Le projet de drone de renseignements de future génération s'inspirerait du programme Talarion, abandonné il y a deux ans. - Photo EADS/Cassidian
05/11 par Alain RUELLO – LesEchos.fr
EADS, Finmeccanica et Dassault ont dévoilé leur projet de drones à la DGA.
Quatre mois après leur communiqué du Bourget, EADS, Dassault et Alenia (Finmeccanica) ont dévoilé leur projet de drone de renseignements de future génération à la DGA, a-t-on appris de sources concordantes. La réunion a eu lieu le 18 octobre dernier. Elle s'est tenue en présence de Bernhard Gerwert, Eric Trappier et Giuseppe Giordo - les PDG respectifs des trois industriels - venus en personne tenter de convaincre Laurent Collet-Billon, le délégué général pour l'armement du bien-fondé de leur démarche. Et quelle démarche, puisqu'il s'agit de ressusciter le projet franco-allemand Talarion, celui-là même que Dassault n'a eu de cesse de torpiller avant que Paris puis Berlin ne l'enterrent il y a deux ans.
Humiliés par la décision de Jean-Yves Le Drian d'acheter 12 Reaper à l'américain General Atomics, EADS, Dassault et Finmeccanica ont formé une sainte alliance au Bourget dans les drones Male (moyenne altitude longue endurance). Pourtant, si le ministre de la Défense français a été contraint de se fournir outre-Atlantique, c'est bien parce que les industriels concernés et leurs Etats respectifs ont été incapables - après vingt ans d'atermoiements et beaucoup d'argent dépensé - de bâtir une filière industrielle européenne autonome.
Qu'est-il ressorti de la réunion du 18 ? Dans les grandes lignes, les trois industriels repartent du projet Talarion, toiletté de ses défauts les plus criants, doté de capteurs plus performants, et avec la possibilité de l'armer. Sa mise au point coûterait 1 milliard d'euros. La répartition serait la suivante : la plate-forme pour EADS, le système pour Dassault et les équipements pour Alenia. L'identité du leader n'a pas été dévoilée lors de la réunion. Mais il se murmure que c'est à EADS qu'échoirait le rôle, avec l'assentiment de Dassault.
Contractant unique
Point important : MM. Gerwert, Trappier et Giordo ont lié leur engagement à la condition non négociable qu'un des trois pays potentiellement intéressés - Allemagne, France et Italie - assume le rôle de contractant unique, pour éviter les déboires de la plupart des projets européens d'armement.
Pour la petite histoire, les trois impétrants avaient baptisé leur bébé « FeMale » pour Future European Male, mais se sont vite ravisés, craignant que l'acronyme ne leur vaille quelques railleries… Ils se sont rabattus sur un plus classique Male 2020, histoire de fixer un cap. Précisément, si une étude de faisabilité démarre en 2014, EADS, Dassault et Alenia s'engagent à livrer l'appareil en 2022.
C'est là tout le problème. Faute d'argent et - pour l'instant du moins - de volonté politique affirmée de Paris, Berlin et Rome, rien n'est prévu pour démarrer cette étude, incontournable pour vérifier que Male 2020 tient la route. Si la France achète comme prévu ses 12 Reaper, ceux-ci voleront jusqu'en 2025 au moins. Si Male 2020 voit le jour, ce ne sera donc pas demain.
D'autant que, avant de donner le top départ du projet, il faudra aussi que les armées de l'air française et allemande se mettent d'accord sur un besoin commun (la France ne se lancera jamais seule dans l'aventure). Il faudra aussi démontrer que l'heure de vol de ce drone européen ne sera pas beaucoup plus chère que celle des Reaper. L'autonomie industrielle européenne oui, mais pas à n'importe quel prix ! La DGA n'a d'ailleurs pas manqué de le rappeler à ses visiteurs le 18 octobre…