La convoyeuse de l'air lors d'un exercice international à Saragosse, en Espagne
07/03/2014 Adjudant Jean-Laurent Nijean - Air actualités n°667 Décembre/janvier 2014
Escale à l’escadrille aérosanitaire 6/560 «Étampes» à la rencontre du capitaine Sophie Latil, convoyeuse de l’air. Son parcours exemplaire est jalonné de missions de rapatriement et d’évacuation sanitaire au sein des équipages d’aéronefs de transport.
«Je ne sens plus mes jambes… Ma douleur n’est plus qu’un lointain souvenir… J’ai l’impression de vivre au ralenti, comme dans du coton… ». Telles sont les pensées du caporal-chef D., combattant des forces spéciales, allongé sous perfusion dans un appareil médicalisé de l’armée de l’air. Ses souvenirs affluent de nouveau. Quelques heures plus tôt, blessé en opérations à quelque 3 000 kilomètres de là, il a été rapatrié à bord d’un Falcon de l’escadron de transport, d’entraînement et de calibration 65 « Gaël ». Il ouvre enfin les yeux et tombe sur le sourire du capitaine Sophie Latil, convoyeuse de l’air à l’escadrille aérosanitaire (EAS) 6/560 «Étampes» de la base aérienne 107 de Villacoublay. «Un ange», pense-t-il. Elle lui murmure un petit mot réconfortant puis il se rendort, rassuré.
Après avoir obtenu son diplôme d’État à l’école d’infirmières de la Croix-Rouge, Sophie fait ses premières armes à l’hôpital Saint-Roch de Nice. Elle cumule de l’expérience, notamment en réanimation et aux urgences. «À Saint-Roch, j’avais un rythme soutenu. Avec une moyenne d’une trentaine de patients par jour, c’était un véritable marathon, se remémore-t-elle. Nous assistions à des cas difficiles. J’ai souvent côtoyé la souffrance humaine.» En effet, lors de son premier stage en chirurgie orthopédique, elle se retrouve face à la dure réalité de la mort. Très vite, elle prend conscience de tout ce qui gravite autour du décès : l’impact psychologique, la famille, les amis proches… La jeune infirmière a su surmonter cette difficulté. «On se forge un caractère après les visions d’horreur des blocs opératoires. Cependant, ce premier jour, je n’avais ni recul, ni expérience», se souvient-elle.
Un jour, une amie d’une autre promotion d’infirmières l’informe sur un recrutement de convoyeuses de l’air organisé par le bureau air information (BAI) de Nice : « Je suis trop âgée pour faire ce métier. En revanche, toi qui es dynamique et qui as envie de voir le monde, je suis sûre que ça te conviendra.» Piquée dans sa curiosité, elle commence à se documenter. Elle consulte un article d’Air actualités qui venait d’être rédigé sur la spécialité. Elle dévore également des livres relatant les épopées de convoyeuses de l’air telles que Marie-Thérèse Palu, qui organisa le premier recrutement, Valérie de la Renaudie, auteure de Sur les routes du ciel, ou encore Geneviève de Galard, alias « l’ange de Dien Bien Phu » qui fut la seule femme présente lors de cette célèbre bataille. «Nous ne sommes plus à l’époque de l’Indochine, mais cela me faisait quand même voyager», avoue-t-elle. Le 17 juin 2002, son rêve se concrétise lorsqu’elle intègre l’armée de l’air. «À mon arrivée, j’ai reçu un tel accueil ! J’étais subjuguée, s’exclame-t-elle. Je trouvais le milieu hospitalier impersonnel. Le changement fut radical.» Après une formation intense où, avide de connaissances, elle se découvre une réelle passion pour l’environnement aéronautique, elle est « lâchée ». Elle assure dès lors seule les missions qui lui sont confiées. Elle ne se repose pas pour autant sur ses lauriers. À l’instar du métier de pilote, une remise en question régulière est de mise. Les stages aéronautiques et médicaux se succèdent, ainsi que des contrôles périodiques en vol comme au sol. Depuis son affectation au sein de l’escadrille, le capitaine Sophie Latil a mené de nombreuses missions qui l’ont conduite partout dans le monde, à bord de différents aéronefs.
«À chaque mission, je sors ma trousse sanitaire, souligne-t-elle, espiègle. Celle qui m’a le plus marquée est indéniablement Haïti.» Lors du tremblement de terre survenu le 12 janvier 2010, elle est détachée pendant un mois au sein d’une équipe de quatre convoyeuses de l’air. «C’était une expérience formidable. Une aventure humaine qui m’a permis de réaliser pourquoi nous faisons ce métier.»
Aujourd’hui, la lueur de passion qui s’allume dans ses yeux a la même vigueur que celle des débuts. Ayant acquis le niveau d’instructeur, elle transmet aux jeunes infirmiers convoyeurs de l’air la fibre du métier. En parallèle, et malgré ses responsabilités accrues, elle poursuit ses aventures sur les routes du ciel.