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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 15:42

Telemos-Bourget-2011 source info-aviation

 

07 juin 2012 Par PAR HASSAN MEDDAH - L'Usine Nouvelle n° 3289

 

Le nouveau pouvoir, qui conçoit l'industrie de défense à l'échelle européenne, veut réduire l'influence de l'avionneur.

 

Les militaires le savent bien : une cible peut en cacher une autre. Le Heron TP, ce drone d'observation israélien qui devait être adapté aux besoins des troupes françaises, a du plomb dans l'aile. Moins de quinze jours après sa prise de fonction, le nouveau ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a en effet décidé de remettre à plat la stratégie nationale en matière de drones. Alors que le salon de la défense et de la sécurité terrestres, Eurosatory, va ouvrir ses portes, reste à savoir si la cible était seulement l'appareil sans pilote ou l'industriel chargé de le « franciser » : Dassault Aviation. Depuis le 11 mars, date du discours de François Hollande sur la défense nationale, il est clair que le nouveau Président veut réduire l'influence grandissante de l'avionneur. Un expert du secteur estime que le groupe industriel, à travers le Rafale et ses participations dans Thales et DCNS, absorberait près de 50% des crédits d'équipements de la défense. « L'État est plus dépendant de Dassault que l'inverse », confie-t-il.

 

Plusieurs scénarios


Pour le fabricant du Rafale, l'alternance politique sonne comme un changement brutal. Au-delà de l'aéronautique de combat, Dassault avait pris une nouvelle dimension grâce au soutien appuyé de Nicolas Sarkozy. En 2009, l'ancien chef de l'État lui avait permis de monter à 26% dans le capital de Thales (67 000 salariés, 13 milliards d'euros de chiffre d'affaires). Depuis, le groupe dirigé par Luc Vigneron s'impose comme le pivot de cette industrie : il a acquis 35% du capital du constructeur de frégates et de sous-marins DCNS et a entamé des négociations avec le fabricant de blindés Nexter.

 

Difficile de dire quelle ampleur prendra la redistribution des cartes entre les acteurs du secteur, tant le projet industriel du nouveau pouvoir reste imprécis. Devant de telles incertitudes, les états-majors des industriels concernés envisagent tous les scénarios. La rupture du pacte d'actionnaires qui lie l'État et Dassault au sein de Thales? Une option sûrement trop coûteuse pour l'État en ces temps de disette publique. Selon certaines sources, Dassault serait en droit de réclamer un dédommagement de l'ordre de 2 milliards d'euros ! Chez EADS, le rival écarté par l'État dans le contrôle de Thales, on n'exclut pourtant pas l'idée de récupérer le groupe d'électronique de défense. D'autres imaginent même Dassault contraint à se séparer ses activités d'aviation commerciale et de défense. Hypothèse plus qu'improbable tant les deux activités sont liées, partageant les mêmes usines et bureaux d'études.

 

La réalité sera sans doute moins violente, les marges de manoeuvre de l'État étant réduites. « Quand l'argent public manque, cela limite les ambitions d'une nouvelle politique industrielle. Il faudra redéfinir des priorités », explique Jean-Pierre Maulny, le directeur adjoint de l'Iris, l'institut de relations internationales et stratégiques. Le gouvernement devra également veiller à ne pas déstabiliser une industrie qui compte 165 000 emplois fortement qualifiés et peu délocalisables, et qui est largement exportatrice, tandis que le chômage continue de grimper dans le pays. « L'emploi sera pris en compte dans toutes les réflexions. D'autant que le parti politique majoritaire est à la tête de la plupart des régions », remarque un observateur.

 

À plus long terme, la position de Dassault dans le programme industriel de défense français, désormais pensé à l'échelon européen, reste délicate. « Plus on avance, plus l'Europe de la défense devient une nécessité. La France prendra des initiatives », indique Jean-Yves Le Drian. Or le groupe n'a pas la réputation d'être très euro-compatible. « Par nature, Dassault est opposé aux coopérations européennes. Dans le cas du démonstrateur de drone de combat Neuron, il dirige et les autres partenaires industriels sont réduits au rôle de sous-traitants. Un tel schéma n'est pas acceptable pour un programme européen d'envergure », explique Jean-Pierre Maulny. Mais Dassault estime que son modèle est le seul qui marche. Charles Edelstenne, son PDG, ne manque jamais de rappeler les écueils rencontrés par les programmes de défense multi-pays, où chaque contributeur souhaite récupérer sa mise en termes d'emplois et de charge de travail au détriment de la logique industrielle. Les déboires du Typhoon d'Eurofighter, l'avion de combat européen, ou de l'avion de transport militaire A 400M - qui avait failli être abandonné en raison de retards et de surcoûts chiffrés en milliards d'euros - lui ont donné raison.

 

Le ministre de la Défense devra donc trancher sur le futur rôle assigné à Dassault. Il lancera, à la fin du mois, un livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Ses conclusions seront déterminantes pour l'avenir du fabricant du Rafale.

 

 


DASSAULT, UN ACTEUR INCONTOURNABLE...

CHARLES EDELSTENNE, PDG de Dassault Aviation

 

Il sera un interlocuteur clé du nouveau ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. L'État et le groupe familial (11 500 salariés, 3,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires) sont d'ailleurs liés par un pacte d'actionnaires au sein du capital de Thales. Même si les ventes de Rafale (11 appareils livrés par an aux armées françaises) pèsent trois fois moins que ses ventes d'avions d'affaires dans ses résultats, le groupe a démultiplié son influence dans le secteur de la défense depuis la prise de contrôle, en 2009, de Thales (67 000 salariés, 13 milliards d'euros). Le groupe dirigé par Luc Vigneron s'impose en effet comme le pivot de cette industrie : fin 2011, il a grimpé à hauteur de 35 % dans le capital de DCNS, le fabricant de sous-marins nucléaires et de frégates, et négocie une entrée au capital du fabricant de blindés Nexter. Selon un expert, la moitié des crédits d'équipements militaires de l'État serait ainsi directement ou indirectement affectée au groupe Dassault.


... AU CENTRE D'UN MECCANO COMPLEXE

JEAN-YVES LE DRIAN, ministre de la Défense

 

Il veut réduire l'influence de Dassault Aviation, démultipliée depuis son entrée au capital de Thales. Mais briser le pacte d'actionnaires entre l'État et l'avionneur au sein de l'électronicien coûterait cher, jusqu'à 2 milliards d'euros. Et les caisses de l'État sont vides. LAURENT COLLET-BILLON, délégué général pour l'armement Il est chargé d'affecter les crédits militaires auprès des industriels (10,7 milliards d'euros en 2011). De quoi peser sur les stratégies et inciter à des rapprochements. LUC VIGNERON, PDG de Thales Il sait que son groupe est le point de passage obligé d'une consolidation de l'industrie française de défense. Il fait l'objet de toutes les convoitises. L'État est à la fois son premier client et son premier actionnaire (27,1%). TOM ENDERS, président d'EADS Le groupe fut écarté pour le contrôle de Thales. Sa branche sécurité et défense, Cassidian, n'a pas la taille critique en Europe. Malgré ses 46 % au capital de Dassault, il est réduit au rôle de « sleeping partner ».


LES DOSSIERS À RELANCER
  • Un EADS du naval Ce serpent de mer refait surface. Les constructeurs navals français DCNS et allemand TKMS se livrent aujourd'hui une guerre commerciale fatricide. Cependant, un rapprochement nécessiterait de faire des sacrifices, car les doublons sont nombreux (frégates, sous-marins, corvettes).
  • Un MBDA renforcé Le fabricant de missiles européens pourrait élargir son périmètre en récupérant des activités de ses principaux partenaires : celle des autodirecteurs (système de guidage et de détection) de Thales et de Safran, ainsi que des technologies de propulsion balistique chez Astrium.
  • Des blindés européens La filière industrielle européenne est trop émiettée. Trois acteurs en France (Nexter, Renault Trucks Défense, Panhard), deux en Allemagne (Krauss-Maffei, Rheinmetall), sans compter les actifs de l'anglais BAE Systems et de l'italien Finmeccanica. De nouveaux programmes pourraient favoriser des alliances.

CHRISTIAN MONS, président du Gicat, le groupement des industries françaises de défense terrestre

« Les participations de l'État freinent la consolidation »


Les budgets de défense sont très contraints. Comment cela se traduit-il pour les industriels du Gicat ? Depuis deux ou trois ans, le niveau de commandes en Europe est bas. On est à un niveau d'étiage. En France, l'objectif de consacrer 20 % des crédits d'équipements à l'armée de terre, près de 2 milliards d'euros par an, n'est pas atteint. Les investissements n'atteignent que 1,9 % du PIB, contre environ 10 % en Chine ou en Inde, et près de 5 % aux États-Unis. C'est insuffisant pour maintenir notre rôle de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Les exportations compensent-elles cette situation ? La France reste fortement exportatrice de technologies militaires. Pour rester compétitif à l'étranger, il faut soutenir l'effort technologique. Pour le terrestre, en trois ans, les investissements en R et D amont sont passés de 100 à 50 millions d'euros. Des programmes comme la propulsion hybride sont décalés faute de moyens. Des bureaux d'études sont menacés. Or il faut vingt ans pour reconstituer une expertise technologique ! La consolidation à l'échelle européenne est-elle une solution ? Ces consolidations offrent des opportunités, mais il existe des obstacles. Sur le segment des véhicules blindés, il faudrait procéder à une consolidation des acteurs français Panhard, Nexter et Renault Trucks Défense. Le lancement de grands programmes comme celui du véhicule blindé multirôle peut servir de catalyseur. La participation de l'État dans les entreprises de défense est un autre obstacle. Jamais les groupes allemands [Rheinmetall et Krauss Maffei, ndlr], attachés à leur statut d'entreprises privées, ne voudront investir dans les entreprises publiques.

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