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Sous-marins chinois du type Song
crédits : APL
07.03.2013 Mer et Marine
Positionnée bien au-delà de la 10e place dans le classement des marines mondiales il y a encore 20 ans, la marine chinoise, forte de plus de 400 bâtiments (plus de 515.000 tonnes) et 255.000 hommes, est en bonne voie pour parvenir à la 2e place, juste derrière l’US Navy, et détrôner la marine russe dans les années à venir si elle maintient son rythme de constructions neuves actuel. Ce dernier avait un peu ralenti entre 2006 et 2008 mais il est reparti de plus belle depuis 2009. Entre fin 2011 et fin 2012, la Chine aura ainsi lancé ou mis en service un porte-avions, 3 sous-marins, 5 destroyers lance-missiles, 5 frégates, 7 corvettes, une vingtaine de patrouilleurs lance-missiles, 4 dragueurs océaniques, 2 transports de chalands de débarquement, 2 pétroliers-ravitailleurs, 2 bâtiments-bases de sous-marins et 2 bâtiments d’expérimentation.
Destroyer du type Lujang II (© : APL)
Cela démontre s’il en était encore besoin la volonté impérieuse des dirigeants chinois de faire de leur pays une grande puissance navale. Ils ont bien pris conscience d’une part de l’importance de la sécurisation des voies de communication maritimes pour la bonne marche de leur économie, d’autre part de la raréfaction à venir des ressources énergétiques terrestres et donc de la nécessité d’aller les chercher dorénavant au fond des mers où elles se trouvent en quantité. On assiste ainsi à un regain de nationalisme et de tension pour la possession des îlots situés à proximité de la mer Jaune et en mer de Chine méridionale. Si ces îlots ne représentent pas intrinsèquement un intérêt majeur, ils génèrent en revanche chacun, pour l’Etat propriétaire, une zone économique exclusive de 200 nautiques : dans ces eaux se trouvent des ressources halieutiques importantes et le fond de la mer et le sous-sol marin y recèlent des ressources minérales, pétrolières et gazières abondantes. Cela explique les escarmouches toutes récentes, pour le moment limitées aux seules forces de garde-côtes, à proximité de la mer Jaune dans les eaux jouxtant les îles japonaises Senkaku, dont la propriété est contestée par la Chine et Taïwan qui les appellent les Dyaoyu. La problématique est identique en mer de Chine méridionale pour les îles Spratley et Paracel dont la possession est revendiquée à la fois par la Chine, Taïwan, le Viêtnam, la Malaisie, Brunei et les Philippines.
Le porte-avions Liaoning (© : APL)
Officiellement acheté à l’Ukraine en 2000 par un homme d’affaires de Macao pour être transformé en casino flottant, l’ex-porte-avions russe Varyag a bel et bien été achevé à Dalian comme porte-avions, ce qui était une évidence dès le départ. Baptisé Liaoning et mis en service le 24 septembre 2012 avec faste en présence du président Hu Jintao, ce bâtiment permet à la Chine de conforter son statut de grande puissance, la possession d’un porte-avions étant l’apanage des nations importantes, et notamment celles qui sont membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce bâtiment va mettre en œuvre des intercepteurs Shenyang J-15, copie chinoise du Flanker Su-33 russe, ce qui a fortement mécontenté la Russie qui en représailles a refusé de livrer les Su-33 que la Chine comptait acquérir pour armer le Liaoning. Toutefois, si la marine chinoise dispose effectivement d’un porte-avions en état de servir, il faudra bien des années encore avant qu’il soit pleinement opérationnel, car elle va devoir acquérir la « culture de l’aviation embarquée » et donc maîtriser les techniques des opérations aéronavales.
Un J-15 sur le porte-avions Liaoning (© : NEWS.CN)
Un J-15 sur le porte-avions Liaoning (© : NEWS.CN)
Un 3e sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) du type Jin pourrait être mis en service en 2013, mais cela doit être confirmé car ces unités (de même que les sous-marins nucléaires d’attaque - SNA) sont toujours en Chine construites dans le plus grand secret, à l’opposé de ce qui se fait en occident et même en Russie. Il en est de même pour le 3e SNA du type Shang. La construction des sous-marins classiques du type Yuan se poursuit à un rythme rapide : au moins 9 sont en service et la série continue. Un nouveau type de sous-marin appelé Qing, doté d’un long massif, est apparu en 2010 ; un seul exemplaire existe pour le moment ; il pourrait s’agir d’un bâtiment conçu pour l’expérimentation des nouveaux missiles balistiques ou de croisière.
SNLE du type Jin (© : CHINESE MILITARY FORUM)
SNA du type Shang (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Sous-marin du type Yuan (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Le sous-marin Qing (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Après avoir testé pendant 5 ans ses 2 premiers destroyers lance-missiles du type Lujang II de conception nationale, la marine chinoise en a commencé la construction en série : 4 autres ont ainsi été mis en service ou lancés depuis 2008, ainsi que les 2 premières unité du type Lujang III (2 autres étant en construction) qui se différencient des 6 premiers par des lanceurs verticaux pouvant également mettre en oeuvre des missiles antinavires, une tourelle d’artillerie de calibre plus élevé et un radar à faces planes plus puissant.
Destroyer du type Lujang II (© : APL)
Les frégates du type Jiangkai II ont été construites en grande série ces 5 dernières années puisque 13 sont désormais en service et 5 autres en construction ou achèvement ; c’est le cas également des toutes nouvelles corvettes lance-missiles du type 056 : pas moins de 10 ont été lancées depuis début 2012, la première (Bengbu) étant en service depuis le 24 février 2013. Quatre chantiers différents réalisent ces corvettes, dont 32 au moins seraient prévues au total. Il en est de même pour les patrouilleurs lance-missiles à coque catamaran du type Hubei que l’on estime à 68 exemplaires en service mais ce chiffre pourrait en fait atteindre 83.
Frégate du type Jiangkai II (© : APL)
Corvette du type 56 (© : CHINESE MILITARY REVIEW )
Patrouilleur du type Hubei (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Ces adjonctions n’entraînent pas pour autant une disparition des unités très anciennes car si le nombre de destroyers du type Luda (5 Luda I et 4 Luda III) et de frégates du type Jianghu I (10 encore en service) a baissé, les unités désarmées sont parfois transférées aux différentes administrations paramilitaires chargées de la surveillance des côtes, qui sont elles aussi en pleine expansion. Par ailleurs les navires de combat plus récents ont été modernisés, comme par exemple les destroyers du type Luhu (2) et les frégates des types Jiangwei I (4) et Jianghu V (6).
Destroyer du type Luda III (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Frégate du type Jianhu I (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Destroyer du type Luhu (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Frégate du type Jianwei I (© : GUILLAUME RUEDA)
Frégate du type Jianghu V (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Les forces anti-mines constituent pour le moment le seul point faible de la Marine chinoise, les nouveaux bâtiments mis en service récemment, types Wozang (2) et Wochi (8) ne semblant pas être très évolués par rapport aux dragueurs océaniques du type T 43 qu’ils remplacent progressivement.
En revanche les forces amphibies connaissent toujours une progression importante. Après la mise en service d’une trentaine de bâtiments de débarquement de chars ces 15 dernières années, ce sont maintenant des transports de chalands de débarquement qui font leur apparition : 2 Yuzhao sont en service et un 3e est attendu incessamment. En revanche, l’existence du 4e, annoncée en janvier 2012, n’est pas confirmée.
Enfin le lancement de 2 nouveaux pétroliers-ravitailleurs du type Fuchi en 2012 confirme la volonté chinoise de se déployer longtemps et loin de ses bases ; elle le fait notamment en océan Indien où la lutte contre la piraterie lui donne maintenant l’occasion d’être présente en permanence avec 2 bâtiments de combat de surface et un bâtiment de soutien.
Chasseur de mines du type Wochi (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Bâtiment de débarquement de chars du type Yuting II (© : CHINESE MILITARY FORUM)
TCD du type Yuzhao (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Pétrolier-ravitailleur du type Fuchi (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Les forces maritimes paramilitaires
En plus de sa marine, la Chine dispose de cinq corps paramilitaires de garde-côtes qui arment de très nombreux bâtiments de petit ou moyen tonnage : la China Custom dépendant du ministère de l’économie et chargée de la lutte contre les trafics illicites dans les eaux territoriales, la China Coast Guard dépendant du ministère de la sécurité publique et chargée de la police dans les eaux territoriales, la China Maritime Safety Administration dépendant du ministère des transports et chargée de l’application de la réglementation maritime dans les eaux territoriales et la zone économique exclusive, le China Fisheries Law Enforcement Command dépendant du ministère de l’agriculture et chargé de la police des pêches dans les eaux territoriales et la ZEE et enfin la China Marine Surveillance dépendant du ministère des ressources naturelles et chargée de la protection de l’environnement maritime dans les eaux territoriales et la ZEE. Ce dernier corps est en pleine expansion puisqu’il va passer de 10 000 à 15 000 hommes d’ici 2020.
Le patrouilleur Haixun II de la CMSA (© : CHINESE MILITARY FORUM)
La marine chinoise lui a transféré plusieurs de ses bâtiments le 30 novembre 2012 : ont ainsi été cédés les destroyers 131 Nanjing et 162 Nanning du type Luda, le mouilleur de mines 814 Liaoyang du type Wolei (rebaptisé Zhong Guo Hai Jian 112), le bâtiment collecteur de renseignements 723 du type Yanbing (rebaptisé Zhong Guo Hai Jian 111), le navire hydrographique 852 Qimingxing du type 813 (rebaptisé Zhong Guo Hai Jian 169), le navire hydrographique 411 Nan Diao du type 652C (rebaptisé Zhong Guo Hai Jian 168), le navire hydrographique 226 du type Yanlai, le transport de troupes 830 du type Qiongsha et les trois remorqueurs de haute mer 154, 710 et 830 du type Tuzhong (rebaptisés respectivement Zhong Guo Hai Jian 167, Zhong Guo Hai Jian 110 et Zhong Guo Hai Jian 137). En outre la construction de 36 nouveaux bâtiments de moyen tonnage est prévue d’ici 2016.
Le Zhong Guo Hai Jian 83 de la CMS (© : CHINESE MILITARY FORUM)
Il faut donc s’attendre a un accroissement sensible des tensions dans les eaux jouxtant les îlots Senkaku/Diaoyu situés en bordure de la mer Jaune dont la Chine conteste au Japon la propriété et plus au sud, en mer de Chine Méridionale, avec les îles Paracel et Spratley revendiquées par la Chine, Taiwan, le Vietnam, la Malaisie, Brunei et les Philippines. Ce sont en effet les navires de la CMS qui sont chargés d’assurer la présence du pavillon chinois dans ces zones maritimes litigieuses.
Article de Bernard Prézelin, auteur de Flottes de Combat
Flottes de Combat, l'ouvrage de référence des forces navales (© : MARINES EDITIONS)
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