Déconstruire les navires les plus anciens, dans le strict respect de la réglementation- photo Marine Nationale Alain Monot
14/11/2013 Marine nationale
Parce qu'elle est écologiquement vertueuse et se conforme aux normes environnementales et de développement durable en vigueur dans notre pays, la Marine Nationale élimine proprement, depuis plusieurs années, ses vieilles coques. Environ 100 000 tonnes de navires correspondant à trente-cinq grandes coques et une centaine de petites coques et engins nautiques, sont en attente ou en cours de déconstruction. Chargé de mission des « navires en fin de vie » auprès du chef d’état-major de la Marine (CEMM), le vice-amiral Hubert Jouot s’explique.
«Amiral, quelle est la politique de la Marine en matière de démantèlement de ses navires?
Jusqu’au début des années 2000, les bâtiments condamnés de la Marine, devenus sans emploi, servaient de cibles de tirs pour l’entraînement des forces et la mise au point des systèmes d’armes. Depuis, la Marine a intégré l’évolution de la réglementation internationale sur les immersions, percevant surtout l’intérêt de valoriser les coques dans une approche de développement durable.
À l’exception de quelques cas possibles de cession à l’export, l’objectif principal est désormais de déconstruire les navires, dans le strict respect de la réglementation, de la protection des personnels et de l’environnement, sans pour autant renoncer à la performance économique. Par ailleurs, la Marine a lancé les études de remplacement des navires utilisés en brise-lames par des ouvrages maritimes. Quant aux opérations de déconstruction, la priorité est logiquement donnée aux coques les plus anciennes.
Quelles sont les principales étapes de la déconstruction de navires militaires?
On peut distinguer 3 phases. La première est celle du désarmement, avec la mise en sécurité et en état de conservation des bâtiments concernés. La deuxième, celle de l’inventaire - ou de sa mise à jour - des matériaux potentiellement dangereux. La dernière phase, la déconstruction elle-même, intégrant la dépollution et le recyclage.
L’établissement de l’inventaire des matières potentiellement dangereuses présentes à bord est l’une des dispositions de la Convention de Hong-Kong de l’Organisation maritime internationale (OMI). Cet inventaire est réalisé ou mis à jour par un expert indépendant. Les navires les plus récents de la Marine sont, désormais livrés avec cet inventaire et les bâtiments en service en sont progressivement dotés. Il est ensuite fourni aux industriels candidats à la déconstruction afin de leur permettre de bâtir une offre technique et financière appropriée et robuste. Il est essentiel aussi pour organiser la protection des personnels travaillant sur les chantiers.
Les travaux de dépollution et de déconstruction, puis le traitement des matières polluées et la valorisation des matières recyclables achèvent ce processus, étroitement contrôlé par le Service du soutien de la flotte. Compte tenu des contraintes techniques, juridiques et administratives, ce processus est généralement assez long, mais à la rapidité, est préférée la qualité du travail effectué par le chantier. À ce jour, tous les bâtiments condamnés de la Marine, sont intégrés à des degrés d’avancement divers dans un processus d’inventaire des matières potentiellement dangereuses qu’ils contiennent, en vue de leur prochain démantèlement.
Comment sont choisis les industriels pour ces marchés?
Les industriels sont sélectionnés conformément aux dispositions du code des marchés publics de l’État. Il s’agit de marchés négociés avec publicité et mise en concurrence. Les industriels doivent d’abord apporter les garanties qu’ils disposent des capacités techniques et professionnelles permettant de réaliser les prestations nécessaires pour assurer en sécurité les opérations de déconstruction dans le respect des différentes règlementations.
Au terme de la négociation, la meilleure offre industrielle est retenue sur la base de critères techniques et financiers. Sur le plan technique, l’offre doit être fiable et les processus de dépollution, de déconstruction, de gestion des déchets, de valorisation des matériaux recyclables, de management et de suivi environnemental et SST (santé et sécurité au travail), parfaitement maîtrisés.
Ces garanties obtenues, le critère financier est alors pris en compte afin d’obtenir le meilleur ratio coût-efficacité. Si le candidat retenu opère sur le territoire national, les installations qu’il va utiliser doivent disposer d’une autorisation «installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)». Cette autorisation, accordée par le préfet du département d’implantation du chantier, constitue un préalable pour que le marché lui soit notifié.
Dans les processus de dépollution, comment procédez-vous précisément pour la gestion de matières potentiellement dangereuses comme l'amiante?
Comme tous les bâtiments d’ancienne génération, les polluants qu’ils contiennent sont principalement des matériaux amiantés, des PCB (Poly-Chloro-Biphényls), des métaux lourds et des composants actifs des peintures de carène.
Le but de l’inventaire des matières potentiellement dangereuses réalisé en amont des travaux de déconstruction consiste à les identifier et à les localiser. Tout navire comprend ainsi une part de déchets «valorisables», dangereux ou non, ainsi qu’une part mineure de déchets à «éliminer», non valorisables et non recyclables. Cette partie non recyclable représente généralement de 2 à 10% du tonnage total.
La réglementation prend en compte cette distinction, et la classification de ces déchets induit des restrictions sur leurs exportations possibles.
Aussi, il a été décidé d’adopter une posture de précaution, et de déconstruire les bâtiments de la Marine condamnés, au sein de l’Union Européenne. Toutes les filières de traitement des déchets sont contrôlées et l’autorisation de les exploiter, vérifiée avant d’y recourir. Les matières non polluées sont vendues et recyclées.
Amiral, en quoi cette ultime phase de la vie des navires est-elle devenue importante?
La déconstruction des navires désarmés est un sujet que la Marine inscrit dans une perspective de développement durable. Aussi, elle s’attache tout au long du processus, et dans le respect de la réglementation, à préserver la santé des personnels et l’environnement, à éliminer en assurant leur traçabilité les matières polluantes et à recycler aussi complètement que possible tous les autres matériaux, comme l’acier ou le cuivre principalement.
En prenant la décision de déconstruire ses bâtiments condamnés et sans emploi, la Marine a eu une démarche de pionnière. Elle a ainsi mis sur pied, avec le soutien des services de l’Etat, un processus respectant l’ensemble des règlementations, et qui aujourd’hui, fait référence.
Prenant en compte la vie de ses bâtiments «du berceau à la tombe» dans une approche totalement intégrée, elle accorde tout autant d’importance à leur déconstruction qu’à leur conception et à leur mise en œuvre».
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