15 Janvier 2013 Jean-Dominique Merchet
Au quatrième jour des opérations militaires au Mali, l'armée française et ce qui reste de l'armée malienne ne sont toujours parvenues à stopper complètement l'offensive des islamistes radicaux
vers le sud. Lors d'une conférence de presse, le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian et le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud l'ont reconnu implicitement.
C'est au nord du fleuve, dans ce que les militaires français appellent le "fuseau ouest" que les combats se poursuivent avec les katibas (compagnies) d'Al Qaida au Marghreb islamique (AQMI) ,
autour de la ville de Diabali. Venant de Léré, les djihadistes poussaient vers Ségou, sur le fleuve Niger. Le ministre de la Défense a reconnu que "les terroristes étaient encore très présents"
et qu'ils "n'avaient pas renoncé". En face, les forces maliennes sont "très éprouvées", en clair défaites. Le chef d'état-major a ajouté que, dans la région de Diabali, "la brèche était en cours
de fermeture" - donc qu'elle n'est pas encore fermée. Sauf coup de théâtre militaire, les forces françaises devraient pouvoir bloquer l'avancée des colonnes djihadistes. Hélicoptères et avions de
combat sont engagés actuellement contre elles.
Au sud du fleuve Niger, l'offensive (menée par des groupes d'Ansar Dine, essentiellement) a, elle été stoppée. Toutefois, et contrairement à ce qu'affirme les "autorités" maliennes, la ville de
Konna n'a pas été reprise et des groupes "terroristes" pourraient encore y être présents. Mais l'essentiel des forces s'est replié entre Douenza et Gao, où elles ont reprises en main par leurs
chefs.
Au total, les deux offensives islamistes impliqueraient plus de 200 véhicules et plus de 1200 combattants, assure le ministre de la défense. Il s'agit d'un ennemi bien armé, bien commandé et
déterminé.
Par ailleurs, des frappes dans la profondeur ont eu lieu dans le nord, (mais pas à Kidal, comme cela avait été annoncé) pour désorganiser et affaiblir les arrières de l'ennemi en se prenant à sa
logistique et son commandement. Toutefois, le niveau des frappes (sur le ligne de front, comme à l'arrière) reste relativement modeste puisqu'on en compte que 50 en 4 jours...
Le dispositif français
Actuellement, 1700 militaires français sont engagés dans l'opération Serval, mais seulement 800 d'entre eux sont au Mali.
Douze avions de combat sont actuellement déployés : six Mirage 2000D et quatre Rafale à N'Djaména (Tchad) et deux Mirage F1CR à Bamako (Mali). Pas moins de cinq avions ravitailleurs C-135 FR sont
également engagés - un chiffre considérable, au regard de capacités françaises (14). Cinq avions de transport tactique C-160 Transall et C-130 Hercules, mais certains appartiennent au COS et
peuvent remplir des missions de renseignements. Plusieurs Atlantique 2 de la Marine, basés à Dakar, sont engagés dans des missions de recueil de renseignements optiques et d'écoutes.
Côté hélicoptère, il s'agit des appareils du 4ème régiment d'hélicoptères des forces spéciales (RHFS) de l'armée de terre. Au total, environ 10 appareils, dont la moitié d'hélicoptère de combat
Gazelle et d'un Tigre. Une Gazelle a été détruite vendredi dernier par des tirs ennemis (l'équipage est sauf) et une autre endommagée. C'est à bord de cette dernière que se trouvait le lieutenant
(promu aujourd'hui chef d'escadron) Boiteux, tué par une balle qui lui a sectionné l'artère fémorale.
Au sol, des troupes arrivent à Bamako - en provenance de Cote d'Ivoire, du Tchad ou de France. Sont déjà sur place des unités du 21ème RIMa, du 3ème RPIMa, du 2ème RIMa, du REC et du RHP. Des
blindés (VAB et Sagaie) sont arrivés de Cote d'Ivoire. Ces élements sont commandés par un PC armé par le 21 ème RIMa, placé sous les ordres de l'état-major des Eléments français au Sénégal.
Et maintenant ?
Le dispostif français va continuer à monter en puissance. Le président de la République a parlé de 2500 hommes au Mali. Il n'est pas certain que des renforts aériens importants soient nécessaires
car les cibles vont très vite manquer - les djihadistes se dispersant et se camouflant au mieux dans les vastes étendues du nord.
A court terme, le chef d'état-major des armées n'a pas exclu que les blindés légers puissent être engagés contre les colonnes ennemies, donc dans le secteur Diabali/Konna au nord-est de Bamako.
A terme, le dispositif français pourrait prendre la forme de deux GTIA (Groupement tactiques interarmées), l'un dans la capitale Bamako, l'autre dans le centre du pays, le "col de cygne" où les
combats ont lieu actuellement, à la frontière entre les deux grandes régions du Mali.
Reste que la stratégie de la France est de ne pas agir seule. Elle continue à miser sur la reconstitution d'une armée malienne, grâce à l'opération européenne de formation EUTM et à
l'intervention d'une force africaine, la Misma. Beaucoup de pays africains ont promis leur contribution (Togo, Nigeria, Niger, Sénégal, Ghana, Tchad, Sénégal, Bénin...) mais voilà des mois qu'ils
le promettent. Certes, la crise actuelle les a remotivé : attendons de voir quelles moyens exacts ils déploieront et quand ? Même chose pour les Européens, qui expriment haut et fort leur soutien
à la France en refusant d'engager des moyens de combat. Pour l'instant, ils proposent des moyens de transports et médicaux, et éventuellement des formateurs qui resteront à l'arrière...
L'objectif affiché par la France est d'aider le Mali à retrouver l'intégrité et la souveraineté de son territoire - avec l'aide des Africains. Jusqu'où cela menera-t-il les militaires français ?
A Gao, Tombouctou, Kidal ? Dans les monts de l'Adrar des Ifoghas, pour aller en déloger les forces ennemies ? "Nous accompagnerons la reconquête du Nord de notre appui" a assuré le ministre de la
Défense, laissant la porte ouverte à plusieurs scénarios.