by Alain Establier Security Defense Business Review • 03 Septembre 2013 • N° 89
En ce jour de rentrée, quel est l’état de la Menace* dans le monde?
Le continent africain est toujours le continent de l’insécurité et de l’apparition brutale de foyers de tensions interethniques et de rivalités de voisinage, agrémentés d’exactions liées au djihadisme islamique, à la délinquance brutale (rapts, piraterie maritime) et au contrôle de zones de trafics illicites en tous genres. Il y a peu de pays dont on peut dire qu’ils sont aujourd’hui des zones de tranquillité absolue et qu’ils le resteront dans les 15 ans qui viennent, délai nécessaire pour envisager des programmes d’investissement économiques conséquents. Les seuls endroits de relative tranquillité sont ceux qui bénéficient d’un pouvoir militaire fort ou de bases de soutien d’une force étrangère, celui de la France en particulier.
Le Moyen-Orient (Egypte, péninsule arabique, Israël, Liban, Turquie, Syrie, Irak et Iran), reste un foyer de haute tension et peut entrainer une conflagration généralisée entre sunnites et chiites (sur le modèle de la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988, par exemple). Mais, pour peu que les occidentaux s’abstiennent pour une fois de jouer les pyromanes, ce vaste territoire peut aussi s’apaiser si la Turquie redevient un état laïc (ce qu’elle n’est plus), que l’Iran est respecté en tant que grand pays et que la péninsule arabique est mise au pas pour cesser d’alimenter des foyers d’agitation islamique un peu partout. Contrairement aux apparences, il semble que les américains aient enfin compris cela et la France non.
Une menace multipolaire
En Asie, les raisons qui ont commandé l’intervention française en Afghanistan il y a 12 ans demeurent : menaces de l’islam obscurantiste, culture industrielle du pavot, exportation du haschich et de l’opium, menaces sur le voisin indien, risques de réinstallation de centres d’entrainements de djihadistes, etc. Au Pakistan, puissance nucléaire, la situation politique est fragile, les assassinats politiques ou religieux sont fréquents et les talibans contrôlent de nombreuses zones dans le nord du pays. Les tensions avec l’Inde sont permanentes dans la région du Cachemire et il ne faudrait pas grand-chose pour déclencher un conflit entre ces 2 pays. Dans ce cas, les accords de coopération de défense passés entre la France et l’Inde pourraient-il s’étendre à des accords purs de défense de notre partenaire ? La question est posée, car ses conséquences pourraient amener la France à revenir armée dans la région. L’histoire n’est-elle pas un éternel recommencement ? Pas seulement anecdotique est le conflit de frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, autour du temple de Preah Vihear, plaidé en ce moment devant le tribunal international de La Haye et dont la réponse est attendue à l’automne. Le verdict ne va-t-il pas entrainer un coup de force du perdant ? Rappelons que la France est liée historiquement au Cambodge, même si c’est une dictature communiste déguisée. Enfin, on ne peut minimiser ce qui se passe en Mer du Japon où un dictateur fou joue avec le feu en Corée du nord, face à la Corée du sud et au Japon, pendant que la Chine flatte son nationalisme en revendiquant quelques ilots japonais au sous-sol riche en matières premières. Les États-Unis sont en première ligne mais, au même titre qu’en Afghanistan, la France pourrait se trouver un jour astreinte à la solidarité avec l’OTAN !
Enfin, l’Europe n’est pas forcément ce continent tranquille qu’on nous décrit car son flan sud-est (Kosovo, Macédoine, Grèce, Roumanie, Ukraine) peut très bien se retrouver un jour embrasé par des problèmes avec des populations islamiques soutenues par la Turquie et des pays du Golfe. L’islam représente 90% de la population du Kosovo, 70% de l’Albanie, près de 50% de la Bosnie-Herzégovine et plus d’un tiers de la Macédoine. Il ne faut pas être voyant pour deviner que les Balkans resteront une poudrière.
Un désarmement coupable !
Et pendant ce temps-là, les budgets de défense des pays européens continuent de décroitre (tombant en dessous de 1,50% des PIB des Etats, encore moins pour la France sur la nouvelle LPM), les troupes combattantes diminuent en nombre et les investissements en matières de recherche et développement stagnent ou décroissent selon les pays, le tout commandé par des arbitrages dans les postes budgétaires, un certain goût pour la neutralité (tant que c’est loin, cela ne nous concerne pas) et le confort trompeur du parapluie américain qui a besoin de débouchés commerciaux. En France, on continue de désosser gentiment des régiments et de désertifier des villes moyennes, ce qui a un double impact civil et militaire (c’est l’effet dual au sens pervers du terme) ! On y ajoute l’achat de chaînes complètes de renseignement (drones) hors Europe sans que les syndicats soi-disant attachés aux emplois français ne s’en émeuvent, ce qui démontre leur inutilité.
Au final le réveil sera sans doute pénible, car un jour ou l’autre il faudra réarmer ou bien se contenter d’être spectateurs de notre propre Histoire…
*sous réserve de faits qui se seraient produits pendant les quelques jours de vacances que nous nous sommes accordés…
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