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13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 21:55
Ile Longue: la sécurité "nettement" (mais pas totalement) assurée

13.06.2013 par P. CHAPLEAU Lignes de Défense

 

Patricia Adam, présidente de la commission de la Défense de l'Assemblée, s'est fendu, ce jeudi, d'une "Réaction aux rumeurs entourant la sécurité de la base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins":

Patricia Adam  source Ouest-France

Patricia Adam source Ouest-France

"J’ai souhaité que la plus haute autorité militaire du pays, le chef d’état-major des armées, présente devant la commission de la défense l’ensemble des mesures caractérisant le dispositif de contrôle de l’accès au site militaire de l’Ile Longue, lequel abrite le port-base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Son exposé invalide nettement les informations sur la base desquelles le journal Le Télégramme s’est appuyé pour accréditer les rumeurs entourant la sécurité de la base de l’Ile Longue. Le chef d’état-major des armées a confirmé mercredi, devant les parlementaires, que le site « dispose du centre de protection le plus moderne de France, y compris par rapport aux autres installations sensibles ». Par ailleurs, depuis un an, deux enquêtes de sécurité ont été menées sur le site, « l’une par l’inspection des armées, l’autre par la direction de la protection et de la sécurité de la défense ». Des exercices visant à « éprouver le dispositif de sécurité » ont lieu « au moins une fois par an ». Ces derniers sont décidés « sans préavis », et sont conduits par des unités spécialisées du ministère de la défense" (c'est P. Chapleau qui souligne).

 

 

Ouf, nous voilà rassurés. Pas de quoi, donc, maintenir "l'enquête approfondie" annoncée par le ministère de la Défense... Sauf que "nettement" ne signifie pas "totalement".

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12 juin 2013 3 12 /06 /juin /2013 21:55
Philippe Meunier, député du Rhône et secrétaire de la commission de la Défense nationale et des forces armées

Philippe Meunier, député du Rhône et secrétaire de la commission de la Défense nationale et des forces armées

12/06/2013 Armée de l'air

 

Philippe Meunier, député du Rhône et secrétaire de la commission de la Défense nationale et des forces armées, a visité la base aérienne 120 de Cazaux, jeudi 6 juin 2013. Il a également effectué un vol en place arrière à bord d’un Alphajet de l’école de transition opérationnelle.

 

Monsieur Philippe Meunier, député du Rhône et secrétaire de la commission de la Défense nationale et des forces armées, a été accueilli par le colonel Thierry Gouaichault, commandant la base aérienne de Cazaux. Il s’est d’abord rendu au sein de l’escadron d’hélicoptères «Pyrénées» pour assister à une présentation générale de la base aérienne et de la base de Défense. 

Philippe Meunier, député du Rhône, visite la base de Cazaux

Ensuite, le parlementaire a découvert de plus près l’hélicoptère EC 725 Caracal et s’est entretenu avec un équipage ayant servi en Afghanistan et en Libye lors de l’opération Harmattan. Les échanges se sont poursuivis avec un pilote d’hélicoptère Puma de retour du Mali pour l’opération Serval.

Philippe Meunier, député du Rhône, visite la base de Cazaux

Dans l’après-midi, monsieur Meunier a pu toucher du doigt le métier de pilote de chasse à l’occasion d’un vol à bord d’un Alphajet, avant de s’entretenir avec le commandant de l’école de transition opérationnelle sur le cursus de formation des pilotes de chasse français et belges.

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11 juin 2013 2 11 /06 /juin /2013 10:55
UniversiTERRE - journal de la 11e Université d'Eté de la Défense

Vendredi 7 juin - universite-defense.org

 

A chaque Université, son Journal. En 2013, il a pour titre UniversiTERRE. Le n°1 vient de paraître.

 

Vendredi 7 juin - Dans ce premier numéro, vous découvrirez les noms des journalistes qui animeront les Ateliers de cette 11ème Université. Didier FRANCOIS, grand reporter à Europe 1, avait très amicalement et avec enthousiasme accepté d'animer l'Atelier consacré à l'opération Serval. Ce matin, nous apprenons son enlèvement quelque part en Syrie. Toutes nos pensées accompagnent Didier. Nous espérons qu'il sera parmi nous en septembre pour remplir son engagement, comme il l'a toujours fait.

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11 juin 2013 2 11 /06 /juin /2013 10:55
PME et investissements de Défense - 2 Juillet 2013

11.06.2013 Université d'été de la Défense

 

En amont de la 11ème Université qui se tiendra à Pau, l'Université permanente est l'occasion chaque année de renouer le dialogue entre tous les participants autour de thèmatiques d'actualité sans les dissocier d'un travail de fond. La première réunion se tiendra le 2 juillet de 17 à 20 heures sur le thème "PME et investissements de Défense" (amphi Victor Hugo - 101 rue de l'Université), présidée par Jean-Jacques BRIDEY, député du Val-de-Marne, et Daniel REINER, sénateur de la Meurthe-et-Moselle, Vice-Président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées

 

>>>s'inscrire en ligne>>>

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7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 16:55
5E Rencontres Parlementaires de la Sécurité Nationale - Sanctuarisation du territoire national : quelle stratégie de lutte contre le terrorisme ?

 

Présidées par Jean-Jacques URVOAS, Président de la Commission des Lois constitutionnelles, de la Législation et de l'Administration générale de la République de l’Assemblée Nationale

Quatre ans après leur première édition, qui était consacrée à ce sujet, ces Rencontres permettront à l’ensemble des acteurs de faire le point sur l’évolution de cette menace, l’adéquation de la lutte antiterroriste à ces mutations, l’adaptation des méthodes employées en termes de renseignement, d’enquête et de coopération internationale, des enjeux liés au cyberespace, de la notion de résilience, ainsi que l’adéquation des réponses judiciaires.

 

S'inscrire aux Rencontres

 

Télécharger le bulletin d'inscription

PROGRAMME

8H45 Ouverture des travaux
Jean-Jacques URVOAS, Président de la Commission des Lois

9h00 Intervention sur l’état de la menace
Louis GAUTIER, Conseiller maître à la Cour des Comptes

 

 

9h30 Première table ronde
Quelle stratégie nationale pour le Renseignement ?

Rôle et cadre d’action des services de Renseignement ; analyse des risques et de la menace ; nouveaux besoins ; équilibre entre l’outil technologique et l’outil humain ; partage de l’information ; captation des signaux faibles ; cadre juridique ; coopération internationale ; rôle des autres entités non services de renseignement mais fournissant du renseignement ; dimension du cyberespace
Présidée et animée par Jean-Jacques URVOAS, Président de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale

 

 

 

11h15 Deuxième table ronde
Quelle stratégie de  protection des personnes et des intérêts nationaux sur le territoire national et dans le monde ?

Focus sur la menace djihadiste ; protection des biens, des personnes et des territoires ; protection des ressortissants et des intérêts français à l’étranger ; opérateurs d’importance vitale ; rôle et coordination entre les acteurs ; adaptation aux nouvelles menaces (cyber) ; continuité d’action territoires extérieur/intérieur
Présidée et animée par Marie-Françoise BECHTEL, députée de l'Aisne, Vice-présidente de la Commission des Lois

 

 

13H00 Déjeuner convivial sous forme d’un barbecue (Conditions de participation sur le bulletin d’inscription) accompagné d’une démonstration et d’ateliers organisés par le Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale

Criminalistique et cybernumérique : impact des nouvelles technologies dans le traitement de scènes d’infraction complexes

 

 

14h30 Troisième table ronde
Quelle adaptation du cadre et des outils juridiques et judiciaires ?

L’objectif de cette table ronde est de mettre en exergue les pistes de réflexion nécessaire pour optimiser le cadre juridique des acteurs de l’Etat qui traitent de la lutte anti-terroriste et le traitement judiciaire des affaires.
Réflexion sur le concept juridique du terrorisme ; évolution de la compétence territoriale ; conservation des données et problème de la preuve dans le cyberespace ; cadre juridique de l’infiltration et de la lutte dans le cyberespace ; pertinence de la réponse pénale dans le domaine de la consultation de sites ; coopération internationale

Présidée et animée par Alain MARSAUD, député des Français établis hors de France, membre de la Commission des Affaires étrangères

 

 

16H00 Fin des travaux
Reprise de la démonstration et des ateliers organisés par le Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale


17h00 Fin de la journée

 

 S'inscrire aux Rencontres

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6 juin 2013 4 06 /06 /juin /2013 15:55
Du Livre Blanc au Conseil Européen de Décembre : Comment relancer L'Europe de la Défense ?

Conférence parlementaire sur l'Europe de la Défense le 13 juin

 

Les nouvelles menaces, le rééquilibrage stratégique des États-Unis vers le Pacifique et la rigueur budgétaire au sein des États-membres de l'Union européenne sont autant de facteurs qui conduisent la France à mener une réflexion rénovée et approfondie sur l'Europe de la Défense. Le Président de la République a donc demandé à ce que soit redéfinie notre stratégie nationale et nos capacités nécessaires pour les quinze ans à venir en matière de défense et de sécurité. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a été rendu public le 29 avril 2013. Il sert de base à la nouvelle loi de Programmation Militaire qui sera présentée à l'été 2013. Cette nouvelle LPM aura une portée très particulière et symbolique puisqu'elle devrait être adoptée à l'automne par le Parlement et surtout à la veille du Conseil européen de décembre 2013 qui, pour la première fois depuis 5 ans, a inscrit la Défense à son ordre du jour.
 
Dans ce contexte, nous avons décidé d'organiser la première édition de la Conférence parlementaire sur l'Europe de la Défense en présence de :
 
Laurent FABIUS, ministre des Affaires étrangères
et
Jean-Yves LE DRIAN, ministre de la Défense
 
 
La journée-débats se déroulera le jeudi 11 juillet 2013, Salle Victor Hugo à l'Assemblée nationale
 sur le thème :
 
DU LIVRE BLANC AU CONSEIL EUROPÉEN DE DÉCEMBRE :
COMMENT RELANCER L'EUROPE DE LA DÉFENSE ?
 
Présidée par
Jacques GAUTIER
Sénateur des Hauts-de-Seine,
vice-président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
Elisabeth GUIGOU
Députée de Seine-Saint-Denis,
présidente de la Commission des affaires étrangères
Cette conférence a pour but de réunir et favoriser les échanges entre de nombreux parlementaires, acteurs institutionnels et industriels du secteur de la défense, de l'aéronautique et de la sécurité.
 
Les débats s'articuleront autour des trois tables rondes suivantes :
Débat I - L'Europe face aux crise futures
Débat II - Quelles capacités militaires pour des opérations européennes ?
Débat III - Comment conserver une industrie de défense en Europe ?
 
Pour vous inscrire en ligne, nous vous invitons à vous rendre sur notre site internet.

 

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 16:45
Serval : Visite d’une délégation parlementaire

04/06/2013 Sources : EMA

 

Les 2 et 3 juin 2013, Monsieur Pierre Lellouche et Monsieur François Loncle, respectivement président et rapporteur du groupe Sahel à la commission parlementaire des affaires étrangères, se sont rendus à Gao et à Bamako.

 

La délégation a été accueillie à l’aéroport de Gao par le général Laurent Kolodziej, commandant la brigade Serval. Elle a d’abord assisté à un point de situation sur l’activité de la force Serval, suite à quoi elle s’est rendue dans la ville de Gao pour rencontrer les autorités locales.

Serval : Visite d’une délégation parlementaire

De retour à l’aéroport de Gao, les députés ont rencontré les militaires de la force Serval, des forces armées malienne et de la MISMA.

 

Le 3 juin, la délégation s’est rendue à Bamako où elle a été accueillie par le général Grégoire de Saint-Quentin, commandant la force Serval (COMANFOR Serval) au poste de commandement interarmées de théâtres (PCIAT).

Serval : Visite d’une délégation parlementaire

Une visite du Joint Operations Center (JOC) du PC, centre névralgique de l’opération, leur a permis de toucher au plus près le suivi et la coordination des actions conduites dans l’opération Serval.

Serval : Visite d’une délégation parlementaire

Les opérations de la force Serval continuent d’accompagner la montée en puissance des forces de la Mission Internationale de Soutien au Mali (MISMA), ainsi que des forces armées maliennes accompagnées par la mission de formation de l’Union européenne (EUTM).

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 15:55
Allocution du CEMA à la commission de Défense et des forces armées

 

 

04/06/2013 Sources : EMA

 

Le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, s'est présenté devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale le 22 mai.

 

"La date de cette audition est d’autant mieux choisie que ce matin même le général Barrera est venu me rendre compte de la fin de son mandat, le général Laurent Kolodziej lui succédant à la tête de la brigade Serval, et que j’ai reçu hier le général Foucaud, qui prendra dans trois semaines la relève du général de Saint-Quentin comme commandant de l’opération.

 

En tout état de cause, quatre mois et demi après son déclenchement et un mois après le vote du Parlement autorisant sa poursuite, il est intéressant de faire le point, avant de s’interroger sur les perspectives à court, à moyen et à long termes.

 

Des membres de la commission et vous-même, Madame la présidente, vous êtes rendus sur place et vous avez pu constater les particularités de la bande sahélo-saharienne. Vous avez aussi pu mesurer les conditions extrêmes auxquelles nos hommes sont confrontés – aujourd’hui, à Gao, il fait 45° à l’ombre !

 

Ces déplacements de parlementaires sur les théâtres d’opération sont nécessaires, je dirais même essentiels, non seulement pour vous, élus de la Nation, mais aussi pour nos troupes sur place. Votre présence témoigne en effet de l’attachement que vous leur portez et de la reconnaissance de la communauté nationale. Je tiens à ce propos à rendre hommage aux six militaires français morts au combat et à nos blessés – un peu plus de deux cents depuis le début de l’opération, étant entendu que j’inclus dans ce nombre les quelque 150 qui ont été victimes d’un « coup de chaleur ».

 

Mon propos s’articulera en trois parties. Je vous donnerai d’abord mon appréciation sur la situation en ce 22 mai et sur les perspectives immédiates qui s’en dégagent. Je vous indiquerai ensuite les premiers enseignements tirés de cette opération, avant d’évoquer pour finir les enjeux de nos futures interventions telles qu’on peut les envisager à la lumière du Livre blanc.

 

Il me faut commencer par rappeler quelques éléments de contexte ainsi que les objectifs fixés par le Président de la République. Vous le savez, notre intervention a été décidée au profit d’un État malien en situation de fragilité, qui ne contrôlait plus ses frontières depuis longtemps, laissant libre cours à toutes sortes de trafics. Les Nations unies estiment ainsi à treize milliards de dollars la valeur marchande de la drogue ayant transité en 2012 par le bassin sahélo-saharien, soit huit fois le budget de l’État malien. La situation politique laissée par Amadou Toumani Touré mêlait complaisance et corruption. L’État se montrait incapable d’apporter la moindre réponse aux attentes des populations du Nord, au moment même où de nombreux mercenaires touaregs rentraient chez eux après la chute du régime libyen.

 

C’est dans ce cadre que l’armée malienne a subi deux déroutes successives, au premier semestre de 2012, puis à partir de décembre dernier. Confrontée à des combattants aguerris, elle était mal commandée, rarement payée, mal équipée et affaiblie par des clivages internes. Elle s’est révélée dans ces conditions incapable de défendre la souveraineté de l’État, en dépit des actions de coopération menées de longue date, par nous-mêmes et par nos alliés.

 

Il faut également se souvenir que cette zone retenait notre attention depuis 2007, à cause des prises d’otages qui s’y sont produites – dix-huit en 2011 et six autres en 2012 –, dont onze ont concerné des Français. Face à cette situation, nous avons procédé à de nombreuses planifications de précaution, pour être à même de faire face à tous les cas de figure – sans pour autant envisager ce qui s’est passé précisément en janvier. Nous avons également mené des actions ponctuelles, avec un déploiement préventif de forces spéciales dans l’ensemble de la zone pour instruire les forces africaines. Enfin, dès 2009, le Gouvernement a établi un plan interministériel, dit « Plan Sahel », comprenant coopération, soutien militaire, aide à la justice et aide au développement.

 

Mais, de façon générale, jusqu’au 11 janvier, la France a privilégié l’action indirecte dans un cadre multilatéral où étaient mis en avant les Africains et leurs organisations régionales, au premier rang desquelles la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine, notre pays intervenant essentiellement en soutien.

 

Ce qui a déclenché notre engagement, c’est le « pas de trop » franchi par les groupes armés djihadistes – qui s’est révélé une erreur stratégique – lorsqu’ils ont cherché à sortir de l’Azawad « historique » et tenté de s’emparer de la ville de Mopti et, surtout, de la piste de Sévaré.

 

Les objectifs fixés par le Président de la République lors des conseils restreints de janvier étaient parfaitement clairs : stopper l’offensive vers Bamako et ainsi préserver l’existence d’un État malien ; détruire – ce qui signifie en langage militaire neutraliser 60 % des forces ennemies – et désorganiser la nébuleuse terroriste ; aider au rétablissement de l’intégrité et l’unité territoriales du Mali ; enfin, rechercher les otages, les nôtres en particulier.

 

Je vous rappelle brièvement l’enchaînement des opérations. L’avancée des groupes armés djihadistes a été bloquée dès le 11 janvier, premier jour de l’opération ; Gao a été reprise le 26 janvier, Tombouctou le lendemain, de sorte que les djihadistes ont été repoussés au nord du fleuve Niger ; à la fin de février, nous avons atteint la frontière algérienne avec la libération de la ville frontalière d’In Khalil ; le sanctuaire d’Al-Qaïda de l’Adrar des Ifhogas a été pris début mars, après des affrontements dont vous avez tous vu des images et qui se sont déroulés notamment dans la vallée de l’Amettetaï.

 

En quatre mois donc, l’offensive a été brisée. Il n’y a plus de sanctuaire djihadiste au Mali : 80 % de la logistique des terroristes a été détruite et ils ont été chassés des zones de peuplement. L’État malien a commencé à réinvestir le Nord. Enfin, il n’y a plus dans le Nord-Mali de zone où nous ne soyons allés, seuls ou accompagnés des forces africaines, au premier rang desquelles les Tchadiens et les Nigériens, mais sans oublier les Mauritaniens avec lesquels nous avons coopéré dans le Nord-ouest, en plein accord avec les autorités de Bamako.

 

Les nombreux défis que nous avons relevés méritent d’être soulignés, notamment ceux du temps, de l’espace – ou plutôt des espaces – et du climat.

 

Le temps tout d’abord. Notre réaction au déclenchement de l’opération a été, j’oserai le mot, fulgurante. En l’espace de quelques heures, nous avons traduit la volonté politique de la France en action militaire. La cadence de l’opération a également été extrêmement rapide : nous avons toujours conservé l’initiative sur l’adversaire ; nous avons pu reprendre leurs principaux points stratégiques avant la saison chaude, évitant ainsi l’enlisement que prédisaient certains.

 

L’espace a également constitué un défi, d’abord en raison de l’éloignement du Mali puisque Bamako se trouve à quatre mille kilomètres de Paris, ensuite en raison de la diversité d’un territoire où coexistent désert de sable au Nord-ouest, désert montagneux au Nord-est et savane désertique au Sud-est, le Sud-ouest étant mi-désertique mi-marécageux. Il s’agit enfin d’un espace immense : la distance de Bamako à Gao équivaut à celle de Paris à Brest mais, sans voie ferrée ni autoroute et par plus de 40 degrés, il faut dans le meilleur des cas trois jours pour la parcourir en l’absence de toute opposition.

 

Le troisième défi est celui du climat. Vous avez pu constater lors de votre déplacement à quelles conditions extrêmes nos troupes doivent faire face. Les combats de l’Adrar ont été livrés par une température de 45°. Chargé de trente kilos, chaque homme avait besoin de dix litres d’eau par jour. Comme ils étaient deux mille, ce sont donc vingt tonnes d’eau qu’il fallait acheminer quotidiennement, soit la capacité de deux avions C-130. D’autre part, dans les conditions météorologiques actuelles, un C-160 Transall ne peut transporter que vingt-huit passagers au maximum, contre soixante en plein hiver. Nos soldats ont tenu, non seulement parce qu’ils étaient bien entraînés, mais aussi parce que nous avons pu relever ce défi logistique.

 

Les actions politiques, diplomatiques et militaires ont toujours été en phase. Je voudrais mettre en exergue deux points en particulier. Le premier est connu et reconnu, et je l’avais déjà évoqué à propos de l’opération Harmattan : le processus décisionnel politico-militaire français est réactif grâce à une chaîne aussi courte que possible. Deuxièmement, nous avons bénéficié du soutien quasi immédiat de certains de nos alliés et partenaires.

 

J’en viens aux perspectives immédiates.

 

Conformément à la volonté exprimée par le Président de la République, nous avons commencé à réduire notre empreinte sur le théâtre. En effet, la poursuite des opérations ne nécessite plus le même niveau de forces ; d’autre part, la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) a commencé à déployer ses 6 000 hommes, y compris dans le Nord, en attendant de se transformer, à partir du 1er juillet, en mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), d’effectif double, soit plus de 12 000 hommes.

 

L’État malien, quant à lui, s’est engagé dans un processus de réconciliation nationale : les administrations commencent à revenir dans le Nord du pays ; un médiateur agréé par toutes les parties a été désigné pour discuter avec toutes les populations, touarègues comme arabes, qui ne sont pas plus unies les unes que les autres. Enfin, il est maintenant quasiment certain qu’une élection présidentielle se tiendra le 28 juillet et le 11 août, juste après le ramadan. Comme l’a indiqué le Président de la République, c’est la vitesse à laquelle se déroulera ce processus qui dictera le niveau et la nature de notre présence.

 

La réconciliation a aussi besoin du financement de la communauté internationale et de l’implication des acteurs régionaux. De ce point de vue, on ne peut que se réjouir du succès de la conférence des donateurs de Bruxelles qui, le 15 mai, s’est achevée sur la promesse de 3,2 milliards d’euros de dons. Comme je vous l’ai dit, l’intervention au Mali n’a pas constitué une surprise en elle-même : seule la date et le facteur déclenchant nous étaient inconnus. Nous avions envisagé toutes les hypothèses, excepté que les trois groupes djihadistes lanceraient ensemble une offensive militaire en bonne et due forme.

 

Il est d’ores et déjà possible d’en tirer quelques enseignements militaires.

 

Tout d’abord, les forces armées françaises ont atteint un niveau d’efficacité exceptionnel, reconnu dans le monde entier : fortes de leurs engagements précédents, en Afghanistan, en Libye et en Côte d’Ivoire, où nous avions testé des modes d’action un peu nouveaux, elles ont démontré l’étendue de leur savoir-faire. Notre objectif est de le préserver dans le cadre de la future loi de programmation militaire.

 

Trois points ont été améliorés, et d’abord l’intégration interarmées jusqu’à un niveau élémentaire – ce que j’appelle les opérations combinées : lors de la bataille de l’Adrar des Ifoghas, les drones et des avions Atlantique 2 de la marine ont permis aux troupes au sol de bénéficier des appuis combinés de la chasse, des hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre, l’ALAT, et de l’artillerie. Deuxièmement, le partage du renseignement « inter-agences », aussi bien entre nos services qu’avec nos alliés, est devenu plus fluide. Enfin, le processus de ciblage a été plus efficace, comme le prouve l’absence de dommages collatéraux.

 

Mais certaines lacunes capacitaires demeurent et n’ont pu être que partiellement comblées par l’aide de nos alliés. Le transport stratégique militaire tout comme le transport tactique ont été sous forte tension alors que c’est un élément clé sur ce type de théâtre. En matière de drones, nous avons certes déployé nos deux Harfang beaucoup plus tôt que prévu – alors qu’il était programmé de les faire venir à Niamey à partir de la fin de février, c’est-à-dire après l’aménagement d’une aire de stationnement en dur, ils ont été disponibles dès le 20 janvier –, mais cette capacité s’est révélée insuffisante, de sorte que le soutien de drones américains a été le bienvenu. Pour le ravitaillement en vol aussi, nous avons bénéficié de l’aide des États-Unis qui, aujourd’hui encore, mettent à notre disposition, en moyenne, trois avions par jour. Nous avons également eu recours à des ravitailleurs espagnols, britanniques et allemands. Enfin, je relève que nous ne disposons toujours pas d’hélicoptères lourds. En Europe, seuls les Allemands et les Britanniques en possèdent et ils sont tous d’origine américaine. Les Britanniques les mobilisent en Afghanistan tandis que les Allemands demeurent contraints par leurs règles d’engagement des forces. Ces appareils présentent l’avantage de conserver par forte chaleur une capacité de charge équivalente à celle d’un hélicoptère de type Cougar, ce qui nous suffirait.

 

Au-delà de ces enseignements strictement militaires, je tirerai trois leçons sur le plan stratégique.

 

La France conserve en Afrique une forte capacité d’influence, que nous devons et pouvons faire prospérer. C’est le général de Saint-Quentin, commandant de l’opération Serval, qui était responsable de la cellule de coordination avec les différents contingents africains. Cette responsabilité était attendue et même réclamée par nos partenaires africains, à tel point que les forces tchadiennes, dont je dois saluer l’engagement et le courage, ont demandé à être placées sous commandement français, comme les forces nigériennes d’ailleurs.

 

La capacité des forces africaines à se mobiliser est le second enseignement, et une heureuse surprise. En l’espace de deux mois, 6 000 hommes ont été déployés sur le territoire malien. Leur niveau opérationnel est certes hétérogène, leur équipement et la logistique associée sont défaillants, mais cet engagement rapide est une première et cette manifestation de bonne volonté doit être encouragée.

 

Enfin, l’aide militaire européenne a été globalement tardive. Des soutiens importants ont certes été obtenus, mais souvent dans un cadre bilatéral. Comme pour la Libye, les Britanniques, les Danois et les Belges ont répondu présents en moins de vingt-quatre heures et sans aucune restriction d’emploi. Le général Barrera me disait ce matin à quel point il avait été « bluffé » par le courage des pilotes danois, qui ont été envoyés jusqu’à Tessalit ou Kidal, ou des pilotes belges, qui ont fait du transport tactique dans des zones de combat. L’European Union Training Mission in Mali (EUTM Mali), la mission européenne de formation de l’armée malienne, forte de ses 550 hommes, est à pied d’œuvre depuis le 1er mars, et aura formé d’ici au 8 juin le premier bataillon malien, l’objectif étant d’en former quatre au cours d’une première phase de douze mois.

 

Les combats d’ampleur terminés, les sanctuaires terroristes durablement détruits, s’ouvre aujourd’hui le temps de la stabilisation, tant militaire que politique, ce qui exige une approche globale, du point de vue géographique comme en ce qui concerne les domaines d’action.

 

Il faut « penser Sahel », et non pas se limiter au Mali. Le Tchad, le Niger et la Mauritanie doivent rester mobilisés, de même que l’Algérie, qui a fait preuve de bonne volonté – j’irai jusqu’à dire qu’une étape a été franchie. Enfin, nous ne devons pas oublier le Sud libyen.

 

Il faut également « penser réconciliation », et non pas uniquement élections, présidentielle en juillet et août, puis parlementaires en septembre et octobre. Enfin, il faut « penser développement » et non pas uniquement subventions. Le Mali ne doit pas devenir un trou noir comme l’est aujourd’hui le Sud libyen.

 

Cette intervention doit contribuer à notre réflexion sur les perspectives opérationnelles telles que les dessine le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

 

Celui-ci prend acte de la diversité des opérations. Le Mali est, comme l’ont été nos interventions en Afghanistan et en Libye ou encore la lutte contre la piraterie, l’une des manifestations de cette diversité. L’opération Serval entre aussi dans la catégorie de ce que le Livre blanc a appelé les engagements « probables ». Je note également que le volume des forces engagées au lancement de l’opération correspondait à celui de la future force interarmées de réaction immédiate, la FIRI.

 

D’autre part, pour cette opération malienne, la France a systématiquement recherché l’appui des forces locales et régionales, nécessité soulignée par le Livre blanc, afin d’éviter un engagement strictement national dans la durée, selon le principe « Premier entré, premier sorti ».

 

Troisièmement, l’opération Serval s’est appuyée sur une gestion dynamique des efforts et sur une certaine porosité entre les différentes fonctions stratégiques, ce qui est conforme aux principes de différenciation et de mutualisation prônés par le Livre blanc.

 

En revanche, si la combinaison de nos forces en interarmées a bien fonctionné, ce ne sera sans doute pas une mince affaire de réaliser la même chose avec nos alliés. En effet, j’ai pu constater la semaine dernière à Bruxelles que, si nos partenaires de l’OTAN et de l’Union européenne sont très admiratifs de ce que nous avons réalisé, ils doutent de pouvoir nous imiter. Il est vrai que ce savoir-faire qui est le nôtre est le fruit d’une expérience acquise au fil des années, depuis l’implosion de l’empire soviétique et le début des conflits balkaniques dans lesquels nous sommes intervenus.

 

Dans le Livre blanc de 2013, l’Afrique a retrouvé sa place. Nos partenaires européens commencent enfin à prendre en compte les enjeux de la stabilité de la zone sahélienne pour leurs intérêts de défense et de sécurité. Les Pays-Bas, par exemple, ont annoncé hier qu’ils participeraient à la deuxième génération de forces destinée à pourvoir aux effectifs de l’EUTM Mali, tant pour la protection des forces que pour l’équipe d’instructeurs. Une initiative aussi nouvelle de ce pays est bien la manifestation d’une prise de conscience. Je souhaite que le conseil européen de décembre, qui sera consacré à la défense, soit l’occasion d’une avancée sur le sujet.

 

Je voudrais enfin noter que nous avons dû notre rapidité d’action à deux atouts : le dispositif d’alerte Guépard, qui permet de disposer en permanence d’une compagnie pouvant être projetée en urgence immédiatement, et nos forces prépositionnées. Sans ces dernières, il aurait été impossible, même avec d’importantes capacités de transport stratégique, d’agir aussi vite, aussi fort et donc aussi efficacement. Le Livre blanc prend acte de cette nécessité de conserver plusieurs points d’appui en Afrique, sans indiquer combien, de façon à laisser assez de souplesse pour que nous puissions nous déployer aux endroits nécessaires.

 

Notre liberté d’action politique est directement liée à l’effort que nous consentirons en matière de préparation opérationnelle de nos forces. C’est en effet le niveau de cette préparation opérationnelle qui détermine notre rapidité de montée en puissance. Le maintien du niveau d’activité sera donc l’un des enjeux de la future loi de programmation militaire.

 

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, quatre mois et demi après son déclenchement, nous pouvons dire que l’opération Serval est un succès militaire. C’est l’exploitation de ce succès qui permettra de restaurer la paix dans un Sahel enfin stable."

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3 juin 2013 1 03 /06 /juin /2013 10:55
Une relance parlementaire française pour l’Europe de la défense ?

02 juin 2013, par François Chauvancy - Défense et sécurité

 

L’Europe de la défense fait l’attention d’une grande attention… au moins en France comme toujours. Elle était loin d‘être absente du Livre blanc comme l’a rappelé le président de la République lors de son discours le 24 mai à l’Ecole militaire, « La défense de la France est aussi la sécurité de l’Europe ». Il me semblait donc utile de faire un état de cette défense de l’Europe. La diffusion par l’Assemblée nationale d’un rapport sur l’Europe de la défense le 9 avril 2013 donne cette opportunité.

Document dense, intéressant, il répond bien sûr au souhait du gouvernement de relancer l’Europe de la défense. Le rapport a été soutenu par une « petite loi » parlementaire le 4 mai 2013 qui en a déduit un certain nombre d’objectifs. Il reconnaît cependant que les instances sont trop en retrait pour un objectif finalement bien ambitieux.

 

Vers une référence permanente à l’approche globale dans la gestion des crises

Ce rapport constate que les instances en charge de l’Europe de la défense peinent à trouver leur place, que les missions devraient s’inscrire clairement dans le cadre d’une approche globale de prévention des conflits, que les coopérations capacitaires, industrielles et technologiques devaient être soutenues, enfin qu’une coopération structurée permanente devrait être développée dans le sens des conclusions du conseil européen des 13 et 14 décembre 2012.

Sur son organisation largement développée, il est rappelé que le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, jusqu’en novembre 2014 Catherine Ashton, a d’importantes responsabilités. Il dispose d’un droit d’initiative qu’il peut exercer seul ou avec la Commission. Cependant, son travail a fait l’objet de bien des critiques, y compris dans sa communication (cf. B2, ce 30 mai, boycott des photographes). Elle est assistée du Service européen d’action extérieure (SEAE) qui fait office de service diplomatique européen et emploie quand même 1 670 agents (budget 2012) sans tenir compte des « agents locaux » dans les délégations (en tout, 3600 agents enfin 2011).

Je retiendrai surtout que ce rapport fait référence à une approche globale ou « intégrée » des conflits, contenue dans le traité de Lisbonne, pour assurer une meilleure coordination des différentes institutions dédiées à l’action extérieure de l’Union européenne.

Un concept militaire sur ce thème a été diffusé en janvier 2011 et définit cette approche globale qui « vise à la prévention ou au règlement durable et rapide d’une crise par la synergie des actions réalisées par les différents intervenants dans les domaines de la gouvernance, de la sécurité et du développement économique et social.

Elle allie collaboration entre acteurs partageant la même vision finale et coordination avec les acteurs présents sur le théâtre. Elle nécessite, dès que possible, une appropriation par la nation hôte et les représentants locaux de la solution recherchée. Elle favorise les conditions permettant de satisfaire au plus vite les aspirations légitimes de la population. Enfin, elle cherche à associer les acteurs régionaux à cet effort. »

 

Une insatisfaction globale

Ce rapport a rappelé l’objectif ambitieux d’une défense commune inscrit dans le Traité de Lisbonne en vue de parvenir à la « définition progressive d’une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune » lorsque le Conseil européen l’aura décidé à l’unanimité.

Outre la clause de défense mutuelle (comme dans la charte de l’OTAN), les missions comportent désormais les « actions conjointes en matière de désarmement », les « missions de prévention des conflits » et les « opérations de stabilisation à la fin des conflits ». Il est par ailleurs précisé que « toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire ». L’intervention paraît bien exclue du champ de l’Europe de la défense, laissant la place à l’OTAN, aux interventions ad hoc ou nationales

Cependant cette volonté est entravée non seulement par le respect nécessaire des souverainetés nationales mais aussi par la multiplicité des organismes créés au fur et à mesure des années et que le rapport liste. Je ne retiendrai que les références au peu de poids du corps européen et de la brigade franco-allemande qui, à titre ou à un autre, auraient pu servir au Mali. Ce rapport fait d’ailleurs largement référence à l’échec de l’engagement de l’Union européenne au Mali sans enseignement si je me fie à ce coup de gueule de B2 mais aussi à sa proposition sur une obligation d’engagement des états membres ce 28 mai.

Ne parlons pas des « battle group » évoqués aussi dans ce rapport pour leur inutilité en terme d’emploi (cf. la mise en alerte du BG britannique). Un séminaire international sur leur efficacité sera organisé à Londres en octobre 2013. On peut s’étonner de cet activisme britannique et se poser la question des arrière-pensées devant un outil qui ne sert à rien aujourd'hui.

Un point positif est cette expression au moins publique de meilleurs rapports entre civils et militaires comme en témoigne cette passation de commandement ce 29 mai 2013. La cérémonie de passation des pouvoirs entre le nouveau chef de l’état-major de l’UE, le général autrichien Wolfgang Wosolsobe et son prédécesseur, le général néerlandais Ton van Osch, a eu lieu en présence du personnel civil du SEAE. Là encore tout est symbole.

Considérons cependant l’aberration dénoncée (plus diplomatiquement) au sein de ce rapport d’avoir nommé une Britannique à la tête de la diplomatie européenne d’autant que les critiques négatives du Royaume-Uni n’ont jamais cessé à l’encontre de l’Union européenne. Je pourrai ajouter que, certes d’une importance limitée mais tout est symbole, la Turquie est toujours une nation associée au Corps européen et fournit des forces à l’opération européenne Eufor Althéa en Bosnie-Herzégovine. Comment les Européens peuvent-ils être crédibles en rendant illisible leur identité ?

 

Des actions discrètes sur des théâtres de conflit

L’ensemble des opérations militaires et civiles, passées ou en cours sont évoquées. On y découvre l’échec d’Eufor-Lybie décidée début avril 2011 et qui a pris fin à la mi-novembre 2011 sans avoir débuté. Le feu vert des Nations Unies n’a jamais été donné. L’Union européenne affiche son incapacité à s’affirmer.

Dans les missions civiles, on découvre EUJUST LEX en Irak. Cette opération civile de gestion de crise a débuté sur le terrain en juillet 2005, avec pour objectif de renforcer la primauté du droit en Irak et d’y promouvoir une culture de respect des droits de l’homme. Les Européens ont ainsi formé au cours des sept dernières années plus de 5 000 personnels au système pénal irakien dont il faudra évaluer l’efficacité. Sont déployées en Palestine EUDAM Rafah et EUPOL COPPS (cf. B2 ce 1er juin 2013). En Afghanistan, EUPOL fournit au sein des PRT (tiens, tiens, la France est pourtant contre ? Voir aussi mon billet du 4 mars 2012) une expertise en matière d’opérations civiles de maintien de l’ordre ainsi que des compétences spécialisées en matière d’État de droit.

Cependant, les opérations en Afrique montrent un glissement – positif à mon avis- vers des opérations réellement dans l’esprit de l’approche globale. Je pourrais même écrire que relire David Galula et sa théorie de la contre-insurrection trouve ici tout son sens avec l’intégration des civils et des militaires dans un même état-major. Certes le contexte est différent mais la gestion de crise, sinon la sortie de crise, font face à des situations qui se rapprochent de ce type de conflit par certains aspects.

En Afrique, l’Union européenne est engagée dans EUCAP SAHEL Niger depuis 2012 pour appuyer la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme. Grâce à ses éléments de liaison, la mission vise à renforcer la coordination régionale avec le Mali et la Mauritanie. A partir de l’expertise militaire intégrée, ce type de mission de renforcement des capacités des forces de sécurité et de défense a vocation à être proposé aux autres États de la région. « L’habillage » d’une opération civile reste de rigueur !

De même, EUCAP NESTOR dans la Corne de l’Afrique est une mission civile menée dans le cadre de la PSDC, dotée d’une expertise militaire. Pour lutter contre la piraterie, son objectif vise à renforcer les capacités maritimes des États de la Corne de l’Afrique et de l’Océan indien occidental, essentiellement Djibouti, le Kenya, les Seychelles, la Somalie et la Tanzanie. Fin juillet 2012, l’amiral français Jacques Launay a été nommé chef d’EUCAP NESTOR, donc un militaire, autre signe encourageant au titre de l’efficacité et du pragmatisme ?

 

En guise de conclusion

Pour conclure sur ce rapport qui préparera les universités de la défense des 9 et 10 septembre 2013, se posent les problématiques des moyens et du financement. Pour les opérations militaires, le mécanisme de financement européen Athéna Créé en 2004 n’atténue que très légèrement le principe selon lequel les opérations militaires et de défense sont à la charge des États membres qui les mènent. Ces dépenses, divisées entre les États selon une clé de répartition en fonction de leurs PIB respectifs, ne couvrent qu’environ 10% du coût total d’une opération militaire, le reste demeurant à la charge exclusive des États participant à celle-ci.

La proposition 23 de la « petite loi » parlementaire du 4 mai 2013 trouve ici toute sa justification : « une part des crédits affectés par certains États à la sécurité de l’Europe ne soit pas prise en compte dans le calcul des déficits budgétaires des États plafonnés à 3 % ou que soit créé un mécanisme de dédommagement tenant compte de l’effort particulier de certains États pour le financement d’un bien public européen ».

Par ailleurs, paradoxe en cette période de réduction des capacités militaires, ce rapport regrette la diminution significative de la contribution de la France aux missions PSDC car « elle est de nature à entamer la crédibilité de notre pays vis-à-vis de ses partenaires européens ».

C’est aussi le souhait de maintenir la synergie civilo-militaire. La volonté européenne pourra être testée avec le lancement de l’opération civile EUBAM en Libye ce 27 mai pour l’assistance au contrôle de la frontière de la Libye dont je distingue peu l’expertise militaire dans une zone à risques et au contact de la zone de conflit du Sahel. Comment exclure une approche militaire dans cette gestion de crise ?

Enfin la réflexion sur la mutualisation par les rapporteurs de ce rapport mérite d’être soulignée en guise d’alerte à toutes les tentations : « Afin de préserver les souverainetés nationales, les droits et devoirs associés aux différents degrés possibles de mutualisation doivent être clairement définis. La mutualisation peut bien sûr générer des économies d’échelle, augmenter notre efficacité commune, maintenir notre interopérabilité, combler des trous capacitaires.

Mais elle peut aussi entraîner une perte de capacité nationale par la perte d’une capacité mutualisée, puis abandonnée par l’Europe (…). C’est pourquoi, quels que soient les impératifs budgétaires, elle doit toujours être envisagée avec une certaine prudence. »

Je conclurai en évoquant la possibilité pour chacun de s’informer régulièrement sur l’évolution de l’Europe de la défense par les lettres bimestrielles de la représentation militaire française de l’Union européenne (http://www.rpfrance.eu/-Lettres-de-la-Representation-.html).

Note RPDefense : à propos de mutualisation, voir l'approche Pooling & Sharing de l'Agence Européenne de Défense.

« Pooling & Sharing » : le rôle moteur de l'AED
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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 17:45
photo EMA

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30.05.2013 Par Olivier Berger, grand reporter à La Voix du Nord.- Défense globale

 

Le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, s'est présenté devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale le 22 mai. La parole du CEMA demeure essentielle en période de redéfinition d'un modèle d'armée et d'ajustements budgétaires même s'il était d'abord face aux députés pour retirer des enseignements de l'opération Serval.

" Quatre mois et demi après son déclenchement, nous pouvons dire que l'opération Serval est un succès militaire ", se félicite le CEMA qui évoque les atouts et les lacunes capacitaires françaises et parle aussi de Livre blanc et d'Europe...

 

Les Nations-Unies estiment à 13 milliards de dollars la valeur marchande de la drogue en 2012 passée par le bassin sahélo-saharien (huit fois le budget du Mali). L'instabilité politique et deux défaites de l'armée malienne face aux rebelles ont plongé le pays dans le chaos. Premier constat sans concessions de l'amiral Guillaud : L'armée malienne " était mal commandée, rarement payée, mal équipée et affaiblie par des clivages internes ". Voilà pour le tableau de départ.

Sauf que " cette zone retenait notre attention depuis 2007 à cause des prises d'otage (onze Français) ", rappelle le CEMA qui souligne que de " nombreuses planifications de précaution " ont été conduites dans la région (sans imaginer le scénario du Mali). Ce qui a conduit à un déploiement préventif de forces spéciales et dès 2009, à un plan Sahel interministériel, comprenant coopération, soutien militaire, aide à la justice et aide au développement.

Un déclenchement " fulgurant "

Nous voici le 11 janvier après " le pas de trop " des jihadistes. Le président de la République demande de " stopper l'offensive vers Bamako et ainsi préserver l'existence d'un Etat malien ; détuire - ce qui signifie en lagage militaire détruire 60 % des forces ennemies - et désorganiser la nébuleuse terroriste ; aider au rétablissement de l'intégrité et l'unité territoriales du Mali ; enfin, rechercher les otages, les nôtres en particulier ".

Si le résultat en quatre mois fut efficace et que la réaction au déclenchement fut " j'oserai le mot, fulgurante ", l'amiral Guillaud reconnaît que l'opération Serval a usé les hommes. Il rend hommage aux six militaires français morts au combat et aux plus de deux cents blessés, dont 150 victimes d'un coup de chaleur. Les défis de l'espace - " ou plutôt des espaces " (la distance de Bamako à Gao équivaut à celle de Paris à Brest) - et du climat (plus de 40°).

" Les combats de l'Adrar ont été livrés par une température de 45°. Chargé de 30 kilos, chaque homme avait besoin de dix litres d'eau par jour. Comme ils étaient 2 000, ce sont donc vingt tonnes d'eau qu'il fallait acheminer quotidiennement, soit la capacité de deux avions C-130. Nos soldats ont tenu, non seulement parce qu'ils étaient bien entraînés mais aussi parce que nous avons pu relever ce défi logistique. "

Plus loin, l'amiral Guillaud reconnaît que " nous sommes allés assez loin dans la prise de risque ". La France n'avait pas parachuté de bulldozers depuis Diên Biên Phu (1954) ou mené une opération aéroportée comme à Tombouctou depuis Kolwezi (1978) !

Désormais, la France réduit son empreinte au Mali. La MISMA de 6 000 hommes se déploie, y compris dans le nord, avant de devenir le 1er juillet la MINUSMA, forte de plus de 12 000 hommes. Le reste est politique (élection présidentielle le 28 juillet et le 11 août) et financier (3,2 milliards d'euros réunis lors de la conférence des donateurs le 15 mai à Bruxelles).

Efficacité exceptionnelle et lacunes capacitaires

Sur le plan des enseignements militaires, le CEMA s'enthousiasme : " Les forces armées françaises ont atteint un niveau d'efficacité exceptionnel. " Première réussite, l'intégration interarmées " jusqu'à un niveau élémentaire ", puis le partage du renseignement inter-agences, " aussi bien entre nos services qu'avec nos alliés " et le processus de ciblage " plus efficace ". Au-delà, les atouts français sont connus : l'alerte Guépard et les forces prépositionnées. Mais aussi le transport maritime (18 000 tonnes de matériel lors du premier mois).

Autre carte majeure à choyer selon le CEMA dans la prochaine Loi de programmation militaire : la préparation opérationnelle des forces. Voilà qui touchera le Commandement des forces terrestres et le général Clément-Bollée qui travaillent actuellement sur le sujet à Lille.

Mais l'amiral Guillaud ne peut passer à côté de la " douloureuse " : " Les lacunes capacitaires n'ont pu être que partiellement comblées par l'aide de nos alliés. " Faiblesses : transports stratégique et tactique ; les deux pauvres drones Harfang " si bien que le soutien des drones américains a été le bienvenu " ; ravitaillement en vol (trois avions US par jour encore actuellement) ; absence d'hélicoptères lourds.

Reste la question du coût. Les 630 millions d'euros prévus au titre OPEX n'incluent pas l'opération Serval " pour laquelle 300 millions ont été engagés " (plus de 400 fin 2013). Ils seront inclus dans le budget général de la Défense avec une éventuelle rallonge de Matignon. La facture globale tourne autour de 100 000 € par homme et par an. La situation sera tendue en fin d'année.

De l'Europe à la Loi de programmation militaire...

Sur le plan stratégique, le CEMA se félicite de l'influence française conservée en Afrique, de la mobilisation des forces africaines. Il regrette : " L'aide militaire européenne a été globalement tardive (...) souvent dans un cadre bilatéral. "  Britanniques, Danois et Belges ont répondu présent en moins de 24 heures " sans restriction d'emploi ". Des pilotes danois et belges ont même transporté des Français en zones de combat.

Le CEMA doute cependant qu'une pareille opération soit aussi réalisable en coalition. " Si nos partenaires de l'OTAN et de l'Union européenne sont très admiratifs de ce que nous avons réalisé, ils doutent de pouvoir nous imiter. "

Le livre blanc prend acte de la diversité des opérations (Afghanistan, Libye, piraterie et Mali), de " la nécessité de conserver plusieurs points d'appui en Afrique ". Le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, a même demandé d'avoir une base militaire française comme à Dakar !

L'amiral Guillaud constate aussi que " le volume des forces engagées au lancement de l'opération correspondait à celui de la future force interarmées de réaction immédiate, la FIRI ", que la France a recherché des appuis locaux et régionaux pour respecter le principe " premier entré, premier sorti ".

Quels enseignements faut-il en tirer ? Le cas malien n'est que " l'un des modèles des opérations à venir ", sans oublier d'éventuelles surprises stratégiques. Le CEMA s'interroge : " La question est de savoir si la programmation militaire doit nous permettre de parer à toutes les hypothèses ou seulement aux plus probables.

Faut-il, par exemple, conserver toutes les compétences en aérolargage ? " C'est l'un des points délicats du projet de loi de programmation militaire car si l'on peut perdre en savoir-faire en quelques mois, il faut plus de dix ans pour le retrouver ", prévient l'amiral Edouard Guillaud, face à un combat plus politique désormais...

OL. B.

A lire ici, l'intégralité de l'audition de l'amiral Guillaud.

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 12:45
photo EMA

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22.05.2013 Commission de la défense nationale et des forces armées (A.N.)

 

Audition de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées (CEMA), sur les enseignements de l’opération Serval.

 

Télécharger le Compte-Rendu

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21 mai 2013 2 21 /05 /mai /2013 07:55
Assemblée nationale : intervention de la DCRI sur la sécurité de l’information et la cyberdéfense

21 mai 2013 comptes-publics.fr

 

Mardi 21 mai 2013, la commission de la défense de l’Assemblée nationale entend une présentation sur la sécurité de l’information et la cyberdéfense par Agnès Mignot

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24 avril 2013 3 24 /04 /avril /2013 07:55
Conférence « Vers un nouveau cadre juridique pour le activités de renseignement »

23.04.2013 anaj-ihedn.org

 

15 mai 2013 – L’ANAJ-IHEDN a le plaisir de vous inviter à une conférence exceptionnelle :

 

« Vers un nouveau cadre juridique pour le activités de renseignement »

 

Jean-Jacques URVOAS, Président de la commission des lois de l’Assemblée Nationale et Rapporteur de la commission d’enquête sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés

 

Mercredi 15 mai 2013
19h30 à 21h00

Ecole militaire
Amphitéâtre Desvallières

 

Les services de renseignement français ont connu ces dernières années de profondes des évolutions tant opérationnelles qu’institutionnelles : création de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), du poste de Coordonnateur national au renseignement (CNR) et de la Délégation parlementaire au renseignement (DRP).

 

Le 6 décembre 2012, l’Assemblée nationale a créé une commission d’enquête sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés, suite à l’Affaires Merah, mais également dans la continuité des réformes enclenchées ces dernières années.


Cette conférence sera l’occasion de pouvoir échanger avec Jean-Jacques URVOAS sur les conclusions et les recommandations proposées dans son rapport.

 

Informations : conference-renseignement@anaj-ihedn.org

 

Inscription : ICI

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 19:02
photo EMA / ECPAD

photo EMA / ECPAD

22.04.2013 Le Monde.fr avec AFP et Reuters

 

Un peu moins de quatre mois après le début de l'intervention militaire française au Mali, et alors que 500 soldats français ont déjà quitté le pays, le gouvernement a demandé au Parlement, lundi 22 avril, l'autorisation de la prolonger.

 

"La France doit aider le Mali à gagner la paix", a lancé le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en demandant formellement la prolongation de l'opération Serval, comme le prévoit la Constitution au bout de quatre mois d'une intervention militaire extérieure. Ce n'est que la deuxième fois que l'article 35-3 de la Constitution, révisé en juillet 2008, est utilisé. La précédente remonte au 22 septembre 2008 : il s'agissait de solliciter l'approbation du Parlement au maintien des forces françaises en Afghanistan, présentes sur le terrain depuis 2001.

 

Six jours après le début de l'intervention, le 16 janvier, Jean-Marc Ayrault avait déjà présenté aux parlementaires les objectifs de la mission. Sa déclaration, suivie d'un débat, n'avait pas fait l'objet d'un vote. Ce ne sera pas le cas cette fois : à l'Assemblée nationale dans l'après-midi puis au Sénat dans la soirée, les élus se prononceront, par un vote, sur la prolongation de l'engagement au Mali au-delà de quatre mois.

 

Lire les points de vue interactifs Mali, victoire ou enlisement ?

 

"LES DÉBATS QU'IL A PU Y AVOIR SONT UN PEU RETOMBÉS"

 

Le résultat ne fait toutefois aucun doute : la prolongation sera autorisée. Si, en janvier, les objectifs de la mission avaient pu susciter quelques réserves – notamment de la part des écologistes et du Front de gauche –, celles-ci ont été, pour bonne part, mises en sourdine.

 

L'UMP a aussi voté en faveur du prolongement de l'opération, rare moment d'unanimité politique en France ces derniers temps. L'orateur UMP Pierre Lellouche, ancien ministre des affaires européennes, a sévèrement déploré l'absence de l'Union européenne au côté de la France au Mali.

 

Bruno Le Roux, président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, approuve sans réserves l'engagement du gouvernement et la volonté d'amorcer un désengagement des forces militaires pour passer le relais aux autorités maliennes, appuyées par la communauté internationale. "La mission est réussie, il faut maintenant savoir la terminer, se félicite-t-il. Les objectifs militaires et les objectifs politiques sont indissociables."

 

Lire en édition abonnés Mali : la présence militaire française appelée à durer

 

Au plus fort de l'opération "Serval", le contingent français s'élevait à près de 4 500 hommes. Il est actuellement d'"un peu moins de 4 000", selon l'état-major des armées. L'objectif fixé par François Hollande est de ramener ce chiffre à 2 000 hommes en juillet et à un millier fin 2013. Officiellement, cinq militaires français sont morts au combat.

 

Lire le reportage Opération Serval, le début du passage de flambeau

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27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 13:55

Mindef

 

27.03.2013 Mer et Marine

 

Alors que militaires et industriels français s’inquiètent vivement des menaces de restrictions budgétaires, la députée socialiste Patricia Adam, présidente de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, n’y va pas par quatre chemins : « Le scénario de Bercy vise à tuer le ministère de la défense. Dès 2015, si on le suit, il ne lui restera que la sécurité nationale (la gendarmerie), les forces spéciales et la dissuasion. Toutes les forces conventionnelles auront disparu », affirme l’élue bretonne dans les colonnes du journal Le Monde (voir l'interview complète). Bien qu’elle soutienne la politique de retour à l’équilibre des comptes publics, qui demandera des efforts à l’ensemble des ministères, Patricia Adam s’inquiète vivement des coupes sombres dont le ministère de la Défense pourrait faire l’objet. Et l’élue du Finistère d’appeler à bien mesurer les conséquences de telles décisions : « Respecter un déficit de 3 % du PIB comme le veut l'Europe est un enjeu stratégique. Mais il faut trouver un bon équilibre : mesurer, s'il doit y avoir des efforts sur la défense, les conséquences que cela peut avoir sur nos capacités à intervenir comme nous le souhaitons (seuls sur une durée courte et "en premier" comme on l'a fait au Mali, ou uniquement avec d'autres alliés), sur l'entraînement de nos forces, et sur notre industrie ».

 

Des enjeux stratégiques, économiques et sociaux

 

Alors que les parlementaires de la majorité et de l’opposition des Commissions de la Défense de l’Assemblée nationale et du Sénat font front commun pour éviter que les restrictions budgétaires n’obèrent les capacités militaires de la France, les conclusions du nouveau Livre Blanc sur la Défense ne devraient finalement être connues que fin avril. Ces travaux, qui conditionneront l’élaboration dans le courant de l’été de la future loi de programmation militaire, s’étalant de 2014 à 2019, sont entourés de vifs échanges. Car, derrière l’élaboration des priorités nationales en termes de sécurité  et l’ajustement des moyens pour y répondre, la question budgétaire est omniprésente. Tout cela autour d’un sujet complexe et d’enjeux stratégiques dont, malheureusement, l’opinion publique n’a pas forcément conscience. Pas plus d’ailleurs que les technocrates du ministère de l’Economie et des Finances, accusés par certains parlementaires d’être uniquement obnubilés par les chiffres et autres courbes. Or, non seulement la Défense tire une industrie de pointe - cruciale au moment où la concurrence internationale pousse les Européens à innover pour survivre - mais aussi une masse considérable d’emplois : 30.000 rien que pour la Bretagne ! Et pas uniquement dans le secteur de la défense, c'est-à-dire chez les militaires - où l'armée contribue notamment au recrutement de nombreux jeunes - et les fournisseurs d’équipements (160.000 emplois sur le territoire). Les retombées économiques et sociales sont bien plus larges.

Pour parler clairement, la France doit son statut de grande puissance internationale en grande partie à ses forces militaires et son excellence technologique. Diplomatie et armées ne sont jamais très éloignées puisque de la capacité d’un pays à assurer sa souveraineté, faire respecter ses intérêts et intervenir au profit de ses alliés dépend souvent sa possibilité de peser sur la scène internationale et sur les questions géostratégiques. Ce rapport de force nécessaire, puisque malheureusement nous vivons dans un monde dangereux, est aussi, en étant gage de puissance et de rayonnement, un atout considérable dans les relations commerciales avec d’autres pays. Il en découle non seulement des ventes de matériels militaires (et à ce titre la défense est l’un des rares secteurs en France à avoir une balance commerciale positive), mais aussi d’importants contrats pour les entreprises civiles, avec des retombées directes dans l’Hexagone.

 

« La patrie est en danger, parce que sa défense l’est »

 

Les enjeux sont donc à la fois stratégiques, technologiques, économiques et sociaux. En somme, fondamentaux. Malgré tout, les dépenses liées à la défense ont considérablement diminué depuis 40 ans (4.3% du produit intérieur brut en 1966), pour tomber à 1.56% du PIB en 2012. Une limite sous laquelle les parlementaires, comme Patricia Adam ou Gwendal Rouillard (député du Morbihan et proche de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense), qui en appelle à l’arbitrage du président de la République, estiment que le pays ne peut pas descendre (écouter son interview donnée à nos confrères de France Bleu Breiz Izel). Faute de quoi la France ne disposera plus d'armée lui permettant d'agir en cas de besoin. Or, les prévisions actuelles laissent entrevoir une baisse de l’effort consacré à la défense à seulement 1% du PIB en 2025. C'est pourquoi Jean-Louis Carrère, président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, reprenant une célèbre phrase de Danton, estime que « la patrie est en danger, parce que sa défense l’est » (voir son intervention du 13 mars à la fin de cet article). La crainte est de voir la crédibilité de l’outil militaire de la France remise en cause, avec entre autres conséquences un risque de déclassement dans le concert des nations. Depuis la fin de la guerre froide, le ministère de la Défense a déjà mené une profonde rationalisation de ses effectifs et de ses dépenses. Et dans le même temps les industriels ont, globalement, fait des efforts significatifs pour réduire leurs coûts. Peut-il aller plus loin ? Probablement, mais pas forcément en taillant une nouvelle fois dans les personnels et le format des armées, de nombreuses capacités étant aujourd’hui dimensionnées au strict minimum pour remplir les missions qui leur sont confiées, comme les forces navales, d’autres subissant un déficit criant de moyens, comme le transport aérien ou le ravitaillement en vol.

 

La baisse de l'effort de défense au fil des années (© SENAT)

 

 

Des pistes pour réaliser des économies

 

Le décalage de certains programmes, moyennant une gestion intelligente entre opérationnels et industriels, semble possible, afin de reporter une partie des dépenses qui ne peuvent être budgétées. Mais il faut sans doute creuser plus sur le fonctionnement pour réaliser des économies. Si le concept des bases de défense, mis en place par l’ancien gouvernement, est critiquable sur certains points, des avancées notables ont été réalisées en peu de temps, notamment sur la mutualisation des achats d’entités militaires présentes sur un même territoire. Cela a permis de générer des gains significatifs en termes d’économies, tout en améliorant le paiement des fournisseurs. Dans le même temps, un énorme travail reste à réaliser dans l’optimisation du mode de fonctionnement de l’administration, ce qui est valable pour l’ensemble de l’Etat. Le système est bien trop rigide et les services croulent sous les formalités administratives. « On en est presque rendu à devoir lancer un appel d’offres pour acheter une ramette de papier », se lamentait récemment un officier d’état-major. Si la France doit redresser ses comptes publics, c’est sans doute là, dans ce « mille-feuille » administratif, dans cette bureaucratie au coût astronomique, qu’il faut aller chercher les milliards. Ce n’est évidemment pas simple mais le pays ne peut plus se payer le luxe d’ignorer ce problème ou de le traiter autrement qu’avec une volonté sans faille, quitte à bousculer quelques habitudes et autres coteries.

 

La politique doit reprendre sa place

 

Dans cette période difficile, où des choix probablement douloureux devront être faits, aucune piste ne doit être négligée pour éviter l’irréparable. « Irréparable » car une armée crédible et efficace comme celle de la France - la démonstration en a été faite en Libye et au Mali – est un outil complexe et fragile, qui se forge durant des décennies et, si les efforts nécessaires ne sont pas consentis, peut se déliter très rapidement.

La Défense n’est évidemment pas la seule dans la tourmente et l’Etat doit composer avec d’autres priorités et de nombreuses urgences, le tout avec des marges de manœuvre particulièrement étroites. Mais qu’on le veuille ou non, le « complexe industrialo-militaire », comme il est de bon ton de l’appeler parfois, est un pilier indispensable du pays, pour son rayonnement international, pour ses territoires, pour son économie et pour ses emplois. Alors que Jérôme Cahuzac semblait avoir des idées très arrêtées, le nouveau ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, est comme ancien député de Cherbourg très au fait de ces questions. Mais on entend certains parlementaires craindre que le ministre soit inévitablement corseté par les fonctionnaires de Bercy. Une fatalité ? Aux dernières nouvelles, la France est un pays démocratique et ce sont les politiques, élus par le peuple, qui prennent les décisions et façonnent les lois. Pas les fonctionnaires. Comme l’heure est sans doute venue de dépoussiérer le fonctionnement de l’administration, il est également temps que la politique reprenne sa place et en finisse avec ce que de nombreux élus considèrent depuis longtemps comme un Etat dans l’Etat.  

 

 

(*) Propos de Jean-Louis Carrère tenus le 13 mars au Sénat

 

« Je pourrais reprendre à mon compte la célèbre apostrophe de Danton en 1792 en disant qu’aujourd’hui « La patrie est en danger » car sa défense l’est. Je suis en effet convaincu que notre sécurité serait compromise si les mesures de réduction de l’effort de défense qui sont envisagées étaient adoptées. C’est tout le sens de la démarche de rassemblement du Sénat que nous avons entreprise.

 

Cette conviction, nous ne cessons de l’affirmer au sein de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées depuis près de deux ans que nous avons consacrés à la préparation du nouveau Livre blanc sur la sécurité et la défense.

 

En juillet dernier, nous avions publié un rapport au titre volontairement provocateur « Forces armées : peut-on encore réduire un format « juste insuffisant » ? ». En juillet dernier, nous constations que le format de nos armées était encore cohérent mais qu’il était d’une grande fragilité.

 

Nous nous demandions si nous ne connaissions pas un syndrome du paraître, un effet Potemkine, qui masquerait que nos forces armées sont au bord du point de rupture.

 

Nous constations que la tendance du coût considérable des équipements conduit à avoir une armée « échantillonnaire » dotée de quelques capacités « polyvalentes » dans chacun des secteurs concernés, mais dont les retours d’expérience montraient que les modes d’action étaient partiellement inadaptés aux situations de terrain. Ceci sans parler des trous capacitaires que nous connaissons. Nous avons une armée de poche, de haute qualité mais finalement vulnérable.

 

Déjà en juillet dernier, nous affirmions qu’il fallait établir un plancher des ressources consacrées à la défense à 1,5 % du PIB, avec une perspective de progression quand la croissance ou une éventuelle mutualisation le permettraient.

 

Cela c’était avant le Livre blanc dont la version définitive devrait être rendue publique à la fin de ce mois. Ce document ne nous dit pas grand-chose en termes de format, pas plus qu’il ne donne des indications en termes d’enveloppe et de trajectoire budgétaires. Ce sera l’objet de la future LPM si toutefois elle intervient avant l’été, ce qui est indispensable.

 

Pourtant, comme en témoigne la courbe qui est actuellement projetée et qui vous a été distribuée, beaucoup de gens travaillent à élaborer des scénarios plus rigoureux les uns que les autres.

 

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de dépasser la seule unanimité de notre commission pour mobiliser le Sénat tout entier, au travers de ses groupes politiques, afin d’affirmer, en tant qu’institution de la République, toutes tendances politiques confondues (à l’exception du groupe Ecologie), que oui, « la patrie est en danger, parce que sa défense l’est ». C’est notre rôle d’élus et de décideurs politiques, garants de l’intérêt national que de tirer cette sonnette d’alarme.

 

Notre approche est essentiellement politique, mais elle pourrait bien évidemment être techniquement étayée.

 

Le message est clair et simple : le Sénat considère que le passage d’un effort de défense de 1,56 % en 2011 à 1,1 % en 2025, tel qu’il est envisagé, ne permettrait plus aux autorités de notre pays de maintenir le rôle de la France au niveau qui est le sien aujourd’hui.

 

Sans une diplomatie appuyée sur un outil militaire bien dimensionné, l’influence de la France et sa capacité à défendre sa place, ses intérêts et ses ressortissants, connaîtrait un déclassement très significatif.

 

De plus, la diminution temporaire du budget de la défense dans la perspective d’une remontée à terme est une illusion dangereuse. Une capacité militaire ne peut s’évaluer à la simple lecture de l’inventaire des matériels. Elle est une combinaison de différents éléments : Doctrine ; Organisation ; Ressources humaines ; Equipement ; Soutien et Entraînement. Cet ensemble cohérent et indivisible serait irrémédiablement compromis si les décisions qui s’esquissent étaient confirmées, comme en témoigne l’incapacité d’autres nations à récupérer des compétences abandonnées.

Il convient également de prendre en compte l’impact des diminutions de crédits sur l’emploi de l’industrie de défense et sur la recherche et développement.

 

Enfin, prenons bien conscience que la défense n’est pas une dépense publique comme une autre. De sa crédibilité dépendent :

 

  • notre sécurité, c'est-à-dire celle de l’ensemble des secteurs de la Nation, qui bénéficient de cet investissement de défense.
  • la place internationale de notre pays (principalement à l’ONU, vis-à-vis des Etats-Unis, en Afrique…..). Sans défense, nous ne serons plus crédibles. Nous ne serons plus audibles. Nous ne serons plus écoutés.
  • Enfin, de notre outil de défense dépend notre prospérité future. Je pense notamment à la sécurisation de nos zones économiques exclusives (ZEE) et des voies d’approvisionnement maritimes qui sont fondamentales.

 

Tout cela nous conduit à une évidence : il est de l’intérêt supérieur de la Nation de maintenir l’effort de la Nation en matière de défense.

 

C’est en fonction de ces analyses que les groupes politiques du Sénat souhaitent que l’effort de défense soit maintenu à un niveau qui permette de préserver la sécurité intérieure et extérieure de la France et sa capacité d’influence. Ce seuil, en deçà duquel il ne faut pas descendre, est de 1,5 % du PIB ».

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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 13:12

Assemblée nationale française.svg

 

30 janvier 2013 comptes-publics.fr

 

Mercredi 30 janvier 2013, la commission de la défense de l’Assemblée nationale auditionne Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense à 14 heures. A 16h15, le ministre est auditionné par la commission des affaires étrangères (ouvert à la presse).

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15 janvier 2013 2 15 /01 /janvier /2013 12:55

Assemblée nationale française.svg

 

15 janvier 2013 par Patrick Maurot - comptes-publics.fr

 

Mardi 15 janvier 2013, la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale entend le compte rendu du déplacement de sa délégation à l’Assemblée générale de l’Onu et un compte rendu du groupe de travail sur la situation au Sahel (16h15). La commission auditionne ensuite Tièman Hubert Coulibaly, ministre des affaires étrangères de la République du Mali (17h15, ouvert à la presse).

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13 janvier 2013 7 13 /01 /janvier /2013 12:55

Assemblée nationale française.svg

 

12/01/2013 Le Point.fr

 

La présidente PS de la commission de la Défense de l'Assemblée, Patricia Adam, réclame plus largement les budgets "nécessaires" à de telles interventions.

 

Les députés voudront connaître les conditions exactes de l'intervention armée au Mali et vérifier sa légalité, a jugé samedi la présidente PS de la commission de la Défense de l'Assemblée, Patricia Adam, réclamant plus largement les budgets "nécessaires" à de telles interventions.

 

À la question de savoir quelles seront les questions posées au Parlement, Patricia Adam a répondu par téléphone à BFMTV : "Comme on le fait toujours, d'abord avoir l'exactitude des conditions dans lesquelles se sont exercées les interventions et vérifier la légalité de nos interventions." Aucun vote n'aura lieu à l'Assemblée nationale, mais "lundi soir, réunion à Matignon avec tous les responsables des deux assemblées et, mardi, auditions en commissions" de l'Assemblée nationale et du Sénat, a précisé le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, samedi sur son compte twitter.

Les Européens attendus au tournant

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a répété samedi avoir téléphoné dès vendredi soir aux responsables de tous les partis politiques, de l'opposition comme de la majorité, et qu'il recevrait lundi les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que les présidents de groupes politiques et ceux des commissions des Affaires étrangères et de la Défense des deux assemblées.

 

Soulignant les travaux sur le Livre blanc pour la défense et sur la loi de programmation militaire, la présidente de la commission de l'Assemblée a appelé samedi à "consacrer les moyens nécessaires à l'intervention de nos forces". "Les budgets qui vont être consacrés à la défense doivent permettre d'intervenir en toute sécurité pour les hommes qui interviennent et pour la sauvegarde des populations concernées", a poursuivi cette élue du Finistère. Sur l'intervention militaire au Mali, "j'espère que d'autres pays européens nous rejoindront rapidement, les Britanniques se sont exprimés sur ce sujet", a ajouté Patricia Adam. "On a des contacts régulièrement - également au niveau du Parlement - pour que ce soit l'Europe qui intervienne, même si, au Mali, les forces prépositionnées de la France permettaient d'intervenir plus facilement", a-t-elle précisé.

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18 décembre 2012 2 18 /12 /décembre /2012 12:55

Rafale assembly line in Merignac

 

18 décembre 2012 Info-Aviation

 

Le 4 décembre, le Président de Dassault Aviation, Charles Edelstenne, a été auditionné  par la commission de la défense à l’Assemblée Nationale dans le cadre du Livre blanc sur la défense.

 

Dans l’esprit collectif, Dassault Aviation évoque les activités de défense à travers les programmes Mirage III, Mirage 2000, Rafale, et nEUROn. Mais celles-ci ne représentent que 25% des activités du groupe contre 75% pour l’aéronautique civile avec les programmes Falcon 900, 2000, 7X et le futur SMS. Autre idée reçue : le Rafale est trop cher à l’exportation. Qu’en est-il vraiment ?

 

Selon le président de Dassault, le Rafale a d’abord permis de maîtriser les coûts de la défense. Alors que les forces aériennes françaises comptaient près de 690 avions en 1995 (armée de l’air et marine confondues), il est aujourd’hui prévu de remplir les mêmes missions avec 286 avions pour un coût global de 90,3 millions d’euros hors taxes, moyennant une dérive de 4,7%.

 

En comparaison, l’Eurofighter d’EADS affiche un coût unitaire global de 147 millions d’euros pour 160 avions et un dérapage des coûts de 75% (source : National Audit Office).

 

Quant au F-22 de Lockheed Martin, il a vu ses coûts exploser avec un coût unitaire chiffré à 282,3 millions d’euros pour 700 avions initiaux et une dérive budgétaire de 386%. Enfin, le F-35 Joint Strike Fighter qui devait être initialement produit à 2856 exemplaires pour les 3 corps d’armée US (Navy, USAF et Marines), est aujourd’hui ramené à 2443 avions pour un coût unitaire global de 98,4 millions d’euros et un dérapage de 77%, sachant que son développement n’est pas terminé.

 

Du côté des ventes, le Rafale a été mis en service dans l’armée de l’air française en 2006. L’Inde l’a sélectionné dans son appel d’offres en 2012 et des négociations exclusives sont en cours. Le Mirage 2000, dont 50% de la production a été exportée, enregistre lui aussi un beau succès en Inde avec la modernisation de 51 avions de l’Indian Air Force.

Charles Edelstenne rappelle que l’influence des USA est écrasante sur le marché des avions de combat : « La Corée a cru brièvement qu’elle pourrait acheter des avions français sans l’accord des États-Unis et Singapour est un porte-avions américain. »

 

Il ajoute avec une pointe d’ironie qu’au Maroc « l’efficacité du système français a réussi un tour de force : malgré une demande du roi adressée au Président de la République pour l’achat d’avions français, le royaume a fini par acheter américain. ».

 

Charles Edelstenne évoque aussi le lien politique étroit qui encadre la vente d’un avion de combat. « Certains pays seraient prêts à acheter un fer à repasser au prix d’un avion de combat pour acheter avec lui la protection du parapluie américain – réelle ou illusoire ». Une allusion à peine dissimulée au choix du Japon pour le F-35.

Quant à l’appel d’offres en Suisse, M. Edelstenne impute l’échec du Rafale « aux déclarations politiques critiquant son système bancaire et fiscal formulées au moment même de la phase finale des négociations ont orienté ce pays vers l’achat du Gripen », précisant toutefois que « l’histoire n’est pas encore terminée. »

Le président de Dassault a évoqué la force du dollar dans les appels d’offres.

« Pour la négociation du marché brésilien, nous avons l’avantage de la compétence, mais le prix du Rafale, initialement inférieur à celui de son concurrent américain (F/A-18), est finalement supérieur en raison de l’incidence des taux de change ».

 

Charles Edelstenne a également souligné l’importance de distinguer les rôles.

 

« On a assisté dans le passé à un mélange des genres : les politiques et l’administration ont fait du commerce, ce qui est une catastrophe. Les politiques doivent donc créer l’environnement permettant une bonne relation avec les clients potentiels, et nous devons quant à nous [les industriels] défendre notre produit et négocier nos prix. Le Président de la République et le ministre de la défense semblent partager ce point de vue. »

Le maintien des compétences

Le transfert des compétences des ingénieurs est un point crucial d’après Charles Edelstenne pour développer de nouveaux programmes en 2035-2040 et maintenir le Rafale opérationnel durant 30 ans.

« Quatre générations d’ingénieurs ont ainsi travaillé sur le Rafale et le nEUROn, ce qui a permis un transfert de compétences correspondant à une capitalisation permanente de savoir-faire depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. La question est maintenant de savoir comment transmettre ce savoir-faire aux générations suivantes. »

L’objectif de Dassault est aussi de garantir une avance technologique à la France notamment face aux pays clients du Rafale qui bénéficieront d’un transfert de technologie comme l’Inde et peut-être le Brésil.

Le nEUROn en voie d’apparition

Le coût du programme nEUROn est de 400 millions d’euros, dont 50% ont été financé par la France. Il s’agit du premier avion de combat furtif sans pilote en Europe dont le premier vol eut lieu en décembre.

M. Edelstenne rappelle qu’il n’est pas question que Dassault finance un quart de son développement comme pour le Rafale : « Le nEUROn est d’abord un démonstrateur technologique qui n’a pas de débouché civil à terme sur lequel nous pourrions récupérer cet investissement. »

 

NEURON assemblage-60ea9 Photo Dassault

 

Le développement d’un drone de combat (UCAV) avec le Royaume-Uni pourra peut-être financer un nEUROn II mêlant l’expérience du nEUROn et celle du TARANIS britannique.

 

Sources :

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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 12:05
Retour sur les Universités d’été de la Défense

14/09/2012 Mer et Marine

 

 

Les 10 et 11 septembre, Brest accueillait les 10ème Universités d’été de la Défense. Initiées par Guy Texier, ancien président de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale, ces rencontres sont devenues incontournables pour tous les acteurs du milieu, qu’ils soient politiques, industriels et militaires. Et, cette année, elles avaient une importance toute particulière, au moment où débutent les travaux sur le nouveau Livre Blanc de la Défense, qui servira de base à l’élaboration de la future loi de programmation militaire couvrant la période 2014/2019. Près de 500 universitaires, dont des parlementaires européens venant d’une douzaine d’autres pays, ont donc planché durant deux jours sur de nombreuses problématiques. Il a notamment été question des enjeux de la maritimisation, de la priorisation des fonctions stratégiques, de l’avenir des forces nucléaires, de la cyber-défense, de l’évolution des équilibres géostratégiques ou encore des capacités industrielles souveraines. « Après un renouvellement du Parlement, un changement de majorité, l'Université était très attendue par l'ensemble des acteurs de la Défense. Alors que viennent de commencer les travaux sur le Livre Blanc, c'est un rendez-vous important. Ces débats de l'ensemble des acteurs du secteur, que ce soient les industriels, les personnels et, bien sûr, les parlementaires, seront un apport à cette commission du Livre Blanc », explique Patricia Adam, présidente de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale.

 

Mutation du contexte géostratégique

 

Depuis le dernier Livre Blanc, en 2008, le contexte géostratégique a bel et bien changé, nécessitant une mise à jour des enjeux de défense pour la France. L’ « Arc de crise », tel qu’il avait été défini il y a quatre ans, a évolué. Cette zone de risque s’est étendue géographiquement à l’Est et au Sud, mais elle est aussi de plus en plus diffuse. Certes, le Moyen-Orient et le Proche-Orient continuent d’être en proie à l’instabilité, avec les tensions persistantes entre l’Iran, Israël et leurs voisins, mais aussi l’éclatement de la crise syrienne et la fragilité du nouveau régime égyptien.

 

Le retrait américain d’Irak, qui sera suivi rapidement du désengagement en Afghanistan, posent également de nombreuses questions et suscitent des craintes quant à l’avenir dans ces pays. Le développement de la nébuleuse terroriste en Afrique, où des pans entiers de territoires, comme le Sahel, échappent désormais au contrôle des Etats, fait par ailleurs peser une nouvelle menace aux portes du sud de l’Europe. Il faut aussi tirer les leçons du printemps arabe, mouvement imprévisible qui a surpris par sa soudaineté et son ampleur la communauté internationale ; tout comme il faut tenir compte du recentrage américain vers la zone Asie/Pacifique, désormais centre de gravité de l’échiquier mondial. Et puis il y a les effets de la crise sur l’économie européenne et, in fine, sur la souveraineté financière du « Vieux Continent », sans oublier les menaces virtuelles, dont les conséquences potentielles peuvent être catastrophiques.

 

Anticiper les nouvelles menaces

 

En quelques années, la donne stratégique a sensiblement évolué, au sein d’un monde où, à l’instar de la communication, le temps s’accélère. Face à des évolutions toujours plus rapides et violentes, au développement de menaces moins identifiées mais plus diffuses, sans pour autant exclure la résurgence d’une crise majeure, l’outil de défense doit s’adapter. Et c’est un véritable défi puisqu’il s’agit d’un édifice particulièrement complexe dont la construction réclame du temps, des moyens, de la volonté politique et surtout des choix engageant sur le long terme, alors même qu’il est aujourd’hui bien plus difficile d’anticiper les évolutions futures et l’éclatement soudain de crises.

 

La situation est d’autant plus complexe que les menaces ne sont plus seulement « physiques », mais aussi virtuelles. Durant les Universités d’été, il a été notamment question de la Cyber-défense, un sujet qui commence, enfin, à s’inviter sur le devant de la scène. L’attaque de certains réseaux informatiques étatiques, notamment en Europe et aux Etats-Unis, comme les menaces pesant sur les réseaux financiers et même ceux de la défense, font prendre conscience de la vulnérabilité d’une société qui repose aujourd’hui sur des moyens de communication dont la sécurisation est, aux dires des spécialistes, très loin d’être optimale.

 

Les armées sont donc aujourd’hui engagées sur tous les fronts traditionnels, auxquels se sont ajoutés de nouvelles missions et l’élargissement du champ de bataille à l’espace et au cyberespace. A la lumière des engagements récents, la nécessité de renforcer les moyens de renseignement, par exemple spatiaux, afin de nourrir la connaissance et l’anticipation, une fonction stratégique, fait également consensus, tout comme la nécessité de sécuriser les réseaux. « Nous puisons dans l’espace et les moyens de communication une grande partie de nos moyens de communication et de notre supériorité technologique. Mais c’est aussi notre talon d’Achille », reconnait un général.

 

Des moyens adaptés à une nouvelle donne

 

La maîtrise du renseignement est en effet fondamentale pour anticiper l’évolution d’une situation, l’apparition d’une menace potentielle, la préparation et la réalisation d’une action militaire ou encore la sécurité d’une intervention. Mais c’est aussi un outil de souveraineté puisque le pays qui maîtrise son renseignement donne au pouvoir politique la capacité de juger seul du déroulement d’un évènement et de l’opportunité d’une action. L’exemple de la guerre en Irak, en 2003, serait de ce point de vue parlant. Des pays disposant de moyens de renseignement autonomes auraient, dit-on dans les milieux autorisés, su très rapidement que certains documents, présentés comme des preuves de la présence d’armes de destruction massive sur le territoire irakien, étaient falsifiées. De la parfaite connaissance d’une situation peut donc dépendre l’engagement ou non d’un pays dans un conflit.

 

Face aux menaces diffuses, par exemple le terrorisme ou les cyber-attaques de grande ampleur, qui pourraient paralyser le fonctionnement d’un Etat, les armées doivent disposer de moyens souples et réactifs, conjugués aux meilleures technologies. Et dans un format cohérent avec la dispersion géographique des menaces. Mais il faut bien sûr tenir compte du contexte budgétaire difficile et, autant que faire se peut, recourir à des moyens adaptés et peu coûteux. Pour la marine, par exemple, nul besoin d’une frégate de premier rang ultrasophistiquée pour mener des actions de lutte contre le narcotrafic ou la piraterie. Des patrouilleurs hauturiers simples, robustes et économiques, équipés d’une plateforme hélicoptère et de bons moyens de détection et de communication, sont largement suffisants.

 

Les moyens lourds demeurent essentiels

 

Pour autant, il ne faut pas négliger le haut du spectre, car les dernières crises montrent que les armées ont toujours besoins de moyens lourds et des capacités pour les projeter, avec une forte tendance à l’accélération du caractère interarmées des opérations. On pense évidemment à l’Afghanistan, à la Libye ou encore au Liban, où l’aviation et les hélicoptères, les blindés et l’artillerie, tout comme le porte-avions, les bâtiments de projection, ainsi que les frégates de premier rang et les sous-marins, demeurent essentiels. D’où l’intérêt des grands programmes permettant de moderniser les armées, comme les avions de combat Rafale Air et Marine, les hélicoptères NH90 et le Tigre, les VBCI (Véhicules Blindés de Combat d’Infanterie) et PVP (Petits Véhicules Protégés) ou encore le canon Caesar, et pour la marine les nouvelles frégates multi-missions (FREMM) et les sous-marins nucléaires d’attaque du type Barracuda, qui mettront notamment en œuvre des missiles de croisière offrant une capacité de dissuasion conventionnelle tout en permettant des frappes terrestres en profondeur. Dans un conflit moderne, ces outils technologiquement avancés donnent un avantage certain et leurs capacités accrues, comme leur polyvalence, permettent souvent de réduire les coûts de possession tout en compensant la réduction des formats. Le succès de leur emploi passe, en outre, par une organisation et une capacité de projection souples et réactives permettant de répondre aux crises actuelles. Géographiquement, il est important de conserver des forces pré-positionnées dans les zones sensibles (moyens navals, bases terrestres et aériennes), afin d’améliorer la réactivité de l’armée, même si le maillage actuel mérite sans doute d’être réexaminé.  Il convient, enfin, de rappeler que les matériels, si performants soient-ils, n’ont aucune utilité sans le savoir-faire des hommes qui s’en servent. L’effort consenti dans la préparation des forces et la qualité de leur entrainement demeurent fondamentaux pour assurer la disponibilité de l’outil militaire et son efficacité.

 

La pertinence de la dissuasion nucléaire

 

La dissuasion nucléaire a, aussi, été au programme des Universités d’été de la Défense. Si cette composante militaire ne sera pas remise en cause puisque le nouveau président de la République a décidé de son maintien, il convient d’expliquer pourquoi. Au-delà du fait que la force océanique et les forces aériennes stratégiques (FOST et FAS) viennent juste d’être modernisées ou sont en cours de modernisation (comme les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins), ce qui ferait d’un renoncement une ineptie financière et opérationnelle, le maintien de la dissuasion constitue, simplement, une question de bon sens. Certes, la guerre froide est terminée depuis longtemps et, ces deux dernières décennies, le monde a surtout été marqué par des crises régionales de faible intensité (en dehors de l’Irak). Certes, on parle beaucoup de menaces de type terrorisme et cyber-attaques, contre lesquels un SNLE ou des avions de combat paraissent inutiles. Certes, en Europe, les populations jouissent depuis près de 70 ans de la paix - qui a d’ailleurs sans doute été acquise grâce à la dissuasion nucléaire, sans laquelle les deux blocs se seraient probablement affrontés au cœur de l’Europe – et pour lesquels la résurgence d’un conflit majeur semble impensable. Mais la réalité est que, dans les prochaines décennies, il serait très étonnant que le monde ne connaisse pas de guerre de grande ampleur. Or, si l’Europe semble préservée durablement des conflits sur son territoire, les citoyens ont probablement une fausse impression de quiétude. Car la mondialisation des échanges implique que ce qui se passe à l’autre bout de la planète peut, directement, impacter la vie quotidienne des Européens. Sans l’arme nucléaire, les Occidentaux ne pourraient, par exemple, pas dissuader aussi fortement l’Iran de miner le détroit d’Ormuz, par lequel passe plus de 30% des approvisionnements mondiaux de pétrole. Et, chacun en convient, mieux vaut éviter par la simple menace un conflit conventionnel qui serait très coûteux humainement et financièrement. Considéré comme l’assurance vie de la nation, la dissuasion a plusieurs facettes. Elle permet, c’est son origine, de dissuader un Etat de s’en prendre aux intérêts vitaux de la nation, puisque la riposte nucléaire serait automatique et trop coûteuse pour l’agresseur. Mais aujourd’hui, elle sert aussi à dissuader les pays soutenant le terrorisme ou menaçant d’employer des armes chimiques ou bactériologiques.  Ce fut le cas pour le régime de Saddam Hussein pendant la guerre du Golfe, où les Américains avaient très clairement annoncé la couleur, et c’est sans doute aussi vrai aujourd’hui pour la Syrie. On peut en tout cas se poser la question quand on entend le ministre français des Affaires étrangères menacer Damas de « réponse massive et foudroyante » en cas d’emploi d’armes chimiques.

 

Enfin, et c’est un point très important pour les années qui viennent, la dissuasion nucléaire met à priori la France à l’abri d’agressions, notamment liées à des prétentions territoriales. Car, dans la mesure où le format des forces conventionnelles a été considérablement réduit depuis 20 ans, cette « faiblesse » pourrait, sans la menace d’une frappe nucléaire, donner des idées à certains pays, par exemple sur les territoires ultra-marins, qui seront de plus en plus convoités en raison des richesses naturelles qu’ils abritent.

 

Les pays n’ont plus la capacité de tout faire seul

 

Le nucléaire demeure donc une assurance vie et un outil de puissance pour la France, mais c’est évidemment une capacité destinée à n’être utilisée qu’en dernier recours. Avant cela, le pays doit pouvoir proposer des réponses graduelles en fonction des situations, ce qui suppose un large éventail de solutions et de moyens conventionnels qui, contrairement à l’arme atomique, ont vocation à être utilisés en permanence. Mais la situation économique fait qu’aujourd’hui, même les grandes armées européennes, comme celles de la France et de la Grande-Bretagne, ont bien du mal à maintenir toutes les capacités requises. Parlementaires et militaires sont, d’ailleurs, convaincus pour la plupart qu’il n’est plus possible de « tout faire tout seul ». Et la crise va précipiter ce constat, en imposant des priorités. « Il faudra faire des choix », a ainsi prévenu Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense. C’est pourquoi les coopérations initiées depuis de longues années seront amenées à se renforcer. Elles vont d’ailleurs dans le sens de l’histoire puisque les interventions purement nationales deviennent très rares, la nécessité opérationnelle et politique, ainsi que le cadre légal, imposant la plupart du temps des actions en coalition, comme ce fut le cas en Libye. Dans cette perspective, les militaires attirent l’attention du politique sur l’enjeu que représente l’interopérabilité des moyens avec des forces étrangères, non seulement au sein de structures traditionnelles, comme l’OTAN, mais également avec d’autres puissances émergeantes dont les standards peuvent être différents. « Le degré et la nature de l’interopérabilité nous positionnera au cœur ou à la périphérie des coalitions », prévient un général. De même, il convient sans doute de mieux intégrer la démultiplication des acteurs impliqués dans le dénouement des crises, qui ne sont pas uniquement des affaires militaires, mais nécessitent également des actions politiques et économiques, seules garantes d’une stabilisation durable. « La solution à toute crise  est ailleurs, c’est un problème de gouvernance, de développement, de société, de sécurité. Il s’agit d’une démarche globale qui doit être mise en œuvre immédiatement et nécessite un effort de structuration au niveau interministériel et national ».

 

L’Europe de la Défense avance

 

Dans les années qui viennent, la construction de l’Europe de la Défense sera, par ailleurs, totalement incontournable. S’il est vrai que cette nécessité est martelée depuis des années et que, malgré les grands discours, elle est confrontée à une forte inertie, la situation pourrait bien, désormais, évoluer rapidement. Malgré les problématiques de souveraineté et le protectionnisme des Etats membres envers leurs industries - pour des questions politiques et socio-économiques - l’Union Européenne a déjà fait de grands progrès dans ce domaine. La Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) contribue, ainsi,  à la mise en place des concepts et des structures politico-militaires au sein des institutions européennes, mais aussi au déploiement des opérations sur le terrain. Côté structures, l’Agence Européenne de Défense (AED) a pour but d'améliorer les capacités de l’UE, notamment dans le domaine de la gestion des crises, de promouvoir la coopération européenne dans le domaine de l'armement, de renforcer la base industrielle et technologique de défense de l'Union et de créer un marché européen des équipements de défense qui soit concurrentiel. Enfin, elle a pour mission de favoriser la recherche, en vue de renforcer le potentiel industriel et technologique européen dans le domaine de la défense.

 

Ces dernières années, de nombreux programmes européens ont vu le jour, comme l’hélicoptère NH90 et l’avion de transport A400M. Même s’il parait crucial, à la lumières des déboires rencontrés par ces programmes, d’homogénéiser les spécifications des nouveaux matériels pour éviter la démultiplication des versions suivant les désidératas de chaque pays (ce qui entraine des surcoûts et rend souvent les projets plus complexes, provoquant ainsi des difficultés d’intégration et des retards), il est évident que, sans cette coopération européenne, les Etats n’auraient pas eu les moyens de développer et réaliser seuls ces outils.

 

La crise pourrait faciliter les rapprochements

 

Et ce sera d’autant plus vrai avec la crise et les difficultés budgétaires, qui sont finalement vues par un certain nombre de parlementaires et de militaires comme une opportunité pour renforcer l’Europe de la Défense. « Les Européens n’ont plus le choix, ils vont être obligés de mutualiser et de partager des capacités », affirment un député et un officier général. Reste à savoir lesquelles. Actuellement, on pense évidemment aux capacités qui font défaut, comme les drones, ou encore les avions de transport et de ravitaillement. Mais ces perspectives suscitent encore des réticences au sein d’Etats membres, qui craignent de perdre la maîtrise de capacités stratégiques et, par là même, d’un pan de leur souveraineté. Néanmoins, force est de constater, à la lumière des dernières opérations, notamment en Libye, qu’aucun pays européen ne dispose plus, en permanence, de tous les moyens nécessaires pour répondre à une crise lointaine de moyenne ou forte intensité. Et même en se réunissant au sein d’une coalition, certaines capacités, comme on l’a vu en Libye, manquaient aux Européens, imposant une dépendance évidente vis-à-vis des Américains. « On dit qu’on ne veut pas partager la souveraineté mais j’ai d’énormes doutes sur le fait que nous ayons encore cette souveraineté. La question est plutôt de savoir comment recouvrer cette souveraineté », a ainsi lancé à Brest, devant les universitaires, un haut responsable européen.

 

L’UE a toutefois, et c’est une bonne nouvelle, démontré qu’elle pouvait mettre en œuvre des forces militaires cohérentes et sur la durée. C’est actuellement le cas avec l’opération Atalante de lutte contre la piraterie, qui mobilise depuis bientôt quatre ans d’importants moyens aéronavals dans le golfe d’Aden et l’océan Indien. Contribuant significativement à la protection du trafic maritime et donc des approvisionnements européens, l’action de cette force, qui travaille en coopération avec d’autres moyens internationaux (OTAN, Russie, Japon, Chine…) présents sur zone pour les mêmes raisons, est un succès et a obtenu des résultats tangibles contre les pirates. Mais Atalante, si importante soit-elle, ne constitue finalement qu’une « action de l’état en mer » à l’échelle européenne. Pour les opérations militaires majeures, l’Europe de la Défense n’a pas encore fait la démonstration de ses possibilités, passant même à côté de la crise libyenne, un conflit se déroulant pourtant aux portes mêmes de l’Union. A défaut d’entente entre ses membres, l’UE a donc laissé la gestion de la crise à l’OTAN, qui a assuré le commandement d’une opération dont l’essentiel des moyens étaient européens, avec une prédominance de la France et de la Grande-Bretagne.

 

L’OTAN et l’Europe de la Défense complémentaires

 

Ceci dit, pour beaucoup, l’OTAN et l’Europe de la Défense ne sont en fait pas concurrents mais parfaitement complémentaires. L’Alliance dispose notamment de structures de commandement dimensionnées pour les engagements majeurs et beaucoup estiment qu’il serait stupide de ne pas s’en servir. De même, l’OTAN permet aussi de mutualiser des moyens, comme c’est le cas avec un consortium de 14 pays assurant l'affrètement d’avions de transport dans le cadre de la solution intérimaire pour le transport aérien stratégique (SALIS). Il ne tient ensuite qu’aux Européens de s’accorder pour mieux faire valoir leurs intérêts au sein de l’Alliance et, ainsi, jouir d’une position plus équilibrée par rapport aux Américains. Ceux-ci n’y sont d’ailleurs pas forcément hostiles puisque, s’ils aiment logiquement conserver un leadership et faire valoir leur industrie, les Américains considèrent également, aujourd’hui, que les Européens doivent pouvoir assurer leur propre sécurité. Il est donc aussi dans l’intérêt des Etats-Unis, au moment où ceux-ci se recentrent sur la zone Asie/Pacifique et qu’ils sont comme les autres confrontés aux difficultés budgétaires, que l’Europe de la Défense devienne une réalité.  

 

La nécessaire entente politique

 

Malgré les difficultés, l’Europe de la Défense devrait donc amplifier sa marche, un mouvement inéluctable qui passera d’abord par des programmes d’équipements communs, des regroupements industriels (par exemple le projet de rapprochement annoncé cette semaine par BAE Systems et EADS), des mutualisations de moyens puis des partages de capacités, d’abord non souveraines, puis de plus en plus critiques. A terme, c’est toujours la construction d’une armée européenne qui est en ligne de mire, mais cette perspective ne pourra voir le jour que si les conditions politiques sont réunies. Car l’armée est un outil souverain par excellence et certaines capacités ne peuvent dépendre que d’un seul et unique exécutif. L’intégration de l’ensemble des capacités européennes passerait donc obligatoirement par la constitution d’une Europe fédérale avec à sa tête un exécutif unique. Cette approche se heurte encore à de nombreuses difficultés et réticences, chaque pays ayant sa culture et ses intérêts propres. Il faudra donc encore du temps avant d’en arriver là, de convaincre les opinions publiques et d’apprendre à édifier une Europe politiquement unie. Si elle se produit, cette évolution ne se fera d’ailleurs probablement pas à 27, mais d’abord au sein d’un noyau restreint d’Etats dont les visions, les intérêts  et les structures sont les plus proches. Pour l’heure, il s’agit encore de fiction, mais l’idée fait son chemin, renforcée par les déséquilibres géostratégiques et les coups de boutoir budgétaires liés à la crise. Et même si beaucoup d’Européens restent logiquement attachés à l’indépendance de leurs pays, ils sont de plus en plus nombreux à prendre conscience que, sans un nécessaire rapprochement, l’Europe sera condamnée au déclassement sur la scène internationale, avec toutes les conséquences politiques, économiques et sociales que cela suppose.

 

Car le monde n’attend pas après les dissensions et questionnements de l’UE pour muter et même, éventuellement, profiter de la naïveté européenne, bercée par un faux sentiment de sécurité lié à 70 ans de paix sur son territoire, par une croyance erronée en l’autosuffisance économique et le mirage historique des années de grandeur où les grands pays européens dominaient le monde. La réalité est bien différente et les pays émergeants poursuivent leur montée en puissance, qui se caractérise notamment par le développement des outils militaires. C’est le cas  de la Chine, du Brésil et de l’Inde, mais on constate aussi la volonté russe d’investir massivement dans le renouvellement de ses moyens militaires. Ces dernières années, on a constaté le renforcement de l’Asie du sud-est comme nouveau point de gravité de la géostratégie mondiale. Alors que la Corée du nord demeure très surveillée, les tensions se sont amplifiées entre la Chine et ses voisins, avec en toile de fond, la plupart du temps, des revendications territoriales sur des espaces maritimes.

 

La mer, enjeu majeur du XXIème siècle

 

Les Universités d’été de la Défense ont, d’ailleurs, très largement mis l’accent sur les enjeux maritimes, ce qui constitue une nouveauté en France. La communauté de défense et une part croissante des parlementaires semblent, enfin, prendre conscience de l’importance et des opportunités que représente la mer. Il s’agit, en premier lieu, d’assurer la protection des flux maritimes, vitaux pour le commerce international (90% des échanges passent par la mer) dont font par exemple partie, en dehors des biens de consommation, les approvisionnements en hydrocarbures, gaz et matières premières. Or, ces flux sont soumis à de nombreuses menaces, à commencer par celles pesant sur la liberté de navigation dans les passages stratégiques. Ainsi, un simple minage du détroit d’Ormuz, qui relie le golfe Persique à l’océan Indien, suffirait à couper la principale station service mondiale, déstabilisant du même coup toute l’économie. Dans cette perspective, la « diplomatie navale », s’appuyant sur la capacité de déploiement et de frappe d’une flotte, est souvent un outil crucial pour dissuader de potentielles actions touchant le commerce maritime. Il faut, aussi, compter avec le développement du terrorisme et de la piraterie, qui mobilisent de très nombreux moyens en océan Indien, au nord duquel transitent justement les navires marchands ravitaillant l’Europe et acheminant ses exportations en Asie. Les marines doivent également lutter contre le narcotrafic, dont les acteurs utilisent abondamment la mer pour alimenter le « marché » européen via la Méditerranée, l’Atlantique et les Antilles. Les flottes sont, par ailleurs, en première ligne devant la pression migratoire, qui ne cesse de s’accentuer entre le sud et le nord, sans compter les nombreuses missions de service public et d’action de l’Etat en mer qui leur sont dévolues. Sauvetage de personnes, assistance aux navires en difficulté, lutte contre la pollution, police des pêches… Tout cela représente, en France, environ un tiers de l’activité de la Marine nationale.

 

Ces missions, bien que cruciales, ne sont toutefois pas nouvelles, même si certaines ont une importance croissante, qui évolue au rythme des menaces inhérentes. Ainsi, avec le développement considérable et en augmentation constante des richesses transitant au large des côtes, la piraterie sera sans doute une problématique récurrente dans les prochaines années, non seulement au large de la Somalie, mais également en Afrique, en Amérique latine et en Asie.

 

Un potentiel de richesse considérable

 

 Ce qui est en revanche plus nouveau, c’est l’apparition, aux yeux de tous, du gigantesque potentiel économique que recèlent les mers et océans. D’abord, les énergies liées à la mer, qu’il s’agisse d’éoliennes offshores, d’hydroliennes, d’énergie houlomotrice, d’énergie thermique des mers et même, comme le propose par exemple DCNS, de centrales nucléaires immergées. Ce secteur, en plein développement, donne progressivement naissance à de nouvelles filières industrielles, pourvoyeuses de technologies et d’emplois. Le tout en répondant à la nécessité environnementale de diversifier le bouquet énergétique avec, notamment, des énergies renouvelables.

 

Et puis, il y a surtout les incalculables richesses que les fonds marins abritent en termes de produits énergétiques et de minerais. L’évolution de la technologie autorisera l’exploitation de gisements sous-marins toujours plus profonds, qu’il  s’agisse de réserves pétrolières, gazières ou minières, sans oublier le problème crucial des ressources halieutiques. Cela, au moment même où les ressources se raréfient à terre. L’enjeu est donc stratégique et il faudra protéger ces richesses, qui font l’objet de convoitises. Ainsi, quelques 77 pays, dont la France (notamment sur le plateau de Kerguelen, dans l’océan Austral), réclament aux Nations Unies une extension de leurs Zones Economiques Exclusives. Espace historique de liberté, la mer fait l’objet d’une territorialisation sans précédent et la course aux richesses marines provoquera inévitablement des conflits. Déjà, en Asie, les revendications sur la souveraineté d’îles et des ZEE afférentes sont une source croissante de disputes et d’incidents entre la Chine, le Japon et le Vietnam. Et cela ne fait que commencer, en Asie comme ailleurs dans le monde… 

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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 11:30
La France, l'adieu aux armes ? (5/5) - par @MCabirol

 

31.08.2012 par Michel Cabirol - LaTribune.fr

 

Respectée pour ses compétences par ses alliés, l'armée française appartient encore au club restreint des puissances militaires autonomes. Mais elle est aujourd'hui face à un tournant pour maintenir ses ambitions opérationnelles pourtant déjà en mode de "juste suffisance". La très forte contrainte budgétaire et surtout la rédaction d'un nouveau Livre Blanc vont avoir certainement des conséquences sur ses moyens, et donc son fonctionnement. C'est ce qui ressort des auditions à l'Assemblée nationale des quatre grands patrons de l'armée française réalisées en juillet. Le dernier volet des cinq états des lieux proposés par "latribune.fr" montre que le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud est prêt à monter au front pour défendre la cohérence opérationnelle des armées.
 

Les quatre grands patrons des armées sont inquiets. Inquiets de l'avenir au moment où le nouveau gouvernement a lancé cet été des "travaux déterminants pour notre outil de défense" - la révision du livre blanc, déjà démodé alors qu'il ne date que de 2008, et la préparation d'une nouvelle loi de programmation militaire. "Nous savons que ces travaux seront conduits dans un contexte économique et financier difficile, très difficile", souligne le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, qui estime que la révision du livre blanc "imposera des choix conséquents". "Nous sommes à nouveau à l'heure des choix", explique-t-il. Tout en rappelant que "la guerre ne se prévoit pas toujours et la guerre que l'on imagine est rarement celle que l'on fait". "Nous serons surpris, c'est certain, estime-t-il. Nous serons impliqués dans d'autres crises, c'est également certain. Comme il est certain que la physionomie de nos engagements futurs bousculera nos références".

 

"Le monde réarme mais l'Europe désarme"

 

C'est pourquoi les grands patrons des armées ne veulent pas renoncer, en dépit des très fortes contraintes budgétaires qui s'annoncent, à certaines des ambitions opérationnelles de l'armée française. D'autant comme le rappelle l'amiral Guillaud, "le monde réarme mais l'Europe désarme : elle ne consacre plus que 1,6 % de son PIB à ses dépenses de défense, à comparer aux 5 % des Etats-Unis et aux chiffres imposants de la Chine (...). L'Europe désarme alors que la nouvelle posture stratégique américaine est en train de basculer vers la zone Asie-Pacifique". Du coup, le chef d'état-major des armées demande des clarifications sur "l'ambition politique mais aussi l'ambition opérationnelle" que le gouvernement en attend. "Quel rôle souhaitons-nous pour notre pays sur la scène internationale ? Quel rôle à l'Union européenne et dans l'Alliance atlantique ? Quelles opérations souhaitons-nous pouvoir mener ? Autant de questions structurantes car si nos ambitions déterminent notre outil, inversement notre outil contraint nos ambitions". Voici les ambitions sur lesquelles ils s'accrochent.

 

Quels moyens financiers ?

 

Les propos de l'amiral Guillaud sont clairs, très clairs. Il met en garde le gouvernement d'une logique comptable. "S'agissant de l'effort financier, il y a deux façons de voir les choses : soit l'on obéit à une logique strictement comptable - une photo noir et blanc, à un instant donné -, soit l'on regarde la vie avec les trois dimensions géométriques, plus le temps, plus les trois couleurs, plus la biologie. Vous pouvez vivre soit au jour le jour, soit avec une perspective. Je sais bien sûr où va ma préférence, mais c'est un choix qui ne dépend pas de moi". Et de s'interroger "où faut-il mettre le curseur et que faut-il sanctuariser". Selon lui, "toute diminution du budget se traduira mécaniquement par un abandon de capacité. Il est difficile de demander à un militaire de choisir s'il préfère qu'on lui coupe la main droite ou la main gauche en admettant qu'il soit ambidextre". Et d'insister pour que "budget 2013 et la prochaine Loi de programmation de finances publiques n'obèrent pas l'avenir".

 

Le prépositionnement des troupes françaises indispensable

 

Pour le chef d'état-major des armées, si la France veut "conserver une certaine influence", le "prépositionnement me semble une bonne chose". C'est d'ailleurs la solution "historique française, qui permet l'acculturation des troupes déployées". Ce que confirme le chef de l'état-major de l'air, le général Jean-Paul Paloméros. Présente au Tchad avec des avions de chasse, l'armée de l'air peut opérer ainsi au Sahel, notamment pour des missions de renseignement. "Une vraie puissance aérienne montre toute son utilité sur un théâtre aussi vaste", explique-t-il.

Le général Paloméros estime que "la prévention passe par le prépositionnement - six Rafale sont ainsi installés de façon permanente aux Emirats arabes unis, à Al Dhafra". Cette posture, précise-t-il, contribue "à la stabilisation du Golfe persique sans compter que ces avions pourraient au besoin intervenir très rapidement en Afghanistan". "Le prépositionnement à Djibouti permet lui aussi d'assurer un soutien aux nombreuses opérations dans la région, tout en contribuant à sa stabilisation", assure le général Paloméros. C'est également vrai dans les départements et collectivités d'outre-mer (DOM-COM), notamment en Guyane, en Nouvelle-Calédonie... Ce qui a permis à l'armée de l'air d'acquérir « une dimension internationale » grâce à la reconnaissance de la part de pays étrangers.

 

Un constat partagé par la marine. Car "la plupart des opérations militaires se déclenchent très vite, nécessitant la projection rapide d'un dispositif qui fait ensuite l'objet d'une planification plus élaborée, souligne le chef d'état-major de la marine, l'amiral Bernard Rogel. Cela impose de notre part d'avoir, dans des zones de crise ou d'intérêt stratégique, des bâtiments prépositionnés". Ainsi la marine assure une présence en dans l'est méditerranéen, l'Océan indien ou le Golfe de Guinée. Ce qui permet à la marine de surveiller les 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE) de la France. "Si nous ne surveillons pas notre ZEE et ne montrons pas notre pavillon, nous serons pillés". En outre, il rappelle que "l'une des forces de la France repose sur son dispositif de bases mondiales, lequel repose sur les DOM-COM et les accords de défense que nous avons avec des pays comme le Gabon, la Côte d'Ivoire ou les Emirats arabes unis". Ce réseau a permis à la marine de disposer de "capacités d'action quasiment immédiates un peu partout". Ainsi, lors du séisme en Haïti, le fait d'avoir une base à Fort-de-France nous a offert un point d'appui très utile". Même stratégie pour l'armée de terre. J'ai souhaité capitaliser sur les infrastructures militaires des DOM-COM afin d'entretenir une formidable culture de projection", explique le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Bertrand Ract Madoux.

 

La coopération oui mais elle a ses limites

 

"Il ne faut pas attendre des miracles de ces coopérations", avertit le chef d'état-major des armées. Un exemple de coopération inabouti : la brigade franco-allemande. "Cela fait des années, explique l'amiral Guillaud, que l'on essaie de déployer la brigade franco-allemande (dans une opération extérieure, ndlr). Nous n'avons pas réussi à le faire en Afghanistan pour deux raisons : d'abord, les Allemands étaient dans le nord du pays alors que nous étions dans l'est ; ensuite, les règles d'engagement, donc les consignes d'ouverture du feu, n'étaient pas les mêmes pour les Allemands et pour les Français (...) Si l'on veut que cette brigade fonctionne, il faut l'utiliser et non la laisser dans un camp d'entrainement ».

 

D'une façon générale, il estime ce serait « un leurre » de « tout miser sur les partages et mutualisations capacitaires ». Car la « smart defence » de l'Otan et « pooling and sharing » de l'Union européenne sont des opportunités intéressantes mais elles ne rempliront le vocation que si elles sont vécues par tous comme un atout pour faire plus ensemble et non comme une excuse pour faire moins chacun ».  Et de rappeler que « l'envie des Européens pour une défense commune reste faible. L'idée d'une Europe puissance ne fait guère d'émules ». Le général Paloméros y croit. « Cette approche de plus en plus capacitaire, interarmées et internationale, devrait nous permettre de limiter les impasses auxquelles nous serons contraints ». Il estime d'ailleurs que le développement de la défense et de l'Otan impliquera également que « nous passions par l'étape difficile du renseignement ».

 

Dans ce contexte, l'amiral Guillaud plaide lui pour des "coopérations renforcées", qui sont "le chemin le plus réaliste". A l'image de la coopération franco-britannique, « validée dans les faits lors de la crise libyenne ». « Elle doit être poursuivie avec détermination et réalisme parce que nos armées affichent des ambitions et un niveau comparables ». C'est ce que pense aussi l'amiral Rogel.  « Pour mutualiser, il avoir une valeur d'échange, estime le chef d'état-major de la marine. Or, nous avons des capacités navales que nous sommes les seuls à maintenir en Europe, ce qui limite les possibilités en la matière. Enfin, l'amiral Guillaud recommande de renforcer la coopération avec Berlin « indispensable » ainsi que trois autres pays (Italie, Espagne et Pologne).

 

Le renseignement essentiel

 

Le renseignement est la "mission la plus essentielle", estime le général Paloméros. L'armée de l'air dispose "d'une vraie culture en la matière", rappelle-t-il. Ainsi le premier avion qui a survolé l'Afghanistan en 2001 était un Mirage IV. Le renseignement a été aussi indispensable en Libye. "Le renseignement, dont il nous faudra renouveler les moyens avec les dernières technologies disponibles, fera d'ailleurs l'objet d'une réflexion dans le cadre du futur livre blanc".

 

Retrouvez les épisodes précédents :

 

> France, l'adieu aux armes (1/5) "L'armée française ne peut tenir certains de ses contrats opérationnels"

 

> France, l'adieu aux armes (2/5) "En matière d'équipements militaires, la France oscille entre grandeur et décadence"

 

> France, l'adieu aux armes (3/5) "Les déficiences dans l'entretien des matériels français"

 

> France, l'adieu aux armes (4/5) "Seuil d'alerte pour le moral des armées"

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 21:05
Vers un rôle accru du privé dans la défense française

15.02.12 Nathalie Guibert LEMONDE

 

Les feux viennent de passer au vert, en France, pour que les sociétés militaires privées prennent toute leur place dans le monde de la défense. Les derniers mois ont vu converger sur ce sujet les états-majors, les armateurs, les instances gouvernementales, des parlementaires. Un tournant.

 

Dans un rapport bipartisan remis mardi 14 février à la commission de la défense de l'Assemblée nationale, les députés Christian Ménard (UMP, Finistère) et Jean-Claude Viollet (PS, Charente) appellent sans équivoque à soutenir le secteur. "Le monde avance sur ces sujets sans attendre la France. Notre pays doit construire un modèle qui lui est propre", concluent-ils, en proposant une labellisation nationale.

 

Pour leurs promoteurs, ces sociétés représentent autant un marché considérable qu'un outil d'influence stratégique. "L'Etat va donner le signal d'une ouverture maîtrisée", résume un haut responsable du Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale, missionné de son côté en 2010 par l'Elysée avec l'objectif de structurer le secteur. La privatisation de la sécurité est "un phénomène dans lequel on est comme poussé dans une seringue. Prétendre l'arrêter serait hypocrite. Il faut poser les bornes politiques, opérationnelles, juridiques", expliquait il y a peu une source du Secrétariat général.

 

L'emploi régalien de la force - le combat, la garde de prisonniers - est exclu du champ des propositions actuelles. Nul ne prévoit de toucher la loi de 2003 qui pénalise le mercenariat. La "crainte du mercenaire" pèse encore lourd, notent MM. Ménard et Viollet. Pour des raisons d'image, Sodexo, "pourtant propriétaire de l'entité britannique Sodexo Defence, a refusé d'être entendu". On parlera donc en France d'"entreprises de service de sécurité et de défense", ESSD.

 

En Afghanistan, les contractors américains sont plus nombreux que les troupes régulières (113 000 contre 90 000) et ils ont connu pour la première fois, en 2011, plus de pertes (430 morts contre 418), selon le New York Times. Comme en Irak, les privés ont commis bavures et exactions. Ces "problèmes éthiques n'invalident pas l'intérêt des sociétés militaires privées", assurent les parlementaires français.

 

De fait, selon les experts, les prestations armées ne représentent que 10 % à 20 % du chiffre d'affaires mondial du secteur. Les entreprises françaises sont déjà présentes sur d'autres créneaux, très divers, du gardiennage à l'intelligence économique. Dans la logistique et la formation des armées, l'externalisation progresse, y compris en France. Dans les zones de conflit, les sociétés privées gèrent la protection des emprises de l'Union européenne (UE), assurent la logistique de l'ONU. Elles assurent, à l'étranger, l'ingénierie de sécurité et la protection des grandes entreprises nationales, d'Areva à Bouygues. Elles vivent aussi, pour le compte d'Etats, de la formation militaire. C'est le cas de la petite française Gallice Security, qui a pour client le Gabon. Mais c'est l'américaine Academi, ex-Blackwater, qui vient d'emporter pour 500 millions de dollars le contrat pour créer une force supplétive aux Emirats arabes unis.

 

Les nouveaux enjeux de la sécurité maritime ont compté dans la "conversion" française. Le secteur est dominé par les compagnies anglo-saxonnes, certaines ont déjà acheté des bateaux de guerre. "La situation impose de protéger nos navires en y embarquant des gardes armés", défendent les députés. La loi française actuelle ne le permet pas. Mais dans les faits, les 70 commandos de la marine nationale formant les équipes de protection embarquées (EPE) mises à disposition des bateaux sous pavillon français ne peuvent couvrir les besoins. Les armateurs l'ont admis fin 2011, plaidant pour un recours au privé dans "un cadre normalisé".

 

Dans la foulée, un solide verrou a sauté : celui que tenait l'état-major de la marine. "Il faut avoir une approche pragmatique", déclare au Monde l'amiral Bernard Rogel, nouveau chef d'état-major, en rupture totale sur ce point avec son prédécesseur. Pour l'amiral, " il faut garder dans la main de l'Etat la protection des bateaux déclarés stratégiques pour la France, soit parce qu'ils vont chercher une ressource pour laquelle ils n'ont pas le choix de leur zone d'activité (les thoniers, les câbliers des opérateurs de communication), soit que leur cargaison soit elle-même stratégique". Pour tout le reste, "on ouvre".

 

Fondées par d'anciens militaires, des forces spéciales, de la DGSE ou du GIGN, les sociétés nationales saluent avec prudence l'ouverture promise. "Il y avait une certaine hypocrisie à nous dire quand nous quittions l'armée que nous étions l'élite, pour ensuite nous déclarer infréquentables et nous mettre des bâtons dans les roues", souligne Gilles Sacaze, PDG de Gallice Security et ancien du service action de la DGSE. "Nous sommes dans un cercle vertueux", abonde Alexandre Hollander, directeur général d'Amarante, une autre PME du secteur qui déclare une croissance "à deux chiffres". "Nous ne sommes plus vus comme des gens qui viennent piquer dans l'assiette. Et le milieu se professionnalise", ajoute-t-il.

 

La question des armes sera complexe à résoudre. Aujourd'hui, les ESSD qui en utilisent contournent la difficulté en passant par des succursales et des contrats de droit local. Ce qui coûte aussi beaucoup moins cher. Un garde armé libyen est actuellement payé 150 euros par jour ; un Français en toucherait 900, nous explique un patron du secteur. "On fait l'autruche", critiquent les députés. Ils notent qu'en Libye, une société dirigée par des Français mais opérant sous droit hongrois, Argus, assure la sécurité de locaux de l'UE.

 

Les projets actuels cantonneraient les ESSD à un usage de légitime défense. Il faudra néanmoins prévoir des procédures d'exportation particulières d'armes légères dans ce cadre, une possibilité de stockage en France (ce que la police ne voit pas d'un bon oeil), et, surtout, des règles d'ouverture du feu.

 

La France penche pour un contrôle étatique. Une nouvelle loi s'inspirerait de la loi de 1983 qui a organisé le secteur de la protection privée sur le territoire. Un contrôle strict des personnels et des sociétés pourrait être mis en oeuvre par les services. Objectif : une liste de sociétés labellisées. Bruno Delamotte, le patron de Risk and Co, se dit "très dubitatif" sur un cadre législatif : "Comment va-t-on encadrer ma filiale de Dubaï qui va utiliser des Sud-Africains en Irak ?" Pour lui, ces projets masquent le sujet de fond : la fragilité économique des ESSD françaises, sous-financées et trop petites pour la compétition internationale.

 

Au moins, le dossier est sur la table.

 


Le petit marché français

 

 

Quelque 130 sociétés privées de sécurité françaises revendiquent une activité internationale. Mais une poignée d'entre elles réalise 95 % du chiffre d'affaires du secteur : Geos (480 personnes, 38 millions d'euros de chiffre d'affaires revendiqué en 2010), Risk and Co (120 personnes, 20 millions d'euros), Amarante (130 personnes, 10 millions d'euros), Gallice (50 personnes, 5 millions d'euros). Un marché minuscule comparé à celui de la Grande-Bretagne, très bien placée dans le domaine de la sécurité maritime, ou des Etats-Unis, qui sous-traitent depuis longtemps une part de leurs forces, armées et de police (l'Etat américain a versé 85 milliards de dollars, soit 64,5 milliards d'euros, aux SMP en Irak entre 2003 et 2007). La société américano-britannique G4S compte 600 000 employés pour 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Les PME françaises tentent de constituer un groupement professionnel. Les sociétés anglo-saxonnes se sont déjà autorégulées, en édictant un code professionnel de conduite de Genève, moyen d'imposer leur norme au marché mondial.

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 08:50
Sociétés Militaires Privées (SMP): un rapport de l'Assemblée nationale qui leur ouvre la porte

14.02.2012 par P. Chapleau Lignes de Défense

 

C'est un communiqué qui l'annonce aujourd'hui: les députés Ménard et Viollet, dans leur rapport d'information sur les sociétés militaires privées, se disent favorables à la création de ce que j'appelle SPER (sociétés de protection en milieu à risques) et de ce qu'ils appellent ESSD (entreprise de services de sécurité et de défense). On lira leur communiqué ci-dessous.

 

Trois remarques à chaud puisque je n'ai pas encore lu le rapport (mais je suis certain que Christian Ménard va me l'adresser sans tarder):

 

1- de telles sociétés existent déjà en France, dûment enregistrées auprès des autorités et ayant pignon sur rue. S'agit-il d'officialiser ce qui existe déjà légalement, en dépit des affirmations passées du ministre de la Défense sur les SMP?

 

2- la réalité du milieu des SMP couvre un spectre beaucoup plus large que les seules sociétés de sécurité et de protection. Pour ma part, et je n'étais le seul à le dire lors des auditions devant les deux députés, j'avais insisté sur l'éventail large des missions et donc sur la réalité des ESOA (entreprises de soutien opérationnel aux armées) dont les activités doivent aussi être régulées en vue d'un résultat optimal.

 

3- j'attends de lire le rapport, mais je me demande bien si la notion de "régulation" est abordée. Si oui, tant mieux, sinon, c'est un coup d'épée dans l'eau!

 

Bon, je considère que le verre est à demi plein. Trinquons quand même...

 

Le texte du communiqué:

 

« Dans un rapport rendu ce jour à la Commission de la Défense et des Forces Armées de l'Assemblée nationale, les députés (UMP - Finistère) Christian Ménard et (PS - Charente) Jean-Claude Viollet, viennent de briser un tabou en préconisant l'ouverture, en France, d'Entreprises de Services de Sécurité et de Défense (ESSD). Les deux parlementaires, pourtant issus de deux groupes politiques opposés, se rejoignent totalement sur la nécessité de créer des sociétés françaises destinées à assurer la sécurité, notamment à l'étranger, de nos grands groupes industriels, de leurs personnels, mais aussi de leurs intérêts. « Nous devons avoir conscience que notre pays, en raison de la multiplicité des théâtres d'opérations, doit avoir recours à ce type de sociétés. Les Anglo-Saxons, Sud-Africains, Israéliens, entre autres, l'ont fort bien compris en créant de telles entités... » assure Christian Ménard, déjà auteur de deux précédents rapports sur la Piraterie Maritime, ajoutant « les Armateurs de France, l'énorme majorité des militaires (qui voient là la possibilité d'une seconde carrière), les industriels vont dans le sens d'une telle ouverture. Il appartient désormais à notre pays, d'expérimenter (pourquoi pas au niveau de la piraterie maritime ?), de légiférer et, bien sûr, de labelliser de telles sociétés... »

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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 13:20
Retrait d'Afghanistan: Paris et l'ISAF négocient avec des Ouzbeks exigeants

09.02.2012 par P. CHAPLEAU Lignes de Défense

 

Dans le cadre des négociations en cours entre la Force internationale déployée en Afghanistan et les pays voisins comme l'Ouzbekistan et le Tadjikistan (photo ci-dessus, l'aéroport de Douchanbé), les discussions sont ardues. Pour permettre le passage des troupes et des matériels retirés d'Afghanistan, Tachkent, par exemple, pose des conditions "coûteuses", a confié, hier, aux députés, le ministre de la Défense, Gérard Longuet.

 

Pour voir ou revoir l'audition du ministre de la Défense et du ministre des Affaires étrangères, cliquer ici.

 

"Nous avons en réalité trois solutions. Une solution que nous écartons: une voie aérienne de bout en bout, parce qu'elle est très coûteuse", a détaillé Gérard Longuet devant les commissions de la Défense et des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale.


Il y a ensuite "la solution pakistanaise, avec deux passages possibles, mais les relations sont actuellement encore très tendues avec les Pakistanais qui ne font guère preuve de bonne volonté.


La troisième possibilité est "la voie ferrée par l'Ouzbekistan, soit directement, soit par le Tadjikistan", a-t-il ajouté. Mais "l'Ouzbekistan pose des conditions matérielles assez coûteuses", a confié Gérard Longuet, précisant qu'une "négociation collective" avait été engagée avec ces pays voisins de l'Afghanistan par la Force internationale d'assistance et de sécurité (ISAF).

 

 "Le retrait des forces françaises en Afghanistan est une affaire, sur le plan logistique, complexe", a enfin rappelé le ministre de la Défense, confirmant les chiffres évoqués sur ce blog: 1 200 véhicules dont plus de 500 véhicules blindés, 1 500 à 1 800 conteneurs....

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14 octobre 2011 5 14 /10 /octobre /2011 16:25

http://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/espace-collaboratif/redaction-dicod/an/1407212-1-fre-FR/an.jpg

 

14/10/2011 defense.gouv.fr

 

Gérard Longuet a été auditionné à l'Assemblée nationale mardi 4 octobre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012

 

C'est au sein de la commission de la Défense nationale et des forces armées, à l'Assemblée nationale, que ce mardi 4 octobre a été auditionné le ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Gérard Longuet. Il a ainsi pu y répondre aux questions relatives au projet de loi de finances pour 2012.

 

Le verbatim de cette intervention est disponible sur le site de l'Assemblée nationale en cliquant directement sur ce lien.

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