26 Mars 2015 Marine Nationale
Entretien avec le contre-amiral Olivier Coupry, commandant la force maritime des fusiliers marins et commandos, qui expliquent les enjeux de cette transformation.
Amiral, avant d’aborder la question de la réforme, pourriez-vous nous présenter la PRODEF dans la Marine ?
La protection défense est au cœur du métier de fusilier marin, depuis la création de cette spécialité. Il s’agissait alors de pourvoir au service de la mousqueterie à bord des bâtiments pour le combat défensif ou pour les actions à terre. Pour assurer cette mission, il fallait disposer d’un personnel polyvalent, à la fois marin et fantassin. Le fusilier marin s’est ainsi imposé à bord des navires, puis sur les bases de la Marine comme spécialiste de la protection et de la défense. Aujourd’hui, la mission confiée aux unités de fusiliers marins (UFM) vise à protéger 20 sites stratégiques de la Marine en métropole (et en particulier de la Force océanique stratégique, FOST) et 5 sites interarmées outre-mer (bases navales et stations de transmission). Avec la recrudescence des actes de piraterie dans le monde, les fusiliers marins se voient également confier la protection de navires de commerce sensibles ou de bâtiments de combat à faibles effectifs, déployés en zone d’insécurité. Ils participent également à la protection de détachements de l’aéronautique navale déployés sur les théâtres d’opération
Pourquoi cette fonction nécessitait-elle une réforme ?
Cette réforme répondait à une double nécessité. En premier lieu, il fallait prendre en compte le nouveau besoin opérationnel des navires, évoqué précédemment. En second lieu, il était impératif de redynamiser l’organisation et le cycle des activités des équipes de protection, pour leur donner plus de cohérence et surtout une meilleure attractivité aux yeux des jeunes recrues ; bref, après des années d’emploi plutôt statiques et sédentaires, les fusiliers marins ont retrouvé leur vocation initiale : être des marins combattants.
Comment est-elle conduite ?
J’ai souhaité que l’on prenne le temps d’élaborer cette réforme et de la tester. L’état-major de la force a planché pendant un an pour en définir les contours en échangeant avec les unités, les employeurs (les autorités organiques et territoriales) et l’EMM. Nous avons ensuite lancé une phase d’expérimentation de près d’un an avec le groupement de fusiliers marins (GFM) de Toulon et la compagnie de fusiliers marins (CIFUSIL) de Rosnay pour la tester grandeur nature. C’est au terme de cette expérimentation et avec le retour des unités que nous avons lancé la généralisation de la réforme. Elle est effective depuis le 2 octobre dernier. Pour autant, je ne considère pas que nous en ayons terminé. La période actuelle est une période de consolidation.
Et, concrètement, qu’est-ce que cette réforme a changé ?
Plusieurs choses ! D’abord, cela a permis de réintégrer toutes les UFM au sein de la FORFUSCO en affiliant les petites CIFUSIL aux GFM, renforçant par là même l’esprit de corps. Ensuite, les éléments de patrouilles et d’intervention (EPI à 6, 8 ou 9 fusiliers marins) ont été sanctuarisés et constituent désormais le pion de combat, à terre comme en mer, donnant une excellente visibilité à notre organisation. De plus, le rythme des fusiliers marins a été entièrement refondu afin de briser la routine : dorénavant ils alternent un mois de service avec un mois d’entraînement ou de permission et bénéficient d’une période de projection opérationnelle chaque année. Enfin, nous avons dégagé suffisamment de temps pour mieux entraîner nos fusiliers marins dans les deux milieux : terrestre et maritime. En synthèse, c’est une réforme profonde et ambitieuse des structures des activités et de la préparation opérationnelle de nos UFM.
Aujourd’hui, quels sont les premiers retours de cette réforme ?
Les premiers retours des employeurs, qui apprécient l’amélioration qualitative et la réactivité du dispositif, sont plutôt positifs. Nos fusiliers marins adhèrent globalement à la dynamique insufflée, notamment ceux des unités qui ont pu éprouver la réforme sur un cycle annuel entier. Bien sûr, comme tout changement, cette réforme a généré des réticences et j’y suis attentif. En particulier, je suis vigilant au volet RH, toute déficience aux plans d’armement venant perturber le cycle d’activité des unités. Un léger accroissement de nos effectifs permettrait un fonctionnement optimisé de nos unités et une prestation protection défense consolidée.
Au bilan, la réorganisation nous a déjà permis de mieux répondre aux besoins opérationnels, en augmentant légèrement le taux de patrouilles sur les sites à protéger, en déployant plus d’équipes de protection embarquées et en engageant sans délai des EPI à Brest et Toulon dans le cadre du plan Vigipirate. Elle a également permis d’amorcer une amélioration significative du niveau opérationnel de nos fusiliers marins, à terre comme en mer. Je peux affirmer qu’ils sont déjà des marins combattants.
Points clés de la réforme PRODEF
Nouveau rythme d’activités en 3 temps, protection des sites de proximité, préparation opérationnelle et enfin projection.
Pendant 8 mois, alternance toutes les 4 semaines :
• d’une période de service ;
• d’une période de préparation opérationnelle.
• Puis, pendant 4 mois, une période de projection annuelle.
Plus grande variété de projections pour chaque unité de fusiliers marins :
• 22 éléments de patrouille et d’intervention (EPI) outre-mer et à l’étranger ;
• 15 à 17 équipes de protection embarquées (EPE) déployées ou prépositionnées ;
• 2 à 4 équipes de protection de renfort (EPR) déployées sur des bâtiments de la Marine.
Refonte d’organisation :
• les compagnies de fusiliers marins (CIFUSIL) des centres de transmission marine et des bases d’aéronautique navale sont rattachées organiquement aux groupements de fusiliers marins (GFM) de Brest et Toulon ;
• création des centres de protection des forces (CENTPROFOR) au sein des GFM pour planifier le service, les entraînements et répondreaux sollicitations d’entraînement des équipages de la Force d’action navale ;
• dissolution des groupes d’intervention et de renfort (GIR) en tant qu’éléments constitués permanents, chaque compagnie / section de service arme désormais un élément d’intervention rapide.