29/01/2014 par Guerric Poncet Le Web en lignes - Le Point.fr
Paris assume enfin ses capacités offensives dans un domaine que l'on n'ose plus appeler virtuel. La cyberguerre est prête, et la France serait "bien placée".
Le Forum international de la cybersécurité (FIC) de Lille les 21 et 22 janvier a été l'occasion d'un petit duel entre Manuel Valls et Jean-Yves Le Drian, mais il a surtout illustré la nouvelle posture de la France en matière de cyberguerre. En effet, pour la première fois, les officiers et porte-parole officiels ont ouvertement assumé l'existence d'armes informatiques opérationnelles au sein de l'appareil militaire français. "Nous sommes opérationnels, et nous avons fait de gros progrès", nous confie Guillaume Poupard, ingénieur en chef de l'armement et responsable du pôle sécurité des systèmes d'information à la Direction générale de l'armement (DGA). "Le livre blanc de la Défense de 2008 a posé des bases de travail, vous imaginez bien que les choses ont bougé depuis six ans !" ironise-t-il. Ce document prévoyait en effet le développement de nouvelles capacités cyber.
"L'État assume ce choix", nous confirme le contre-amiral Arnaud Coustillière, officier général responsable de la cyberdéfense au ministère de la Défense. En opération, "si nous pouvons obtenir l'effet souhaité avec une arme informatique, c'est mieux", avance-t-il en évoquant la possibilité de "neutraliser des radars avec l'arme informatique plutôt qu'avec un missile". "Tout cela est parfaitement compatible avec le droit des conflits armés, avec le droit d'intervention humanitaire, et nous avons eu des discussions avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) : ils ne sont pas choqués par ces choix", précise le marin.
Pour riposter, il faut identifier l'agresseur
Mais tout n'est pas simple dans le domaine cyber, nouveau pour les forces armées autant que pour le reste de l'humanité. "Le plus compliqué dans le cyber, ce n'est pas de faire un exploit technique, c'est de le faire à l'endroit voulu, à l'instant voulu, avec le résultat voulu, et de garantir l'effet au décisionnaire : le politique", explique le contre-amiral Coustillière. Car en cas de cyberguerre, c'est évidemment le politique qui conserve le pouvoir de décision. Mais pour qu'il puisse l'exercer, encore faut-il pouvoir identifier l'agresseur, qui se cache souvent par de multiples pirouettes via des relais informatiques dans le monde entier. "Aujourd'hui, nous pouvons dire au politique qui est à l'origine d'une attaque, mais nous ne pouvons pas le prouver", explique Guillaume Poupard. Une différence très subtile, qui peut poser problème : "Cela suffit pour déclencher une décision politique, mais cela ne suffit pas pour justifier une riposte aux yeux de la communauté internationale", explique-t-il encore.
Les fabricants des armes informatiques françaises sont toutefois très discrets. "Je ne peux pas vous dire où les armements cyber sont développés : nous n'avons aujourd'hui aucun intérêt à le dire", se défend Guillaume Poupard. Et pour avoir une idée du nombre de personnes impliquées dans le secteur, il faudra repasser : "Je peux simplement vous dire que tout dépend du ministère de la Défense dans ce domaine", glisse-t-il. "La France est bien placée dans l'échiquier, elle est dans les cinq ou six meilleurs mondiaux", nous glisse un expert privé. Comprendre : nous sommes juste derrière le trio de tête (États-Unis, Russie et Chine), la Grande-Bretagne et peut-être Israël. Si c'est vrai, nous avons assurément fait de gros progrès.
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