17 Février 2014 Entretien d’Europe – Fondation Robert SCHUMAN
A l'occasion du 16ème conseil des ministres franco-allemand le 19 février 2014, la Fondation Robert Schuman publie un entretien avec Andreas Schockenhoff, vice-président du groupe CDU/CSU et président du groupe d'amitié France-Allemagne au Bundestag. Interrogé notamment sur les questions de politique étrangère, Andreas Schockenhoff plaide pour une nouvelle stratégie allemande de la défense : l'Allemagne doit s'investir davantage dans la résolution des conflits et préférer "une culture de la responsabilité et de l'aide" plutôt qu'"une culture de la retenue".
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5. Lors de son discours devant le Bundestag, la chancelière allemande Angela Merkel a plaidé pour un engagement renforcé de l’armée allemande au Mali. Le président allemand et les ministres allemands de la Défense et des Affaires étrangères ont également plaidé pour un engagement renforcé de l’armée allemande à l’étranger. La majorité des Allemands semble réticente à un plus grand engagement de la Bundeswehr à l’étranger. A quelle évolution peut-on s’attendre ?
Andreas Schockenhoff - Tout d’abord, très clairement : le discours du Président allemand à l’occasion de la conférence de Munich sur la sécurité était courageux, encourageant et ouvrant des perspectives pour une responsabilité plus importante de l’Allemagne en matière de politique étrangère.
Il faut désormais l’appliquer progressivement dans la vie politique. En ce sens, le slogan doit être : « Culture de la responsabilité et de l’aide » plutôt que « Culture de la retenue ». En d’autres termes, l’Allemagne doit s’engager plus tôt, plus résolument et de manière plus substantielle. Comme nous n’avons pas beaucoup progressé au cours des quatre dernières années, nous devons recommencer le débat depuis le début et gagner la confiance de nos alliés. Le principe pour une politique de plus grande responsabilité est le suivant : l’engagement militaire est le dernier recours, mais il ne doit pas être exclu quand des intérêts européens et allemands sont en jeu. Nous avons repris ce principe dans notre contrat de coalition : « L’Union européenne a plus que jamais besoin d’un dialogue stratégique, objectif qu’elle peut et veut atteindre avant tout par des moyens civils mais le cas échéant aussi par des moyens militaires.». En ce sens, l’Allemagne doit s’investir davantage dans la résolution de crises et de conflits – pas seulement quand il s’agit de problématiques diplomatiques, humanitaires, économiques et de politique de développement, mais aussi quand il s’agit du renforcement de la politique de sécurité et de défense commune. Mais avoir de plus grandes responsabilités nécessite également des représentations plus claires sur les plans conceptuel et stratégique. Pour cette raison, mon groupe parlementaire se penchera plus particulièrement sur les moyens politiques, humanitaires, économiques et de développement pour surmonter les défis du continent voisin africain. Mais il est aussi nécessaire que nous parvenions au niveau européen à mettre enfin en place un dialogue stratégique pour atteindre un accord politique afin d’identifier ensemble les dangers qui se présentent à nous et de travailler ensemble pour y répondre et garantir la sûreté de l’espace européen. A mon avis, nous avons justement besoin d’une politique européenne de sécurité et de défense claire concernant l’Afrique. Nous avons moins besoin d’une telle politique pour l’Asie ou d’autres régions du monde. Le fait que les missions européennes Atalante, EUTM [1] Somalie, EUTM Mali et EUFOR RCA [2] mais aussi que la plupart des Etats en déliquescence se trouvent sur le continent africain montre que les plus grands défis auxquels l’Europe doit faire face viennent d’Afrique. Mais je n’ai pas l’impression qu’il y ait un consensus au niveau européen là-dessus.
Vous avez raison d’évoquer l’opinion publique allemande. Cela montre que la politique étrangère et de sécurité allemande et particulièrement sa nouvelle orientation doit être plus intelligible et acceptable pour un plus large public. Nous avons besoin d’un débat pour qu’à l’avenir, les attentes de la population ne soient plus marquées par la « culture de la retenue » mais par la « culture de la responsabilité et de l’aide ». Cela nécessite aussi que nous organisions régulièrement au Bundestag des débats de principe sur la politique étrangère et de sécurité et pas seulement des débats sur la création ou le renouvellement de mandats d’intervention pour l’armée allemande. Le Président allemand a très justement dit que le débat sur la politique étrangère et de sécurité doit s’ancrer au coeur de la société civile. Je suis persuadé que mener ce débat sera une tâche à accomplir sur le long terme. Mais nous avons déjà une bonne base à travers les contributions et les discussions récentes sur lesquelles nous devons construire ce débat
1. EUTM : European Union Training Mission / mission de formation de l’Union européenne
2. EUFOR : European Union Force / Force de l’Union européenne pour la République centrafricaine (RCA)
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