Touaregs et islamistes au Mali (Photo: Lareleve.ma)
21 décembre 2012
par Jacques N. Godbout - 45enord.ca
Au Mali, le groupe islamiste Ansar Dine, responsable d’exécutions publiques et d’amputations dans le nord du pays, se donne un nouveau visage et crée un autre groupe du nom d’Ansar
Charia.
«Nous voulons élargir Ansar Dine à d’autres communautés dans le nord du Mali », a déclaré Oumar Ould Hamaha, un commandant musulman qui est un des organisateurs du nouveau groupe.
Ansar Dine et son nouveau « bébé », Ansar Charia, pourraient représenter une solution pour les autres groupes de combattants dans le Nord malien, attirés par le statut
« indigène » d’Ansar Dine. Ce statut lui confère un avantage dans les négociations avec le gouvernement malien, à l’approche d’une intervention militaire des forces gouvernementales et
des pays de la l’Afrique de l’Ouest pour la reconquête du territoire, dont les rebelles et les groupes islamistes se sont emparés en mars dernier.
Ansar Dine est désormais considéré comme le seul groupe islamique dans le nord qui peut être amené à la table des négociation, en partie parce que ses dirigeants sont tous des ressortissants
maliens qui possèdent des biens dans le nord du Mali. Le groupe, dirigé par le rebelle touareg Ag Ghali, est en effet arrivé au pouvoir après une rébellion lancée par les membres du groupe
ethnique touareg et, depuis sa création il y a 1 an, la plupart des membres d’Ansar Dine sont des Touaregs, contrairement aux membres des autres groupes islamistes qui se sont emparés du Nord du
Mali.
Le président malien, Dioncounda Traorehas, a reconnu lui-même que la plupart des extrémistes au sein d’Ansar Dine sont en fait des Maliens et non des combattants étrangers.
En revanche, MUJAO et al-Qaida au Maghreb islamique, quant à eux, sont dirigés par des commandants algériens et mauritaniens. Leur idéologie est en phase avec Al-Qaïda et leurs porte-paroles ont
clairement fait savoir qu’ils n’ont aucun intérêt à négocier avec les «infidèles» du gouvernement du Mali.
Le Département d’État américain a d’ailleurs désigné le vendredi 7 décembre le Mouvement pour l’Unité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et deux de ses dirigeants comme Specially
Designated Terrorists. Le comité des sanctions contre al-Quaïda de l’Organisation des Nations Unies avait déjà quant à lui désigné le MUJAO comme organisation terroriste en tant qu’entité lié à
al-Quaïda.
Ansar Dine affirme maintenant que certains combattants ont quitté le MUJAO pour se joindre à Ansar Charia, craignant que le MUJAO soit la première cible de toute intervention militaire.
En effet, ce jeudi 20 décembre, l’ONU a approuvé une opération militaire qui devra être menée par l’Afrique pour chasser les extrémistes liés à Al-Qaïda du nord du Mali.
La résolution autorise une force dirigée par des Africains à soutenir les autorités maliennes dans la reconquête du Nord, mais fixe des repères avant le début des opérations offensives, à
commencer par les progrès sur une feuille de route politique pour rétablir l’ordre constitutionnel. Elle souligne également que la planification militaire ultérieure est nécessaire avant que la
force dirigée par des Africains ne soit envoyée vers le nord
Bien qu’il ne puisse y avoir d’intervention militaire avant que ne soient formées et entraînées les forces de sécurité du pays et qu’il y ait eu des progrès sur la voie de la réconciliation
politique et des élections, la perspective d’une intervention militaire se fait donc de moins en moins lointaine.
Ansar Dine, ou «Défenseurs de la Foi», contrôle les villes de Kidal et Tombouctou, dans le nord du Mali. Ses combattants – estimés entre 500 et 1000 – ont imposé la Charia, une forme stricte de
la loi islamique. Ils ont déjà lapidé à mort un couple accusé d’adultère, coupé les mains des voleurs et ont recruté des enfants aussi jeunes que 12 dans leurs rangs. Leurs militants, lourdement
armés, ont aussi attaqué des bars qui vendent de l’alcool, et interdit toute relation entre hommes et femmes dans les lieux publics.
Toutefois, ces dernières semaines, leurs dirigeants ont essayé de faire des concessions, notamment en disant renoncer au terrorisme. Le choix de former le sous-groupe d’Ansar Charia, plutôt que
d’étendre le groupe originel Ansar Dine, pourrait être une simple question de marketing, certains combattants des autres groupes pouvant être réticents à se placer sous les ordres du chef rebelle
touareg Ag Ghali, qui dirige Ansar Dine.
Chez les extrémistes d’Ansar Dine, on ratisse large et on pense…marketing, semble-t-il!
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