28.04.2014 affaires-strategiques.info
Alors que la Commission européenne a rappelé cet été l’importance de développer et de renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), le GRIP se propose d’analyser les défis auxquels sont confrontés les industries de défense et les gouvernements européens.
Le chercheur du think tank belge, Yannick Quéau, présente tout d’abord l’évolution du processus de mondialisation de l’industrie d’armement depuis la fin de la Guerre froide, processus qui comprend, selon lui, cinq étapes distinctes. Ainsi, après une première phase de consolidation encouragée par les gouvernements américain et européens, la seconde étape fut celle de la ‘transatlantisation’ de l’industrie d’armement caractérisée par « l’acquisition de capacités de production sur une rive de l’Atlantique par une firme venue de l’autre rive ». Suivirent un troisième stade marqué par la prospérité de l’industrie d’armement et son réajustement vers des armes de guerre asymétrique ainsi qu’un quatrième cycle qui verra l’émergence de nouveaux acteurs industriels dans les pays du ‘Sud’. La dernière étape implique les impacts de la crise financière de 2008 qui a amené de nombreux gouvernements à réévaluer leurs priorités budgétaires, le secteur de la défense représentant dans la majorité des cas une variable d’ajustement.
C’est dans ce contexte que se trouvent actuellement les firmes européennes qui restent en compétition les unes avec les autres pour l’obtention de contrats d’exportation, une lutte qui fera assurément des victimes sur le ‘Vieux Continent’ d’où la nécessité de consolider la BITDE. Cela dit, comme le souligne Yannick Quéau, il n’est pas sûr que les Etats européens aient la volonté politique ou la capacité matérielle de s’engager sur cette voie. D’autant plus que les pays émergents et surtout les Etats-Unis influent également sur le développement d’une puissance militaire européenne. Ainsi, tout en encourageant l’Europe à prendre en main sa sécurité, le pivot américain en Asie réduit les opportunités des firmes européennes sur le marché asiatique qui reste primordial pour le maintien de la BITDE et donc pour l’émergence d’une défense européenne. C’est également de ce point de vue que les ambitions industrielles des pays émergents remettent en cause le projet de défense européenne puisqu’ils représentent des concurrents supplémentaires.
Dès lors, comme le note le chercheur du GRIP, « le futur ne s’annonce (…) pas sous les meilleurs auspices pour les industriels européens » sauf s’ils parviennent à se diversifier significativement vers les marchés civils. Aussi, il est essentiel que les gouvernements européens se mettent d’accord sur des fusions industrielles ce qui est loin d’être une tâche facile. En effet, la plupart des Etats concernés refusent de perdre leur autonomie stratégique ou de transiger sur ce qu’ils considèrent comme leurs intérêts vitaux. En témoigne le rôle de l’Allemagne dans l’échec du rapprochement entre BAE et EADS. Malgré tout, le projet de défense européenne demeure pertinent, d’autant plus qu’il représente le seul moyen pour les industriels européens de survivre et pour les Etats de l’UE de maintenir une BITDE nécessaire à leur sécurité. Cependant, si un ‘réveil’ des pays du Vieux Continent n’est pas impossible, « le temps est un facteur critique et il vient à manquer ». Entre-temps, « l’industrie européenne ne peut pas rester passive », la sécurisation de son accès au marché américain et le renforcement de ses partenariats avec les pays émergents représentant ses principales options.
Le rapport sur le site du GRIP