30.04.23014 DGA
Une caméra intelligente capable de reconnaître ce qu’elle voit et de réagir en conséquence. C’est la prouesse réalisée par le laboratoire ELSI (European Laboratory for Sensory Intelligence) de l’Institut franco-allemand Saint-Louis (ISL) qui a développé Smart Cam. Dotée de capacités cognitives, c'est-à-dire d’une faculté à apprendre, celle-ci élève les systèmes vidéo à un niveau jamais atteint. Une idée qu’il faudra suivre avant qu’elle ne nous suive.
Apprendre, reconnaître, décider, réagir… des tâches habituellement humaines ou, à un moindre degré, animales. Oui mais voilà, l’apparition du concept d’intelligence artificielle a bien pour but de bousculer cet ordre établi. Ainsi, une petite caméra, Smart Cam, est peut-être sur le point de prouver que l’homme n’est pas le seul à pouvoir se doter de capacités cognitives. C'est-à-dire d’acquérir une connaissance et une indépendance relative dans ses choix. Imaginée et réalisée par les équipes de Pierre Raymond, chercheur, ingénieur et responsable du laboratoire ELSI de l’Institut franco-allemand de recherches Saint-Louis (ISL), Smart Cam ouvre la voie à une nouvelle génération de caméras et offre des perspectives duales très prometteuses. Tout cela grâce à son processeur TEAM, Target Evolutive Associative Memory.
Capable de réaliser 2 000 tâches simultanées
« Avec son potentiel de 2000 processeurs, Smart Cam se posera à terme en expert de terrain capable de réaliser 2 000 tâches en simultané. Grâce à cela, notre caméra est dotée d’une intelligence artificielle suffisante pour nous permettre d’entraîner le système à reconnaître des situations complexes. Ainsi éduquée, la caméra ne régira qu’aux seules situations pour lesquelles elle aura été spécifiquement entraînée », explique Pierre Raymond. Par exemple, il suffit d’éduquer la caméra à reconnaître des chutes de personnes pour que celle-ci mémorise cette classe d’évènement. Ainsi, si l’appartement d’une personne âgée est équipé avec le système, celui-ci pourra détecter et identifier que la personne est tombée chez elle. Peu importe la physionomie de l’individu ou la topographie des lieux.
C’est bien le mouvement et la nature de son auteur qui sont reconnus. Smart Cam ne confondra jamais l’humain avec le chat qui descend du guéridon du salon ou le vase de la commode qui s’écrase sur le plancher de l’entrée. Dès lors que la caméra aura assisté à l’évènement et saisi le vrai problème, elle pourra immédiatement envoyer un message à un système centralisé pour qu’il puisse intervenir de manière adaptée et rapide si besoin. « Le secret, c’est que l’on ne code pas des équations mathématiques dans notre système mais bien de l’expertise. » Smart Cam n’est pas programmée pour faire, mais réellement pour apprendre à faire. Elle ne se contente pas d’analyser les images qu’elle filme, elle apprend surtout à les sélectionner avant d’enregistrer toute seule, de son propre chef… y compris si cette sélection implique de faire la différence entre deux personnes, deux voitures, deux attitudes, deux couleurs, etc. C’est l’utilisateur qui décide du niveau de précision de la sélection par l’éducation qu’il donne à sa caméra. « Smart Cam peut associer le nom d’une personne avec l’image de son visage, mais également avec celle de sa cravate ou de sa montre. Nous sommes limités uniquement par notre imagination ! Le système interprète la scène, informe et peut être doté d’une capacité de prise de décision automatique », se félicite Pierre Raymond.
La réalité dépasse bientôt la fiction
Un appareil qui ouvre la voie à de très nombreuses applications puisque le processus complet d’apprentissage se fait en quelques secondes à peine pour un visage par exemple. Visage que l’on pourra retrouver où qu’il soit, dès lors qu’il rentre dans le champs d’une caméra relié au système TEAM. La réalité dépassera donc bientôt la fiction car le matériel a également la capacité d'apprendre même en phase de reconnaissance. Maintenance industrielle, suivi de production, suivi de paramètres environnementaux comme la sismologie, système fire and forget pour tracking auto adaptatif, surveillance périmétrique…
Smart Cam prend en compte des aspects inédit. Comme contourner tous les problèmes de confidentialité généralement liés à l’envoi d’images en continu. En effet elle analyse localement des images et ne transmet, si nécessaire, qu’un message de quelques octets. Un peu comme un SMS. Nul besoin d’un canal de transmission à haut-débit pour cela ! « Seules les images appropriées peuvent être éventuellement enregistrées localement. Une spécificité qui limite considérablement la taille des fichiers et rend les transmissions difficilement repérables. Enfin, toutes les informations envoyées sont directement codées par notre moteur d’intelligence artificielle. Ce qui les rend ininterprétables sans le dictionnaire approprié » Smart Cam n'enverra jamais un flux vidéo mais uniquement un message électronique n'ayant de sens que pour l'utilisateur. « L’intimité des personnes reste préservée dans le respect total des prescriptions de la CNIL », spécifie Pierre Raymond.
Et ça peut aller vite
L’ISL, institut sous tutelle de la DGA et du BAAINbw, a jusqu’ici mené ces recherches en interne. Mais ce petit trésor de technologie pourrait bien à l’avenir être intégré à un programme d’envergure comme un PEA. « Pour l’heure, nous sommes arrivés à un tel niveau de maturation que nous sommes prêts pour démarrer un RAPID. L’intérêt opérationnel est que nous pouvons exposer Smart Cam aux situations les plus dangereuses. In fine elle pourrait jouer un rôle significatif pour la sécurité et l’intégrité des forces». Le laboratoire ELSI de l’ISL a un accord de coopération scientifique et technique avec une TPE bourguignonne, GlobalSensing Technologies devant aboutir rapidement à des transferts technologiques.
ELSI, un laboratoire de recherche pour la défense
ELSI est un laboratoire de recherches intégré à l’ISL qui lui même dépend à la fois du Ministère de la Défense français et allemand. ELSI a été crée sous l’impulsion conjointe du Conseil général du Haut-Rhin et de l’ISL le 31 mars 2009. Objectif : évaluer les potentiels des technologies dites « de rupture » dans le domaine de la technologie de l’information et de la communication, comme celle de l’intelligence artificielle.