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6 novembre 2013 3 06 /11 /novembre /2013 13:54
Le général (2S) Allard met en perspective le poids des militaires dans la dépense publique

05.10.2013  Défense Globale

 

Le général de division (2e section) Jean-Claude Allard nous a fait parvenir une analyse personnelle très poussée sur la réalité du poids des militaires dans le budget de l'Etat. Ce directeur de recherches à l'IRIS et ancien commandant de l'ALAT (aviation légère de l'armée de terre, jusqu'en 2008) aligne des chiffres intéressants qui relativisent les sentiments, souvent négatifs, sur l'encadrement et le coût des militaires...

 

Voici le texte intégral du général Jean-Claude Allard...

 

Mise en perspective des réductions d’effectifs dans les armées : l’exception militaire

 

La loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM) est présentée comme un moyen de sanctuariser le budget de la défense, tout en réduisant le volume des militaires, maîtrisant la masse salariale et rééquilibrant les effectifs globaux entre les civils et les militaires. Le ministre précise d’ailleurs que : « L’enjeu, c’est aussi le bon emploi de l’argent de l’État, donc du contribuable ».

 

Ces objectifs trouvent un fort écho dans les médias qui dissertent sur la pyramide obèse et l’encadrement vieillissant, sont bien accueillis dans une partie de la population largement sous informée et sèment le trouble dans les rangs des militaires. Il est de notre devoir de déminer ce discours qui stigmatise une institution de la République, introduit un clivage dans notre société et bouche les horizons individuel et collectif des militaires.

 

Alors, quelle est la réalité du poids des militaires dans les dépenses publiques ?

 

Une très faible part des dépenses publiques

 

La part de la Défense dans la dépense publique totale est très faible (3,2 %), légèrement au-dessus des postes « Ordre et sécurité publique » à 3,1 % et « Loisirs, culture et religion » à 2,5 %, mais largement en dessous des postes « Enseignement » (10,8 %) et « Protection sociale » (42,6 %). De plus, la LPM ne « sanctuarise » pas, mais prévoit un gel budgétaire qui se traduira dès 2014 par une diminution égale au montant de l’inflation (- 1,3 %).

 

Un personnel de la défense sur quatre est civil

 

Alors que les effectifs militaires seront réduits à 186 832 en 2019, les civils de la défense seront 55 447, soit 23 % « non projetable » au sein d’un ministère dont la fonction est le combat.

 

Une faible part des effectifs de fonctionnaires

 

Les militaires ne représentent que 4,3 % de la fonction publique « tous versants » et 11,7 % de la fonction publique d’État.

 

Une masse salariale largement contenue

 

La masse salariale de l’État hors pensions s’établit à 80,6 milliards d'euros, dont seulement 7,7 milliards soit 9,5 % sont consacrés aux militaires qui représentent pourtant 11,7 % des effectifs. De plus, 36 % des revenus distribués sur cette masse salariale sont constitués de primes, seul moyen pour mettre les rémunérations moyennes des militaires aux niveaux de la fonction publique civile.  Cette part des primes est en fait un rude instrument de maîtrise de la masse salariale : elles ne rentrent pas dans le calcul de la retraite, elles permettent de recruter dans les spécialités déficitaires sans modifier la répartition dans les catégories indiciaires, elles disparaissent lorsque leur objet est caduc.

 

Un encadrement très, très faible

 

Le tableau suivant montre la répartition des agents civils et des militaires par catégories. Disponible sur le site de Bercy, il se passe de commentaire.

 

Catégorie A

Cadres

Catégorie B

Professions intermédiaires

Catégorie C

Employés et ouvriers

Total

Civils

Pourcentage par catégorie

56,3 %

20,9 % 

21,3 %

1,6 indéterm. = 100 %

Militaires

Pourcentage par catégorie

13,2 %

(officiers)

53,5 %

(sous-officiers)

33,3 %

(militaires du rang)

100 %

 

 

 

 

 

 

Un ascenseur social mis en panne

 

La réduction importante des tableaux d’avancement des militaires (jusqu’à 30 %) appliquée depuis 2013 aggrave la situation, malgré l’augmentation des compétences exigées pour le soutien et l’engagement opérationnel d’une armée à haute technicité. Cette faiblesse de l’encadrement et sa réduction rejaillissent sur les militaires dans leur ensemble, car les armées pratiquent, à un taux inégalé, l’autorecrutement de leurs cadres. Ainsi, pour l’armée de Terre, 70 % des effectifs de chacune des deux catégories supérieures A et B est recrutée dans la catégorie inférieure.

 

Un encadrement de haut niveau quasi inexistant

 

Les cadres de haut niveau sont classés dans la catégorie A+. Pour les militaires, il s’agit des officiers généraux des trois armées et des organismes interarmées (377 généraux), de la délégation générale pour l’armement (DGA) (111 ingénieurs généraux) et du contrôle général des armées (CGA) (50 contrôleurs généraux) et de quelques colonels en échelle lettre, soit un total de 921 titulaires (0,41 % des effectifs militaires).Dans la fonction publique civile, le taux atteint 5,1 % des effectifs (84 600 titulaires sur 1 665 450 agents). C’est donc sans surprise que les « généraux militaires » ne représentent que 0,3 % du total des «  généraux civils » comme le montre le tableau ci-dessous.

général allard

En dépit de ce bilan très négatif, masses salariales et pyramides des fonctions publiques civile et militaire devraient diverger encore plus.

 

Pour la fonction publique civile, la ministre déclare : « Le contexte est difficile. Et les marges de manœuvre sont étroites. La situation financière de la France est une contrainte. Mais elle ne doit pas être un obstacle. Ni à l’évolution de notre fonction publique, ni à l’amélioration de la situation des agents ».  Ce qui la conduit à affirmer : « Notre volonté est une volonté de renforcement de la fonction publique en même temps qu’une volonté d’amélioration de la situation des agents ». A la défense le discours est d’une autre tonalité « Économies sur le fonctionnement, économies aussi sur la masse salariale ».

 

L’ensemble de ces chiffres se trouvent dans les documents budgétaires 2013. Faisons les connaître !

 

Jean-Claude ALLARD

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10 juin 2013 1 10 /06 /juin /2013 12:50
Ateliers de la citadelle : l’Europe de la défense comme opportunité et nécessité

10.06.2013 Thomas CASAUX - Défense Globale


Les quatrièmes Ateliers de la Citadelle à Lille, dans les locaux du CRR-FR, ont fait de l’Europe de la défense une des priorités dans le processus de construction européenne. Reste à savoir comment. Le Conseil européen de décembre 2013 placera la défense à l’ordre du jour pour donner une dynamique nouvelle à un dossier en perte de vitesse. A l’heure où la plupart des pays ont revu à la baisse leur budget consacré à la défense et où les facteurs de risques se multiplient tout en étant plus diffus, le défi est de taille.

Cette note a été réalisée par Thomas Casaux, étudiant en Master I à l'université catholique de Lille, membre du collège étudiant de la MLEDS et qui contribue à ce blog dans le cadre d'un stage.

 

La première table ronde des Ateliers s’est intéressée aux " Coopérations militaires, les champs des possibles " avec la participation du grand témoin, Alain Richard (sénateur, ancien ministre de la Défense du gouvernement Jospin de 1997 à 2002) et de la modératrice, Nicole Gnesotto (professeur de la chaire Europe au Conservatoire nationale des Arts et Métiers, membre de la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale). Sont intervenus Tomasz Orlowski, ambassadeur de Pologne en France, le général de Kermabon  (conseiller technique au Service européen pour l’Action Extérieure et ancien commandant du Corps de réaction rapide à Lille de 2005 à 2007) et Sven Biscop (directeur de programme à l’Institut royal des relations internationales d’Egmont à Bruxelles).

 

Faire de l’Europe un outil volontaire de défense… 

Le premier constat pointe la faiblesse de la valeur opérationnelle de la PESC (politique étrangère et de sécurité commune). Si personne ne remet en cause l’organisation en elle-même, force est de constater qu’actuellement, elle est en perte de vitesse, les choses n’avancent plus alors que son ambition à terme est de soutenir des opérations militaires. Actuellement, l’UE est capable gérer des crises, par exemple de garantir une formation militaire en Somalie ou encore au Mali. Quid d’une réelle capacité opérationnelle ?

De multiples facteurs poussent l’Europe à se pencher sur le volet militaire de sa construction. Trois retiennent l’attention : l’avenir de l’OTAN (notamment après le retrait en Afghanistan), le repositionnement des Etats-Unis, dont le regard se tourne de plus en plus vers l’Asie, et la crise économique et financière qui n’épargne pas la défense, bien au contraire. La paralysie de l’Union sur le sujet et la baisse des budgets européens de défense font penser aux Américains que l’Europe est peut-être en train de sortir de l’Histoire. Washington a tout à gagner de l'émergence d'une « Union militaire ». Ceci faciliterait son recentrage sur le secteur Asie Pacifique. Plus encore, les Etats-Unis espèrent voir l’Europe assurer la sécurité de son voisinage à savoir la Méditerranée et actuellement le Sahel. A ce titre, la Libye fait office d’occasion manquée. L’Union européenne a peiné pour aboutir à un consensus. Finalement, la France et la Grande-Bretagne ont agi sous le patronage de l’OTAN et des Etats-Unis.

 

…placé sous le signe de la flexibilité

L’opération Serval fait-elle figure de champ du cygne ? Le succès militaire français est révélateur des différents défis auxquels doit faire face l’Europe de la défense. L’intervention a pu être rapide et efficace parce qu’elle découle d’une décision uniquement française.

A l’échelle européenne, une telle rapidité dans l’exécution opérationnelle est difficilement envisageable. Les réactions, quant à la pertinence de l’intervention française, sont révélatrices de la diversité des intérêts politiques, géopolitiques et historiques qui cohabitent en Europe. Le soutien du bout des lèvres d’une partie des partenaires européens et surtout de l’Allemagne illustre les positions en retrait que certains pays ont sur le sujet.

La France a pu déployer le dispositif militaire nécessaire grâce à une aide européenne et américaine en matière de logistique, de ravitaillement, de renseignement (drones) et de gestion de « l’après serval ». L’opération française met à elle seule en lumière les intérêts d’une collaboration militaire européenne accrue, placée sous le signe de la flexibilité, selon les intérêts de chacun. 

 

Pas d’Europe de la défense sans une pensée globale européenne ?

Sur le plan capacitaire, l’Europe compte onze grosses lacunes qu’elle tente de combler. Les principaux axes définis sont : le ravitaillement, le renseignement et le domaine satellitaire. Ces projets sont toujours dans les cartons, la faute à la baisse de la  majorité des budgets européens de défense. Il est donc difficile de demander des efforts dans des projets collectifs alors qu’à l’échelle nationale, l’heure est aux économies.

Une solution est la collaboration par groupement d’Etats membres. Exemple, le groupe « Weimar plus », composé de la France, l’Allemagne, la Pologne, l’Italie et l’Espagne, qui étudie la faisabilité d’une coopération structurelle permanente pour lancer un outil politique qui aboutirait à une coopération militaire accrue.

L’Europe de la défense  ne se fera pas à vingt-huit mais grâce à une impulsion donnée par quelques Etats. Les capacités militaires française et britannique en font des leaders potentiels naturels, s’appuyant sur leur capacité opérationnelle. La coopération Franco-britanniques en matière de défense en témoigne.  Elle est construite sur deux grands axes, l’interopérabilité des forces armées et les capacités industrielles qui résultent du traité de Lancaster House signé en 2010.

Mais cette coopération opérationnelle, à l’image de l’intervention en Libye, se rattache davantage à l’OTAN qu’à l’Union Européenne. En outre, un projet capacitaire collectif ne peut voir le jour sans une vision commune du monde, sans une pensée globale commune. Trois axes de sécurité paraissent primordiaux : la prise en charge de la sécurité du voisinage large, la sécurité maritime dans ces mêmes zones et contribuer au système de sécurité de l’ONU. L’objectif réaliste est d’arriver à une certaine autonomie stratégique régionale pour intervenir dans le voisinage sans passer par la capacité américaine.

Les besoins sont connus. Reste à savoir si prochain Conseil européen peut donner un nouveau souffle au dossier. Premier round en décembre ?

 

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