L’une des conséquences propres à la constitution d’un gouvernement issu d’un scrutin proportionnel – et produisant donc un gouvernement de coalition – est la nécessité de mettre en place un accord de consensus entre les différents partis. Après plus de 530 jours de négociations, cet accord a été rendu public. Pour la défense belge, et dans le contexte actuel de crise économique, ses conséquences sont les suivantes :
- Le « remplacement partiel des départs au sein de la Défense dans la perspective d’une armée de 30.000 militaires à l’horizon 2015, ainsi que diverses autres économies à la Défense, notamment dans les frais de fonctionnement » (p. 78).
- La position pro-européenne est maintenue : « Le Gouvernement souscrit entièrement à l’ambition de l’Europe de renforcer son rôle d’acteur sur la scène internationale en développant une politique étrangère européenne complète et cohérente, en ce compris une politique de sécurité, de défense et de développement » (p. 165).
- Plus largement, la politique de défense belge durant la nouvelle législature est précisée aux pages 168-170, que nous reproduisons ici. Elle ne dénote pas de ruptures comparativement à la position traditionnelle du Royaume en la matière. Quelques commentaires sont placés entre parenthèse :
« 3.4.3. Poursuite de la réforme de la Défense belge
La Défense constitue une des pierres angulaires de la politique belge en matière d’affaires extérieures et de sécurité (NDLR : depuis quelques années, la défense est, sans que cela ne soit réellement explicité, comme subordonnée aux Affaires étrangères, officiellement afin d’accroître la cohérence diplomatie/défense). La Défense doit continuer à jouer pleinement son rôle de partenaire responsable et fiable de nos alliés. L’ambition globale de l’armée permettra sa projection sur les théâtres d’opérations extérieures tout en lui permettant de continuer également d’assumer ses missions sur le territoire national, comme par exemple le démantèlement d’explosifs, le sauvetage en mer, l’aide à la population en cas de catastrophe,…
En exécution du Traité de Lisbonne, il existe la possibilité de donner une nouvelle impulsion à une plus grande coopération militaire en Europe. C’est pourquoi le Gouvernement travaillera activement à la mise en place et au renforcement d’une défense européenne, base essentielle d’une politique étrangère crédible pour l’UE. Cette défense conférera à l’Europe une capacité d’établir un partenariat plus équilibré et donc plus fiable avec nos alliés, notamment au sein de l’OTAN.
Plus précisément, le Gouvernement s’attachera à promouvoir des coopérations renforcées là où cela s’avère nécessaire.
Pour réaliser cette ambition et en fonction des contraintes d’effectifs et budgétaires, le Gouvernement s’appuiera sur une armée de 32.000 personnes (30.000 militaires et 2.000 civils) à l’horizon 2015 (NDLR : un objectif de structure de force déjà indiqué auparavant). Une attention toute particulière sera portée aux questions de ressources humaines, dans le respect de la concertation sociale. En ce qui concerne le personnel, les états majors et les cadres supérieurs seront rationnalisés. Les unités opérationnelles seront préservées (NDLR : sous la précédente législature, une des trois brigades de la composante terrestre avait déjà été éliminée).
Dans ce cadre, le Gouvernement affinera les missions et les tâches de l’armée tant sur le plan national qu’international. Le Gouvernement précisera aussi les « niches d’excellence » (NDLR : ces logiques de niches/spécialisation sont apparues dans le plan de modernisation de 1999 et ont justifié l’abandon des chars aussi bien que de l’artillerie de 155 mm. A l’époque, elles s’appuyaient sur une vision fonctionaliste de la défense européenne dans laquelle les « petits » et « moyens » Etats européens auraient spécialisés leurs forces. Ces logiques de niche, face au maintien des structures de force nationales, ne sont plus guère justifiées, en creux, que par la faiblesse des moyens budgétaires) dans lesquelles l’armée se spécialisera, en concertation avec nos partenaires européens et de l’OTAN. Autant que faire se peut, un poolinget sharing maximum avec nos partenaires européens et de l’OTAN sera organisé (NDLR : cette logique s’appliquera assez logiquement au programme A400M. Au-delà, les spécificités des matériels belges et le retrait progressif, dans les années 2012-2020, des matériels utilisés par d’autres Etats - F-16, frégates M – semblent laisser peu de marge au développement de ces politiques).
Le Ministre de la Défense présentera au Gouvernement un plan pluriannuel actualisé en tenant compte du niveau d’ambition ainsi redéfini et de l’état de réalisation du plan de transformation.
Le personnel a droit à un environnement de travail utilisable et fonctionnel répondant à toutes les normes de bien-être et de sécurité. A cet effet, le Ministre de la Défense élaborera un plan d’infrastructures en vue de rencontrer ces objectifs. Pour les quartiers et domaines qui seront libérés, on recherchera une procédure adaptée, via par exemple un comité d’acquisition « simplifié ».
Afin de pouvoir rester à terme un partenaire fiable, il est indispensable de réaliser les programmes d’investissement afin d’équiper les unités et le personnel de façon adéquate pour l’exécution de leurs missions et assurer leur sécurité. Un plan d’investissement pour la Défense pour la période 2011-2014 sera présenté dans les meilleurs délais (NDLR. Le dernier plan, du fait du manque de budgets, avait été passablement limité). Dans le prolongement du plan d’investissement actualisé qui sera proposé par le Ministre de la Défense, une réflexion sera organisée avec le Parlement sur la problématique du remplacement à long terme des équipements majeurs (NDLR. La référence aux matériels majeurs est importante, ouvrant politiquement la voie à un débat sur le remplacement du F-16).
Pour obtenir une structure d’âge saine et garantir l’opérationnalité, un nouveau statut pour les militaires sera élaboré qui, entre autres, permettra de recruter des jeunes militaires pour une période limitée. La révision du statut du militaire sera donc poursuivie, notamment en ce qui concerne la possibilité de mettre en œuvre la carrière de type court, tout en veillant à une simplification importante de cette réglementation. Dans ce contexte, les éléments suivants seront pris en compte : l’attractivité de la carrière militaire, la possibilité de mobilité, la formation,… (NDLR : la question est essentielle pour les forces belges : plus de 62% du budget est consommée par les salaires, tandis que la pyramide des âges continue de montrer une moyenne d’âge très élevée, y compris chez les hommes du rang et les sous-officiers).
Le respect de l’équilibre linguistique au sein de l’Armée sera un souci permanent du Gouvernement (NDLR : la question avait fait l’objet de passes d’armes politiques acerbes – voir notamment l’interview que DSI avait effectué de Denis Ducarme à ce sujet).
Les décisions en matière de participation à des opérations à l’étranger sont d’une importance politique et sociétale majeure, et ont besoin d’une plus grande légitimité démocratique. L’article 167 de la Constitution prévoit : « §1 … Le Roi commande les forces armées, et constate l’état de guerre ainsi que la fin des hostilités. ». Néanmoins, par souci de transparence, eu égard aux événements récents (à l’instar de ce qui a été fait pour l’Afghanistan, la Libye, le Liban,…) et dans le cas d’opérations futures s’inscrivant sous mandat ONU, le Gouvernement s’engage à informer sans délai le Parlement et à l’associer dans le suivi de celles-ci. (NDLR : il s’agit, globalement, d’une extension du principe qui avait prévalu au moment du lancement des opérations en Libye et qui avait vu une rare unanimité de la part du législatif).
Pour le suivi des opérations en cours, leur modification éventuelle et les partenariats militaires, le Gouvernement recherchera avec le Parlement le mécanisme le plus adéquat afin de garantir la fluidité de l’information, tout en respectant le degré de confidentialité nécessaire.
En ce qui concerne les engagements militaires à l’étranger, le Gouvernement participera à des opérations menées sous l’égide de l’ONU, de l’UE et de l’OTAN. A cet égard, chacune des missions actuelles sera évaluée, y compris les partenariats, avant toute prolongation. Plus particulièrement, le Gouvernement s’emploiera, en pleine collaboration avec ses partenaires OTAN, UE et ONU, à définir une stratégie et un calendrier de retrait des troupes belges en Afghanistan dès 2012 pour un retrait définitif au plus tard en 2014 (décisions de Lisbonne de novembre 2010), sans exclure une présence sur place, avec d’autres pays partenaires, pour contribuer à la reconstruction du pays (NDLR. La Belgique s’aligne ici sur la politique des principaux contributeurs – cette position, que l’on sentait probable, est toutefois officialisée).
Un autre volet important des opérations de la défense est le maintien de partenariats militaires en Afrique afin d’y appuyer la réforme du secteur de sécurité et de favoriser, dans chacun des pays partenaires, l’émergence d’une armée nationale professionnelle au service de sa population et respectueuse du droit humanitaire.
Dans le cadre du nouveau concept stratégique de l’OTAN, le Gouvernement veillera au respect des principes fondamentaux suivants : le maintien de la règle du consensus en matière de prise de décision et de prise en charge par chaque nation des coûts de son propre engagement. Dans le cadre de la nouvelle politique HNS (« Host Nation Support »), le Gouvernement associera, outre les départements fédéraux concernés, les entités fédérées aux négociations relatives à sa mise en œuvre.
Par ailleurs, aucune action militaire ne sera engagée par la Belgique sans mandat de l’ONU, là où le droit international l’exige.
Le Gouvernement se penchera sur l’avenir de l’Institut des vétérans/ Institut National des Invalides de Guerre et visera à renforcer son action en faveur des vétérans et dans le domaine de la mémoire. A cet égard, le Gouvernement poursuivra les initiatives de commémoration du centenaire de la Guerre 14-18«