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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 20:15

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photo efaplesanciens.com

 

24/10/2011 par Yves Philoleau – Les Echos.fr

 

Stratégie ! C’est le mot le plus galvaudé dans le monde des entreprises. Devenu un simple superlatif, il justifie tout et n’importe quoi. On se garde bien de le définir comme pour faire oublier sa seule vocation : faire perdre l’adversaire… A l’heure où la Chine de Sun Zi s’épanouit, l’intelligence économique ne doit-elle pas réviser totalement sa conception de la stratégie ?

 

Définir la stratégie comme étant « la combinaison des moyens en vue d’atteindre un objectif », c’est oublier que tout comportement humain poursuit des buts et que stratégie est un terme militaire employé dans un contexte de combat.

Beaufre place cette confrontation au cœur de son « Introduction à la stratégie » (1963), : " Je crois que l’essence de la stratégie gît dans le jeu abstrait qui résulte comme l’a dit Foch, de l’opposition de deux volontés".

A l’heure de la Chine conquérante, soutenue par sa tradition millénaire de pensée guerrière (Sun Zi, jeu de Go, 36 Stratagèmes ...), j’invite les experts en intelligence économique à sortir des ornières structuralistes tracées par les livres de management anglo-saxons. Je leur propose de s’inspirer plutôt de Sun Zi, Machiavel, Choderlos de Laclos, Guibert, Clausewitz, Lawrence d’Arabie, Churchill, Giap, Beaufre, Aron, Vergès, Luttwak…

Les questions sont nombreuses auxquelles il faut répondre pour définir la stratégie. Quelle est sa particularité dans un combat ? Quel est son domaine d’application : les théâtres d’opérations ? les forces en présence ? l’intelligence des adversaires ? Indique-t-elle une position hiérarchique, une valeur morale ou éthique ?

Je propose quelques pistes pour une identification et une expertise des informations relevant de la stratégie.

Les règles du combat. Un combat économique se déroule suivant certaines règles. Les unes officielles, les autres tacites(1). Les règles sont toujours édictées par les dominants. Et donc les favorisent. Dans une confrontation du faible au fort, aucune chance que le faible l’emporte s’il respecte le jeu. La véritable stratégie est donc une stratégie de rupture(2). Qui remet en cause l’échiquier lui-même. Elle utilise parfois le « terrain » (l’univers de préférences des clientèles(3)) mais son champ d’application c’est l’adversaire, sa psychologie, sa culture, sa manière de penser, ses habitudes, ses projets, ses alliances… La stratégie a pour mission de le mettre mal à l’aise, de l’empêtrer dans ses contradictions, de l’obliger à se battre d’une manière qui ne lui convient pas, de l’amener à la faute.

La stratégie est paradoxale (4). Paradoxale l’affirmation de Churchill : « En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle devrait toujours être protégée par un rempart de mensonges ». Paradoxale aussi la dissuasion qui conduit l’adversaire à ne pas attaquer ou se défendre, qui « permet au général de ne pas ensanglanter son sabre » (5), stratégie suprême qui assure la victoire en supprimant le combat ! Paradoxale encore l’adage « Si vis pacem, para bellum », qui maintient la paix en prévoyant la guerre…

Définition : une stratégie est un style de combat paradoxal conçu et mené en vue de gêner son adversaire dans sa manière de se battre. Elle transgresse les manières de penser, les règles ou les principes sur lesquels il s’appuie. Cinq types de stratégies sont identifiables : directe, indirecte, annexion, subversion(6), dissuasion.

Quelle différence avec la tactique ? La tactique a pour mission de faire pencher la balance des forces au profit du tacticien, en gênant son adversaire dans l’emploi de ses moyens.

Quelle différence avec la manœuvre ? La manœuvre est un mouvement, effectué sur le champ de bataille, pour positionner avantageusement les unités combattantes. Pour l’entreprise, c’est, au sens large, la promotion qui assure ce positionnement de l’offre dans l’univers de préférences des clientèles.

La stratégie peut-elle être une science ? Michael Porter, comme les autres gourous du management des années 80, a tenté de figer les situations concurrentielles. Il a rêvé, comme tant de théoriciens de l’art de la guerre avant lui, de rationnaliser les stratégies. Or le combat est un jeu : les concurrents se répondent, « coupent l’herbe sous les pieds », « agitent le chiffon rouge », etc. Et trichent : la compétition mondiale le démontre tous les jours (niveau du dollar ou du yuan, protectionnisme,…). Clausewitz le rappelait déjà : « La guerre n’appartient pas au domaine des arts et des sciences (…) Elle est un conflit de grands intérêts réglé par le sang, et c’est seulement en cela qu’elle diffère des autres conflits. Il vaudrait mieux la comparer (…) au commerce qui est aussi un conflit d’intérêts et d’activités humaines (7).

Le stratège est-il fréquentable ? La pratique de la stratégie pose évidemment des questions éthiques et légales. Jacques Servier est un authentique stratège, redouté depuis longtemps dans l’industrie pharmaceutique ; est-il pour autant « une belle personne », un Mensch, un gentleman ? A l’inverse, Gandhi ne fut-il pas un stratège lumineux qui fait honneur à l’humanité ? La stratégie est un moyen. Etre un fin stratège n’est pas un gage de qualité humaine : seules sa mise en œuvre ou sa finalité permettent un jugement moral. S’interdire des comportements stratégiques non-éthiques est respectable ; sous-estimer les possibilités stratégiques immorales des adversaires est irresponsable (8).

Le stratégique est-il forcément hiérarchique ? Des armes, des produits, des opérations, des tactiques, des manœuvres peuvent s’avérer stratégiques. Mais un planning ? Un enjeu ? Un comité de direction ? Encore faudrait-il qu’ils soient de nature à bouleverser - comme l’arme atomique, le terrorisme ou… l’iPhone - le mode de confrontation !

(1) « Le vrai combat de l’avenir sera basé sur l’imaginaire, l’impalpable qui consolide la vie économique des nations » Bernard Esambert, La guerre économique mondiale, Olivier Orban, 1991.
(2) cf Jacques Vergès, De la stratégie judiciaire, Éditions de Minuit, Paris, 1968. cf Général André Beaufre (Inspirateur de la stratégie de dissuasion française), Introduction à la stratégie, 1963 , Dissuasion et stratégie, Armand Colin, 1964 , La guerre révolutionnaire, Fayard, 1972.
(3) Le Marketing de combat, Yves H. Philoleau, Denise Barboteu-Hayotte, dy-Lab éditions, BOD, 1994 - 2010.
(4) Edward N.Luttwak, Le paradoxe de la stratégie, 1989, Odile Jacob
(5) L’Art de la guerre, Tsun Zu, Economica, Paris, 1988
(6) « Supposez que nous fussions (...) une influence, une idée, une espèce d’entité intangible, invulnérable, sans front ni arrière et qui se répandît partout à la façon d’un gaz ? », « Notre royaume était dans l’âme de chacun... », T. E. Lawrence, Les Sept Piliers de la Sagesse, 1927, Petite Bibliothèque Payot
(7) Karl von Clausewitz, De la Guerre, 1832, Pérrin
(8) En ce sens, Arnaud Montebourg a une certaine vision stratégique avec son concept de « démondialisation »…
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