14 mars 2013 par Cyril Altmeyer
* Le programme Scorpion de modernisation de l'armée de terre pourrait être menacé
* La commande d'avions-ravitailleurs à Airbus n'a pas été passée
* Aucune décision sur une nouvelle renégociation du programme A400M
* Une interruption des livraisons de Rafale à la France improbable
PARIS, 14 mars (Reuters) - Une cure d'austérité dans le secteur français de la défense pourrait sonner le glas de plusieurs programmes clés et précipiter une consolidation dans le secteur.
Selon des sources concordante, François Hollande présentera la semaine prochaine le Livre blanc censé définir les besoins et les priorités stratégiques pour les années à venir. En découlera une loi de programmation militaire (LPM) qui devrait être soumise aux parlementaires d'ici l'été.
Tous les groupes politiques du Sénat, à l'exception des écologistes, ont menacé mercredi de ne pas voter le prochain budget de la défense s'il passait sous la barre des 1,5% de PIB, soit environ le budget actuel, de l'ordre de 30 milliards d'euros. (voir )
Sept groupes industriels français de la défense ont de leur côté écrit la semaine à l'Elysée pour mettre en garde le président de la République sur le risque de coupes dans les budgets d'un secteur créateur d'emplois en France et exportateur.
Il s'agit des équipementiers Thales et Safran , de Nexter (le fabricant du char Leclerc), du constructeur militaire naval DCNS, de l'avionneur Dassault Aviation, du fabricant de missiles MBDA et d'EADS France.
Le nouveau PDG de Thales Jean-Bernard Lévy avait déjà tiré la sonnette d'alarme le 1er mars, disant craignait que la défense serve de "variable d'ajustement" en période de disette budgétair et rappelant que son groupe faisait travailler 4.000 PME en France.
Revue des conséquences de coupes budgétaires dans le secteur aérien, terrestre et naval :
TERRESTRE
Le programme Scorpion de modernisation de l'armée de terre risque d'être l'une des principales victimes d'une réduction du budget de l'armée.
Il comprend l'appel d'offres pour le véhicule blindé multirôle (VBMR) destiné à remplacer l'actuel véhicule de l'avant blindé (VAB) déployé notamment au Mali, la livraison d'engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) et la rénovation d'une partie du parc des chars Leclerc.
Un arrêt de Scorpion aurait un impact direct sur Nexter, dont l'Etat détient 100%, et dans une moindre mesure sur Renault Trucks Defense (RTD), filiale du suédois Volvo, qui a racheté l'été dernier le fabricant de blindés légers Panhard.
Il précipiterait probablement la consolidation attendue de longue date du secteur de l'armement terrestre. Le gouvernement Sarkozy avait envisagé une entrée de Thales au capital de Nexter en échange de l'apport de sa branche de munitions, un scénario gelé depuis la présidentielle de 2012.
Nexter, qui affiche un carnet de commandes de deux milliards d'euros représentant trois ans de chiffre d'affaires, compte cependant davantage sur des contrats à l'export que sur les commandes de l'armée française pour assurer son avenir.
Le groupe espère entrer en avril en négociations exclusives avec les Emirats arabes unis pour la livraison de 700 VBCI (véhicule blindé de combat d'infanterie) et également d'autres prospects au Moyen-Orient, notamment au Qatar et à Oman.
Le Canada pourrait annoncer de son côté l'été prochain son choix pour un contrat d'environ 130 VBCI, tandis que le Danemark pourrait lancer en 2014 un appel d'offres pour entre 250 et 400 de ces véhicules.
AERONAUTIQUE
RAFALE.
Dassault Aviation a livré à ce jour 118 Rafale à l'armée française sur une commande ferme de 180 unités. La France s'est engagée à prendre livraisons 11 Rafale par an, ce qui porte le programme jusqu'en 2019.
En cas de vente du Rafale à l'export, comme en Inde par exemple, les livraisons pourraient s'intercaler dans le rythme prévu, repoussant d'autant la fin du programme.
A400M.
La France doit prendre livraison au deuxième trimestre de son premier avion de transport militaire A400M, construit par Airbus Military, filiale d'EADS. Deux autres livraisons sont prévues d'ici 2013 pour la France.
Au total la France a commandé 50 A400M sur un total de 170 unités réparties entre huit pays, en comptant quatre unités pour la Malaisie.
Les sept pays européens à l'origine du programme avaient conclu en novembre 2010 un accord sur le financement de ce programme de 20 milliards d'euros, avec notamment une rallonge de 3,5 milliards. Ils avaient ramené le total de leurs commandes de 180 à 170 unités.
Un porte-parole du ministère de la Défense a précisé qu'il n'était pas prévu pour l'instant de demander à rénégocier à nouveau le contrat.
MRTT.
Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait indiqué en octobre dernier envisager de passer commande à partir de 2013 pour 14 unités de cet avion-ravitailleur d'Airbus Military MRTT ("Multi Role Tanker Transport"), basé sur l'avion de ligne A330. Il avait toutefois précisé que cette décision dépendrait des conclusions du Livre blanc.
DRONES MALE.
La décision sur ces avions pilotés à distance de type Male (Moyenne altitute longue endurane) et destinés à des missions de surveillance était attendue à l'origine avant le 14 juillet 2012. Elle devra désormais attendre la publication du Livre blanc.
EADS avait indiqué début janvier à Reuters discuter avec le ministère français de la Défense du prolongement jusqu'en 2017 de son drone de surveillance Harfang dont le contrat arrive à échéance fin 2013.
Le groupe européen négocie en outre la "francisation" du drone américain Reaper de General Atomics, un appareil intermédiaire destiné à attendre la prochaine génération de drones attendue au début de la prochaine décennie.
HELICOPTERES NH90 ET TIGRE.
La France a commandé 61 hélicoptères de transport militaire NH90, avec une option sur 34 unités supplémentaires. Les deux principaux industriels sont Eurocopter et AgustaWestland (Finmeccanica ).
Paris a également commandé 80 hélicoptères de combat Tigre. Eurocopter est le maître d'oeuvre du programme.
NAVAL
Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait confirmé en octobre la commande par la France de 11 frégates multimissions Fremm, assurant une charge de travail jusqu'en 2022 à DCNS (dont Thales détient 35% du capital).
Le programme du sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Barracuda, destiné à remplacer le SNA actuel de type Rubis, a été lancé en 2006 avec un objectif d'une première livraison du bâtiment en 2017.
MISSILES
Les programmes ANL, missile anti-navire léger destiné à des hélicoptères et préparé en coopération franco-britannique, et MMP, missile moyenne portée destiné à succéder au missile antichar Milan, pourraient être menacés.
Le constructeur de missiles MBDA, coentreprise entre EADS, BAE Systems et Finmeccanica, au coeur de ces deux programmes, pourrait en outre subir des renégociations à la baisse ou des rééchelonnements de contrats, comme d'autres industriels de la défense. (Edité par Patrick Vignal)
commenter cet article …