Canadian air force CF-18 Hornet Exercise Vigilant Eagle 13
6 avril 2014 par Richard Rutily – 45eNord.ca
L’idée de ce billet a pris corps lorsque j’ai pris conscience que le processus d’acquisition d’un remplaçant aux CF-18 Canadiens avait des chances d’être assez long. La question que l’on peut se poser est: Pour qui joue le temps?
Comme SAAB n’a pas répondu au RFI du Canada, on examinera le cas du Super Hornet, puis du F35, du Typhoon et du Rafale
Super Hornet
En 2012, il restait 257 avions à livrer et les commandes pour 2013 pouvaient se monter à 66 E/F et 58 Growlers, ce qui permettait de tenir jusqu’en 2015.
Depuis la date limite a été repoussée à 2016, mais l’horizon se rapproche!
Il faut dire que la stratégie de Lockheed Martin consiste à s’appuyer sur l’USAF pour détruire toute possibilité de solution alternative à l’achat du F35. L’arrêt des lignes de production du F 15 et du F18 lui permettrait d’avoir un monopole dans la production des avions de chasse.
La Navy, elle, voudrait maintenir ouverte la ligne de production du F 18. Elle a d’abord essayé des commandes E/F, mais des indiscrétions ont fait échouer la manœuvre, alors elle essaye avec le Growler, mais là encore elle a été contrainte d’annuler une notice de pré-sollicitation.
Il ne reste donc plus que l’export. La stratégie de Boeing consistait à gagner le Brésil puis le Canada, les EAU et le Qatar. Las, l’affaire Snowden aidant, le Brésil est allé au Gripen! Boeing essaye donc d’accélérer la décision du Canada, mais les hommes politiques du Canada ne sont pas pressés et préféreraient que la décision soit prise après les prochaines élections.
Le problème pour Boeing c’est qu’il faut acheter dès maintenant les items dont les délais de livraison sont longs.
Boeing told me they’ll have to make key decisions on long-lead items in early 2014. “When you lose a line,” said Aboulafia, “you almost never get it back.”http://breakingdefense.com/2013/12/forbes-champions-buying-super-hornets-f-18-vs-f-35-round-two/
On voit donc que la décision d’arrêter la ligne de production du F18 doit être prise maintenant.
JSF F-35
Le cas du F-35 est très différent de celui du F-18, le carnet de commande est théoriquement pléthorique et l’avion n’est pas encore au point.
Le problème du F-35 c’est la spirale de la mort. On appelle ainsi un cercle vicieux dont on ne sait pas sortir une fois qu’il s’est déclenché: à un prix objectif correspond un certain nombre d’avion que l’on peut vendre, si le prix augmente certain pays ne sont plus intéressés et le nombre d’avion à produire baisse. Cette baisse fait augmenter le prix et le cycle recommence. Or le prix du F 35 a augmenté de 70%.
On est à la limite du cercle vicieux que l’on a décrit, et pour éviter qu’il ne s’enclenche Lockheed Martin fait preuve d’un optimisme ahurissant dans ses annonces sur le devenir du programme.
Mais si l’on s’en tient au passé pour juger de l’évolution du programme, on peut dire qu’elle est catastrophique:
Le programme F-35 a commencé en 2001 quand le programme X-35 a été choisi. A cette époque la livraison était prévue en 2011 et il s’agissait de la livraison d’un avion complètement opérationnel. Aujourd’hui un événement équivalent serait la livraison et l’IOC du Block 3F qui est prévue en 2021.
Après 13 ans de développement, l’horizon de la livraison qui, au départ, était à 10 ans, est maintenant à 7 ans. Il a fallu 13 ans pour réduire la distance de l’horizon de 3 ans! Lockheed Martin jure qu’à partir de maintenant les délais seront tenus et les coûts vont baisser, mais la version Block 2B dont l’IOC est nécessaire pour livrer en 2015 (dans un an) le F-35 aux Marines vient de voir son planning glisser de 13 mois. Si le taux de dérive se maintient, on ne devrait pas voir cette livraison avant 2019.
Vous l’avez compris, pour le F-35 le temps est un ennemi redoutable car il démontre la fausseté de la narrative en montrant la réalité.
Par exemple il démontre que la spirale de la mort est déjà enclenchée:
Royaume-Uni: commandes prévues 150; commandes prévisibles 48
Italie: commandes prévues 130; commandes prévisibles 90 (l’annulation complète de la commande est en discussion)
Pays bas: commandes prévues 85; commandes prévisibles 37
Canada: commandes prévues 65; commandes prévisibles?
Norvège: commandes prévues 85; commandes prévisibles 52
Cela fait en tout 228 commandes en moins de la part des partenaires internationaux.
Typhoon
1er Typhoon Tranche 3 en vol photo BAE Systems
Le problème du Typhoon c’est que les 4 pays à l’origine du programme ne croient plus en son avenir.
Le Royaume-Uni a misé sur le F-35 et ne peut pas s’en libérer complètement car seul le F-35B peut être embarqué sur les deux portes avions en cours de construction. C’est quand même le pays qui serait le plus volontariste pour développer le programme mais il se heurte à la mauvaise santé financière de l’Italie et de l’Espagne et à la volonté d’économie de l’Allemagne qui a annulé la commande de 37 avions tranche 3B. Il y a eu une commande de la tranche 3A dernièrement, mais on peut se demander si la tranche 3B sera commandée.
De plus il faut nourrir quatre chaînes de production, si bien qu’il reste assez peu d’avion à produire, au rythme où on est obligé de les produire. Cela explique la déclaration de Tom Enders: «Je ne suis pas terriblement optimiste», a-t-il dit au sujet de l’avenir de l’Eurofighter.«Nous espérons remporter encore un ou deux succès à l’exportation mais nous devons aussi nous préparer à un scénario où, en raison d’absence de commandes à l’exportation, nous devrons bientôt réduire la production», a-t-il expliqué. Faute de quoi, les lignes d’assemblage (au nombre de 4), verront leur plan de charge réduit à zéro à partir des années 2017-2018.
Bien que de façon moins critique, le temps joue aussi contre le Typhoon.
Rafale
Rafale photo S. Fort - Dassault Aviation
Le Rafale est un cas particulier car il a une assurance vie. L’état Français s’est engagé à alimenter une cadence de production de 11 avions par an, qui est la cadence minimum qui permet de maintenir la chaîne ouverte.
Au 1er Janvier 2014 Dassault avait livré 126 Rafale et il en restait à peu près 100 à livrer ce qui fait 9 ans. Cela nous mène donc en 2023. Bien sur l’état Français souhaiterait étaler ses commandes en donnant la priorité à l’export, c’est pourquoi la LPM (qui n’est qu’une prévision d’allocation de ressource mais qui n’est pas contraignante) fait l’hypothèse qu’il ne sera produit que 26 Rafale pour la France, entre 2014 et 2019. Si cela se vérifiait cela voudrait dire que l’on a produit 29 Rafale pour l’export ce qui repousserait la fin de la production du Rafale en 2026.
Le temps semble être critique pour la France mais pas pour Dassault.
Conclusion
Aussi surprenant que cela paraisse, on risque de voir Boeing être forfait sur cet appel d’offre après avoir essayé d’en accélérer la sortie, et Eurofighter pourrait les suivre 3 ans après! Il ne resterait que le JSF F-35 et le Rafale, et dans ce cas plus l’appel d’offre sera tardif, plus le Rafale sera favorisé.
Cette conclusion va à l’encontre de l’intuition, mais elle est assez robuste. Prenons pour exemple le seul cas où il y a eu une confrontation entre le Rafale et le F-35, c’est-à-dire l’évaluation qui a été faite en 2002 par les Pays Bas: l’écart était insignifiant, la note du Rafale était de 6.95 et celle du F35 de 6.97, mais la comparaison se faisait entre un avion réel que l’on pouvait essayer et un avion sur spécifications. Or les spécifications du F-35 n’ont pas été tenues et ont du être dégradées tandis que le Rafale est devenu mature et a démontré des progrès continus pendant 12 ans. Il semble donc évident que si une évaluation devait se faire aujourd’hui, la position du Rafale serait plus favorable qu’elle n’a été à l’époque.