1 000 hommes dimanche soir et nous sommes en train de préparer la projection des 2 000 hommes supplémentaires restants –, je considère, en tant que commandant des forces terrestres, que pour accomplir notre mission sur le territoire national tout en maintenant un bon niveau de préparation opérationnelle interarmes, si l’on applique le ratio de trois aux 3 000 hommes nécessaires, c’est de 9 000 hommes supplémentaires que j’ai besoin.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Cela correspond à la déflation encore prévue par le projet d’actualisation de loi de programmation militaire.

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. En ce qui concerne le recrutement des 11 000 hommes supplémentaires prévus par l’actualisation de la LPM, nous y parvenons à hauteur de 85 % grâce à un effort de sur-recrutement réalisé pendant le second semestre 2015 et que nous poursuivrons pendant toute l’année 2016. Parallèlement, nous tâchons de sur-fidéliser nos militaires du rang, l’objectif étant de les garder un peu plus longtemps. À l’heure actuelle, nous remplissons les objectifs fixés avec un taux de sélection tout à fait satisfaisant de deux candidats pour un poste – alors que nous étions descendus au taux de 1,4 candidat pour un poste au moment de la professionnalisation. Je tiens donc à souligner devant cette commission la grande qualité des jeunes Français qui nous rejoignent actuellement.

Ensuite, pour ce qui est de la formation, il est évident que ce sur-recrutement doit s’accompagner d’un effort de formation très important. L’armée de terre dispose de centres de formation initiale des militaires du rang ; ce dispositif tourne à plein et même davantage puisque, depuis début novembre, ces centres étaient utilisés à 120 % de leur capacité. L’année prochaine, j’ai décidé d’utiliser mes centres d’entraînement spécialisés consacrés à la préparation opérationnelle interarmes pour absorber le sur-recrutement.

Pour la formation initiale militaire nous disposons de structures fixes et nous faisons appel à l’encadrement de contact dont nous avons également besoin pour les unités engagées dans l’opération Sentinelle. La difficulté est que si nous voulions aller plus loin, nous nous heurterions à une insuffisance d’infrastructures non négligeable – il faut pouvoir héberger tous ces jeunes dans nos centres – et à une insuffisance d’encadrement. Nous sommes par conséquent au maximum de ce que nous pouvons faire pour recruter et former 11 000 hommes sur un an et demi. S’il fallait continuer à recruter, il faudrait prolonger notre effort de recrutement et de formation initiale à 2017-2018.

J’ai par ailleurs été interrogé sur les modes d’action de nos soldats. Ils sont extrêmement statiques, surtout à Paris, et notre objectif est qu’ils deviennent, à l’inverse, beaucoup plus dynamiques. Je prendrai cinq verbes pour caractériser ce que pourrait être cette fameuse posture de protection terrestre : protéger – en particulier des installations –, escorter, surveiller, contrôler des zones – avec un mélange de points fixes et de patrouilles mobiles –, enfin renseigner en fournissant des informations d’ambiance et sur le terrain au contact des différents acteurs de l’environnement.

De quels outils disposons-nous pour nous entraîner à ce type de mission ? Le général Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, dans le cadre du projet « Au contact », a décidé de créer un commandement du territoire national, qui devrait collaborer étroitement avec le centre de doctrine d’emploi des forces de l’armée de terre et le centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentation, ainsi qu’avec d’autres ministères, afin de travailler sur la préparation spécifique à ce type de mission.

Je répondrai également à la question de savoir ce que font nos hommes pour se préparer à l’opération Sentinelle. Nous n’avons rien changé à la préparation des hommes destinés à servir dans le cadre des opérations Barkhane et Sangaris. Pour ce qui est de l’opération Sentinelle, tout soldat doit avoir effectué, dans le mois qui précède son déploiement, une séance de tir avec son arme de dotation, une formation de six heures sur les techniques d’intervention opérationnelle rapprochée – les techniques de corps à corps, pour parler simplement –, sur l’utilisation d’armements à létalité réduite – je pense à la matraque télescopique, au diffuseur lacrymogène –, sur les règles d’emploi de la force, enfin sur les conditions d’exécution de sa mission.

Nos soldats sont déployés pendant six semaines, ce qui est beaucoup. Nous nous sommes par conséquent interrogés sur le fait de savoir s’il fallait réduire cette durée. Outre le fait qu’il nous aurait été difficile, dans ces conditions, de déployer des soldats, quatre semaines ne permettent quasiment pas d’assurer la préparation opérationnelle minimale ni de dispenser le module spécifique évoqué aux soldats s’engageant dans l’opération Sentinelle.

Pour ce qui concerne le cadre juridique, la volonté de l’armée de terre n’est pas de changer quoi que ce soit à la relation autorité préfectorale - autorité militaire. Néanmoins, il faut adapter ce cadre en fonction du contexte, disposer d’un catalogue de mesures à même de nous permettre de mieux utiliser nos éléments. Transformer les soldats de l’armée de terre en officiers de police judiciaire n’est aucunement notre intention, car nous ne voulons pas devenir une force de sécurité intérieure.

Je reviens un instant sur le recrutement. À partir de l’été 2017, avec les 11 000 recrues prévues, la préparation opérationnelle interarmes aura retrouvé un niveau acceptable qui nous permettra de nous engager, avec un préavis très court, dans des opérations non planifiées – étant entendu que nous en restions à un effectif de 7 000 hommes déployés sur le territoire national dans la durée.

Pour ce qui est de savoir si des soldats s’engagent uniquement pour servir dans le cadre de l’opération Sentinelle, nous ne voulons pas d’une armée de terre à deux vitesses. Le soldat que vous pouvez croiser dans le métro est le même que celui que vous verrez dans six mois au Mali ou à Sangaris. Nos soldats s’engagent pour être soldats dans l’armée de terre, à savoir ici, en France, et là-bas, pour la défense de l’avant.

 

M. Christophe Léonard. Je me permets d’y insister, mon général, quels sont les outils d’entraînement qui nous manquent pour une meilleure coordination entre militaires et forces intérieures ?

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. Il s’agit de faire en sorte que l’on puisse s’entraîner conjointement et, en matière de planification, d’améliorer la coopération avec les forces de sécurité intérieure. Une idée est à l’étude qui consiste en une préparation opérationnelle spécifique destinée à des zones pouvant intéresser l’intérieur, à des déserts militaires. Vous comprendrez que je n’aille pas plus loin, ces réflexions étant en cours.

 

M. Joaquim Pueyo. Vous avez indiqué très clairement quelles seraient les conséquences de la décision, annoncée hier soir par le président de la République, d’annuler les déflations d’effectifs initialement prévues jusqu’en 2019. Le chef de l’État a par ailleurs annoncé un renforcement de la réserve. Lors de l’examen de l’actualisation de la loi de programmation militaire, en juillet dernier, nous avions souhaité presque doubler la réserve pour passer de 27 700 réservistes à 40 000, le budget correspondant passant de 71 millions à 75 millions d’euros. Devant la représentation nationale, hier, le président a même évoqué l’idée d’une garde nationale. Avec Marianne Dubois, nous travaillons depuis de nombreux mois sur le sujet ; nous nous sommes rendus au Canada pour observer la manière dont on y a renforcé la réserve – plus importante qu’en France alors que ce pays compte 30 millions d’habitants.

La réserve sur laquelle nous nous appuyons est-elle suffisamment utilisée pour renforcer les effectifs déjà engagés ? Existe-t-il une marge de manœuvre ? La formation des réservistes est-elle suffisante, notamment face à la violence extrême que nous avons constatée vendredi soir dernier ? Si l’on renforce la réserve, comment imaginer qu’elle soit répartie sur tout le territoire français, y compris dans les départements désormais dépourvus de régiments ?

 

M. Jean-Jacques Candelier. Je vois que vous êtes affecté à Lille, mon général, or je suis député du Nord. Réinvestir le territoire national est la priorité de l’armée de terre. J’ai cru comprendre que l’opération Sentinelle nous conduit à une remise en cause des permissions, de l’entraînement de nos soldats et à délaisser certaines parties du territoire. Avec l’annonce du président de la République, hier à Versailles, de garantir la stabilité des effectifs jusqu’en 2019, soit 14 000 ou 15 000 postes, pensez-vous retrouver très vite une situation normale et recréer des unités sur le territoire ?

 

M. Christophe Guilloteau. Je vous remercie pour vos propos empreints de réalisme et de franchise. Ayant été rapporteur de la mission d’information sur Serval, je mesure tout ce que cela implique quand vous dites qu’il serait aujourd’hui impossible d’organiser cette opération dans les mêmes conditions. J’imagine que la mission de protection du territoire français pose des difficultés en termes d’entraînement, qui ne manqueraient pas de s’accroître si une autre opération similaire à Serval devait être organisée. Comment vous y prendriez-vous si cette éventualité se réalisait ?

Par ailleurs, il existait jusqu’à présent une ambiguïté juridique sur les possibilités d’intervention des soldats sur le territoire français dans le cadre de l’opération Sentinelle. Cette ambiguïté a-t-elle été levée avec l’adoption du nouveau statut souhaité par le président de la République ?

 

M. Damien Meslot. Vous avez évoqué une certaine évolution relative à l’opération Sentinelle, mais force est de constater que les terroristes ont eux aussi fait évoluer leur mode opératoire, en prenant pour cible des gens attablés aux terrasses de cafés, ou se trouvant rassemblés dans des lieux publics qu’il est difficile de protéger – il serait impossible d’assurer la protection de tous les cafés et restaurants de France. Dès lors, pensez-vous que le dispositif actuel, qui sert essentiellement à rassurer la population, a vocation à évoluer afin d’augmenter la capacité opérationnelle de nos forces ?

Pour ce qui est de l’armement à létalité réduite dont sont équipés les soldats dans le cadre de l’opération Sentinelle, les bombes lacrymogènes et les matraques que vous avez évoquées sont-elles adaptées pour neutraliser des terroristes armés de fusils d’assaut ?

Enfin, vous avez indiqué que le taux de sélection de l’armée de terre était actuellement de deux candidats pour une place proposée, contre 1,4 au moment de la professionnalisation. Les conditions actuelles de recrutement vous permettent-elles de vérifier systématiquement que les personnes engagées ne font pas l’objet d’une fiche S ou d’un signalement ?

 

M. Charles de La Verpillière. Vous avez, avec franchise mais prudence, décrit l’effet qu’a eu le recours à l’armée de terre dans les opérations de sécurité intérieure : cela a été au détriment de l’entraînement et de la préparation opérationnelle, notamment interarmes, et a modifié les conditions de vie des personnels militaires, qui passent actuellement 15 % de leur temps d’activité en OPEX et 40 % à 50 % dans les opérations intérieures – autant de temps où ils sont éloignés de leur garnison et de leur famille. Vous avez également indiqué que, dans le meilleur des cas, compte tenu des nouvelles décisions annoncées par le président de la République, vous ne retrouveriez pas une capacité satisfaisante – à défaut d’être optimale – avant août 2017.

J’ai quelques doutes au sujet de l’utilisation de l’armée de terre dans les opérations de sécurité intérieure. Si le fait que vos hommes soient visibles rassure la population et peut avoir des effets dissuasifs, de nombreux experts en sécurité considèrent que cette présence ne saurait cependant avoir pour effet d’empêcher une attaque terroriste – paradoxalement en raison même de cette visibilité : il suffit aux terroristes d’aller frapper là où l’armée ne se trouve pas.

L’une des solutions à ce problème ne résiderait-elle pas dans le recours aux réservistes ? Certes, ils assureraient eux aussi une présence en uniforme, mais au moins n’obéreraient-ils pas les effectifs de l’armée d’active. Serait-il envisageable de vous voir confier toutes les opérations de sécurité intérieure à des réservistes ? Si une telle solution n’est pas dans la tradition de l’armée française, peut-être le caractère exceptionnel de la situation à laquelle nous sommes actuellement confrontés justifierait-il un changement complet de notre mode de pensée.

 

M. Philippe Nauche. Les nouveaux contrats proposés par l’armée de terre aux personnels arrivant au terme de leur engagement initial – des contrats différents, plus courts et plus adaptables – vont-ils, selon vous, permettre d’augmenter le taux de fidélisation ?

Par ailleurs, pensez-vous que le fait de passer à un mode d’utilisation mobile des forces, plutôt que statique, est susceptible de diminuer le nombre de personnels nécessaires pour assurer la sécurité sur un périmètre identique ?

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. La réserve est une question à laquelle nous travaillons, et sur laquelle nous disposons d’un retour d’expérience depuis la mise en œuvre de l’opération Sentinelle. À l’heure actuelle, l’armée de terre comprend environ 15 500 réservistes opérationnels, un chiffre que nous nous sommes donné pour objectif, dans le cadre des décisions prises en avril, de faire passer à 24 000. Cela s’accompagne d’un effort budgétaire supplémentaire conséquent, puisqu’il atteint six millions d’euros pour l’armée de terre.

Fin octobre, nous avions engagé 2 900 réservistes pour l’opération Sentinelle, avec des pics en été, où nous en avons mobilisé jusqu’à 650. Si nous ne faisons pas plus, c’est parce que nous sommes toujours freinés par des difficultés d’ordre légal : actuellement, un employeur a le droit de refuser de laisser partir son employé réserviste. Je vous dirai même que certains réservistes ont parfois dû dissimuler leur engagement à leur employeur, en l’effectuant par exemple sur leur temps de vacances. Pour augmenter le nombre de réservistes opérationnels, il faudrait donc avant tout modifier le cadre juridique.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Nous avons essayé de le faire dans le cadre du projet de loi d’actualisation de la programmation militaire, mais nous sommes heurtés à des difficultés.

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. Au moins avez-vous réussi à desserrer un peu les tenailles du préavis et de la durée de l’engagement des réservistes, ce qui est un progrès.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Certes, mais j’aurais aimé que les élus des collectivités locales montrent un peu plus d’allant en la matière !

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. En 2014 – avant, donc, la mise en place de l’opération Sentinelle –, 16 % du temps des réservistes étaient consacrés à la participation aux opérations intérieures, ce qui est n’est pas négligeable, surtout si l’on comparece chiffre à celui passé par les personnels d’active, durant la même période spour des missions identiques, à savoir 5 %.

Nous nous intéressons actuellement aux « déserts militaires », c’est-à-dire aux départements où il n’y a pas d’unité. Nous travaillons à la possibilité de destiner les 11 unités de réserve nouvellement créées – rattachées à un régiment d’active, évidemment – à ces départements. Je précise que les réservistes bénéficient d’une formation initiale, nécessaire avant leur engagement sur le territoire national.

Vous comprendrez qu’il me soit difficile de réagir, moins de vingt-quatre heures après les annonces faites par le président de la République, sur les effets que va avoir l’annulation des mesures de déflation d’effectifs. Il est en effet impossible de prévoir quels arbitrages vont être rendus dans ce domaine. Tout ce que je peux vous dire, c’est que la décision prise en avril de recruter 11 000 hommes supplémentaires pour les forces terrestres doit nous permettre, à isopérimètre de charge, de retrouver à partir de l’été 2017 une préparation opérationnelle interarmes de qualité.

Le choix qui a été fait pour l’emploi de ces 11 000 hommes ne consiste pas à créer de nouveaux régiments, mais à densifier les unités existantes, avec par exemple la création de compagnies d’infanterie ou d’escadrons de cavalerie. Cela va aussi permettre la remontée en puissance du 5e régiment de Dragons de Mailly, ainsi que de la 13e demi-brigade de Légion étrangère (DBLE) basée sur le camp du Larzac.

La question de l’armement à létalité réduite est très intéressante, et me conduit à insister sur l’importance de l’utilisation progressive par les soldats des divers moyens dont ils disposent, afin de permettre une réaction graduée. J’utiliserai une image concentrique. Le premier cercle est la posture du soldat : une attitude militaire constitue déjà une forme de dissuasion. Après ce premier stade, on passe dans un deuxième cercle aux techniques de combat au corps-à-corps et à l’emploi des armes à létalité réduite, et enfin, seulement, en dernier recours, à l’usage de l’arme..

Les forces terrestres engagées sur le territoire national ont une triple mission : elles doivent rassurer, protéger et dissuader. Aujourd’hui, nous rassurons, mais nous protégeons et dissuadons beaucoup moins que nous ne pourrions le faire si nous recourions à des modes d’action plus militaires. Comme je vous l’ai dit, . nous pouvons nous inspirer de ce que les Britanniques ont mis en place en Irlande du Nord pour diminuer la pression sur les effectifs, mais aussi et surtout disposer d’un dispositif beaucoup plus réactif. Ces modes d’action sont ceux que nous mettons en œuvre dans le cadre de nos opérations extérieures, où un capitaine d’infanterie ou de cavalerie commandant 150 soldats se voit confier la mission de contrôler une zone de dix kilomètres sur dix.Il va pour cela organiser un dispositif en maintenant toujours un élément réservé et en effectuant des patrouilles à pied et motorisées, en jouant au maximum sur l’imprévisibilité. Il faut s’efforcer de faire en sorte que la surprise change de camp et ce n’est pas en optant pour un dispositif statique que l’on y parvient, car l’ennemi nous observe. Nous ne demandons pas un changement en profondeur du cadre juridique mais préconisons une meilleure utilisation de nos modes d’action, afin d’aboutir à une complémentarité optimale avec les autres forces de sécurité intérieure.

Pour ce qui est des contrôles effectués lors de l’engagement de nos recrues, ils sont assurés par la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD).

J’en viens à la question de la fidélisation. Lors de la professionnalisation desarmées, le modèle des ressources humaines de l’armée de terre a été conçu pour fidéliser les militaires du rang durant une période de huit ans. Le premier contrat proposé aux soldats de l’armée de terre est de trois à cinq ans – le plus souvent de cinq ans – et nous avons pour objectif de voir 40 % des engagés signer un deuxième contrat pour parvenir à une durée d’engagement de huit ans. Or, cet objectif n’est pas atteint actuellement. La « génération zapping » est constituée de jeunes qui, la plupart du temps très satisfaits de leur expérience à l’issue de leur premier contrat, éprouvent cependant l’envie de faire autre chose. C’est pour nos chefs de corps un combat quotidien que d’atteindre le renouvellement de 40 % d’une classe d’âge.

Actuellement, le cadre juridique de l’intervention de nos soldats à travers l’opération Sentinelle est celui de la légitime défense.

J’en reviens à la réserve, pour insister sur le fait qu’il est très important d’éviter d’aboutir à une armée de terre à deux vitesses, où le soldat d’active serait affecté aux opérations extérieures, tandis que le réserviste assurerait les missions de sécurité intérieure. En la matière, nous sommes attachés au maintien d’un brassage. Le président de la République a fait part hier de sa volonté de créer une garde nationale – et je sais que vous travaillez d’ores et déjà sur ce sujet –, mais toute la question est de savoir ce que recouvre exactement ce terme. S’agit-il d’une garde nationale à l’américaine, indissociable à mes yeux de l’organisation fédérale des États-Unis d’Amérique, ou encore d’une garde nationale telle que nous l’avons expérimentée en France à la fin du XIXe siècle et qui a débouché sur l’échec que l’on sait ?

Ce qui est certain, c’est que nous devons continuer à engager davantage de réservistes. La réserve opérationnelle comporte d’une part la RO1, c’est-à-dire des volontaires ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle, d’autre part la RO2, constituée de personnes ayant récemment quitté le service actif, soumis à l’obligation de disponibilité et pouvant à ce titre être rappelés durant un délai de cinq ans sur décret du Premier ministre. Or, il faut bien avouer que nous n’avons encore jamais testé le fonctionnement de ce dispositif. C’est ce que nous allons faire en mars prochain, en convoquant des réservistes des deux premières années de la RO2 – au-delà, des problèmes d’aptitude médicale risquent de se poser – au sein de deux brigades de l’armée de terre. Notre objectif est de faire en sorte que les 500 personnes que nous avons identifiées au sein de chacune des deux brigades répondent à la convocation qui va leur être adressée.

 

M. Michel Voisin. Le président de la République vient d’annoncer le recrutement de 5 000 policiers et gendarmes. Pour ce qui est des gendarmes, de nombreux personnels prennent leur retraite entre cinquante-deux et cinquante-huit ans, et je pense que ces personnels parfaitement formés n’attendent qu’une chose : d’être rappelés. Puisque nous sommes en période de guerre, comme l’a dit hier le président de la République, pourquoi ne pas faire appel aux gendarmes réservistes, plutôt que de créer des postes supplémentaires ?

 

M. Yves Fromion. Dans le bleu budgétaire consacré à la défense qui nous a été distribué dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 figurent un certain nombre d’indicateurs d’efficacité. Celui relatif à l’armée de terre fait apparaître une chute de sa capacité opérationnelle à 50 %. J’ai interrogé le ministre et le chef d’état-major des armées à ce sujet, mais n’ai pu obtenir que des réponses assez floues. Comment en sommes-nous arrivés là, comment peut-on admettre cet état de fait, et n’avoir pour objectif que de remonter progressivement à 60 ou 70 % dans les deux ou trois ans à venir ?

Par ailleurs, estimez-vous disposer des moyens budgétaires nécessaires à la mise en œuvre du modèle « Au Contact » ? Sauf erreur, rien ne semble constituer dans le budget une dotation spécifique à la réalisation de cet objectif – que nous approuvons –, et nous avons donc le sentiment qu’en dehors de la dotation de 2,8 milliards d’euros pour les effectifs, rien n’est prévu pour ce qui doit permettre de les accueillir – notamment les casernements et les matériels.

La France est signataire d’accords aux termes desquels elle doit mettre en œuvre des groupements tactiques au bénéfice de l’Union européenne et de l’OTAN. Aujourd’hui, la mise en œuvre du plan Sentinelle vous laisse-t-il encore la possibilité de disposer de groupements tactiques prêts à intervenir en cas de besoin, conformément à nos engagements ?

Enfin, alors que le général Bosser nous a dit récemment envisager de recréer le 5régiment de Cuirassiers aux Émirats arabes unis, vous avez pour votre part affirmé qu’il ne serait pas créé de nouveaux régiments – ce qui ne laisse pas de m’inquiéter, car j’ai commencé ma carrière comme sous-lieutenant au 5e régiment de Cuirassiers, et j’attache donc une grande importance à la recréation de cette formation. (Sourires.)

 

M. Michel Voisin. J’ai passé la nuit de vendredi à samedi à Damas, où j’ai suivi les événements en direct à la télévision. Je vais peut-être vous faire bondir, mais j’ai été très étonné de ne voir, sur les images transmises, que des policiers et des gendarmes, mais pas le moindre militaire : ce n’est que le lendemain que des reportages en ont montré en patrouille. Comment cela s’explique-t-il ?

 

M. Daniel Boisserie. Comme tout le monde, je voyage parfois en avion et, lorsque je suis à Orly, je vois souvent un groupe de trois militaires se déplaçant à l’intérieur du terminal dans le cadre de Sentinelle. Je ne peux alors m’empêcher de penser qu’il serait très facile à un agresseur de se jeter sur eux et, du fait de leur position groupée, de les neutraliser rapidement à l’aide d’une arme de poing ou même d’une arme blanche – d’autant qu’il s’agit souvent de jeunes recrues, pas forcément très aguerries. Pouvez-vous nous dire s’il existe, à l’intérieur de l’aéroport, un poste protégé qui permettrait de riposter à une attaque terroriste ?

Par ailleurs, certains de vos soldats sont musulmans. Savez-vous comment ils ont réagi aux derniers événements, et sentez-vous chez eux une détermination intacte à accomplir leur mission ? Nous avons déjà eu l’occasion de poser cette question, à laquelle nous avons obtenu des réponses qui nous ont laissés dubitatifs.

Enfin, à l’heure où on parle beaucoup de solidarité européenne, est-il envisagé de mobiliser la brigade franco-allemande ? Si le terrorisme devait s’installer durablement dans notre pays en y déployant des moyens plus importants qu’actuellement, pourrait-on compter sur l’arrivée de renforts européens ?

 

M. Francis Hillmeyer. Comme Charles de La Verpillière, je m’interroge au sujet du choix consistant à placer des soldats de manière très visible devant certains lieux sensibles. Sans doute est-il rassurant pour la population de voir des gens en armes, mais cela ne peut rien empêcher, et à mon sens ne constitue pas une dissuasion face à des personnes animées par une folie meurtrière. Ne pourrait-on envisager de surveiller les lieux d’une manière plus discrète et plus efficace ?

 

M. Jacques Lamblin. On a effectivement l’impression, lorsqu’on se déplace en ville, que certains bâtiments sensibles se trouvant dans des endroits déserts sont étroitement surveillés, tandis que d’autres lieux très fréquentés, tels que les gares, semblent faire l’objet d’une surveillance moins forte. Vous avez évoqué l’évolution de la doctrine consistant à passer de gardes statiques à une organisation proche de ce qui se fait au Royaume-Uni. S’ils ne se déplacent pas, les militaires peuvent en effet constituer des cibles faciles, mais avez-vous recensé d’autres risques potentiels auxquels ils seraient exposés ?

 

M. Christophe Léonard. Lorsque vous avez répondu à ma question, je n’ai pas bien compris ce qui vous empêchait de mettre en œuvre, dans le cadre du plan Sentinelle, les techniques basées sur l’imprévisibilité auxquelles vous avez recours en OPEX. Pourriez-vous revenir sur ce point ?

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. Ce qui nous en empêche, c’est le régime juridique auquel nous sommes soumis. Les forces armées interviennent actuellement dans le cadre de réquisitions préfectorales extrêmement précises : il s’agit, par exemple, de placer tous les jours cinq soldats de telle heure à telle heure devant une école ou une administration. Plutôt que de nous confier une mission visant à obtenir un effet – le contrôle d’une zone donnée –, on exige de nous la mise en œuvre de moyens. Avec un tel système, nous sommes pieds et poings liés, ce qui nuit évidemment à notre efficacité, et il serait bon de parvenir à desserrer ces contraintes.

 

M. Christophe Léonard. Nous devrions donc procéder à l’audition des autorités dont émanent les réquisitions, à savoir les préfets.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Effectivement.

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. Pour ce qui est des réservistes, je rappelle que la réserve opérationnelle 2 a un statut militaire et peut être rappelée jusqu’à cinq ans après la fin des services sur décret du Premier ministre, uniquement en cas de crise majeure. Si l’on s’en tient aux personnels dont les services ont pris fin il y a moins de deux ans, on peut déjà disposer de 8 000 hommes rien que pour les forces terrestres.

Le problème, c’est que tout reste à écrire. En effet, la RO2 n’est pas gérée, pas administrée – aujourd’hui, les réservistes partent avec une partie de leur paquetage, mais nous n’avons pas de quoi les équiper ni les armer – et l’exercice expérimental auquel nous allons procéder en mars 2016 ne vise à mobiliser que 1 000 personnes. Un gros travail reste donc à accomplir pour que la RO2 puisse être effectivement utilisée. Cela en vaut la peine, car si nous étendons la durée de trois à cinq ans suivant la fin des services la période durant laquelle les personnels peuvent être mobilisés, on en arrive à un effectif de 20 000 hommes pour l’ensemble des forces terrestres.

 

M. Michel Voisin. Notre commission a beaucoup travaillé sur ce point et, quand vous nous dites que tout reste à écrire en la matière, je considère qu’il y a là une lacune imputable à l’administration qui mérite d’être soulignée.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Je rappelle que notre commission travaille actuellement sur la question de la réserve, et que nos deux rapporteurs doivent nous faire part prochainement des propositions constituant le fruit de leurs réflexions – leur rapport nous sera remis pour le 9 décembre.

 

M. Yves Fromion. Alors que je représente notre assemblée au sein du Conseil supérieur de la réserve militaire, je dois avouer que je n’ai jamais entendu évoquer la question dont vous faites état, qui est pour le moins préoccupante.

 

Mme la présidente Patricia Adam. En attendant le rapport que vont nous remettre prochainement nos collègues Marianne Dubois et Joachim Pueyo, notre commission doit se saisir pleinement de ce sujet important et plus que jamais d’actualité. Je pense que le bureau de la commission de la Défense pourrait prendre l’initiative d’organiser un colloque afin d’avancer très vite en la matière.

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. Derrière la chute à 50 % de la capacité opérationnelle de l’armée de terre apparaît la problématique du renouvellement de nos effectifs. On estime que chaque année, au sein d’une compagnie d’infanterie, 20 % à 30 % des soldats mettent fin à leurs services et doivent être remplacés. Dès lors que l’on n’est plus en mesure de mettre en œuvre une préparation opérationnelle interarmes, qui est une étape indispensable entre la préparation opérationnelle métier et la projection – ce qui est notre cas, Sentinelle nous obligeant à faire l’impasse sur cette phase – on se retrouve rapidement confronté à une grave difficulté pour maintenir notre capacité opérationnelle. Certes, nous allons bénéficier d’un recrutement de 11 000 hommes pour 2017, mais celui-ci est en cours, ce qui explique que la capacité opérationnelle de l’armée de terre se trouve affaiblie pour les années 2015 et 2016.

Pour ce qui est des moyens budgétaires, l’état-major de l’armée de terre est en train d’identifier les équipements dont nous avons besoin, étant précisé que des arbitrages devront être effectués. En termes d’infrastructure, la priorité est actuellement donnée à la constitution d’une force opérationnelle terrestre (FOT) comprenant 77 000 hommes. Une ou deux unités ont été signalées comme faisant face à de vraies difficultés, mais les moyens restent concentrés sur la force opérationnelle terrestre. La mise en œuvre du modèle « Au Contact » est plus compliquée et, pour ce qui concerne l’infrastructure, devra se faire par étapes. En effet, il existe en dehors de la FOT à 77 000 une autre priorité, clairement énoncée par le chef d’état-major des armées, relative à la protection défense (Prodef), qui nécessite également de mobiliser des moyens considérables en termes d’infrastructures.

Si nous devions armer le GTIA de l’Union européenne pour lequel nous sommes d’alerte, la mise en œuvre de l’alerte Guépard se ferait en commençant par notre élément national d’urgence, consistant en la projection d’un groupement tactique de parachutistes.

Je tiens à vous rassurer, monsieur Fromion : quand j’ai indiqué qu’il ne serait pas créé de nouveaux régiments, j’ai omis de préciser que je parlais uniquement du territoire métropolitain, et je vous confirme que l’étendard du 5e régiment de Cuirassiers flottera prochainement de nouveau à Abu Dhabi.

 

M. Yves Fromion. C’est une excellente nouvelle.

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. Pour ce qui est de la visibilité des forces terrestres au cours des événements de vendredi, pour ma part, sur une grande chaîne d’information continue, j’ai vu à plusieurs reprises des soldats en casque qui patrouillaient sur les lieux.

 

M. Michel Voisin. Je reformule ma question de manière plus directe : les soldats ont-ils reçu des ordres pour rester en arrière ?

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. Pas du tout. Une force de réaction immédiate a été déployée sur les lieux sur l’ordre du gouverneur militaire de Paris, afin de relever les forces de sécurité intérieure qui assuraient la garde de certains bâtiments nationaux – notamment l’Assemblée nationale et le Sénat –, et aucun ordre n’a été donné pour que les personnels restent dissimulés.

 

M. Yves Fromion. Quand des militaires sont ainsi déployés sur un site, qui les commande ? Dépendent-ils de la police, ou agissent-ils de façon autonome ?

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. Les ordres proviennent de la chaîne de commandement habituelle. Le gouverneur militaire de Paris (GMP) transmet ses ordres aux trois chefs de corps dont les états-majors ont été mis en place à Paris. Ces derniers les transcrivent à leurs subordonnés pour que les chefs de section les appliquent sur le terrain. Je voudrais souligner le fait que 15 % des blessés en urgence absolue et plus globalement 20 % des urgences ont été pris en charge au sein des hôpitaux militaires.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Effectivement, c’est insuffisamment connu. Nous auditionnerons prochainement le directeur central du service de santé des armées sur ce point.

 

Général Arnaud Sainte-Claire Deville. Pour ce qui est de l’attitude de nos soldats dans l’opération Sentinelle, le plus petit élément indivisible est le trinôme, composé comme son nom l’indique de trois soldats formés à la mise en œuvre successive des trois niveaux que constituent la posture, l’utilisation de l’armement à létalité réduite et les techniques de corps-à-corps, et l’utilisation de l’arme à feu. Tous nos soldats, quel que soit leur niveau, possèdent les savoir-faire nécessaires à la mise en œuvre de ces techniques. Je précise que l’un des trois soldats est toujours placé en appui des deux autres, c’est-à-dire qu’il est spécialement chargé de couvrir ses camarades. Nul ne peut dire si en procédant de la sorte, nous sommes forcément à l’abri d’une mauvaise surprise, mais je peux vous assurer que la formation dont bénéficient nos hommes est de nature à leur permettre de réagir correctement en toutes circonstances. Cela a d’ailleurs été le cas en février dernier, lorsque trois militaires du 54e régiment d’artillerie de Hyères ont été attaqués à Nice par un individu armé d’un couteau : ils ont alors parfaitement réussi à maîtriser leur agresseur en appliquant le principe de la progressivité de la réponse.

Pour ce qui est des soldats de confession musulmane, j’ai en tête un seul exemple où cela ait pu poser problème : il s’agissait d’un jeune soldat qui ne voulait pas dormir dans la synagogue que son groupe protégeait. Le commandement a fait appel à l’aumônerie musulmane des armées qui a permis la résolution de l’incompréhension et la poursuite de la mission.. Il est un peu tôt pour vous répondre au sujet des conséquences des événements de vendredi, mais je n’ai pas d’inquiétude particulière au sujet du comportement de mes soldats de confession musulmane.

Le ministre de la Défense était ce matin à Bruxelles afin d’évoquer la demande d’aide et d’assistance formulée par la France au titre de l’article 42-7 du Traité de l’Union européenne. Je connais bien la brigade franco-allemande, pour y avoir commandé un régiment et y avoir servi comme chef d’état-major à l’époque où elle était engagée en Afghanistan. La brigade est d’ailleurs actuellement commandée par un général que je connais très bien, car il était avec moi à Kaboul – il m’a d’ailleurs adressé dans la nuit de vendredi à samedi un message pour me dire à quel point il nous soutenait et était disposé à agir aux côtés de la France, pour peu qu’il en reçoive l’ordre. Quant à la partie française de la brigade, elle est complètement mobilisée sur Sentinelle, comme toutes les unités terrestres.

Si vous n’aviez qu’une chose à retenir de mon intervention, que ce soit celle-ci : nous devons sortir de la logique selon laquelle Sentinelle se résumerait à la mise en place de gardes statiques, et faire en sorte d’utiliser davantage nos modes d’action spécifiques. C’est à cette condition que nous pourrons mieux dissuader et mieux protéger.

 

Mme la présidente Patricia Adam. Nous vous remercions pour votre intervention qui nous a éclairés et va nous permettre d’avancer sur un certain nombre de sujets.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

 

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/cr-cdef/15-16/c1516016.pdf

*

* *

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Olivier Audibert Troin, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Isabelle Bruneau, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, M. David Comet, Mme Marianne Dubois, Mme Geneviève Fioraso, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Laurent Kalinowski, M. Jacques Lamblin, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Christophe Léonard, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, M. Joaquim Pueyo, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Guy Delcourt, M. Philippe Folliot, M. Serge Grouard, M. Éric Jalton, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Stéphane Saint-André

Partager cet article
Repost0
21 novembre 2015 6 21 /11 /novembre /2015 11:55
 photo ECPAD

photo ECPAD

 

20/11/2015 Sources : État-major des armées

 

Aujourd’hui, la force Sentinelle est constituée de 10 000 soldats - dont 6 500 en Ile-de-France et 3 500 en province. Au total, 50 unités de l’armée de terre ont été mises à contribution pour participer à cet effort. Retour sur cette montée en puissance.

 

Dans la nuit du 13 novembre 2015, l’armée a immédiatement renforcé les dispositifs sécuritaires des forces de sécurité intérieure (FSI) sur les sites frappés par les attentats terroristes. Dans les 48 heures qui ont suivi les attentats, 1000 hommes sont venus renforcer le dispositif Sentinelle d’Ile de France. Puis en 72 heures, 2000 hommes supplémentaires portent les effectifs déployés en France à 10 000 hommes. En région parisienne, l’arrivée de ces renforts porte à 150 le nombre d’unités militaires déployées. Elles sécurisent plus de 350 lieux – en appui des FSI. En province, la vigilance reste maintenue et le 20 novembre, 500 hommes ont renforcé les 3 000 soldats déjà en place. Lancée à la suite des attentats survenus à Paris les 7, 8 et 9 janvier 2015, l’opération Sentinelle vise à protéger les Français et sécuriser, en appui des FSI, les sites les plus sensibles à Paris et en province.

Partager cet article
Repost0
19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 19:55
Sentinelle - photo Marine Nationale Armée de Terre ECPAD

Sentinelle - photo Marine Nationale Armée de Terre ECPAD

 

19/11/2015 Sources : État-major des armées

 

Depuis vendredi 13 novembre 2015, l’armée est mobilisée pour protéger les Français. Immédiatement après les attentats, les militaires ont renforcé les dispositifs sécuritaires des forces de sécurité intérieures (FSI). Dans la nuit du 13 novembre, 1500 militaires ont ainsi été engagés - en appui des FSI, pour sécuriser les sites frappés par les terroristes.

 

A partir du samedi 14, un renfort de 1 000 hommes a été déployé dans Paris et son agglomération. Après l’arrivée de ce premier renfort, 2 000 soldats supplémentaires ont été mobilisés. 1 500 d’entre eux sont en cours de déploiement en IDF. Aujourd’hui, la force est constituée de 10 000 militaires - dont 6 500 en Ile-de-France. 50 unités de l’armée de terre ont été mises à contribution pour participer à cet effort.

Le Service de santé des armées (SSA) a également été sollicité pour faire face à l’afflux de blessés. Au total, 58 blessés ont été pris en charge par les hôpitaux militaires.

 

Retour sur le renforcement de Sentinelle en appui des FSI

 

Nuit du vendredi 13 novembre 2015

1 500 soldats dépêchés en renfort des FSI sur les sites frappés par les attentats terroristes.

un poste de commandement tactique, 5 unités et 3 groupes de réaction rapide sont déployés : Bastille, Bataclan, République, Nation, Voltaire, Bichat.

Sécurisation du Sénat, de l’Assemblée Nationale et de Matignon.

Samedi 14 novembre 2015

Arrivée à l’aéroport de Roissy de 300 parachutistes du 3e RPIMa.

Dimanche 15 novembre 2015

700 militaires supplémentaires rejoignent la capitale.

Lundi 16 novembre 2015

2 000 soldats sont mobilisés pour l’opération Sentinelle.

En 72 heures, la force Sentinelle passe de 7 000 à 10 000 militaires déployés en métropole.

Plus de 350 lieux sécurisés dans Paris.

Mardi 17 novembre 2015

Intensification et densification des patrouilles.

Présence accrue dans la capitale.

En province, la vigilance est maintenue avec 3 000 militaires.

Mercredi 18 novembre 2015

240 militaires sont déployés ou placés en réserve d’intervention pour sécuriser la zone d’opération du RAID dans la ville de Saint Denis.

Jeudi 19 novembre 2015

Poursuite de l’arrivée des renforts (1 500 soldats en cours de déploiement) en Île-de-France.

L’arrivée de ces renforts porte à près de 150 le nombre des unités élémentaires présentes en région parisienne (dans le cadre de l’opération Sentinelle, une UE est constituée de 60 militaires).

 

En savoir plus.

Partager cet article
Repost0
19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 17:55
Opération Sentinelle pour la 5 cie du 2e REI

 

19-11-2015 par 2e REI Réf : 384 -1078

 

A la fin du mois d’octobre, la 5ème compagnie aux ordres du capitaine de SAMIE est désignée pour la mission Sentinelle première mission depuis sa création le 15 juin dernier.

 

Après une préparation riche en activités en commencent par un camp compagnie à l’IILE de Puyloubier ou elle a effectué une marche jusqu’au sommet de la Sainte Victoire, des séances d’instruction technique accompagné d’un gros travail de TIOR (Technique Intervention Opérationnelle Rapprochée) ainsi que la mise en application de cas concrets en vu de la mission Sentinelle.

 

Dès son retour au quartier, la 5ème compagnie continue son entrainement sans relâche afin « d’être prêt »!

 

Le 25 octobre 2015 la 5ème compagnie du 2e REI part pour Paris. Il s’agira de soutenir les forces de sécurité intérieure sur les sites dans l’ancien Vigipirate socle. L’Ecole militaire, les Invalides, l’îlot Saint-Germain et la tour Eiffel seront laissés sous la surveillance de la 5 qui s’attachera à remplir la mission avec honneur et fidélité.

Partager cet article
Repost0
19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 17:55
Photo P. Kohler  Marine nationale

Photo P. Kohler Marine nationale

 

19.11.2015 par FORFUSCO

 

Depuis le 14 septembre dernier, une trentaine de fusiliers marins, principalement des groupements de fusiliers marins de Toulon et Brest, sont engagés dans l’opération Sentinelle à Paris.

Ces fusiliers marins, reconnaissables à leurs casquettes marine et bâchis, patrouillent sur des points névralgiques de la capitale et de ses transports, comme ici au Jardin du Luxembourg, devant le Sénat.

Le bâchi ne manque pas d’interpeller l’attention des Parisiens, qui l’ont sans doute oublié, mais qui veillait déjà sur les rues de la capitale en août / septembre 1914, quand l’offensive allemande faisait rage.

Aujourd’hui, la marine compte environ 1500 fusiliers marins qui participent à la protection des sites sensibles de la marine et de la Défense, des activités liées à la dissuasion nucléaire et des unités, en mer ou à terre, en opérations. Pleinement mobilisés depuis janvier 2015 dans le renforcement de la sécurité des emprises militaires, les fusiliers marins avaient été engagés une première fois dans l’opération Sentinelle en janvier 2015 pour protéger des sites civils à Brest et Toulon et le sont à nouveau depuis septembre à Paris. Les fusiliers marins apportent ainsi leur expertise dans les actions de protection au sein du dispositif Sentinelle.

 

Reportage photos

Partager cet article
Repost0
18 novembre 2015 3 18 /11 /novembre /2015 20:55
photo 1e BL - Armée de Terre

photo 1e BL - Armée de Terre

 

18/11/2015 Armée de Terre

 

48 heures après les attentats du 13 novembre à Paris, l’opération Sentinelle était renforcée de 1 000 hommes et femmes venus de toute la France. Pour coordonner cette montée en puissance, la 1re brigade logistique est entrée en piste très tôt samedi matin…

 

Toutes les 6 semaines, c’est la même mécanique qui se met en marche : les experts du centre de mise en œuvre (CMO) de la 1re brigade logistique travaillent en auto-relève pour assurer l’arrivée d’environ 4 000 soldats en Ile de France et le retour de 4 000 autres vers leur garnison. Un flux de 8000 hommes à envisager sur une période habituelle de 6 jours.

 

Ce week-end, le rythme s’est trouvé accéléré : en 48 heures, ces experts ont dû gérer l’arrivée et le déploiement fluide et rapide de plus de 1000 soldats supplémentaires, venant de 22 entités différentes.

 

Depuis le 8 janvier 2015, le CMO coordonne en effet les mouvements de relèves du dispositif Sentinelle d’Ile de France. Cette petite entité de l’armée de Terre travaille en deux phases :

- en amont : la planification de la relève avec les différents interlocuteurs (le niveau tactique sur zone, mais également les services du commissariat pour les véhicules et la perception de l’équipement sur la zone de transit de Brétigny, etc.) ;

- en temps réel : la conduite de la relève depuis le centre opérationnel de Saint-Germain-en-Laye afin de s’adapter aux impondérables d’un tel engagement.

 

Ce weekend, le CMO a donc été mis en alerte dans la nuit du 13 au 14 novembre pour assurer le déploiement exceptionnel qui lui était confié. Outre ce centre, près de 1000 hommes de la brigade logistique sont actuellement engagés sur l’opération Sentinelle, que ce soit sur les missions de surveillance, d’organisation ou sur des missions d’approvisionnement.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : RP Defense
  • : Web review defence industry - Revue du web industrie de défense - company information - news in France, Europe and elsewhere ...
  • Contact

Recherche

Articles Récents

Categories