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16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 07:50
Ariane 5 ME - crédits ESA

Ariane 5 ME - crédits ESA

 

 

16.06.2014 Safran

 

Les deux partenaires réorganisent leurs activités dans le domaine des lanceurs et conviennent de créer une joint-venture à 50-50. Cette nouvelle structure améliorera la compétitivité du secteur et offrira aux clients des solutions plus économiques. Le lancement des programmes Ariane 5 ME et Ariane 6 est au cœur de cette nouvelle coopération industrielle.  La création effective de la Joint-venture et le début de ses opérations sont prévus avant fin 2014.

 

Amsterdam/Paris, le 16 juin 2014 - Airbus Group (symbole boursier : AIR) et Safran (symbole boursier : SAF) resserrent leurs liens pour proposer une nouvelle famille de lanceurs compétitifs, polyvalents et performants, afin de répondre aux besoins commerciaux et institutionnels du marché.

 

Dans cette perspective Airbus Group et Safran ont convenu de créer une joint-venture qui sera détenue à parts égales (50-50), chaque partenaire intervenant dans ses cœurs de métier respectifs, en particulier en France et en Allemagne, en combinant leur expertise dans les systèmes de lanceurs pour Airbus Group et dans les systèmes de propulsion pour Safran.

 

Cette initiative bénéficie directement des activités préparatoires menées au cours de ces deux dernières années sous la direction de l’Agence spatiale européenne (ESA) et du Centre national d’études spatiales (CNES) français, conformément à la feuille de route fixée par la conférence ministérielle de l’ESA en novembre 2012. L’initiative industrielle actuelle propose :

 

    de poursuivre le développement et d’accélérer la mise en service du lanceur Ariane 5 ME évolution logique d’Ariane 5, incluant notamment l’étage supérieur amélioré équipé du moteur Vinci, et

    de poursuivre le développement du lanceur Ariane 6, sur la base d’une configuration définie en commun et capable de remplir un large spectre de missions, formulées par l’ESA, les agences spatiales nationales, Arianespace et les opérateurs de satellites.

 

Airbus Group et Safran travaillent déjà en étroite collaboration et en parfaite complémentarité dans le domaine des lanceurs, avec une série inégalée de lancements consécutifs réussis d’Ariane depuis plus de dix ans. Au travers de ce nouveau partenariat, matérialisé par la signature d’un protocole d’accord, les deux entreprises s’engagent à capitaliser sur le palmarès exceptionnel d’Arianespace et de la famille Ariane en améliorant plus encore son efficacité et sa compétitivité.

 

Les deux entreprises confirment ainsi leur détermination à continuer de jouer un rôle majeur dans les activités de lanceurs et à garantir à l’Europe un accès fiable et autonome à l’espace. Cette année, l’ESA et ses Etats membres devraient prendre des décisions déterminantes pour les lanceurs actuels et de nouvelle génération.

 

« Notre objectif principal reste l’amélioration de la compétitivité de notre activité lanceurs. Le programme Ariane est un immense succès depuis trente ans, mais pour qu’il demeure viable et compétitif, nous devons mettre en place une structure industrielle nettement plus efficace. C’est ce que les clients attendent de notre part. Notre accord avec Safran est le point de départ d’une aventure passionnante qui verra naître une filière européenne de lanceurs plus intégrée, plus performante et donc plus rentable », a déclaré Tom Enders, Président exécutif (CEO) d’Airbus Group.

 

« Du fait de la multiplication des acteurs sur le marché mondial et de l’évolution rapide des défis technologiques, l’industrie européenne se doit de fournir des solutions compétitives pour tous les segments de l’activité spatiale, dont les lanceurs demeurent la clé de voûte. Aujourd’hui, nous sommes face à des choix qui nécessitent plus d’agilité, des produits plus économiques et des structures plus intégrées. Cette nouvelle entité commune deviendra un fleuron mondial dans le domaine des lanceurs, avec pour objectif de profiter de la croissance et de mieux servir les clients institutionnels et commerciaux », a déclaré pour sa part Jean-Paul Herteman, Président-Directeur général de Safran.

 

Dans un premier temps, Airbus Group et Safran devraient créer une joint-venture de programmes, regroupant leurs contrats de programmes civils et leurs principales participations dans le domaine des lanceurs commerciaux. A terme, des actifs industriels seraient apportés afin de créer une entreprise à part entière, leader mondial, et détenue conjointement.

 

Airbus Group et Safran soumettront la création de la Joint-venture à toutes les procédures de consultation et d’approbation requises.

 

La création et le début des opérations de la Joint-venture sont prévus avant la fin de l’année 2014.

****

 

Airbus Group est un leader mondial de l’aéronautique, de l’espace, de la défense et des services associés. En 2013, le Groupe - qui comprend Airbus, Airbus Defence and Space et Airbus Helicopters - a enregistré un chiffre d’affaires de 57,6 milliards d’euros (retraité) avec un effectif d’environ 139 000 personnes (retraité).

 

Safran est un groupe international de haute technologie, équipementier de premier rang dans les domaines de l’Aéronautique et de l’Espace (propulsion, équipements), de la Défense et de la Sécurité. Implanté sur tous les continents, le Groupe emploie 66 300 personnes pour un chiffre d’affaires de 14,7 milliards d’euros en 2013*. Composé de nombreuses sociétés, Safran occupe, seul ou en partenariat, des positions de premier plan mondial ou européen sur ses marchés. Pour répondre à l’évolution des marchés, le Groupe s’engage dans des programmes de recherche et développement qui ont représenté en 2013 des dépenses de 1,8 milliard d’euros. Safran est une société cotée sur NYSE Euronext Paris et fait partie de l’indice CAC 40.

 

* Le chiffre d’affaires 2013 retraité des impacts IFRS11 s’établit à 14,4 milliards d’euros

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16 avril 2014 3 16 /04 /avril /2014 07:50
"Si Ariane 6 arrive à faire du lancement double, elle devient vraiment l'arme fatale" (Stéphane Israël, Arianespace)

Le PDG d'Arianespace Stéphane Israël compte également beaucoup sur Ariane 5 ME pour conserver son leadership mondial dans le lancement des satellites

 

15/04/2014 Propos recueillis par Michel Cabirol à Tokyo  - LaTribune.fr

 

Il y a un an Stéphane Israël était nommé à la tête d'Arianespace en pleine tourmente avec l'arrivée fracassante d'un rival américain SpaceX. L'opérateur européen a su déjà évoluer et va continuer à le faire pour conserver son leadership face au lanceur Falcon 9. C'est ce qu'explique Stéphane Israël dans une interview exclusive à "La Tribune"

 

Vous étiez la semaine dernière au Japon, un pays toujours très fidèle à Arianespace. Comment voyez-vous votre futur dans ce pays ?

Effectivement Arianespace a lancé 75 % des satellites commerciaux japonais, grâce à la fidélité renouvelée des opérateurs SKY Perfect JSAT, premier opérateur en Asie, et B-SAT. En septembre dernier, nous avons gagné un nouveau satellite de SKY Perfect JSAT. La compétition s'accroît, mais notre objectif est de capturer en moyenne un satellite par an au Japon. Il est important d'être très présent sur le marché japonais, qui continue à donner le tempo sur la zone asiatique. C'est pour cela qu'Arianespace dispose d'un bureau à Tokyo depuis 1986. Au Japon, nous sommes aussi considérés comme un acteur institutionnel reconnu et nous sommes un interlocuteur régulier pour l'ensemble de la communauté spatiale japonaise.

 

Le lanceur H2A n'est donc pas un véritable concurrent pour Arianespace…

… Le lanceur H2A est davantage tourné vers les besoins institutionnels japonais que vers les besoins commerciaux. La disponibilité de ce lanceur a en outre des limites. C'est donc une concurrence qui reste limitée, même si nous y sommes attentifs. Cela ne nous a pas empêchés de signer un accord de coopération, pouvant mener à des back-up avec l'opérateur de H2A, MHI, à l'occasion de la visite d'Etat du président de la République au Japon l'été dernier.

 

Quelle est votre perception du marché mondial ? Sentez-vous vraiment  une émergence d'une demande pour les petits satellites ?

Le marché GTO est un marché que je qualifierais de « stable + ». Il est bien orienté. Il y aura dans les dix à quinze ans à venir environ 23-24 satellites par an en moyenne sur le marché commercial disponibles avec un bon mix entre les trois catégories de satellites (lourds, moyens et légers) contrairement à ces dernières années où il y a eu beaucoup de gros satellites de plus de 6 tonnes. Cette année, c'est l'inverse avec beaucoup de petits satellites de 3 tonnes et quelques satellites moyens (de 3,5 à 5 tonnes). Nous avons actuellement plus de 20 prospects pour des satellites entre trois et quatre tonnes. Ces satellites sont parfaitement adaptés à la position basse d'Ariane 5. Nous constatons l'émergence de satellites d'une taille intermédiaire entre 3,5 tonnes et 5 tonnes.

 

Pourquoi ?

D'une part, il y a un nouveau compétiteur avec le Falcon qui a la possibilité d'accueillir des satellites intermédiaires. D'autre part, la propulsion électrique, qui permet de réduire la masse des satellites d'au moins 40 %, va dynamiser ce segment. Avec la propulsion électrique, il n'est pas exclu que les gros satellites d'aujourd'hui deviennent demain des satellites petits ou moyens. C'est ce que démontre l'étude de marché que nous avons réalisée en 2013 sur la base d'un échange approfondi avec18 opérateurs. Il y aura certainement un marché dynamique des petits satellites dans les années à venir. Ce qui est une vraie opportunité pour le lancement double.

 

Ce qui est une vraie chance pour Ariane.

Effectivement. Pour le lancement double, nous avons besoin qu'il y ait un équilibre sur le marché entre les gros et les petits satellites. L'accroissement des performances d'Ariane 5 ME sera donc une vraie opportunité. En 2013, Arianespace a raté la signature de trois satellites moyens parce que nous n'étions pas réellement en mesure de faire une offre compétitive. Nous avions dû mal à appairer ces satellites. Les futures capacités d'Ariane 5 ME à partir de 2018 nous permettront ainsi d'embrasser l'ensemble du marché. En outre, Ariane 6 devrait être ultra-compétitive en lancement simple pour les gros satellites. Et si on fait du lancement double avec une position haute et une position basse comme pour Ariane 5, elle le sera aussi pour les petits satellites.

 

Mais SpaceX vous empêche-t-il de dormir ?

Je dors très bien la nuit ! Avec SpaceX, il faut garder la tête froide et regarder les faits. Ce qui fait la compétitivité d'un lanceur, ce sont plusieurs paramètres : c'est d'abord sa fiabilité, ensuite la disponibilité et enfin les coûts. Sur la fiabilité, les chiffres parlent d'eux-mêmes : Ariane 5 a réussi 59 lancements d'affilée, le Falcon 9 de Space X présente deux succès et demi sur trois lancements. Sur la disponibilité, il suffit de regarder depuis le début d'année 2014. Arianespace a déjà réussi trois lancements alors que SpaceX n'en a fait qu'un, le deuxième étant attendu depuis la mi-février. L'entreprise américaine est censée en réaliser quinze d'ici à la fin de l'année et nous sommes déjà en avril. Cela annonce des retards très importants dans leur manifeste pour les années à venir. Enfin, il y a bien sûr la question du coût. Mais les prix d'entrée sur le marché pratiqués par SpaceX ne seront sans doute pas ses prix en mode stabilisé. Nous savons d'ailleurs que SpaceX pratique deux politiques de prix, l'une pour le marché commercial, l'autre pour le marché institutionnel. En outre, SpaceX bénéficie d'un dollar faible. Et s'il y a quelque chose qui pourrait m'empêcher de dormir, c'est effectivement que l'euro continue de s'apprécier face au dollar.

 

Sans une volonté politique sur l'euro cher, l'industrie a-t-elle réellement des alternatives ?

J'ai noté dans la déclaration de politique générale du Premier ministre français une référence à l'euro cher, qui s'était apprécié de 10 % par rapport à l'année passée. Je comprends que la BCE semble à présent vouloir réagir. C'est un vrai sujet de préoccupation si nous voulons rester compétitifs face à l'industrie américaine. Pour compenser l'euro fort et pour répondre aux prix agressifs de nos concurrents, Arianespace doit être en situation de réagir sur ses coûts. Je n'ai pas de tabou sur ce dossier. Nous devons être en mesure de proposer l'offre la plus compétitive possible sur le segment des petits satellites sur lesquels la concurrence est vive. Nous avons lancé avec nos partenaires de la filière un exercice pour voir dans quelle mesure nous pourrions avoir davantage de flexibilité sur nos prix pour les petits satellites. Nous ne voulons pas entrer dans une guerre des prix, car la fiabilité et la disponibilité ont un coût que nous assumons, mais nous sommes déterminés à réagir.

 

Quel est votre objectif ?

Il faut être en mesure de limiter l'écart de prix avec SpaceX, qui, à ce stade, lance à partir de 60 millions de dollars sur le marché commercial. Nous n'avons pas vocation à atteindre ce plancher, mais nous devons travailler sur cet écart de prix. Nous avons également un écart de prix avec Proton, qui est justifiable,mais qui doit rester dans certaines limites.

 

Soyuz peut-il pâtir des relations entre la Russie et l'Union européenne ?

Il y a un choix qui a été fait de faire venir Soyuz en Guyane dans le cadre d'un programme de l'ESA avec des investissements considérables, notamment de la France. C'est un élément de l'autonomie d'accès de l'Europe à l'espace. Depuis 2011, sept lancements avec Soyuz ont été réussis depuis le Centre spatial guyanais, le dernier remontant au début du mois d'avril. L'acquisition de sept Soyuz supplémentaires auprès de Roscosmos sécurise les lancements prévus depuis le CSG jusqu'en 2019. Dans le contexte actuel, la volonté des deux parties est que cette coopération se passe au mieux. C'est aussi vrai au-delà de l'Europe et de la Russie pour les vols habités vers la station spatiale internationale, qui ne sont pas remis en cause. S'agissant de Soyuz au CSG, il faut aussi rappeler que l'organisation des opérations sur les satellites respecte de façon stricte l'ensemble des exigences de sécurité et de confidentialité posées par les normes OTAN. Les lancements de Soyuz au CSG sont des lancements réalisés depuis le territoire européen, le plus souvent pour les besoins institutionnels de l'Europe, comme on l'a vu le 3 avril avec Sentinel et comme on le verra prochainement avec Galileo.

 

Et pour Proton ?

En dépit de son retour en vol réussi, Proton reste affecté par ses échecs récurrents. Mais si nous prenons Proton comme un compétiteur sérieux, la compétition sur le segment des gros satellites est moins importante que sur celui des petits satellites. D'autant plus que les projets des petits satellites sont économiquement audacieux, pour lesquels les clients cherchent les solutions les plus lowcost possibles.

 

Finalement contre toute attente, la concurrence rencontre des difficultés...

… Je ne dirais pas cela : avec un lanceur de plus sur le marché à des prix bas, la concurrence est bien là, et il faut réagir. Mais on voit toute la maturité d'Arianespace et  la puissance de sa gamme, qui est pleinement opérationnelle au Centre spatial guyanais depuis 2012. En 2014, nous espérons faire un lancement par mois : 6 à 7 Ariane, 4 Soyuz et 2 Vega. C'est extrêmement ambitieux mais avec sa gamme de lanceurs, Arianespace peut aujourd'hui répondre à tous les besoins institutionnels et commerciaux. Nous avons par ailleurs une maîtrise technique et technologique très forte. Nos lancements se passent très bien, le lanceur est disponible et il n'y a pas d'anomalie durant les campagnes de lancement. Maintenant il y a de nouveaux acteurs. Il faut rester extrêmement vigilant, réactif, agile et déterminé. Déterminé avec des efforts sur nos coûts. Déterminé avec une compétitivité-qualité que l'on doit toujours accroître : c'est l'objectif de la nouvelle coiffe et du nouveau bâtiment d'intégration au CSG qui seront disponibles à partir de la mi-2015. Déterminé demain avec Ariane 5 ME, et après-demain avec Ariane 6. Il faut que les Européens montrent qu'ils sont présents dans le domaine des lanceurs et qu'ils y resteront.

 

Vous n'avez pas lancé en janvier. Pouvez-vous garantir les 12 lancements annoncés en début d'année ?

Un lancement par mois est un objectif très mobilisateur pour l'ensemble des équipes, en Europe comme en Guyane, à qui je veux d'ailleurs rendre hommage. Il y a beaucoup de détermination pour tenir cet objectif. Nous n'avons pas fait de lancement en janvier, mais nous en avons fait un en février, un en mars et nous pourrions être en situation d'en faire deux en avril. Nous avons programmé Vega pour le 28 avril. Il peut y avoir des difficultés dans la dernière ligne droite ou des retards liés à la météo, mais je confirme l'objectif de douze lancements en 2014. C'est ce vers quoi nous devons rester mobilisés pour être en situation de faire le plus grand nombre possible de lancements cette année.

 

Il y a un débat très intense sur le futur lanceur européen. Faut-il faire Ariane 5 ME ou Ariane 6 ou bien Ariane 5 ME puis Ariane 6 ?

La position d'Arianespace est de tenir à la feuille de route qui a été décidée à Naples à l'automne 2012 par les Etats membres : Ariane 5 ME dès 2018 et Ariane 6 à partir de 2021. Pourquoi nous tenons à cette feuille de route ? D'abord parce que nous voyons des avantages commerciaux à Ariane 5 ME. Ce lanceur représente pour Arianespace trois plus : plus de performance, plus de volume sous la coiffe et un moteur rallumable. Enfin, l'industrie nous la promet aux mêmes coûts qu'Ariane 5 ECA, ce qui est indispensable.

 

C'est-à-dire ?

Les prix ne seront pas augmentés. Ce qui veut dire en réalité une diminution de 20 % des prix puisque nous on aura 20 % de performance en plus pour le même prix. C'est évidemment un moyen de renforcer notre compétitivité-qualité. Le moteur rallumable permettra une meilleure injection en orbite à la fois des satellites classiques et des satellites électriques. Le fait d'avoir plus de performance va donner plus de souplesse à Ariane 5 ME en position basse. Nous sommes aujourd'hui limités à environ 3,4 tonnes. Ce qui ne sera plus le cas si demain un client vient nous voir avec un satellite entre 3,4 et 5 tonnes. Cela ne posera pas de problème à Ariane 5 ME. On pourra presque mettre deux gros satellites dans Ariane 5 ME ! En outre, ce lanceur est tout simplement l'addition des performances de Proton en position haute et de Falcon en position basse : il permet donc de répondre efficacement à la concurrence. Enfin, Ariane 5 ME a tenu toutes ses promesses techniques lors du point de vérification organisé par l'Agence spatiale européenne en décembre 2013. Pour toutes ces raisons, Arianespace tient à Ariane 5 ME. Car nous sommes persuadés qu'Ariane 5 ME nous donnera une à deux opportunités de lancements par an en plus par rapport à Ariane 5 ECA. 

 

Ariane 6 peut donc attendre…

Non ! Ariane 6 est un excellent projet qui a été construit sur l'idée de disposer d'un lanceur encore plus compétitif qui aura d'emblée été pensé à partir des coûts. Sa mise en service à partir de 2021 nous paraît tout à fait positive. Ariane 6 sera ultra-compétitif pour les gros satellites puisqu'on évoque un prix de 70 millions d'euros. C'est moins cher que notre offre en position haute sur Ariane 5 ECA pour un satellite de six tonnes aujourd'hui. Maintenant, il faut trouver une solution compétitive pour les petits satellites. C'est ce qu'a apporté Arianespace dans le débat. Dès le mois de janvier, nous avons dit qu'il était possible qu'il y ait beaucoup de petits satellites dans les prochaines années. Aussi faut-il envisager des solutions de lancement double pour Ariane 6 pour capturer les petits satellites : avec 70 millions d'euros, Ariane 6 serait plus chère pour un petit satellite en lancement simple que nous ne le sommes aujourd'hui. En revanche, si on arrive à faire du lancement double de petits satellites de 3 à 3,5 tonnes sur Ariane 6, ce lanceur devient vraiment l'arme fatale. Il sera ultra-compétitif aussi bien pour les gros que pour les petits. C'est pour cela que nous tenons à ces deux projets. Et nous pensons que l'industrie a besoin de projets de développement pour être globalement compétitive. Plus l'industrie sera confortée par ces développements, plus elle sera en mesure de réduire ses coûts en production.  C'est ce qui s'est passé dans la période de transition entre Ariane 4 et Ariane 5.

 

Et les opérateurs, que veulent-ils pour le prochain lanceur européen ?

Ils demandent deux choses. D'abord, une réduction des coûts immédiatement sans attendre un nouveau lanceur. Nous adhérons à cet objectif. S'agissant d'Ariane 6, ils demandent un lanceur qui soit le plus modulaire possible, notamment pour offrir une solution compétitive pour les petits satellites. 

 

Modulaire, ça veut dire quoi exactement pour un lanceur ?

La modularité peut s'entendre de différentes manières. Si par exemple nous sommes capables de faire du lancement double attractif avec Ariane 6, c'est une forme de modularité. Tout comme si nous sommes capables de ne pas proposer exactement la même offre pour un satellite de 6 tonnes et un de 3 tonnes. Après il y a des débats chez les opérateurs sur la configuration dite PPH du lanceur, mais pour être clair, Arianespace souhaite se concentrer sur l'adaptation du lanceur aux évolutions possibles du marché. C'est bien le moins quand on est leader sur ce marché depuis plus de trois décennies !

 

Justement votre proposition de lancement double pour Ariane 6 a-t-elle été acceptée par l'ESA et le CNES ?

Nous l'avons partagée avec les acteurs institutionnels - le CNES et l'ESA principalement. Tout le monde a trouvé que ce débat était pertinent. Nous avons le sentiment d'avoir été entendus.

 

La filière doit encore réduire les coûts. N'est-ce pas la réduction de trop ?

Nous regardons avec l'ensemble des partenaires la façon dont nous pouvons réduire les coûts dans le système actuel. Il ne faut pas renoncer à cet objectif, car rien ne serait pire qu'avoir des lanceurs sans passagers : mieux vaut l'anticipation, que l'échec ou la crise. Et Ariane 6 est une réponse pour la prochaine décennie, mais pas pour l'actuelle. Après tout, l'industrie spatiale est une industrie qui doit être en mesure de s'adapter le plus rapidement possible à une compétition qui évolue. La compétition a évolué, il faut donc s'adapter. Et pour réduire les coûts, on sait qu'il y a deux façons : soit vous redessinez la carte industrielle - c'est le projet Ariane 6 -, soit vous travaillez sur la gouvernance. Autant il sera difficile de changer la carte industrielle avec un lanceur existant, autant faire évoluer la gouvernance relève d'une décision politique et d'une décision d'organisation. Dans la gouvernance actuelle -  institutions, industrie et Arianespace -, chacun doit faire  preuve de souplesse et d'esprit d'ouverture pour trouver une gouvernance qui nous permettra de réduire les coûts de l'ensemble de la filière.

 

Qu'est-ce que cela veut dire ? L'industrie pourrait-elle être prime sur la définition du lanceur ?

Sur le futur lanceur, l'industrie a fait une proposition. Elle souhaite récupérer l'autorité de design, les institutions étant davantage dans un rôle d'autorité de certification. Quand l'industrie assure qu'elle peut réaliser un lanceur à 70 millions d'euros, cela fait partie des conditions qu'elle évoque. Il faut regarder cela sérieusement, comme le fait d'ailleurs l'ESA.

 

Et sur le système actuel ?

Il y a aujourd'hui beaucoup de responsabilités imbriquées et de vérifications croisées, réalisées par les différents acteurs. C'est peut être un élément de notre fiabilité, mais c'est aussi un élément qui entraîne des surcoûts et des lourdeurs. Mes équipes me parlent souvent du « mille-feuille spatial »! La mise en application de la loi spatiale a d'ailleurs eu tendance à accroître certains surcoûts. Il faut travailler aux interfaces entre les différents acteurs pour arriver à avoir un système plus linéaire, plus simple, plus lisible, et moins redondant, ce qui sera une façon de réduire les coûts immédiatement et d'être plus réactif face à la concurrence. 

 

Idéalement, à quelle hauteur voulez-vous réduire les coûts ?

Il y a des hypothèses, mais il est prématuré de figer des  chiffres. Il faut regarder tout cela d'ici à la ministérielle de l'ESA, en tenant compte des évolutions effectives de la concurrence et de ce qui sera décidé pour la feuille de route d'Ariane à dix ans. Ensuite, nous aurons du temps pour mettre en œuvre les économies sur lesquelles institutions, industrie et opérateur de lancement auront convergé. Il faut aussi tenir compte du fait que l'industrie a accompli un effort dans le cadre des 28 lanceurs qu'Arianespace lui a acheté en décembre dernier.

 

Il y a eu un projet récurrent d'Airbus Space Systems d'absorber Arianespace. Estimez-vous que ce projet a du sens ?

Je ne suis pas au courant de ce projet et les relations entre Arianespace et Airbus DS sont excellentes ! L'ADN d'Arianespace repose sur trois facteurs clefs de succès. Nous sommes un acteur qui a une responsabilité industrielle et opérationnelle en tant qu'opérateur de lancement. Nous sommes responsables des approvisionnements  et de l'assemblage final des lanceurs en Guyane et de l'ensemble des opérations de lancement, avec la réussite que l'on connaît. Nous avons ensuite une identité commerciale très forte avec une intimité exceptionnelle avec nos clients : je le constate à chaque fois que je les rencontre. Enfin, nous avons aussi une légitimité financière en proposant des solutions de financement et d'assurance. Dans les évolutions de la gouvernance,  je  souhaite que cet ADN soit consolidé dans le cadre d'une relation la plus fluide et la plus efficiente possible avec l'industrie.

 

Que pensez-vous du projet Stratobus de Thales Alenia Space, le satellite du pauvre et/ou une alternative aux lanceurs ?

J'ai évoqué un marché « stable + ». Mais ce qui pourrait être un facteur de changement pour ce marché, ce serait que des acteurs arrivent à trouver de nouvelles solutions pour connecter l'humanité entière. Et on sent bien que l'espace pourrait être une solution, mais pas la seule. Pour que l'espace reste une solution, il faut que le coût d'accès à l'espace soit le plus limité possible. Nous savons que beaucoup d'acteurs réfléchissent à des solutions différentes, certaines seraient spatiales, d'autres ne le seraient pas. Nous devons garder cela à l'esprit parce que cela peut être une évolution de rupture. Peut-être que l'avenir c'est plus le satellite lowcost que le lanceur lowcost.

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12 mars 2014 3 12 /03 /mars /2014 17:50
Entre Ariane 5 ME ou Ariane 6, l'Europe devra-t-elle choisir ?

Le budget d'Ariane 6 s'établit à environ 3 milliards d'euros pour le développement du lanceur, à quoi s'ajoutent 750 millions pour le segment du sol

 

12/03/2014 Michel Cabirol – laTribune.fr

 

Selon le président du CNES, les conditions budgétaires des Etats membres de l'Agence spatiale européenne (ESA) pourraient exiger des arbitrages dans les programmes spatiaux.

 

La prochaine ministérielle des pays membres de l'Agence spatiale européenne (ESA), qui aura lieu en décembre prochain au Luxembourg, risque d'être compliquée entre Paris et Berlin sur la question des lanceurs. Mais selon le président du Centre national d'études spatiales (CNES), Jean-Yves Le Gall, auditionné fin février par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, l'Agence spatiale européenne (ESA) réfléchit à la façon de financer les deux programmes de lanceurs Ariane 5 ME et Ariane 6. Les Allemands soutiennent le programme Ariane 5 ME, une évolution d'Ariane 5 ECA tandis que les Français estiment que le futur lanceur Ariane 6 doit être la réponse à l'offensive agressive des États-Unis, qui déstabilise avec le lanceur Falcon 9 (SpaceX) le modèle opérationnel et économique d'Ariane 5.

La prochaine ministérielle des pays membres de l'ESA demandera donc un accord entre Paris et Berlin. Et Jean-Yves Le Gall en est conscient. Toutefois, "il faut bien être conscient, a-t-il expliqué devant les sénateurs, que le compromis trouvé à Naples, consistant à tout faire, ne semble pas tenable sur le plan budgétaire, compte tenu des limites imposées par les États membres. Nous devrons donc recourir à un scénario alternatif pour tenir nos objectifs stratégiques - maintenir notre accès à l'espace, un plan de charge conséquent pour nos bureaux d'études et tenir nos engagements budgétaires".

 

L'Allemagne soutient Ariane 5 ME

Dans ces conditions, la poursuite de tous les programmes - notamment Ariane 5 ME et Ariane 6 - paraît difficile à concilier avec les positions budgétaires des différents Etats membres de l'ESA. "L'Allemagne soutient Ariane 5 ME, qui lui paraît le meilleur lanceur face à la concurrence américaine et aussi, il ne faut pas se le cacher, parce que ce scénario est plus favorable à sa propre industrie", a expliqué Jean-Yves Le Gall.

Et de rappeler à ceux qui l'avait peut être oublié que les "voisins d'Outre-Rhin ont pu manquer de cohérence en retenant, comme ils l'ont fait, Falcon 9 pour le lancement de leurs propres satellites gouvernementaux d'observation...". Bonne ambiance. Pour autant, Jean-Yves Le Gall garde espoir sur un accord avec Berlin en attendant de voir "comment les choses évoluent avec l'arrivée de la nouvelle coordonnatrice spatiale pour la partie allemande".

 

Rome penche pour Ariane 6

L'Italie, de son côté, soutient Ariane 6, a souligné Jean-Yves Le Gall parce que "le nouveau lanceur utilisera de la poudre, grande spécialité de l'industrie italienne". Notamment sur le petit lanceur italien Vega. Mais il préfère rester prudent compte tenu de la situation gouvernementale italienne. "Les changements récents intervenus à la tête de l'ASI (Agence spatiale italienne, ndlr), laissent planer des incertitudes", a-t-il fait valoir. Et les autres pays membres de l'ESA ? Jean-Yves Le Gall a estimé que "la plupart des autres Etats membres comprennent bien l'utilité qu'il y a d'avancer vers Ariane 6".

A l'origine du programme Ariane 6, la France est "très attentive aux conséquences d'un changement de lanceur sur son industrie, ce qui la pousse, à ce stade, à financer l'exploitation d'Ariane 5 dans sa version actuelle, le développement de ME et aussi celui d'Ariane 6 ainsi qu'à rechercher la meilleure voie pour passer d'un lanceur à l'autre".

 

Où en est le programme Ariane 6 ?

Selon Jean-Yves Le Gall, le dossier Ariane 6 a "bien avancé, au-delà même de ce que j'imaginais en prenant mes fonctions (au CNES, ndlr) et je me félicite que les hypothèses financières initiales viennent d'être validées par les industriels, dans les offres qu'ils ont remises le 14 février". Car il a souligné que "les hypothèses centrales de coût - 3 milliards d'euros pour le développement et 70 millions d'euros par lancement - viennent d'être validées par les industriels, c'est un pas très important". Jean-Yves Le Gall peut être rassuré. Le programme Ariane 6 semble être sur la bonne orbite.

Le budget d'Ariane 6 s'établit à environ 3 milliards d'euros pour le développement du lanceur, à quoi s'ajoutent 750 millions pour le segment du sol. "L'objectif est que la France en finance 50 %, l'Allemagne 25 %, l'Italie 15 % et la Suisse et la Belgique, 5 % chacun", a révélé le patron du CNES. Le développement d'Ariane 5, qui a été guidé par la technologie, a coûté près de 10 milliards d'euros, dont 55 % à la charge de la France. L'ESA table sur une mise en service d'Ariane 5 ME pour 2018 et la France sur une Ariane 6 pour 2021.

 

Pourquoi Ariane 6 et pas Ariane 5 ME

Le retour de la concurrence américaine avec l'offensive très agressive de SpaceX et de son lanceur Falcon 9 contraint l'Europe à évoluer "plus rapidement que prévu". D'autant que SpaceX "rend nécessaire d'augmenter le soutien public à l'exploitation de la version actuelle d'Ariane 5" pour que le lanceur reste compétitif. Car SpaceX, avec son lanceur mono charge Falcon 9, vient de réussir trois vols - le 29 septembre, le 3 décembre et le 6 janvier derniers - et signe des contrats à des prix bien en-deçà d'Ariane 5. "Comme nous avons déjà réduit considérablement nos coûts, nous pouvons difficilement diminuer nos tarifs sans un supplément d'aide publique, ce qui ne pourrait se faire, à enveloppe constante, sans limiter l'aide aux autres parties du programme d'ensemble. Car c'est une donnée déterminante du dossier : les difficultés de la conjoncture se traduisent par une pression très forte sur notre budget, particulièrement en France", a rappelé le président du CNES.

Le coût de lancement d'un satellite est d'environ 100 millions d'euros et après subvention des Etats membres, de 100 millions de dollars, contre 60 à 70 millions de dollars pour le Falcon 9 de SpaceX, a-t-il précisé. C'est pourquoi l'ESA et le CNES ont fixé l'objectif d'Ariane 6 à 70 millions d'euros par lancement, en comptant sur l'avantage de fiabilité pour être compétitifs. "Nous héritons d'une forte expertise, nos capacités d'études sont largement reconnues, notre carnet de commandes est important : je suis convaincu que nous parviendrons à nos objectifs", a assuré Jean-Yves Le Gall.

 

Comment SpaceX pratique des prix low cost

SpaceX s'appuie sur les budgets publics américains : "celui de la Nasa, 17 milliards de dollars, celui de l'US Air Force, 18 milliards et celui qui est à discrétion du président américain, pratiquement autant, soit un total de près de 50 milliards, à comparer aux 4 milliards d'euros de l'Agence spatiale européenne, auxquels s'ajoutent 1 à 2 milliards pour les programmes militaires européens", a fait valoir le président du CNES.

Ce qui est l'inverse du modèle Ariane 5, qui doit recourir au marché commercial pour atteindre un prix compétitif. "Ce sont les commandes commerciales qui font vivre le lanceur européen et c'est ce modèle d'une souveraineté fondée sur le marché commercial, qui est aujourd'hui remis en cause", a constaté Jean-Yves Le Gall. Avec Ariane 6, l'objectif annuel est de quatre lancements institutionnels et de dix lancements commerciaux.

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