28 août affaires-strategiques.info
Le point de vue de Philippe Migault, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la Russie
Comment comprendre la posture de Moscou sur la question syrienne notamment au travers des intérêts en jeu ?
D’abord il existe un élément diplomatique élémentaire qui réside dans la fidélité à ses alliés. Lorsque l’on possède un partenaire sur la scène internationale, il n’est pas question de le laisser tomber et la Syrie a été un partenaire de longue date de l’Union Soviétique puis de la Russie. Moscou apporte donc son soutien à un vieil allié, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il défende mordicus le régime de Bachar Al-Assad. A ce titre, il est nécessaire de faire la différence entre la Syrie et Bachar Al-Assad, cette nuance est primordiale dans l’analyse.
Ensuite, et contrairement à ce qui a été avancé à de multiples reprises, la base navale de Tartous ne constitue absolument pas un intérêt stratégique pour la marine russe puisque il s’agit d’une base navale modeste, ne pouvant accueillir de grands bateaux, et qui a toujours servi à ne faire que de l’entretien léger pour les navires ou du ravitaillement. Ce n’est donc pas un élément décisionnel.
Concernant cette fois les contrats d’armement, ceux-ci n’ont pas d’influence sur la posture russe. La Syrie n’est pas le plus gros client de la Russie en la matière. De surcroit, il s’agit d’un Etat à peine solvable et qui va l’être encore moins dans les années à venir. Ainsi, lorsque certains avancent que la disparition de l’Etat syrien engendrerait la perte de milliards de dollars pour l’industrie de défense russe, c’est totalement faux. Bien au contraire même, puisque la disparition de l’Etat syrien pourrait être interprétée, en Iran, en Irak ou en Libye, de telle sorte que justement il soit nécessaire de se protéger contre une intervention occidentale, et ce, au travers de l’acquisition de la dernière génération de matériel russe.
Quoiqu’il en soit, les véritables intérêts sont de deux ordres.
D’une part, un intérêt de sécurité. Ce dernier est simple : la distance entre la Syrie et le Caucase russe est environ égale à celle entre Paris et Nice, c’est-à-dire un saut de puce. Si demain la Syrie bascule vers un Etat dominé par des fondamentalistes musulmans avec des milliers de combattants d’Al-Qaïda sur place, il sera alors possible d’assister à une migration de ces miliciens vers le Caucase afin d’y relancer les combats avec ce qu’il reste des mouvements terroristes tchétchènes et ce, à quelques mois des JO de Sotchi. Il est donc hors de question de laisser un foyer d’agitation wahhabite se développer en Syrie à un millier de kilomètres de Sotchi à vol d’oiseau.
D’autre part, un intérêt stratégique. Les Américains développent une politique au Moyen-Orient qui s’appuie sur un axe sunnite autour de régimes fondamentalistes musulmans qui sont le Qatar, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Cet axe sunnite cherche à imposer sa volonté dans la région, notamment en Syrie. Les Russes, quant à eux, tentent de défendre leurs intérêts au Moyen-Orient en s‘appuyant sur un axe chiite (au sens large) qui regroupe l’Iran, l’Irak et les Alaouites de Syrie. Ayant de tout temps été martyrisés par les Sunnites, les Chiites n’ont aucun intérêt à voir cet axe sunnite imposer sa domination au Moyen-Orient avec l’aide américaine. Ils recherchent donc l’appui de la Russie qui recherche le leur. Si Bachar al-Assad tombe, il y aura alors perte d’un premier allié dans la région et l’étape suivante pourrait être la chute de l’Iran. Et si on imagine que s’installe en Iran un nouveau gouvernement, éventuellement pro-occidental, perspective peu probable mais qu’il ne faut pas exclure à long terme, alors cela signifierait que tout le pétrole et le gaz d’Asie centrale, au lieu de transiter par le territoire russe ou de ravitailler la Chine, pourrait transiter via le territoire iranien en direction du littoral de l’Océan indien et de Bandar Abbas, ce qui priverait la Russie d’une bonne partie de sa manne pétrolière et gazière, tout en permettant, accessoirement, de détourner une partie des ressources qui sont destinées à la Chine.
Nous sommes donc, dans cette affaire, sur un échiquier extrêmement compliqué. Il y a des priorités à court terme, de nature sécuritaire et des enjeux stratégiques et économiques à long terme.
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Note RP Defense : source de la carte illustrant l'article :
China's Energy Strategy in the Greater Middle East
China has arrived in the Greater Middle East and appears determined to stay awhile. Over the past decade, deeming energy security too important to be left to market forces alone, Beijing has prioritized the issue as a matter of national security. From new pipeline and infrastructure projects to increased naval port calls, China is establishing footholds in Central Asia, the "Four Seas" region, and the Persian Gulf, stepping up its military ties to protect this "string of pearls." Beijing has placed particular emphasis on countering Western energy partnerships with regional governments and aligning with pariah states such as Iran and Syria.
In this Washington Institute Policy Focus, Christina Lin examines how Beijing's increasing footprint is affecting U.S. and allied interests. The study offers in-depth assessments regarding the scope and intent of Chinese energy initiatives that stretch from Asia to Europe, including detailed maps of this "new Silk Road." By tracing the recent trajectory of Beijing's political relationships, economic initiatives, and military posture, the study offers recommendations on how Washington can counterbalance troubling trends resulting from Chinese expansion.
THE AUTHOR
Christina Lin is a former visiting fellow at The Washington Institute, with expertise in energy security, Chinese military doctrine, relations between China and the Middle East, and other issues. She has extensive U.S. government experience, having served at the Office of the Secretary of Defense, the National Security Council, the Department of State, the Export-Import Bank of the United States, and the federally funded Institute for Defense Analyses. Previously, she worked in the private sector at Lehman Brothers and Goldman Sachs in London.
Dr. Lin has published papers in Israel, Germany, and the United States on the militarization of Chinese energy security policy, Eurasian regional security architecture, and nuclear proliferation. She has also been a key author of the annual China file for Jane's Chemical, Biological, Radiological and Nuclear Intelligence Centre. Her papers on the nexus between East Asian and Middle Eastern WMD proliferation have been cited widely, including reports in the Korea Herald, Wall Street Journal, World Tribune, and Jerusalem Post.
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