28/05/2013 Par Jean Guisnel Défense ouverte Le Point.fr
Alors même que l'UE lève l'embargo sur les armes destinées à l'opposition syrienne, le traité sur le commerce des armes entre dans sa phase de ratification.
C'est un curieux paradoxe : alors que l'Union européenne vient d'accorder aux États-membres le droit de livrer des armes à l'opposition syrienne en levant l'embargo qui la frappait et sans aucune garantie sur leur utilisation, la période de signature du Traité sur le commerce des armes (TCA) s'ouvrira le 3 juin prochain à New York. La phase d'entrée en vigueur de ce texte essentiel pour la moralisation internationale du commerce des armes fait suite à l'adoption du traité, le 2 avril dernier, par 154 des 193 pays membres de l'ONU. La Corée du Nord, l'Iran et la Syrie avaient signé contre le traité discuté dans le cadre de l'ONU. 23 autres États s'étaient abstenus, dont les gros exportateurs que sont la Chine et la Russie, et plusieurs gros acheteurs comme l'Égypte, l'Inde et l'Indonésie.
Fabius : "Une avancée majeure"
Dès lors que les pays auront signé le traité, il faudra ensuite que celui-ci soit ratifié, c'est-à-dire que les Parlements nationaux le fassent entrer dans la loi. C'est aux États-Unis que cette ratification sera la plus problématique, car la question des armes y est un sujet très chaud au plan intérieur. La ratification ne posera en revanche pas de problème en France, qui signera le traité dès le 3 juin. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait déclaré lors de l'adoption du texte à l'ONU que celle-ci constituait "une avancée majeure pour le droit humanitaire international et les droits de l'homme, placés au coeur des critères que les États parties s'engagent à respecter pour réguler les transferts d'armes". Le texte entrera en vigueur lorsqu'il aura été ratifié par 50 États, ce qui pourrait intervenir dès la fin de 2014.
Un traité réclamé par les ONG
Ce nouveau texte international a été voulu par de nombreuses ONG, qui ont participé à son élaboration, les plus importantes étant Oxfam et Amnesty International. Le traité stipule que chaque pays soumet toute transaction commerciale (importation, exportation, transit, courtage ) - mais pas les transferts gratuits - à un examen national permettant de déterminer si les armes concernées seraient susceptibles de contourner un embargo international, de commettre des "violations graves" des droits de l'homme ou d'être détournées au profit de terroristes ou de criminels. C'est un processus déjà appliqué dans les grandes démocraties occidentales, très comparable à celui que met en oeuvre le Code de bonne conduite de l'Union européenne. Dès lors qu'elles sont concernées par d'autres textes, les armes NBC (nucléaires, biologiques, chimiques) ne sont pas concernées par ce texte, dont relèvent en revanche tous les armements dits "conventionnels" ou "classiques", du pistolet automatique à l'avion de chasse.
Réticences américaines
À la demande des États-Unis, qui détiennent pratiquement 50 % d'un marché mondial des armements évalué à 80 milliards de dollars par an, les munitions, les pièces détachées et les composants ne font pas partie des armes couvertes par le traité. Elles font l'objet d'une distinction, les contrôles ne s'appliquant qu'à l'exportation, et les pays n'étant pas tenus de les comptabiliser dans un registre. Pour autant, et malgré toutes ces restrictions, ce texte constitue une réelle avancée. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait d'ailleurs considéré lors de l'adoption du texte que cette dernière constituait un "succès diplomatique historique", apportant "un nouvel élan bienvenu à d'autres efforts de désarmement".