31 mars 2015 par Bastien Duhamel – 45eNord.ca
Mercredi 25 s’est déroulée la 6e rencontre internationale Université-Défense de Québéc accueillie par l’Université Laval, le thème de cette année: «les drones: un outil incontournable, des questions légitimes». Rassemblés pour cette journée, des membres du monde académique, militaire et civil, ont réfléchi sur les opportunités offertes par l’utilisation de ces nouvelles plateformes aériennes.
Aujourd hui, les drones font partie intégrante des arsenaux militaires à disposition des différentes forces armées à travers le monde et se rendent peu à peu indispensables lorsqu’il s’agit de collecter des informations en théâtre d’opération extérieur.
En 2011, plus de 76 pays en possédaient. Les États-Unis à eux seuls en compte plus de 10.000 prêts à être déployés. Pour la seule année de 2010, ce ne sont pas moins de 21.000 sorties de ces plateformes aériennes rien que pour le théâtre irakien.
Championnes en la matière, les forces israéliennes ne semblent plus pouvoir envisager la conduite d’une opération militaire s’en l’accompagner d’une flotte de drones. S’il est difficile d’avoir des données exactes, on estime que les drones représentent 50% des sorties des forces aériennes israéliennes. A des fins de surveillance ou d’attaque, l’état-major israélien n’hésite pas à faire décoller des drones plus de 90 fois par jour comme lors de l’opération «PLOMB DURCI» a expliqué Philippe Gros, chargé de recherche à la fondation pour les Études stratégiques à Paris.
Drones tactiques, armés, de surveillance, de quoi parle-t-on?
Comme l’a souligné Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, chargé de mission «Affaires transversales et sécurité» pour le ministère français des affaires étrangères, il importe de bien distinguer les drones armés de ceux dont le déploiement ne sert qu’à des fins de renseignement.
Contrairement aux présupposés tenaces du grand public, l’écrasante majorité des drones actuels demeurent des drones de surveillance. Seuls trois pays à savoir Israël, les États-Unis ainsi que la Grande Bretagne utilisent effectivement des drones armés au sein de leur flotte aérienne.
Ces derniers viennent enrichir le panel des possibilités qui s’offrent aux décideurs militaires lorsqu’il s’agit de mener une élimination ciblée. Dans un rapport asymétrique aux risques encourus comparés à ceux de l’ennemi, les drones armés type Prédator américains, permettent d’effectuer des frappes plus discriminantes et de diminuer les risques de dommages collatéraux ou victimes civiles.
Les intervenants se sont également attachés à détruire l’idée communément répandue selon laquelle les drones consisteraient en une technologie militaire intégralement déshumanisée oubliant ainsi le travail des opérateurs et des équipes militaires qui les entourent.
Pilotes de drone, analystes des images fournies, troupes au sol clientes des informations récoltées, la composante humaine reste au cœur de l’utilisation de ces plateformes aériennes a rappelé le lieutenant-colonel français Christophe Fontaine, commandant de l’escadron de drone 1/33 basé à Belfort en France.
L’utilisation des drones: une véritable addiction pour les forces armées
Le déploiement des plateformes aériennes tactiques offre l’opportunité sans précédent d’instaurer une occupation aérienne permanente sur un espace aérien donné. En cela, les drones complètent le travail des satellites, chasseurs, et autres unités terrestres qui participent au renseignement mais en assurant une permanence dans cette surveillance.
Ici réside l’atout stratégique majeur propre à ces plateformes aériennes. De la reconnaissance, au ciblage en passant par l’appui aux troupes au sol, l’évaluation des risques/dégâts ou encore l’escorte, le nombre de missions différentes que les drones sont capables d’accomplir est considérable.
Tous ces avantages combinés avec la minimisation des risques physiques encourus pour les soldats entraînent une addiction croissante au sein de forces armées à ces concentrés de technologie multitâches.
Néanmoins, les conférenciers n’ont pas manqué de rappeler les limites auxquelles se heurtent encore les opérateurs de drone et leur escadron. Les drones tactiques actuels tels que le Reaper français ou encore le Hermes 450 israélien pour ne citer qu’eux, ne peuvent être déployés que si les conditions météorologiques y sont propices. De même, leur employabilité en théâtre d’opération requiert de posséder la supériorité aussi bien aérienne que cybernétique sur l’adversaire.
Par ailleurs, il serait erroné de considérer les risques liés à l’utilisation de ces plateformes aériennes tactiques comme nuls. Les risques de collisions aériennes, notamment, sont bien réels à l’image de la flotte de drone américaine qui a déjà vue plus de 400 de ses unités se crasher. Impossible non plus d’écarter la possibilité de problèmes techniques liés au degré d’automatisation des drones, par exemple en matière de problèmes de communication avec le cockpit de pilotage au sol.
Des débats moraux et légaux autour des drones militaires
A l’heure où les conflits se jouent des frontières étatiques établies et ou les menaces prennent la forme de groupes armés menant des luttes de guérilla asymétriques, les drones représentent une nouvelle réponse capacitaire face à ces affrontements d’un genre nouveau.
Si pour certains, le recours à des éliminations ciblées via des drones armés relèvent de la lâcheté et vont à l’encontre des valeurs militaires de bravoure et de prix du sang. D’autres y voient un moyen efficace de mener des frappes discrètes, discriminantes, permettant de minimiser les victimes civiles tout comme l’exposition des soldats.
Sur le plan légal, l’utilisation de ces plateformes aériennes pose la question de la responsabilité et de la conformité aux règles du droit international.
Maître Claude Laferrière, avocat et chargé de cours a expliqué qu’en ce qui concerne les États-Unis, c’est la règle du secret d’état qui s’appliquait au commandement des drones. Interrogé sur le modèle français, le lieutenant-colonel Français Christophe Fontaine a insisté sur le fait que les drones répondaient aux mêmes règles d’engagement et de responsabilité que les avions de chasse.
Quand on en vient au ciblage, le droit international humanitaire n’autorise que la frappe de cibles ayant un caractère militaire donnant un avantage tactique à l’ennemi. C’est donc, en principe, à ce cadre que ce borne l’utilisation des drones armés comme l’a souligné le capitaine de corvette Marc-André Vary, conseiller juridique de l’Etat-major interarmées des forces canadiennes.
A l’issue de la rencontre, une certitude semble faire l’unanimité: les drones ne vont cesser d’accroître leur place au sein des différentes forces armées à travers le monde. Ces plateformes aériennes renferment un potentiel militaire d’autant plus important qu’il est indexé sur les développements technologiques.