Du 19 septembre au 12 octobre 2011, l’exercice « Embow » se déroule depuis la base aérienne 120 de Cazaux. Sous la supervision de la direction générale de l’armement (DGA), cet exercice Otan mobilise 250 militaires provenant de dix pays différents, qui réaliseront au total 95 sorties d’aéronefs.
Organisé tous les deux ans, l’exercice « Embow » a pour objectif d’évaluer l’efficacité des systèmes d’autoprotection infrarouge embarqués à bord des aéronefs. Dans un premier temps, l’objectif consiste à « faire accrocher » sur les aéronefs, différents autodirecteurs infrarouges, installés au sol sur le site d’essais de missiles de la DGA de Biscarrosse. Dans un deuxième temps, il s’agit pour les équipes de mesure et d’analyse, d’évaluer le comportement de ces autodirecteurs au cours de séquences de leurrage. Ces essais impliquent ainsi différents types d’autodirecteurs de missiles, de systèmes de leurres et d’aéronefs fournis par les nations participantes.
Pour réaliser les essais, la DGA met en œuvre un Casa 212, un Mirage 2000D et un hélicoptère Tigre. La base aérienne 120 de Cazaux apporte aux participants un soutien logistique et humain. Aucun aéronef de la base n’est impliqué directement dans l’exercice mais la base assure le logement et la restauration des participants, ainsi que l’accueil des aéronefs étrangers et de leurs armements sur sa plateforme aéronautique.
Interview du commandant Thomas Vermeersch, directeur de l’exercice Embow
Dans un premier temps, pouvez-vous revenir sur votre carrière ?
Commandant Vermeersch - Avant d’intégrer l’armée de l’air en 1997, je suis passé par l’école polytechnique (promotion X94). J’ai ensuite suivi le cursus standard de pilote de chasse en commençant par la dernière année de l’école de l’air pour être finalement affecté à l’escadron de chasse 2/3 « Champagne » en tant que pilote sur Mirage 2000 D. En 2005, j’ai passé l’examen probatoire d’entrée à l’école du personnel navigant d’essais et de réception. En 2006, j’y ai suivi la formation de pilote d’essais expérimental et de réception. Depuis, je suis affecté sur le site de Cazaux de DGA Essais en Vol où je vole principalement sur Mirage 2000, Alphajet et Mystère 20 ainsi que sur Epsilon, C130, C160 et Casa 212.
En quoi consiste l’exercice Embow ? Quels moyens aériens et terrestres sont engagés ?
Le but de l’exercice est de tester l’efficacité des systèmes de leurrage infrarouge des aéronefs face aux autodirecteurs infra-rouge. Le dispositif comprend une partie au sol avec ces autodirecteurs, des caméras travaillant dans plusieurs bandes et des analystes qui exploitent instantanément les données de chaque vol. La partie en vol consiste à faire passer des aéronefs devant ces autodirecteurs. Lors de leur passage, ils tirent des leurres. Nous regardons alors pour chaque autodirecteur s’il suit le leurre ou s’il reste « accroché » sur l’aéronef. Les résultats de chaque séquence de leurrage nous parviennent en temps réel et nous pouvons éventuellement adapter le profil du vol en fonction des premières données transmises.
En quoi est-ce particulier pour le personnel de la base de Cazaux de participer à l’organisation d’Embow ?
C’est loin d’être anodin pour une base aérienne comme celle de Cazaux que d’accueillir autant d’aéronefs différents. L’occupation des parkings, les locaux pour les mécaniciens et les équipages et surtout la sécurité pyrotechnique ont tous été étudiés avec soin. DGA Essais en Vol, la BA120 et l’Etablissement Principal de Munitions d’Aquitaine ont travaillé main dans la main, sachant que l’exercice ne devait pas impacter l’activité permanente de la base qui est importante. Au total au cours de l’exercice près de 8000 leurres seront tirés et 1300 passes de tirs seront réalisées.
Des dizaines d’aéronefs de toutes nationalités vont se succéder. Nous accueillons, par exemple, un P3C allemand, des F16 belges, hollandais, danois et polonais, des C130 hollandais, belge, turc et néozélandais, un NH90, un A129, un CH47 et un Tornado italiens, ou des F18 espagnols. Les avions sont délocalisés sur la base aérienne de Cazaux pendant une semaine environ pour participer à la campagne d’essais. Dans un créneau de une heure, ils réalisent chacun une quinzaine de passes de tir.
Quelles sont les nouveautés de cette campagne 2011 ?
Cette année, la nouveauté réside dans deux premières : l’évaluation de plusieurs missile warning systems (MWS) et celle d’un Directional Infrared Counter measure (DIRCM). Le DIRCM mis en œuvre au cours de cette campagne est fabriqué par la société espagnole Indra. Nous stimulons ce système grâce à un rayonnement qui ressemble à la propulsion du missile. Un missile warning system intégré donne alors l’ordre au DIRCM d’effectuer un tir laser qui va brouiller l’autodirecteur. L’objectif est de faire perdre à ce dernier la poursuite de l’appareil.
Comment se déroule la détection du missile ?
D’une manière générale le pilote n’a que quelques secondes pour détecter un missile et y réagir (manœuvre et largage de leurres). Un système à bord de l’appareil appelé missile warning system peut détecter le départ missile à la place de l’équipage et l’inciter à leurrer ou provoquer un leurrage automatique. Au cours de l’exercice Embow, plusieurs vols consistent à tester le bon déroulement de la séquence complète de détection et leurrage automatique.
Qu’en est-il de la coopération internationale par rapport à cette menace sol-air ?
La communauté otanienne reconnaît que la menace infrarouge prolifère et qu’il est primordial de protéger nos aéronefs. Dans le domaine infrarouge, la coopération est bonne. Nous partageons facilement nos informations.
Les pays leaders, dont la France fait partie, ont les moyens de tester les leurres de leurs aéronefs et les séquences de leurrage. En revanche, les autres nations ne possédant pas un tel matériel ont besoin de nos installations. Cet exercice est leur seule occasion d’évaluer leur autoprotection infra-rouge. Les pays leaders y trouvent également leur compte car ils ont accès aux résultats de tous les participants. A la fin de l’exercice, un rapport est distribué à toutes les nations ayant pris part à l’exercice.
Quelles sont les perspectives d’évolution dans le domaine de la guerre électronique ?
Concrètement, notre objectif est d’améliorer l’autoprotection des avions. La menace infrarouge est constamment surveillée. Les autodirecteurs sont de plus en plus efficaces en particulier parce qu’ils sont équipés de contre contre mesures infra-rouge. C’est pourquoi nous devons en permanence améliorer nos leurres et concevoir des séquences de leurrage de plus en plus innovantes. C’est le travail conjoint de DGA MI (Maîtrise de l’Information) et de l’EPIGE (Escadron de Programmation et d’Instruction de Guerre Electronique).
Propos recueillis par Quentin Michaud.