Propos recueillis par Alain Establier - Lettre SECURITY DEFENSE Business Review n° 102 – Mars 2014
SDBR : Dans la nouvelle entité Airbus Defence & Space, vous avez évoqué un changement de périmètre. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Marwan Lahoud : Actuellement nous faisons un inventaire complet des activités d’Airbus military, de Cassidian et d’Astrium, les 3 composantes d’Airbus Defence & Space (ADS), qui devrait aboutir vers le mois de juin. Tout ne sera peut-être pas encore figé à ce moment-là, mais nous aurons alors une bonne vision de l’existant pour pouvoir prendre des décisions au 2ème semestre 2014. Rien n’est fermé, ce qui signifie que le changement de périmètre pourrait aussi bien entrainer des cessions d’activités que des acquisitions de sociétés.
Dans ADS, il y a « Defence and Space » dans l’intitulé. Quid des activités civiles ?
Marwan Lahoud : Il n’y a pas de sous-entendu dans cet intitulé. Les activités civiles auxquelles vous faites allusion sont essentiellement des activités spatiales, ou bien les activités de réseaux sécurisés. Nous n’abordons pas les activités sous cet angle, à savoir est-ce de la défense ou non, mais selon le Core business d’Airbus Group : est-ce que cela vole, est-ce que cela contribue à des objets volants ou est-ce que cette activité contribue à la notoriété du groupe, est-ce que cette activité contribue au positionnement du groupe en tant qu’acteur de la défense ou de l’espace ? Une fois que nous avons répondu à ces questions nous étudions les critères financiers, à savoir est-ce une activité rentable ou non, est-ce une activité capitalistique ou non ? Toutes ces questions nous permettront de décider de la pérennité de telle ou telle activité dans le groupe. Une fois que la décision sera prise de garder ou non une activité, il nous faudra réfléchir aux moyens de la conserver et de la développer, ou bien de la vendre, à condition qu’il y ait des acheteurs…
Peut-on parler des drones ?
Marwan Lahoud : Les drones ! Prenons l’exemple du Talarion (projet de drone Male de Cassidian). Nous avons annoncé avoir lancé le Talarion en une coopération de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et de la Turquie. Qu’en était-il en fait ? Quatre industriels avaient signé une lettre disant en substance : « s’il y a un programme de drone Male et si tout le monde est d’accord, alors nous le ferons ensemble… ». La réalité était un peu différente : la France n’a ni argent ni programme de drone Male, l’Allemagne non plus (en tous cas à ce jour, car le gouvernement vient de changer), l’Italie on ne sait pas et la Turquie non plus. Voilà la réalité. En revanche ce qui est sûr, c’est que si nous ne faisons pas rapidement de la technologie de drone en Europe, nous serons dépassés technologiquement pour l’aéronautique de l’horizon 2040 ! Comme on le constate avec les avions commerciaux, l’évolution va toujours dans la même direction. Il y a un enjeu majeur de l’objet volant sans pilote, qui ne peut être ni sous-estimé ni oublié. Au même moment, aux Etats-Unis et en Israël, les technologies « unmanned » se sont considérablement développées. Donc, si nous ne faisons pas d’effort sur ce sujet nous serons vite dépassés.
La Turquie rechigne à prendre livraison de ses A400M. Pourquoi ?
A400M MSN9 - photo Airbus DS
Marwan Lahoud : C’est toujours très ennuyeux. Sur un avion livrable, il existe des centaines de points de contrôle techniques or nous assistons à une contre-négociation contractuelle pour des points de détail. Tant que le client ne prend pas possession de l’avion, bien sûr le solde contractuel n’est pas dû… Le problème, c’est que l’industriel a lui une chaîne à faire tourner et des cadences à tenir. De plus cela fait mauvais effet sur les autres clients.
Quid du psychodrame entre Astrium et Thales Alenia Space ?
Marwan Lahoud : L’idée qu’on entend parfois, « il y a des difficultés chez TAS, il y a des difficultés chez Astrium, marions-les et tout ira mieux », est pour moi de la stratégie à deux sous… Je comprends que cela puisse passionner certains, friands de grand meccano industriel, mais un industriel est d’abord intéressé par la charge de ses usines, ce qui permet de faire tourner ses outils de production. S’il y a des activités à arrêter chez Astrium, nous les arrêterons et s’il y en a à développer, nous les développerons. Mais pour pouvoir acheter une activité, il faut un vendeur et un acheteur. Il faut sortir de la logique qui consiste à penser que toute idée de meccano se concrétisera forcément. Aujourd’hui, nous ne sommes pas vendeur et il en est de même pour Thales, il me semble.
Nos missiliers sont parfois en concurrence. Quel est votre avis sur ce sujet ?
Marwan Lahoud : MBDA est dans notre Core business et c’est une participation rentable dont nous sommes très contents. Si vous faites référence à l’Arabie saoudite, il faut replacer les choses dans leur contexte en y mettant des chiffres. En Arabie saoudite, il s’agit d’un budget de 4 milliards sur 20 ans pour la défense aérienne (soit 200M par an en moyenne). Le chiffre d’affaires annuel de MBDA est de 3,5 milliards, donc ramenons les sujets à leur juste proportion.
Concernant l’A380, vous avez souligné l’effort de ventes qu’il y avait à faire par Airbus. Avez-vous des espoirs en chine ?
Marwan Lahoud : C’est un avion qui a été conçu pour le marché chinois. D’ailleurs, les compagnies chinoises étaient parmi les compagnies aériennes qui ont été réunies dans le groupe de travail qui a donné les spécifications du projet de l’A380…
* Airbus Group : http://www.airbusgroup.com