15 juillet 2014 RTBF.be (Belga)
L'industrie aéronautique belge fonde de grands espoirs dans un important - mais coûteux - contrat militaire que pourrait passer le prochain gouvernement, l'achat d'un nouvel avion de combat pour remplacer à partir de 2023 les F-16 vieillissants, tout en regrettant à demi-mots que le ministère de la Défense ne se montre pas plus exigeant sur le volet des retombées économiques.
Ils se sont ainsi réjouis de la visite que leur a rendue le ministre sortant de la Défense, Pieter De Crem, au deuxième jour du salon aéronautique de Farnborough (sud-ouest de Londres), l'un des plus importants au monde, avec celui du Bourget qui se tient pour sa part les années impaires près de Paris.
Pieter De Crem est allé à la rencontre de la vingtaine d'exposants belges présents à Farnborough, dont les "grands" du secteur, comme Sabca, Sonaca, Techspace Aéro, Asco et Barco. Mais il s'est refusé à toute déclaration à la presse.
La Défense a adressé début juin à cinq agences étatiques, deux américaines et trois européennes, une demande d'information (en anglais "Request for Information", RFI) concernant cinq avions de combat susceptibles de succéder aux F-16.
Il s'agit de la première étape, non contraignante, d'un - long - processus - qui devrait déboucher vers 2018 sur l'acquisition d'un nouveau chasseur avant la fin de vie prévue des F-16 à partir de 2023, pour autant que le prochain gouvernement s'accorde sur le maintien d'une capacité d'avions de combat.
Relance
L'industrie estime en effet qu'elle pourrait raisonnablement obtenir des retombées économiques équivalentes à la valeur du contrat - de l'ordre de quatre milliards d'euros.
"Un vrai plan de relance", a souligné un responsable d'une entreprise sous le couvert de l'anonymat. "Dans un secteur de haute technologie et en croissance", a renchéri un de ses collègues en rappelant que l'achat des F-16, qualifié en 1975 de "contrat du siècle", avait généré de retombées économiques de trois à quatre fois supérieures à la valeur du marché initial.
Les industriels regrettent ainsi que la Défense n'ait, dans la version finale du RFI (ou "survey") adressé début juin aux Etats-Unis, à la France, au Royaume-unie et à la Suède, plus fait mention de compensations économiques.
"Mais nous ne pouvons plus le faire" en vertu de la législation européenne, ont répondu en choeur l'entourage de Pieter De Crem et l'état-major de la Défense.
Eurofighter
Les cinq agences étatiques auxquelles le RFI a été adressé sont le Joint Program Office (JPO), qui pilote le programme de chasseur F-35 Lightning II construit par le groupe Lockheed Martin, le Navy Integrated Program Office (Nipo) pour le F/A-18E/F Super Hornet de Boeing, la Direction générale de l'Armement (DGA) du ministère français de la Défense pour le Rafale du consortium Rafale International (regroupant l'avionneur français Dassault Aviation et ses partenaires Safran et Thales), la Swedish Defence and Security Export Agency (FXM) pour le JAS-39 de Saab et le ministère britannique de la Défense pour l'Eurofighter du consortium éponyme.
Le ministère souhaite en effet conclure un achat "d'Etat à Etat" - et non directement auprès d'un constructeur, selon plusieurs sources.
Mais tous les contructeurs savent qu'ils doivent envisager l'octroi de retours à l'industrie belge, estime la Défense en se défendant de se montrer "plus catholique que le pape" face à la législation européenne qui interdit désormais explicitement de réclamer des compensations économiques lors des marchés publics.
Pieter De Crem s'était déclaré en décembre dernier clairement partisan de l'achat d'une quarantaine de nouveaux avions de combat lors de la législature à venir si la Belgique souhaitait rester un "partenaire fiable" au sein de l'Otan et de l'Union européenne.
Idéalement, selon la composante Air de l'armée, la décision d'achat devrait intervenir en 2016 au plus tard pour lui donner le temps de préparer son entrée en service avant le retrait des F-16, irrévocablement programmé entre 2023 et 2025. L'avion de Lockheed Martin (anciennement General Dynamics) est en service en Belgique depuis 1979, même si les appareils les plus récents datent de 1991. Les 54 avions survivants, sur les 160 achetés, ont tous subi une modernisation à mi-vie ("Mid-Life Update", MLU) qui se poursuit par des évolutions logicielles et structurelles.