04 juin 2013 par Romain Mielcarek - ActuDéfense
Que peut faire la France en Asie et dans le Pacifique ? Si ses installations militaires ne sont pas majeures dans cette région, Paris peut profiter de partenariats solides et d’une influence forte pour défendre des enjeux sécuritaires qui concernent directement les Européens.
De vendredi à dimanche dernier, les pays asiatiques se sont réunis au désormais traditionnel dialogue de Shangri-La . Cette rencontre autour des problématiques de sécurité dans la région Asie-Pacifique a accueilli des délégations (ministres de la Défense, responsables diplomatiques, experts militaires) de la plupart des pays concernés ainsi que de quelques partenaires occidentaux. Côté Européens, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Suède et la France avaient fait le déplacement.
Dimanche, Jean-Yves Le Drian a d’ailleurs pu prendre la parole pour exprimer l’intérêt de l’hexagone pour cette partie du monde. «La France entend résolument rester engagée en faveur de la sécurité de la zone Asie-Pacifique, a déclaré le ministre de la Défense. Vos intérêts de sécurité sont nos intérêts de sécurité.» Les océans Indien et Pacifique, voies maritimes primordiales, sont en effet directement menacés par une piraterie qui a amené l’ensemble des armées nationales à mobiliser des moyens. La mission européenne Atalante en est un exemple. Plus largement, à l’échelle continentale asiatique, ce sont les problématiques de grande criminalité et de terrorisme qui font se rencontrer l’ensemble des préoccupations.
Reste la question de la stabilité régionale. Le Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale (LBDSN) remarque que «l’équilibre de l’Asie orientale a été modifié en profondeur par la montée en puissance de la Chine». Jean-Yves Le Drian a fait lui aussi allusion aux conflictualités qui persistent «dans cette région où des contentieux géopolitiques, parfois anciens, nourrissent des tensions». Les puissances asiatiques se livrent en effet à de véritables batailles diplomatiques, lorsqu’il s’agit de réclamer les Kouriles (Russie/Japon), de contester les détentions d’îles en mer de Chine (Chine, Japon, Taïwan, Corée du Sud), de revenir sur la conquête d’un territoire perdu dans l’Himalaya (Inde/Chine) ou encore de ne pas admettre le tracé d’une frontière (Cambodge/Thaïlande). L’appréhension du risque avec des pays incontrôlables, comme la Corée du Nord, ne fait qu’amplifier l’incertitude dans cette partie du monde.
D’autant plus que plusieurs de ces acteurs investissent massivement dans le domaine militaire. La Chine et l’Inde, notamment, enregistrent des progressions considérables dans ce secteur. Les marines, exposées en première ligne dans cette région, gagnent en taille. La multiplication des navires risque d’entraîner une croissance du nombre d’accrochages. Là aussi, le ministre de la Défense a appelé à la mise en oeuvre de dialogues accrus pour trouver les fondements d’une confiance mutuelle.
Petite France
Toutes ces évolutions amènent les Etats-Unis à réorienter leur stratégie de défense vers la région Asie-Pacifique. Constat du LBDSN : «Le renforcement de la présence militaire américaine dans la région peut contribuer à la maîtrise des tensions en Asie et faciliter la mise en place d’instruments de stabilité visant à assurer une gestion pacifique des différends.» Ce document de préciser que «l’engagement américain ne décharge pas la France [...] de ses responsabilités».
De par la présence de plusieurs territoires et départements d’outre-mer dans cette région, la France continue en effet de maintenir quelques installations stratégiques. La Réunion ou encore la Nouvelle-Calédonie offrent de maigres ports d’attache qui restent éloignés des coeurs des océans Indien et Pacifique. Elles restent néanmoins primordiales et justifient à elles seules la légitimité de la France à se préoccuper de cette partie du monde.
Reste que les réductions de moyens qu’implique le nouveau Livre blanc imposent une hiérarchisation des priorités. Le sommaire du document le montre : l’Asie et la Pacifique n’arrivent qu’en fin des enjeux stratégiques, après l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. A l’inverse, les Américains disposent d’un imposant réseau d’installations militaires à travers tout le Pacifique. Les Chinois, puisqu’ils sont au coeur des préoccupations, sont également parvenus à mettre en oeuvre un maillage maritime conséquent dans la région.
La France compte sur ses partenariats stratégiques pour accroître sa présence à moindre frais. Plusieurs accords viennent ainsi d’être signés avec l’Australie. D’autres, plus historiques, lient Paris au Vietnam ou à la Malaisie, notamment au travers de transferts d’armements. Une coopération que Jean-Yves Le Drian entend plébisciter.
C’est enfin et surtout sur la diplomatie que la France compte utiliser, en encourageant la promotion d’une architecture de sécurité régionale et un meilleur dialogue politique et militaire entre les pays. Pour cela, Paris aimerait pouvoir impliquer plus largement l’Europe. La Haute-représentante aux Affaires étrangères de l’UE, Catherine Ashton, a d’ailleurs pris la parole au cours de ce dialogue de Shangri-La. Défendant le modèle en trois axes de son service (diplomatie / défense / développement), la patrone de la diplomatie européenne a insisté sur le fait que l’intérêt de l’Europe n’est pas de «projeter de la puissance mais de responsabiliser».
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