30/09 Par Alain Ruello – LesEchos.fr
La France va devoir négocier un étalement de ses livraisons avec les pays partenaires.
Jour de fête pour l'A400M. L'Europe célèbre ce matin à Séville, dans l'usine espagnole d'Airbus où il est assemblé, la livraison du premier exemplaire de son avion de transport militaire. Peu importe que la livraison ait déjà eu lieu, début août à la France en l'occurrence. Peu importe aussi qu'elle soit intervenue avec quatre années de retard. En présence du prince Felipe, l'héritier du trône, du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ou encore de Tom Enders, le patron d'EADS, la cérémonie sera l'occasion de vanter l'un des programmes d'armement européens les plus chers de tous les temps (plus de 25 milliards d'euros).
Pourtant, sitôt les lampions éteints, les 7 pays partenaires de l'A400M vont devoir entamer une délicate négociation entre eux et avec EADS, quitte à rouvrir la boîte de Pandore. Fin 2010 on s'en souvient, un accord avait été paraphé après des mois d'un bras de fer terrible pour répartir les 5,2 milliards de surcoûts du programme, liés notamment à la mise au point du moteur. Tom Enders avait même menacé de tout arrêter. « J'ai sauvé l'A400M d'une mort certaine. Les Britanniques voulaient basculer sur des C-17, et les Allemands n'avaient pas d'argent », rappelle, à raison, Hervé Morin, le ministre de la Défense français à l'époque.
Résultat, la cible - c'est-à-dire le nombre d'appareils à produire - a été réduit de 180 à 170 (hors commande de la Malaisie). Les calendriers de livraison ont été revus avec chaque armée de l'air cliente, lesquelles ont accepté que les appareils ne remplissent pas l'ensemble des missions prévues tout de suite. Airbus a résolu les derniers problèmes techniques et les livraisons ont démarré.
Tout irait bien, si la crise n'était pas venue balayer les budgets militaires européens. Dans son projet de loi de programmation militaire, la France prévoit ainsi 15 livraisons d'A400M d'ici à 2019, contre 35 dans le contrat renégocié il y a trois ans, a déclaré récemment Marwan Lahoud, le patron de la stratégie d'EADS. « Nous saurons nous adapter », a-t-il relativisé. La montée en charge de la chaîne d'assemblage démarre à peine, et le groupe peut compenser avec les avions civils et l'export. Peu avant le Bourget, Domingo Urena, le patron d'Airbus Military, évoquait un potentiel de 50 à 100 commandes sur les dix prochaines années. « Entre 30 et 40 pays sont intéressés », assurait-il.
Révision des livraisons
Encore faut-il ne pas casser le programme car, n'en déplaise à Marwan Lahoud, la partie ne va pas être facile. Pour obtenir une révision de ses livraisons, la France va devoir obtenir l'accord des six autres partenaires du programme, via l'Occar, l'agence qui gère le contrat. Lequel contrat n'offre que très peu de flexibilité. L'objectif bien sûr c'est de s'en tirer avec le moins de pénalités possible. « Nous ne sommes pas en position de force », reconnaît-on au ministère de la Défense, très discret sur le sujet.
Le pire serait que la France ne s'engage plus sur les 50 A400M commandés. Et que d'autres pays s'engouffrent dans la brèche pour faire de même. La répartition de la charge industrielle ayant été faite entre les pays au prorata de leurs commandes, s'ouvrirait alors un marchandage terrible pour redistribuer le travail. Si tant est que ce soit possible, car les usines ont été construites ! Ce serait par ailleurs un très mauvais signal envoyé aux prospects étrangers.
Officiellement, le ministère de la Défense n'a pas remis en cause la cible de 50. Mais il ne l'a pas confirmée non plus. Jean-Yves Le Drian évoque « une cinquantaine » d'appareils, laissant planer le doute. Hervé Morin, lui, en est convaincu : la France n'ira pas au-delà de 35 A400M.
Le plus gros programme militaire européen
Lancé en 2003 sous l'égide de l'Occar - l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement - pour 20 milliards d'euros et 180 appareils à produire auprès de 7 pays partenaires (Allemagne, Belgique, France, Royaume-Uni, Espagne, Luxembourg, Turquie).
La Malaisie a commandé 4 exemplaires en 2005.
La cible a été revue à 174 appareils en 2010 (- 7 pour l'Allemagne, 3 pour le Royaume-Uni).
Premier vol le 11 décembre 2009.
Premier exemplaire livré à la France le 1er août 2013.
Selon le calendrier contractuel en cours, quatre A400M devraient être livrés cette année : trois à la France et un à la Turquie
- Airbus table sur 50 à 100 commandes à l'exportation d'ici à dix ans.
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