30 janvier 2015 45eNord.ca (AFP)
La pression s’accroît sur Boko Haram près du lac Tchad: des troupes tchadiennes ont pris position sur la frontière entre Cameroun et Nigeria, et une localité nigériane tenue par les islamistes a subi des bombardements aériens.
L’avancée des troupes tchadiennes dépêchées au Cameroun pour contrer les insurgés nigérians, qui se sont emparés de pans entiers du nord-est du Nigeria et menacent toujours plus les pays voisins, laissait présager jeudi l’imminence d’une opération militaire.
Très critiquée pour son inaction face à Boko Haram, l’armée du Nigeria a annoncé avoir bombardé mercredi la localité de Malam Fatori, située à la frontière avec le Niger, près de la rive ouest du lac Tchad.
Selon des habitants de la ville nigérienne de Bosso, de l’autre côté de la frontière, les bombardements ont commencé mercredi matin et ont duré plusieurs heures.
Selon ces témoins, les avions venaient du Tchad. Le porte-parole de l’armée nigériane n’a pas confirmé l’implication du Tchad, indiquant toutefois: « Malam Fatori fait partie de la région couverte par la force multinationale conjointe, dont le Tchad fait partie ».
N’Djamena, qui déploie ses troupes au Cameroun mais aussi le long de ses frontières et notamment à Déboa près du Niger, n’a pas non plus confirmé être intervenu au Nigeria.
Par ailleurs, plusieurs habitants de Baga Sola, ville tchadienne sur la rive centre-nord du lac, ont affirmé avoir vu décoller des hélicoptères et avoir entendu « des explosions » à plusieurs reprises sur le lac Tchad ces derniers jours.
Les troupes tchadiennes ne cessent de s’approcher des insurgés.
Ainsi, près de la rive sud-est du lac Tchad, les soldats tchadiens envoyés au Cameroun ont pris position dans la ville stratégique de Fotokol, poste frontière camerouno-nigérian. À quelques dizaines de mètres seulement des positions islamistes, qui occupent la ville de Gambaru de l’autre côté d’un pont.
« Les premiers soldats tchadiens se sont déployés hier (mercredi) à Fotokol », a indiqué jeudi à l’AFP, sous couvert d’anonymat, un responsable sécuritaire camerounais dans la région, sans préciser les effectifs de ce contingent.
Les islamistes ont déjà lancé des actions à partir de Gambaru, se heurtant aux troupes camerounaises, qui ont tenu le choc jusqu’à présent.
Mercredi et jeudi, des roquettes tirées par des islamistes embusqués à Gambaru sont tombées à Fotokol. Deux jeunes civils nigérians ont été tués jeudi par ces tirs, selon une source sécuritaire.
Ces mouvements surviennent à la veille d’un sommet de l’Union africaine à Addis Abeba, où l’avancée de Boko Haram sera au centre des débats. Le Tchad devrait s’y faire entendre.
‘Menace mondiale’
Arrivé au Cameroun le 17 janvier, l’important contingent tchadien entend en découdre et reprendre Baga, ville-clé du nord du Nigeria sur la rive centre-sud du lac Tchad. Dans cette ville tombée début janvier, les islamistes ont perpétré des « crimes contre l’humanité », selon Washington et Paris.
Le Cameroun subit depuis des mois des incursions sanglantes des islamistes venus du Nigeria.
Les dernières violences remontent à mardi et mercredi: dix Camerounais ont été égorgés par des hommes armés présentés comme des membres de Boko Haram dans trois localités de la région de l’Extrême-Nord camerounais, selon des sources locales.
Les actions des armées camerounaise et tchadienne seront « conjointes », a souligné un officier supérieur de l’armée camerounaise. « Tout fait l’objet de planification. (…) Chaque pays doit préserver ses intérêts (mais) personne n’agira en cavalier (seul) », a-t-il expliqué.
Le sommet d’Addis Abeba pourrait accélérer la prise de décision.
Au Nigeria, la montée en puissance de Boko Haram, dont l’insurrection et sa répression par l’armée ont fait plus de 13.000 morts depuis 2009, s’est encore manifestée le 25 janvier avec la prise de la localité de Monguno et une offensive sur Maiduguri, capitale régionale du nord-est.
« Ce qui a commencé comme un gang criminel localisé se propage désormais en Afrique de l’Ouest et centrale (…) Ce n’est pas simplement une menace pour certains pays, (….) C’est une menace mondiale qui droit être combattue mondialement, avec l’Afrique en tête », a lancé lundi la présidente de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma.
Le sommet des chefs d’État et de gouvernement tentera notamment de rendre effective une force multinationale d’environ 3.000 hommes. Créée fin 2014 par les pays riverains du lac Tchad et le Bénin, elle peine à entrer en action en raison de dissensions entre Abuja et ses voisins.