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05/04/2013 Actu Terre
Si les français n'ont pas forcément la réputation d'être très doués dans la pratique des langues étrangères, parler anglais pour un militaire devient aujourd'hui incontournable. Comment l'armée de Terre fait-elle pour développer et maintenir le niveau en anglais de ses soldats ? Deux officiers langues nous parlent de leur travail au quotidien.
« Communiquer en anglais pour un soldat français aujourd’hui est essentiel, et encore plus pour un membre des forces spéciales ».
Le capitaine Anthony, officier langues au 13erégiment de dragons parachutistes (13eRDP) de Souge, est depuis 12 ans linguiste anglophone pour les forces spéciales :
« L’anglais de tous les jours permet d’être un minimum autonome sur les besoins "de première nécessité" : se présenter, donner sa fonction, demander son chemin, pouvoir se nourrir, faire le plein de son véhicule… Mais l’anglais opérationnel est, de mon point de vue, primordial : il ne peut souffrir d’à-peu-près car il en va de la réussite ou de l’échec d’une mission. On peut alors considérer que parler anglais pourrait être le 12eacte réflexe du combattant ».
L'anglais comme pivot des opérations de l'armée de Terre ? Le capitaine Anthony explique : « le maximum de militaires français doit être en mesure d’appliquer des procédures d’urgence dans cette langue, cela peut sauver des vies en milieu multinational. Un exemple concret : imaginons que pour une évacuation sanitaire, le seul aéronef disponible soit un hélicoptère américain. Du soldat jusqu’au lieutenant, tout le monde doit être capable de prendre contact avec cet aéronef et de faire état de ses éléments de marquage au sol (fumigène, panneaux...), d’éventuels obstacles sur la zone de poser etc. Cela sous-entend de maîtriser la terminologie de la radiophonie internationale et de connaître le vocabulaire adapté ».
« La politique de l'armée de Terre en matière d'apprentissage de l'anglaisvise à ce que chacun maîtrise l’anglais courant, opérationnel et technique pour remplir sa mission à son niveau de responsabilité et dans ses fonctions. Un officier langues titulaire et un suppléant sont désignés dans chaque organisme de l'armée de Terre », nous explique le capitaine Florence Brun, de la 1rebrigade mécanisée (1reBM) de Châlons-en-Champagne.
« Concrètement, nous déterminons les besoins de l’unité, recensons les candidats et contrôlons l’assiduité et la régularité, seuls gages de réussite. Nous nous réunissons deux fois par an avec les officiers langues des unités de la brigade pour notamment mettre en commun les moyens pédagogiques, les annales, les retours d’expérience et les initiatives. Par exemple, ici à l'état-major, nous nous appuyons sur l'officier de liaison britannique du commandement des centres de préparation des forces (CCPF). Cela permet aux cadres, quel que soit leur niveau et leur expérience, de converser régulièrement de 5 à 10min avec un "native speaker", quelqu'un dont l'anglais est la langue maternelle. »
Selon le niveau initial et les objectifs de chacun, établis avec la hiérarchie et en fonction du profil (grade, métier...), l'officier langues peut proposer une stratégie pédagogique personnalisée aux militaires. Par exemple, pour le personnel projeté en Afghanistan en 2011 et 2012, l'état-major de la 1reBM a proposé une remise à niveau en 3 temps : des séances d’instruction en anglais tactique, une "semaine bloquée" anglais pilotée par un instructeur d'un organisme de formation de l'Éducation nationale (GRETA) et une semaine d’anglais opérationnel au centre de formation interarmées au renseignement (CFIAR) de Strasbourg.
« En plus des didacticiels disponibles en ligne sur l'intranet de la direction des ressources humaines de l'armée de Terre (DRHAT), nous avons mis en place sur le réseau de la brigade un répertoire commun que nous alimentons en documents écrits et sonores issus de sources ouvertes internet. Ainsi, chacun peut à son rythme et selon ses disponibilités se perfectionner individuellement », conclut le capitaine Brun.
Au 13eRDP, la démarche d’apprentissage de l’anglais se veut la plus pragmatique possible : « on ne demande pas la même chose à un équipier et à un chef de détachement », assure le capitaine Anthony.
« Nous disposons d'un laboratoire de langues, le centre de préparation linguistique opérationnelle (CPLO), pour des séances dirigées ou pour l'autoformation. Chaque stagiaire qui y est formé est systématiquement "débriefé" après chaque mission. Ce retour d’expérience (RETEX) constitue le cœur de notre formation en anglais : cela permet d'améliorer ou de mieux cibler le contenu de formation mais aussi d'élaborer des mises en situation professionnelle quasi réelles qui ont beaucoup de succès ! »
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