23.03.2013 Bruno Besson -
Lanouvellerepublique.fr
C’est la guerre entre Bercy et le ministère de la Défense qui s’opposent frontalement sur la question du budget, cible des plus importantes coupes.
Le livre blanc de la défense dessinera la future loi de programmation militaire (LPM) 2014-2020 donc les budgets affectés aux armées. A Orléans, le 9 janvier, François Hollande avait rassuré les militaires : « Le ministère de la Défense participera à l'effort national, au même niveau que les autres ministères. Ni plus, ni moins. » Pourtant, Matignon vient d'annoncer qu'en 2014 la défense assumerait à elle seule un des cinq milliards d'économies réclamées par Jean-Marc Ayrault… Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, semble bien seul pour défendre ses troupes même si, il y a peu, François Hollande aurait écarté la proposition de Bercy la plus catastrophique pour la défense.
Souveraineté budgétaire ou diplomatique ?
« La question pourrait se résumer ainsi, explique à la NR un officier proche du dossier, soit le budget de la défense est maintenu à 1,5 % du PIB dans la LPM (il est de 31,4 milliards d'euros en 2013), soit la France doit faire une croix sur ses ambitions diplomatiques, ses engagements européens et otaniens. » Il ajoute : « Passer sous ce seuil, c'est réduire encore les effectifs – on est déjà en train de supprimer 54.000 postes – dissoudre des régiments et des bases – à un an des municipales, et un an et demi des régionales, ce sera difficile à expliquer – et disloquer notre appareil industriel, donc accroître le chômage. » Dans une tribune au Figaro, mardi, François Fillon ajoutait : « Ce serait condamner notre armée à des ruptures capacitaires et, à terme, devenir tributaire d'un protecteur non européen. » Pour l'instant, tous les grands programmes équipement sont suspendus (lire par ailleurs).
Au final, François Hollande devra-t-il choisir entre souveraineté budgétaire et souveraineté diplomatique, donc militaire ? Les services de Jean-Yves Le Drian travaillent à trouver une voie
intermédiaire, « car, précise notre interlocuteur, on peut accepter des réductions temporaires aujourd'hui, mais pas les trous capacitaires de demain ». Les
sénateurs PS ont dit tout cela à leur manière et sans détours : « La patrie est en danger car sa défense l'est » (*).
C'est sans doute dans la première quinzaine d'avril que l'on connaîtra les arbitrages du président. « S'ils nous sont défavorables, nous prévient un autre officier, on ne
pourra plus écarter l'hypothèse de voir des militaires manifester dans la rue. » La dernière grogne des militaires, en 2001, était celle des gendarmes, Lionel Jospin étant Premier
ministre.
(*) Discours de Jean-Louis Carrère au Sénat, le 13 mars
chiffres-clés
> 31,4. C'est, en milliards, le budget 2013 de la Défense (10 % du budget total de l'État), équivalent à celui de 2012. 6 milliards d'équipements (dont renouvellement de certains matériels de plus de 30 ans) ont été gelés. Bercy voudrait ramener ce budget à 28 milliards en 2014 et le maintenir sur cette trajectoire jusqu'en 2020. Si c'était le cas, technologiquement et financièrement, la France sortirait de la cour des grands. La Suisse a 21 bataillons d'infanterie, la France n'en a déjà plus que 20.
> Programmes. De grands programmes d'armement en cours sont, pour l'instant, suspendus : avions de transport A400M ; avions Rafale ; Scorpion (véhicules blindés,
protection du combattant, mise en réseau communications) ; frégates multimissions (Fremm) ; Barracuda (sous-marins nucléaires d'attaque) ; Musis (satellite).
> Sondages. Dans un sondage Ipsos réalisé en janvier pour le ministère de la Défense, et rendu public début mars, 52 % des Français sont favorables au maintien du
budget actuel de la Défense voire à son augmentation (14 %). Avant l'été, deux Français sur trois pensaient le contraire. L'opération Serval, au Mali, bénéficie de 69 % d'opinions favorables.
repères
7.500 emplois liés dans la région Centre
> Emplois. Après les mouvements de restructuration des années 90, trois industriels systémiers français du secteur de la Défense sont encore présents en région Centre où ils emploient environ 2.500 salariés : MBDA à Bourges (Cher) et Selles-Saint-Denis (Loir-et-Cher) ; Thalès à Vendôme (Loir-et-Cher), Fleury-les-Aubrais et La Ferté-Saint-Aubin (Loiret) ; Nexter à Bourges et La Chapelle-Saint-Ursin (Cher). On estime à 120 le nombre de PME travaillant avec la défense, en région Centre, soit environ 5.000 salariés. Dans la Vienne, on compte notamment Thalès, Snecma, Mecafi (Châtellerault), Saft, Sagem (Poitiers) travaillant dans le secteur.
> Poids économique. En 2010, le ministère de la Défense employait 69.990 civils et 242.366 personnels en activité militaire soit 312.356 au total en France.
En région Centre, 13.063 militaires en 2010 percevaient un salaire mensuel moyen imposable de 1.895 €. Ils étaient 8.601 pour une rémunération de 1.676 € en Poitou-Charentes.