Nos pilotes de transport ont pu se poser sur des terrains très sommaires en Libye ou au Mali parce qu'ils se sont entrainés de jour comme de nuit sur des pistes en terre battue, en France. - photo Armée de l'Air
18/06/2013 Par JeanPatrickGaviard - Express Yourself
Nos alliés ont souligné unanimement la réactivité et l'efficacité dont ont fait preuve nos forces armées en Libye et au Mali. Mais les futurs ajustements budgétaires mettent en péril ce savoir faire.
Les interventions percutantes et audacieuses de nos soldats en Libye et en Cöte d'Ivoire en 2011 puis en 2013 au Mali ont forcé l'admiration des militaires américains et britanniques.
Nos alliés, pas toujours si tendres vis à vis de nos actions, ont toutefois souligné unanimement la très forte réactivité et l'efficacité remarquable dont ont fait preuve nos forces armées, lors de ces opérations récentes.
Ces qualités reposent avant tout sur la valeur de nos soldats mais aussi sur un entrainement de haut niveau qui risque de faire les frais de futurs ajustements budgétaires et mettre en péril le savoir faire largement reconnu de nos armées.
Des coupes dont on ne peut mesurer les effets négatifs que plusieurs années plus tard
En effet, quand les budgets ne sont pas à la hauteur des prévisions, les abattements financiers portent classiquement sur les crédits liés aux rechanges et à la maintenance des avions, des bateaux ou des véhicules blindés dont on ne peut mesurer malheureusement les effets négatifs que plusieurs années plus tard. Or la disponibilité des matériels, de plus en plus coûteuse, est en relation directe avec le niveau d'entrainement de nos forces armées.
On pourra rétorquer qu'un certain nombre de nos militaires effectuent des opérations de guerre et qu'ainsi ils conservent, de fait, un haut niveau d'entrainement. Mais nos soldats ne sont pas tous concernés par ces missions de guerre. Par ailleurs, à leur retour en France, après une période récupération ces combattants ont besoin de se ré entrainer conformément à l'adage bien connu: "We fight as we train" - "on combat comme on s'entraîne.
On pourra également mettre en avant la simulation qui apporte, sans nul doute, une plus value dans l'entrainement particulièrement dans le débriefing des exercices où chaque phase peut être décortiquée en détails. Le centre urbain installé sur le camp de Sissone, dans le nord de la France est un bon exemple de l'apport de la simulation dans l'entrainement de l'armée de terre. Elle permet aussi d'entrainer efficacement les personnels affectés dans les centres de commandement interarmées. Ainsi, l'exercice majeur de l'Ecole de guerre est simulé par ordinateur.
Mais l'apport indéniable de ces moyens modernes ne peut remplacer un entrainement régulier dans les airs, sur mer ou sur terre. La connaissance de ces différents milieux est indispensable pour nos soldats afin qu'ils puissent intervenir efficacement en opérations, le jour venu. Ainsi les chasseurs alpins, par exemple, ont pu mener avec succès des opérations dans les montagnes afghanes parce qu'ils s'étaient entrainés régulièrement dans les Alpes. Nos pilotes de transport ont pu se poser sur des terrains très sommaires en Libye ou au Mali parce qu'ils se sont entrainés de jour comme de nuit sur des pistes en terre battue, en France. Nos marins effectuent quotidiennement leur mission de contre piraterie maritime au large de la Somalie parce qu'ils se sont longuement entrainés pour cette mission au large de nos côtes. On l'a compris savoir voler, naviguer, maitriser le terrain correctement est indispensable pour pouvoir intervenir efficacement en opérations.
Un savoir faire de qualité est long à acquérir mais aussi très facile à perdre
Il faut noter, parallèlement qu'un savoir faire de qualité est long à acquérir mais aussi très facile à perdre. L'armée de l'air possédait au milieu des années 1990 quelques drones "Hunter". Ses personnels purent ainsi, grâce à ce petit drone apprendre à utiliser efficacement des avions pilotés à distance. Malheureusement, en 2004 l'armée de l'air dut abandonner ce système par manque de pièces de rechanges. Le successeur du Hunter ayant pris de gros retards, les équipes furent dissoutes et le savoir faire long à réacquérir...
De la même manière les britanniques sont entrain de perdre, après la décision brutale d'arrêter leur avion de patrouille maritime "Le Nimrod" pour des raisons budgétaires, un savoir faire stratégique fragilisant leur propre dissuasion nucléaire sous-marine. Il semblerait, toutefois pour éviter cette perte stratégique, que les personnels concernés aient été envoyés au Canada et en Australie pour continuer à voler sur un appareil similaire: le P3 "Orion".
Par delà ces raisons purement opérationnelles, n'oublions pas que le niveau d'entrainement agit fortement sur le moral de nos soldats. Ces derniers ne se sont-ils pas engagés dans les armées de l'air, de mer et de terre parce qu'ils avaient une envie très forte de voler, naviguer ou crapahuter"? Les priver de leurs motivations ou les contraindre à des taches uniquement ancillaires sur leurs bases aériennes dans leurs ports ou dans leurs casernes serait, à l'évidence, désastreux pour leur moral.
En conclusion, il faudra dans les prochaines années surveiller avec une grande attention le niveau réel de crédits consacré à la disponibilité des matériels et donc à l'entrainement, car le savoir faire exceptionnel dont font preuve aujourd'hui nos armées ainsi que le moral de nos soldats sont à ce prix !