Des chasseurs CF-18 Hornet du 425e Escadron tactique de chasse de Bagotville en vol au dessus de la mer Méditerranée près de Trapani en Italie, le 29 mars 2011. (Crédit photo : OTAN / Caporal Marc-Andre Gaudreault, Caméra de Combat des Forces Canadiennes © 2011).
Mar 21, 2012 Mieszko Dusautoy (BRUXELLES2)
Il y a un an, les frappes menées par une coalition ad hoc, puis par l’OTAN démarraient en Libye. Le temps du retour d’expérience (lessons learned ou ‘review of lessons’ en anglais) est aujourd’hui venu. Et le Général Marcel Druart, directeur des opérations à l’OTAN, a confié, mardi (20 mars), aux eurodéputés de la sous-commission « Défense et Sécurité » ses premières impressions, même le processus de retour d’expérience est toujours en cours aujourd’hui (l’opération ne s’est terminée officiellement que le 31 octobre dernier).
Un succès militaire global
Tout d’abord, Unified Protector a été un succès militaire « reconnu très largement » a-t-il expliqué. L’armée libyenne, en particulier ses composantes aériennes et anti-aériennes, a été rapidement éradiquée. Le mandat de zone d’exclusion aérienne a été rempli. « Pas un mort du côté de l’OTAN« . Et cela avec un « nombre très limité » de victimes collatérales, justifie le Général Druart qui s’appuie sur les deux rapports publiés en mars 2012 par la Commission d’enquête du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU (disponible ici) et par Amnesty International (ici). Les conclusions de ces deux rapports coïncident et dénombrent entre 55 et 60 victimes civiles dues à des raids de l’OTAN. Mais Amnesty regrette tout de même que l’OTAN se déresponsabilise de cette question après le conflit: « Des enquêtes adéquates doivent être menées, et les victimes et leurs familles doivent être entièrement dédommagées ». Le nom du rapport de l’ONG est explicite: « Libye, les victimes oubliées des frappes de l’OTAN ». Ce à quoi l’OTAN répond que cela ne fait pas partie de son mandat et que c’est aux autorités libyennes de s’en charger. Le Général confirme cette approche et préfère rester dans son domaine : « un terrain politique sur lequel je n’irai pas ».
Le « targeting »… indispensable
Il y a eu « une extrême prudence dans les frappes« , affirme le général, même si « le risque zéro n’existe pas« . Les victimes civiles s’expliquent, selon lui, par le fait qu’il n’y avait pas de troupes à terre pour le renseignement. D’autant que les soldats pro-Kadhafi « utilisaient du matériel civil pour se cacher [et] se réfugiaient dans des bâtiments civils« . Toutefois, cela a pu être compensé dans une certaine mesure par une procédure stricte et par des technologies de précision, telles que les missiles à guidée laser ou les drones. L’officier de l’OTAN a insisté sur le caractère de plus en plus indispensable du volet ISR (« Intelligence, Surveillance, Reconnaissance ») et du ciblage (« targeting »). Ce n’est pas simplement un outil mais une « composante critique pour la planification et l’exécution« .
Un déficit de moyens coté européen
La dépendance caractérisée des Européens vis-à-vis des Américains a été au coeur des questions et commentaires des parlementaires. Si les Européens n’ont pas eu / pas voulu avoir le « lead » politique, l’opération n’aurait pas été possible sans leur matériel et leur personnel. « L’OTAN doit faire en sorte que ces moyens soient disponibles plus largement. (…) Les alliés devraient concentrer leurs efforts sur l’ISR ». Il y a « clairement un déficit » du côté européen.
En ces temps de restriction budgétaire, le « pooling and sharing » est « très utile » selon Druart. C’est avant tout « un contrat de confiance » pour « un accès garanti aux capacités« . Pour Unified Protector, « ce contrat a été réalisé« , selon lui. Par exemple, les Etats Unis ont, d’emblée, accepté de fournir l’équipement et le personnel. Le « pooling and sharing« , à l’européenne, est similaire, complémentaire, du concept de « smart defence » cher au secrétaire général de l’OTAN Rasmussen: il s’agit, comme le rappelle le Général, de « spécialisation, de priorisation (afin de) combler les faiblesses budgétaires nationales par la force multilatérale« .
Une bonne inter-opérabilité
Certains députés se sont inquiétés d’une coalition trop ouverte (avec des pays non membres de l’OTAN) qui pourrait poser des problèmes d’inter-opérabilité. La coopération avec des pays comme le Qatar était évidemment au coeur des pensées. Mais pour le Général Druart, il n’y a pas de problème particulier à ce sujet. Au contraire, il y a eu une « bonne inter-opérabilité« . Il rappelle que les pays du Golfe sont de toute façon entraînés et équipés très souvent par les Américains ou les Européens. « L’intégration se fait très correctement. (Mais) il y a encore des progrès à faire. »
Un échec de l’UE … à nuancer
La Libye n’a pas été un échec pour l’Union européenne, même si elle n’a pas réussi à lancer une mission PSDC. Les Européens – France et Grande Bretagne en tête -, ont pris la tête de la coalition OTAN. Et les pays de l’UE ont « clairement fait avancer les choses« , souligne le Gén. Druart, imprimant ainsi leur marque dans l’OTAN. Par exemple, ce sont eux qui ont fait pression pour l’engagement d’hélicoptères, qui a été très utile dans l’opération selon l’officier. Et l’OTAN reste une organisation essentiellement militaire, elle doit reposer sur « d’autres » pour avoir une approche globale. D’autres… c’est-à-dire notamment l’UE. Ce sera le cas pour le contrôle des frontières par exemple, pour lequel l’UE a effectivement déjà lancé une mission d’évaluation. Et le Général Druart d’insister une fois de plus sur la nécessité d’investir dans l’ISR…
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